Procès K. Nezzar / H. Souaidia : Presse algérienne du 2 juillet 2002
AFFAIRE NEZZAR-SOUAIDIA
Un procès inédit à paris
El Watan, 2 juillet 2002
C’est un procès inédit qui s’est ouvert hier pour une durée d’une semaine devant la 17e Chambre du tribunal correctionnel de Paris. Au-delà de la plainte en diffamation du général à la retraite, ex-ministre de la Défense, Khaled Nezzar, contre l’ancien sous-officier Habib Souaïdia, auteur de la La sale guerre, pour des propos qu’il a tenus sur France 5 le 27 mai 2001, c’est un procès politique de par sa teneur, la personnalité du plaignant et la qualité de nombre des témoins.
Le tribunal de Paris sera pendant cinq jours une tribune pour un débat contradictoire sur l’Algérie de ces dernières années, débat provoqué volontairement et voulu par le général Nezzar. Un débat qui n’a jamais été possible dans les médias français jusqu’ici. « Au-delà des propos diffamatoires à l’égard de ma personne, c’est en réalité sur tout un peuple, son gouvernement et son armée ( ) que les diffamateurs et leur porte-voix tentent de jeter l’opprobre », a dit le général Nezzar à la barre dans une déclaration préliminaire. « Nous n’avons pas engagé cette procédure pour rien. Nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s’est passé en Algérie ces dernières années », a déclaré l’un des avocats du général Nezzar, Me Jean-René Farthouat. Dans ses propos sur France 5, Souaïdia avait dit notamment : « C’est eux qui décident (c’est-à-dire les généraux). Il n’y a pas de président. » « C’est eux qui ont décidé d’arrêter le processus électoral. C’est eux les vrais responsables. » « Je ne peux pas pardonner au général, ex-ministre de la Défense, des crimes qu’il a commis. » « Ils sont trop lâches. Un ministre de la Défense nationale qui dit qu’il a protégé la République. De qui ces gens parlent. » « Lui quitte la France à minuit, il n’a pas le courage de dire « si vous avez quelque chose contre moi, je suis là jugez-moi » C’est pas un général major, c’est un djoundi, quelqu’un comme ça, il doit passer devant le tribunal. » S’adressant au tribunal, le général Nezzar a expliqué sa démarche : « Il ne m’appartenait pas, en qualité d’ancien ministre de la Défense d’un pays indépendant, de plaider devant un tribunal étranger pour des faits relatifs à l’exercice de ma fonction. Seules les juridictions de mon pays auraient été normalement compétentes pour en connaître. Cependant, malgré les réticences de certains et les incompréhensions de beaucoup de mes compagnons, j’ai en toute conscience pris la décision de déposer ma plainte devant le tribunal de Paris, dès lors que les assertions de certains milieux médiatiques européens, et spécialement français, tentent de faire accroire à l’opinion mondiale que les odieux massacres perpétrés par les islamistes intégristes seraient l’uvre de l’armée algérienne, ou, à tout le moins, le résultat de son coupable laxisme. Une procédure en Algérie aurait été, aux yeux de mes accusateurs, frappée de suspicion, au motif maintes fois évoqué d’une justice subordonnée au pouvoir. » Le général Nezzar a expliqué comment et pourquoi le processus électoral a été interrompu en janvier 1992. « Fallait-il épargner à la nation cette régression mortelle et dès lors interrompre le processus électoral ? Mais cette interruption était-elle une violation des principes démocratiques ? Tel était le terrible dilemme qu’il fallait absolument et sur-le-champ résoudre. Pour les démocrates, travailleurs, intellectuels, syndicalistes, anciens maquisards, pour les associations féminines, pour l’armée et les services de sécurité, l’Etat islamique intégriste est la négation de la démocratie. Aucun scrutin, même apparemment régulier, ne saurait le légitimer. Aussi, sans porter atteinte aux dispositions constitutionnelles comme il sera démontré au cours des débats le processus électoral a été interrompu, et une transition instituée, pour préparer le retour aux élections dès novembre 1995. »
Démission de Chadli
Interrogé sur la démission de président Chadli, le général Nezzar répond que le président Chadli avait démissionné volontairement de ses fonctions pour les raisons qu’il avait exposées dans sa lettre du 11 janvier 1992 au Conseil constitutionnel. « Il s’en est d’ailleurs expliqué le 9 janvier 2001 dans son interview à un journal indépendant algérois. » Plus loin, sur la lutte contre le terrorisme, il dira : « Ce sont (…) ces trois institutions, le Haut Comité d’Etat, le président de l’Etat puis le président de la République, auxquelles il incomba d’assurer la défense de la République contre les assauts du terrorisme intégriste, dont les chefs revenus d’Afghanistan entendaient soumettre l’Algérie au régime sanguinaire de l’Etat théocratique islamiste. » Avant de terminer sa déclaration, le général Nezzar fera remarquer que « lorsqu’un acte terroriste est perpétré à Louxor, on l’attribue logiquement à la Djamaâ islamya ; lorsqu’il se produit à Madrid, on évoque sans hésiter l’ETA. A Londres, l’IRA ; à Washington et New York, l’on condamne Ben Laden et Al Qaîda, mais en Algérie, les promoteurs du livre publié par M. François Gèze et dont Souaïdia est censé être l’auteur, s’interrogent et finissent par accuser l’armée régulière. L’on a même vécu le paradoxe d’un attentat suicide contre le commissariat central d’Alger, fièrement revendiqué par Anouar Haddam, dirigeant du FIS et contesté par l’un de ses partenaires de Sant’Egidio qui l’attribue au pouvoir algérien. » Habib Souaïdia semble avoir bien travaillé ses réparties. Adoptant tantôt un ton assuré, tantôt le registre de l’émotion, l’auteur de La sale guerre perd toutefois de cette assurance affichée lorsque les questions du président du tribunal deviennent trop précises. Il lance : « Si l’Algérie était une vraie démocratie, c’est lui qui serait jugé en premier », en montrant du doigt le général. Il est revenu sur le massacre de Zaâtria, affirmant qu’il se serait peut-être trompé de date dans son livre, mais il reste affirmatif sur le massacre qui serait commis par des militaires. Il affirme également avoir assisté à l’exécution d’un enfant de quinze ans, brûlé vif à Lakhdaria. Le père de cet adolescent se trouve parmi les témoins cités par la défense de Khaled Nezzar. La partie civile citera aujourd’hui des témoins factuels comme l’ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali, Mohamed Daho, le père de l’adolescent dont Habib Souaïdia affirme qu’il a été brûlé vif par les militaires, Ali Haroun, ancien membre du Haut Comité d’Etat, Mohamed Sifaoui, coauteur de La sale guerre qu’il a dénoncé et dont il est en procès avec La Découverte, et Rezzag Bara.
Des victimes comme témoins
La défense de Souaïdia produira comme premiers témoins Mohamed Harbi, Patrick Beaudoin, ancien président de la FIDH, Ahmed Chouchane, ancien militaire, membre du MAOL, Ghazi Hidouci, ancien ministre, et Hélène Flautre, députée européenne. Les autres témoins des deux parties seront entendus mercredi et jeudi. La journée de vendredi sera consacrée aux plaidoiries. Parmi les autres témoins de la partie civile, il y a des victimes du terrorisme, les anciens ministres Leïla Aslaoui et Ahmed Djebbar, l’écrivain Rachid Boudjedra, les témoignages écrits du Pr André Mandouze et de l’ancien Premier ministre Rédha Malek. La défense de Souaïdia citera Salima Ghezali, Malika Matoub, Nacéra Dutour de l’Association des familles de disparus, José Garçon qui a signé hier un article sur cette affaire dans Libération, Mohamed Samraoui, membre du MAOL, Omar Benderra.
Par Nadjia Bouzeghrane
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Alors que son procès contre Souaïdia a commencé hier
Le général-major Nezzar fait l’objet d’une nouvelle plainte
Le jeune independant, 2 juillet 2002
Le procès en diffamation intenté par le général-major à la retraite, Khaled Nezzar, contre Habib Souaïdia, ancien officier de l’ANP, et auteur du livre la Sale Guerre, a débuté, hier, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, en France. Par ailleurs, une nouvelle plainte a été déposée, vendredi à Paris, par neuf Algériens contre le général-major en question. L’ancien ministre de la Défense est accusé par ces personnes de « tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants ».
Les précédentes plaintes déposées pour les mêmes motifs, en avril 2001, contre M. Nezzar ont été, depuis, classées sans suite par le parquet de Paris. Alors que Khaled Nezzar n’a fait aucune déclaration à son arrivée au tribunal, Souaïdia a, quant à lui, réaffirmé sa volonté d’aller jusqu’au bout de ce procès. « Certains ont dit pire que moi, je ne comprends pas pourquoi les généraux m’attaquent et pas d’autres. En tout cas, je ne retire rien de ce que j’ai dit », a-t-il déclaré.
Pour sa part, dans une déclaration faite il y a quelques jours, l’un des avocats de Khaled Nezzar a annoncé que « cette procédure n’a pas été engagée pour rien ». « Nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s’est passé en Algérie ces dernières années », avait déclaré l’avocat. Celui-ci entend faire citer une quinzaine de témoins, dont plusieurs anciens hommes politiques et généraux algériens.
Pour sa défense, l’officier a lui aussi prévu de faire citer de nombreux témoins dont des journalistes, des militaires dissidents et des historiens à l’exemple de Mohamed Harbi. Dans ce procès inédit, l’ancien homme fort du régime n’attaque pas directement le livre de Souaïdia mais les propos qu’il a tenus lors d’une émission diffusée par une chaîne de télévision française, la Cinquième. D’ailleurs, le président de France Télévision, Marc Tessier, est cité à comparaître aux côtés de l’auteur du livre. Notons que ces audiences se poursuivront jusqu’à vendredi prochain avec l’audition des témoins des deux parties. S. H.
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Nezzar-Souaïdia, un procès particulier
Par Slimane Zyadi, La Tribune, Mardi 2 juillet 2002
On a parlé hier de la Sale Guerre dans le tribunal correctionnel de Paris. Ce livre non vendu en Algérie peut être lu cependant à travers le contre-livre écrit par Mohammed Sifaoui, disponible dans toutes les librairies du pays. L’auteur du livre controversé des éditions la Découverte, Habib Souaïdia, un ex-officier de l’armée algérienne, devra donc répondre de l’accusation de diffamation intentée par le général à la retraite et ancien ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar. Ce dernier, toutefois, n’incrimine pas le livre de Souaïdia, mais plutôt ses déclarations qu’il a faites à la chaîne française, la Cinquième. Souaïdia avait accusé la haute hiérarchie militaire d’avoir perpétré les massacres de civils durant les années de feu. Fait inédit, c’est la première fois qu’un ex-haut responsable algérien comparaît devant une juridiction française pour être confronté à un « compatriote », réfugié politique en France, condamné au mois d’avril dernier par le tribunal criminel de Sidi M’hamed. Le verdict d’Alger rendu à l’encontre de Souaïdia : vingt ans de prison par contumace pour « participation à une entreprise d’affaiblissement du moral de l’ANP et de la sûreté de l’Etat » vient comme conforter le général dans son rôle de représentant de l’institution militaire des années 90. Pourquoi le procès ne s’est pas tenu à Alger ? C’est la critique que n’ont pas cessé d’émettre certains observateurs de la scène politique à l’encontre d’une justice algérienne inapte à garantir un tel événement. Aussi, des témoins de premier rang seront convoqués par les deux parties en conflit à l’audience qui se poursuivra jusqu’à vendredi. On aura ainsi réalisé à Paris ce dont les avocats algériens ont toujours rêvé de réaliser à Alger : interroger des responsables de premier plan. Du reste, il semblerait que ce qui importe pour les avocats du général, c’est moins le cas Souaïdia (accusé par l’armée d’être un racketteur et un voyou) que de contrecarrer la campagne médiatique, laquelle a porté un coup à la réputation de l’armée algérienne. Il s’agira pour eux d’aller au-delà de ce livre pour réhabiliter l’image de marque de l’Algérie. Mais il est vrai, les cris parvenus de Kabylie, lieu où une féroce répression s’était abattue sur la population, incitent à beaucoup de prudence. Car le printemps noir avait établi que d’autres Souaïdia couraient toujours les rues. Y aurait-il quelque relation entre ce procès et toutes ces supputations qui ont circulé ces derniers jours sur la professionnalisation de l’armée et la désignation d’un civil au poste de ministre de la Défense nationale ? Possible. « Je ne suis pas masochiste », avait répondu Nezzar l’été de l’année 2001 à la question de savoir s’il n’est pas poussé par un clan du pouvoir sur le terrain de la justice pour servir de bouc- émissaire du régime. C’est dire que le procès promet
S. Z.
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Procès Nezzar-Souaïdia
Vers un débat contradictoire sur l’Algérie des années 90
Pas moins de 17 témoins, dont des ex-cadres de l’Etat de haut rang, ont tenu à témoigner en faveur du général-major en retraite
Par Merzak Meneceur, La TribuneMardi 2 juillet 2002
C’est dans la salle d’audience de la 17ème Chambre du tribunal correctionnel de Paris que s’est ouvert hier matin le procès en diffamation tant attendu intenté par le général-major en retraite, Khaled Nezzar, à l’ex-militaire Habib Souaïdia. En ouvrant la séance, le président de la session, qui durera jusqu’à vendredi prochain, le juge Stéphan, constate que pas une place des bancs de la salle n’est inoccupée et l’intérêt que suscite le procès ainsi que son enjeu peuvent se mesurer par la longue et imposante liste des témoins de la partie civile et de la défense qu’il fait citer. Pas moins de 17 témoins en faveur de M. Nezzar, dont Sid Ahmed Ghozali et Reda Malek (ce dernier absent) anciens Premiers ministres, Me Ali Haroun, ancien membre du HCE, Mme Aslaoui et Ahmed Djebbar, anciens ministres, Khalida Toumi (absente aussi), ministre en exercice, Rezzag Barra, Observatoire des droits de l’homme, Rachid Boudjedra, écrivain et plusieurs personnes victimes du terrorisme. Pratiquement autant pour Souaïdia, dont l’historien Mohamed Harbi, l’ancien ministre Ghazi Hidouci, l’ex-PDG du Crédit populaire algérien, Omar Bandera, et les journalistes José Garçon et Salima Ghezali.Une fois les témoins ayant quitté la salle, où ils reviendront selon les convocations du tribunal, le président Stéphan a pu présenter l’affaire dans laquelle Nezzar accuse pour diffamation non seulement Souaïdia mais aussi le patron de TV5, M. Marc Tessier, et cette chaîne de télévision qui a diffusé les propos jugés diffamatoires dans le cadre d’une émission littéraire. Dans la lignée du contenu de son livre la Sale Guerre, Souaïdia porte des accusations personnelles contre Nezzar dans trois passages que le président Stéphan résume en « trois imputations » : coupable d’interruption du processus électoral en 1991. « Lâche » et « fuyard » pour refus de s’assumer devant la justice en tant que ministre de la Défense et enfin un déserteur de l’armée française qui a plongé l’Algérie « dans l’anarchie et la faillite ». Contre toute attente, et certainement pour la forme, l’un des avocats de Souaïdia, Me Antoine Comte, le premier à prendre la parole, demande une annulation de la citation à comparaître de son client en avançant des arguments juridiques tout en déclarant sa volonté de faire du procès « un débat contradictoire sur la période de dix ans en Algérie ». C’est en s’appuyant sur cette volonté que l’un des avocats de Nezzar, Me Jean-René Farthouat, réfute la demande de Me Comte suivi en cela par le procureur de la République. Le procès proprement dit peut commencer.Après une interruption de séance, la salle a eu droit à une vision des extraits de l’émission de TV5 pour que les déclarations exactes de Souaïdia ne prêtent à aucune interprétation par la partie civile ou par la défense. L’ancien militaire est ensuite invité à la barre pour se présenter et défendre sa cause. Alerte, tantôt serein, tantôt ému, parfois nerveux, Souaïdia raconte sa vie de militaire, sa condamnation à 4 ans de prison en 1995, son arrivée en France et les circonstances de la publication de son livre. Il ne renie rien de ce qu’il a écrit ou dit auparavant. Ses accusations contre l’armée algérienne, qui aurait commis des exactions contre la population algérienne, sont réitérées. Il cite une descente dans la région de Blida où l’armée aurait tué 12 personnes et l’enfant de 15 ans brûlé vif à Lakhdaria. Prenant quelques libertés avec les dates, il affirme qu' »en 1989, l’Algérie était à feu et à sang ». « En Algérie, dit-il, il faut faire ce que disent les généraux sinon on est un homme mort, on monte au maquis, c’est la prison ou l’exil ». Invité par le président de dire pourquoi c’est le général Nezzar qu’il accuse nommément et non un autre officier supérieur ou un membre du gouvernement, Souaïdia explique qu' »il ne veut pas assumer devant la justice [
] fuir la justice veut dire être lâche [
] il est le parrain des autres officiers ». Après avoir répondu aux questions posées par la défense et la partie civile, Souaïdia se retire de la barre pour laisser la place à Nezzar. Celui-ci a choisi de lire une déclaration écrite dans laquelle il explique qu' »au-delà des propos diffamatoires à l’égard de ma personne, c’est en réalité sur tout un peuple, son gouvernement et son armée, confrontés au terrorisme intégriste, que les diffamateurs et leurs porte-voix tentent de jeter l’opprobre. Ces allégations ayant été tenues et amplifiées dans la capitale de la France, j’ai saisi la justice française, car je crois en la justice universelle ». Pour M. Nezzar, l’arrêt du processus électoral était pour « éviter au pays la guerre civile et un glissement inéluctable vers une afghanisation. En un mot, s’opposer à un Etat taliban ». Il affirme que Souaïdia n’apporte « aucune preuve de ces allégations » et « pour échapper à une juste sanction, il tentera de s’abriter derrière la bonne foi ». »Lorsqu’un acte terroriste est perpétré à Louxor, on l’attribue logiquement à la Djamaa islamya, lorsqu’il se produit à Madrid, on évoque sans hésiter l’ETA ; à Londres, l’IRA ; à Washington et New York, on condamne Ben Laden et Al Qaïda. Mais en Algérie, les promoteurs du livre publié par M. François Guez et dont M. Souaïdia est censé être l’auteur s’interrogent et finissent par accuser l’armée régulière », a notamment ajouté le général en retraite qui conclut en affirmant qu’il se doit « de défendre ici [son] honneur comme [il a] l’obligation morale de défendre celui de l’armée algérienne ». Aujourd’hui, le procès donnera la parole aux premiers témoins des deux parties. Les interventions d’un côté de MM. Ghozali, Haroun et Barra et, de l’autre, de Mohamed Harbi et de Hidouci sont particulièrement attendues. On pourrait assister au début d’un grand déballage avec ce qui apparaissait en filigrane hier. Pour les premiers, mettre fin à cette thèse de « qui tue qui ? » en Algérie et que c’est grâce à l’armée et aux démocrates que ce pays tient debout, les seconds pour accuser le régime des pratiques les plus condamnables.
M. M
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Le général et le jeune officier
Par M. Abdou Benabbou, Le Quotidien d’Oran, 2 juillet 2002
Dieu que la symbolique est terrible, à la limite du terrifiant ! Un vieillard bardé de gloriole, du nom de Nezzar, s’en va déposer plainte contre un homme qui aurait pu être son fils, le dénommé Souaïdia, qui a voulu, à sa manière, cracher la contradiction.
La symbolique est d’autant plus affligeante que leur procès va se dérouler pendant cinq jours dans la capitale de l’ancienne puissance coloniale. Curieux paradoxe aussi que ce débat judiciaire particulier que d’aucuns assimilent, à tort, à une confrontation de générations où l’ancien général, ministre de la Défense, croise le fer avec un jeune officier, aux confins d’une Algérie qui célèbre ses quarante ans.
N’y a-t-il pas là, dans cette bien curieuse confrontation, tous les attirails d’une situation « soufrée » d’une indépendance mal assumée et que les deux hommes ne seraient que des épouvantails de la petite histoire, convoqués sans inadvertance pour tracer les contours d’un drame d’un pays et d’un peuple meurtris ?
A ce niveau, il ne s’agit plus de s’arrêter aux hommes, ni aux contingences, mais de s’élever au rang des grandes circonstances d’un pays pour comprendre, à l’occasion, que le procès de Paris est la parfaite illustration du déni de l’autre qui a poussé des Algériens à s’entre-égorger dans un délire d’irresponsabilité que personne ne veut assumer.
Le procès intenté par l’ancien ministre de la Défense est, à l’évidence, un incroyable fouillis où chacun devra faire l’effort de puiser des raisons et des résonances d’une débandade et d’un échec dans le recouvrement d’une souveraineté que tous croyaient aisée et illimitée.
Sans préjuger de son issue, et dans l’obligation de dépasser les petites et puériles accointances, sa symbolique a de quoi terrifier.
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Le général défend l’armée devant la justice française
Nezzar: « Il fallait éviter l’afghanisation de l’Algérie »
Le Quotidien d’Oran, 2 juillet 2002
Une foule nombreuse a assisté, hier, à l’ouverture du procès en diffamation, intenté par le général en retraite, Khaled Nezzar, contre l’ex-sous-officier, Habib Souaïdia, auteur du livre « La sale guerre ».
Le plaignant, l’ex-ministre de la Défense, a regagné la salle d’audience de la 15ème chambre correctionnelle de la cour de Paris par une porte latérale pour éviter la meute de journalistes venus couvrir ce procès, attendu de longues semaines. En plus de son écrit, l’accusé avait tenu des propos sur un plateau de télévision française, en mai 2001, jugés diffamatoires par le général Khaled Nezzar. Ce dernier s’est refusé de répondre aux sollicitations des médias présents sur les lieux du procès. Contrairement à lui, l’accusé ne s’est pas empêché de faire des déclarations. Ainsi, il s’interrogea en affirmant: « Je ne comprends pas pourquoi les généraux m’attaquent », et d’ajouter: « Je ne retire rien de ce que je dis ». Lors de l’audience, l’ex-sous-officier a réitéré ses accusations contre le général et l’armée algérienne d’une façon globale. Il lancera à l’adresse de l’ex-membre du HCE: « L’histoire vous rattrapera dans votre tombe ». Pour sa part, le plaignant s’est contenté de lire un texte préparé d’avance pour la circonstance. D’un ton mesuré, il dira: « Au-delà des propos diffamatoires à l’égard de ma personne, c’est en réalité sur tout un peuple, son gouvernement et son armée (…) que les diffamateurs et leur porte-voix tentent de jeter l’opprobre ». Rappelons que Souaïdia avait mis Khaled Nezzar, Aussaresses et Massu sur le même pied d’égalité en affirmant: « Je ne peux pas pardonner au général Massu et au général Aussaresses les crimes qu’ils ont commis, comme je ne peux pas pardonner au général Nezzar ». Comme faits prouvant les exactions commises par l’ANP, sous les ordres de Khaled Nezzar, il citera le cas d’un enfant de 15 ans brûlé vif. « On le met sur une décharge publique, on verse sur lui de l’essence et on allume avec du plastique », prétend-il. Et de s’exclamer: « Quel être humain peut faire ça? ». Sur la même lancée, il prétend avoir été chargé d’assurer l’escorte de militaires, se passant pour des islamistes, pour commettre des crimes contre des civils: « J’ai vu ces collègues (…) dans des voitures banalisées pour faire la chasse aux Algériens », dira-t-il. Il est à rappeler que les enquêtes de la presse nationale et étrangère ont conclu que Douar Zaâtra n’a jamais vécu de tueries collectives, contrairement à ce qu’avance Souaïdia. Dans sa réplique, Khaled Nezzar a martelé: « L’armée algérienne n’est pas une armée de barbares ». Il a justifié son intervention à la fin de 1991 en empêchant la poursuite du processus électoral, qui devait porter le parti dissous au pouvoir, en affirmant: « L’action de l’armée avait pour but de préserver l’ordre menacé par les islamistes ». Développant son point de vue, il dira: « Il fallait éviter l’afghanisation de l’Algérie, en un mot, l’Etat taliban ». Une manière de reconnaître qu’il assume pleinement l’acte en question.
Soulignons que les avocats de Souaïdia ont déposé une plainte à l’encontre de l’ex-membre du HCE, au nom de neufs Algériens prétendus avoir subi des tortures par des éléments de l’ANP. En avril 2001, des plaintes similaires sont restées sans suite.
Ziad Salah
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Le procès Nezzar-Souaïdia s’est ouvert hier
Le Matin, 2 juillet 2002
Le procès de Nezzar contre Souaïdia s’est ouvert hier au tribunal correctionnel de Paris. Habib Souaïdia a dressé un réquisitoire contre l’armée algérienne durant plus de quatre heures en défendant les thèses contenues dans son livre La Sale Guerre. Khaled Nezzar a dû répondre à une avalanche de questions qui sortaient du strict cadre du contenu de la plainte. Un procès qui s’annonce être véritablement un pamphlet contre la souveraineté de l’Etat algérien. Un piège juridique ?De notre correspondante à Paris, Naziha BenchicouLe procès Nezzar contre Souaïdia s’est ouvert hier au tribunal correctionnel de Paris et durera jusqu’au 5 juillet. La pièce à conviction sur laquelle repose la plainte en diffamation déposée par Nezzar contre l’auteur de La Sale Guerre est l’émission diffusée sur la chaîne de télévision française La Cinquième dans laquelle Souaïdia a accusé le général d’avoir été l’auteur de tortures en Algérie qui a été projetée dans la salle. M. Tessier, le président du conseil d’administration de cette chaîne a délégué un substitut. Le président fait lecture de la plainte relatif au » délit de diffamation publique contre particulier dans l’émission droits d’auteur spécial Algérie » où les écrivains algériens ont été invités à témoigner de leurs livres sur les accusations contre les généraux. Alors que Me William Bourdon, avocat de Souaïdia et des neuf Algériens qui viennent de porter une nouvelle plainte contre Nezzar pour » tortures « , aborde la question juridique – » Dans l’article 53 relatif à la presse, nous ne trouvons pas de lois qualifiant la diffamation publique envers une personne physique » -, l’un des avocats de M. Nezzar, Me Jean-René Farthouat, intervient après lecture d’extraits du brûlot accusant les généraux de massacre sur les populations en faisant remarquer, à partir d’une phrase de Souaïdia : » Les généraux sont trop lâches « , que le pluriel » les généraux » est devenu singulier par métabolisme étrange » et de constater : » S’il y a débat contradictoire, c’est parce que Nezzar l’a voulu. » Le président lit quelques passages du livre La Sale Guerre les plus explicites contre Nezzar, accusé d’avoir mené le pays à la faillite. Après avoir cité les noms des témoins des deux parties, Souaïdia est appelé à la barre aux environs de 13 h. Il entre dans le vif du sujet après s’être présenté : » Les généraux décident pour le pays depuis quinze ans, et ça fait quinze ans que n’avons plus de Président. Je ne peux pas pardonner à Massu et à Aussaresses comme je ne peux pardonner à Nezzar. » Sur sa lancée, Souaïdia accuse les autorités françaises d’avoir été complices avec l’armée algérienne : » Je dénonce les autorités françaises. Il y eut blanchiment d’argent par les généraux avec la complicité des banques françaises. » S’appuyant sur la nouvelle plainte dont vient de faire l’objet Nezzar, il dira : » Je ne suis ni le premier ni le dernier à accuser Nezzar. Il y a eu des propos plus graves que les miens. Je ne vois pas pourquoi il ne s’attaque qu’à moi qui me suis réfugié en France pour parler en toute liberté car en Algérie, c’est soit la prison, soit l’exil ou le maquis. Alors laissons les enquêteurs des ONG accomplir leurs missions. » Il ira plus loin dans son réquisitoire contre l’armée en traitant le général Lamari d' » odieux dans les actes de torture qu’il a commis et auxquels j’ai assisté « . Brandissant une copie de son livre La Sale Guerre dont il dira qu’il ne cesse de faire l’objet de photocopies clandestines en Algérie, Habib Souaïdia fusille du regard son adversaire et lui lance : » Je vous tiens comme responsable. » Le président l’arrête brutalement. Son intervention aura duré plus de quatre heures et demie en développant essentiellement les thèses contenues dans son livre avant que la partie plaignante n’intervienne. Les questions posées par le juge à Nezzar ne sont pas dénuées d’impartialité et ne semblent pas être conduites sur le contenu de l’objet de la plainte. Elles sont toutes politiques et touchent à la souveraineté de l’Etat algérien. Sommé de répondre sur l’arrêt du processus électoral, Nezzar expliquera que c’est » la population qui a demandé l’arrêt du processus électoral et l’armée n’a fait qu’exécuter. Nous savions que le deuxième tour des législatives serait l’afghanisation de l’Algérie. L’histoire jugera. Les directives que j’ai données sont celles d’un Etat de droit. Et l’armée algérienne n’est pas barbare. Les généraux ont fait leur devoir durant la guerre de Libération nationale et ils en portent les séquelles « . Pluie de questions. Démission de Chadli ? » Il l’a décidée de sa propre initiative « . Du HCE (Haut-Comité d’Etat) ? » Je n’étais pas préparé aux problèmes politiques et le mieux placé pour désigner le nouveau ministre de la Défense. » Pourtant, à une question se rapportant à sa désignation par Boudiaf comme ministre de la Défense au sein du HCE, il précisera qu’il ne pouvait qu’accepter la proposition de Boudiaf pour présider aux destinées du pays. Le président de séance se fait agressif et abrupt dans ses questions : » On dit que vous êtes lâche. » Et Nezzar de rétorquer : » Ce sont les propos de Souaïdia et de quelques personnes qui le sont. J’ai toujours assumé mes responsabilités. L’an dernier, j’étais venu en France avec un passeport diplomatique qui ne me permettait pas d’affronter la justice. Aujourd’hui, je suis là devant vous. » L’audition des témoins des deux parties doit commencer aujourd’hui mardi. Parmi les témoins de la partie civile, l’on notera notamment la présence de Mme Leïla Aslaoui et MM. Sid Ahmed Ghozali, Rachid Boudjedra et Ahmed Djebbar.N. B.
Une nouvelle plainte contre le général Nezzar Les détracteurs de Khaled Nezzar ne lâchent pas prise. Ils sont revenus, ce vendredi, à la charge en déposant une nouvelle plainte en France, la même que celle déposée le 25 avril 2001, contre le général à la retraite au moment où ce dernier est à Paris pour assister au procès qui l’oppose à Habib Souaïdia et où il est partie plaignante.C’est ce qu’a déclaré, hier, l’avocat des plaignants, Me William Bourdon : » Neuf Algériens ont déposé plainte contre l’ancien ministre de la Défense pour torture et traitements cruels, inhumains et dégradants. » Les plaignants, dont plusieurs à l’origine de la première plainte, demandent une nouvelle fois au procureur de la République d’ouvrir une enquête préliminaire pour qu’il soit procédé » à l’interpellation et à l’audition » du général. Motif : » C’est sous sa direction que fut appliquée la politique de répression systématique des opposants, notamment du FIS. » De son côté, l’un des avocats de Khaled Nezzar, Me Jean-René Farthouat, a qualifié cette plainte de » nouvelle gesticulation » avant d’ajouter que » tout cela relève d’une opération de montage « .Rappelons que Khaled Nezzar avait quitté précipitamment la France, dans la nuit du 26 au 27 avril, à bord d’un avion spécial envoyé d’Alger. Il sera entendu une année plus tard et l’affaire classée sans suite par le parquet de Paris.Parmi les plaignants figure aussi Lyès Laribi, auteur du livre Dans les geôles de Nezzar, sorti la semaine dernière à Paris (lire notre édition d’hier, 1er juillet 2002). Pour rappel, un avocat algérien, Me Ahmed Si Mozrag, en résidence surveillée au Burkina Faso, et dont le fils avait été mortellement torturé, avait déclaré en mai 2001 être à l’origine de la plainte.
Yasmine Ferrroukhi
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NEZZAR CONTRE-ATTAQUE
Le procès du « qui-tue-qui ? » à Paris
Le Soir d’Algérie, 2 juillet 2002
La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris abrite, depuis hier lundi, le procès de l’auteur « visible » de « la Sale Guerre » . Ce procès en diffamation, individuellement assumé par Nezzar, n’en demeure pas moins une affaire hautement politique. En ce qu’elle met le « quitue- qui ? » au banc des accusés. Une première.Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Cet autre combat contre le terrorisme que les autorités algériennes n’ont jamais osé mener, a permis aux égorgeurs du FIS et à leurs criminels d’alliés politiques nationaux ou étrangers d’avoir le champ libre. Leur propagande est toute simple : innocenter les troupes d’Ali Benhadj de tous les crimes commis en Algérie depuis 1989. Mais, comme des dizaines de milliers de personnes y ont été quand même massacrées, il leur fallait bien un accusé. Il est vite trouvé : l’ANP ainsi que les démocrates républicains qui ont résisté à la déferlante terroriste de l’islamisme politique. La complicité de l’Internationale socialiste aidant, il suffisait à n’importe quel quidam d’affirmer que « c’est l’armée qui tue en Algérie » pour voir son statut métamorphosé. Il en est ainsi d’un certain Habib Souaïdia, radié des effectifs de l’ANP pour avoir été condamné dans une honteuse affaire de trafic de véhicules. Ce malfrat se trouve propulsé au rang de « star ». Il n’a pourtant contribué, dans l’ouvrage de François Gèze, que par son nom. Le livre qui porte sa signature, ce Souaïdia ne saurait même pas le lire, disent de lui des gens qui le connaissent. Par ailleurs, et pour rappel, un confrère du quotidien Liberté, M. Hammouche en l’occurrence, n’a-t-il pas, tout simplement, ridiculisé l’auteur et son « best seller », il y a une année. Il avait prouvé que les massacres narrés dans le livre n’ont tout bonnement pas eu lieu ! C’est dire toute la fragilité du « qui-tue-qui ? » pour peu qu’on daigne l’affronter. Khaled Nezzar avait également fait l’objet, faut-il le rappeler, d’un dépôt de plainte pour « tortures, traitements cruels (…) ». Cette histoire, exagérément médiatisée par les sponsors du « qui-tue-qui ? » sera, étrangement, subitement occultée depuis mai dernier. C’est-à-dire depuis que la justice française – que l’on ne peut accuser d’être manipulée par les généraux – avait classé l’affaire sans suite. Les plaignants, d’anciens militants du FIS, et dont certains traînent des antécédents terroristes, sont revenus à la charge vendredi dernier, avec une plainte similaire. Autrement dit, en désespoir de cause. A travers Nezzar, il est vrai, c’est un choix politique lourd que l’on a voulu condamner, à savoir l’arrêt salutaire du processus électoral de décembre 1991. Une entreprise, certes, largement facilitée par la concorde, mais quelque peu contrariée depuis le 11 septembre.K. A.
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PROCÈS NEZZAR-SOUAIDIA
La bataille de Paris
La nouvelle République, 02-07-2002
La présence d’un ancien ministre de la Défense algérienne dans un tribunal français a créé l’événement, hier, à la 17e Chambre correctionnelle.
Officiellement, c’est un simple procès pour diffamation intenté par le général au sous-officier Habib Souaïdia, pour des propos qu’il avait tenus dans une émission sur la Cinquième.
Mais, finalement, c’est un véritable déballage médiatique au sujet d’une crise algéro-algérienne au vu et au su des magistrats français. Dès 13h30, une foule immense d’anonymes, de journalistes mais aussi de hauts responsables algériens, cités comme témoins, ont pris d’assaut la salle d’audience. Une sécurité renforcée avait été placée par les autorités françaises pour faire face à l’événement.
Dans le camp de Nezzar, plusieurs ministres et responsables ont été cités comme témoins pour soutenir le général à la retraite. Au premier rang, on retrouvera l’ancien Chef du gouvernement Sid-Ahmed Ghozali, l’ancien membre du HCE, Ali Haroun, mais aussi Leïla Aslaoui, Ahmed Djebbar, Saïda Benhabiles, Rachid Boudjedra. L’ancien président de l’ONDH Rezag Bara et Mohamed Sifaoui l’ancien journaliste et ex-coauteur de Souaïdia.
Tribunal sous haute sécurité
Dans l’autre camp, venus manifester leur soutien à Habib Souaïdia. On citera Salima Ghezali, Nacéra Yous de SOS disparus et soeur de Yous Nasrallah, José Garçon, la journaliste de Libération, Mohamed Harbi, l’historien, Ghazi Hidouci, ancien ministre, Mohamed Semraoui, ancien officier, Ahmed Chouchane et Abderrahmane Mesbah.
D’autres témoins clés de cette affaire étaient absents à cette audience événementielle. Il s’agit notamment de Khalida Toumi, citée par la partie civile, et l’ancien Chef du gouvernement Reda Malek, ainsi que Marc Tessier.
D’autres personnalités connues de la scène politique algérienne étaient présentes dans la salle, on citera les représentants de l’Association des familles victimes du terrorisme, à leur tête la députée Fatma-Zohra Flici. Mais aussi, l’ex-sénatrice Anissa Bennameur, ainsi que Hichem Aboud, auteur de La mafia des généraux qui s’est étonné que Khaled Nezzar ne l’attaque pas en justice pour les nombreuses allégations contenues dans son livre.
S’ensuit la citation des propos diffamatoires exprimés par Habib Souaïdia accusant le général Nezzar d’être le responsable direct de la tragédie en décidant d’arrêter le processus électoral.
Souaïdia déclare dans le document filmé et diffusé à l’assistance et aux jurés qu’il ne pardonnera pas « au général Nezzar le fait d’avoir commis des atrocités et refusé d’assumer ses responsabilités devant un tribunal ».
La défense de l’accusé tente alors de jouer sur les textes et précise que l’accusation de diffamation est nulle et non avenue puisque selon les textes, la diffamation concerne le textes et pas les propos filmés.
L’avocat de Souaïdia insiste sur le fait que la notification de la justice française n’est pas arrivée à son client parce qu’il n’avait pas d’adresse. L’un des défenseurs du sous lieutenant entre en scène et dénonce l’obsession acharnée de Khaled Nezzar.
C’est à 15h que Habib Souaïdia est cité à la barre. Le regard perdu, droit et déterminé, l’ancien militaire n’épargne personne et tout le monde en prend pour son grade.
C’est ainsi qu’on saura que le sous-lieutenant est de la promotion qui a enterré Boudiaf, était sortie trois jours avant l’assassinat du président du HCE. On saura aussi qu’il avait été sous les ordres du général Mohamed Lamari, à Béni Messous et dont le second n’était autre que Fodil Chérif l’actuel chef de la 1re Région militaire.
Souaïdia fait de grands efforts pour cacher son faible niveau intellectuel. Il accuse Nezzar et Lamari, d’être « derrière les problèmes de l’Algérie, d’avoir fait 13 millions de pauvres et d’être à l’origine de la mort de 200.000 Algériens et d’en avoir fait disparaître 7000 autres. »
S’agissant de Sifaoui son coauteur dans la Sale guerre, Souaïdia indique que ce dernier « n’était intéressé que par l’argent. Sur les 70.000 FF qu’ils avaient touchés sur le livre, il ne lui en a donné que 8500 alors qu’il avait droit à la moitié ».
Souaïdia conclut son intervention en invitant les jurés à « aller en Algérie et à mettre sur pied une commission d’enquête », tout en précisant qu’il ne sera ni le premier ni le dernier à s’exprimer et que « d’autres militaires vont apporter leurs témoignages sur la barbarie de Khaled Nezzar ».
Habib Souaïdia s’est acharné à dénoncer les gradés de l’armée algérienne en les qualifiant de « monstres et d’assassins ».
Il raconte comment il a été amené à conduire un groupe de militaires déguisés en terroristes et à passer tranquillement un barrage de gendarmes.
Très déterminé et passionné, Souaïdia cite opération sur opération dont les objectifs étaient de « massacrer des personnes d’innocentes et d’instaurer le doute au sein de la population ».
Il s’étonne comment un militaire chargé de la protection des civils peut se transformer en terroriste, tuant, massacrant, violant d’en ajoutant que s’il y avait une justice dans son pays et une démocratie, il ne serait pas en France devant un tribunal étranger. Une réflexion qui provoquera des applaudissements dans la salle, poussant le président de la cour à réagir et à rétablir le silence.
Un acharnement aveugle
Dans sa première intervention devant les jurés, le général Khaled Nezzar rappelle ses états de service une manière de marquer le grand écart entre les deux grades.
Dans la déclaration lue à l’assistance Nezzar déclare qu’il est persuadé que son comportement a toujours été celui d’un homme d’honneur qui ne craint pas à la confrontation devant une juridiction que ses détracteurs n’oseraient accuser de partialité.
Il ajoute qu’il doit défendre devant le tribunal son honneur comme il a l’obligation de défendre celui de l’armée algérienne.
Le général reconnaît qu’il a été lui et d’autres partenaires derrière l’arrêt du processus électoral en 1991 et ce, afin d’éviter « l’afghanisation » de l’Algérie.
Interrogé par la défense sur son départ précipité de Paris en 2001, le général avait les moyens de se défendre, mais il est parti afin d’éviter de créer un incident diplomatique entre Alger et Paris. « Sa présence devant la 17e Chambre du tribunal de grande instance de Paris est une preuve de sa volonté de lever le voile sur cette affaire qui bouleverse les Algériens ».
Salim AGGAR
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À l’ouverture de leur procès, hier, à Paris
Première passe d’armes entre Nezzar et Souaïdia
Par Farid Alilat, Liberte 2 juillet 2002
La première journée a été consacrée à la lecture de l’arrêt de renvoi et à la présentation des témoins à charge et décharge.
Une journée ordinaire pour un procès extraordinaire. Le procès qui oppose le général à la retraite Khaled Nezzar à l’ex-sous-officier Habib Souaïdia s’est ouvert, hier, sans grand éclat au tribunal de Paris. La grande foule qui s’est massée devant la 15e Chambre correctionnelle n’a pas pu y accéder faute de place. Attendu devant la porte principale par les journalistes, Khaled Nezzar a préféré esquiver les questions. Il est rentré par une porte latérale. Sans un mot. Pour sa part, Habib Souaïdia se fend d’une première déclaration: « Certains ont dit pire que moi, je ne comprends pas pourquoi les généraux m’attaquent et pas d’autres. En tout cas, je ne retire rien de ce que j’ai dit. » Voilà qui annonce la couleur.
La première journée est donc consacrée à la lecture de l’arrêt de renvoi et à la présentation des témoins à charge et décharge. L’ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali, Leïla Aslaoui, Rezzag Bara ainsi que l’ancien ministre de l’Éducation sous Mohamed Boudiaf, Ahmed Djebbar sont présents à la demande de la partie plaignante. Mohammed Harbi et l’ex-colonel de l’armée algérienne Mohamed Sahraoui ont répondu à l’appel de Habib Souaïdia. Il est à signaler que de nombreux témoins, cités à comparaître, n’étaient pas présents hier à l’audience.
Flash-back. Au cours d’une émission sur la chaîne publique française La Cinquième consacrée à la crise algérienne, Habib Souaïdia, auteur du livre La Sale Guerre, attaque de front les généraux algériens en les accusant d’être auteurs de massacres collectifs et d’exactions contre des civils. « Cela fait dix années qu’il n’y a pas de président (en Algérie). Il y avait des généraux (
), C’est eux les décideurs, c’est eux qui ont fait cette guerre. C’est eux qui ont tué des gens pour rien. C’est eux qui ont décidé d’arrêter le processus électoral ; c’est eux les vrais responsables (
) Je ne peux pas pardonner au général Massu et au général Aussaresses les crimes qu’ils ont commis, comme je ne peux pas pardonner au général Nezzar (
). Il faut qu’on juge les coupables. » Les propos de Souaïdia venaient alors en relais aux accusations contenues dans son livre, devenu entre-temps un best-seller en France.
Propulsé aux devants des médias, l’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, réagit d’abord par des mises au point par médias interposés avant de décider d’ester en justice Habib Souaïdia pour « diffamation ». « Nous n’avons pas engagé cette procédure pour rien, affirme son avocat, Me Jean-René Farthouart. Nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s’est passé en Algérie ces dernières années. » Un procès politique en somme plus qu’une plainte pour diffamation. Entre-temps, une plainte déposée par un collectif d’Algériens réfugiés en France vient corser le débat. Avril 2001, la police française auditionne des familles d’Algériens qui déposent une plainte « pour tortures » contre de hauts responsables militaires algériens.
Au cours du même mois, Khaled Nezzar se rend en France pour la promotion de ses Mémoires. Très attendue, l’intervention de l’ancien ministre de la défense tourne court. La plainte est actionnée, l’obligeant à une superbe dérobade. Il est évacué de nuit par avion spécial affrété par la présidence algérienne pour échapper à une éventuelle interpellation de la part de la justice française. « L’incident diplomatique » clos, Khaled Nezzar regagne Alger non sans promettre de répondre le moment opportun aux accusations. Chose faite avec le dépôt de plainte contre le sous-officier Habib Souaïdia. Fin avril 2001, le tribunal d’Alger condamne par contumace Souaïdia pour « participation à une entreprise d’affaiblissement du moral de l’Armée et de la sûreté de l’État. » L’homme écope de vingt ans de prison. Mais le véritable procès ne fait que commencer. Il s’ouvre lundi avec un Souaïdia transformé en l’espace d’une audition en vrai rentre-dedans de l’armée algérienne.
« L’Histoire vous rattrapera dans votre tombe ! » assène-t-il à un Khaled Nezzar resté impassible devant l’attaque. Interrogé par le tribunal sur les exactions dont il a été témoin, Souaïdia égrène ses témoignages à propos de militaires algériens ayant brûlé vif un enfant de 15 ans après l’avoir aspergé d’essence. « On prend l’enfant, on le met sur une décharge publique, on verse sur lui de l’essence et on allume avec du plastique (..) Quel être humain peut faire ça ? » s’interroge-t-il. Pour étayer ses témoignages, Habib Souaïdia revient sur le fameux massacre de douar Ezzatria, durant lequel 12 civils auraient été massacrés. « J’ai vu des collègues habillés en civil avec des fusils de chasse, des poignards, portant la barbe et sortir dans des voitures banalisées pour faire la chasse aux Algériens », ajoute-t-il.
Encore un autre prétendu massacre à mettre à l’actif de militaires algériens ? Tout le monde aura su que le prétendu massacre du douar Ezzatria ne serait que le produit de l’imagination du sous-officier Souaïdia.
Des enquêtes menées par des journalistes algériens et français, notamment une équipe de TF1 dépêchée sur les lieux même pour le compte de l’émission Sept à Huit ont conclu à l’inexistence d’un tel massacre. Simple lubie d’un sous-officier en mal de revanche ? Le tribunal de Paris donne la parole au plaignant.
Dans un costume anthracite, Khaled Nezzar écoute Souaïdia sans broncher. Lorsque le président lui donne la parole, l’homme lit un long texte. Il se garde de répondre directement à « son » sous-officier. « Au-delà des propos diffamatoires à l’égard de ma personne, c’est en réalité sur tout un peuple, son gouvernement et son armée (
) que les diffamateurs et leur porte-voix tentent de jeter l’opprobre », déclare-t-il. Pour Nezzar, il s’agit précisément de laver l’affront porté contre l’armée et le peuple algérien. « L’armée algérienne n’est pas une armée de barbares », souligne-t-il. Fallait-il dès lors interrompre le processus électoral, tel que porté en accusation par Habib Souaïdia ? Nezzar répond avec ses arguments : « L’action de l’armée a eu pour but de préserver l’ordre menacé par les islamistes (
). Il fallait éviter l’afghanisation de l’Algérie, en un mot, l’État taliban », martèle-t-il. Un procès politique a commencé, hier, au tribunal de Paris. D’un côté, un accusateur, Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, un homme qu’on présente volontiers comme le porte-parole de l’armée algérienne, et un ancien transfuge de cette même armée, radié de ses rangs et réfugié depuis en France. Indépendamment de l’issue du procès, une donne nouvelle est venue compliquer les choses.
Depuis vendredi dernier, une nouvelle plainte est déposée contre Khaled Nezzar.
F. A.
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Qu’est-ce que la Cour pénale internationale ?
La Cour pénale internationale est un tribunal permanent chargé d’enquêter et de juger les individus accusés de violations massives du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides sont pris en considération par cette cour.
Tout individu peut la saisir. Une fois la plainte déposée auprès du procureur, celui-ci la soumet à une commission préliminaire qui aura à statuer sur sa recevabilité. En cas de réponse positive, après étude du dossier et des preuves avancées par la partie plaignante, une commission devrait se rendre dans le pays de la personne mise en cause pour une enquête approfondie.
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Une nouvelle plainte contre Khaled Nezzar
Et de deux. Une nouvelle plainte contre le général à la retraite Khaled Nezzar a été déposée vendredi à Paris par neuf Algériens pour « tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants ». Selon une dépêche de l’AFP, les plaignants demandent au procureur de la République l’ouverture d’une enquête préliminaire pour qu’il « soit procédé à l’interpellation et à l’audition du général Khaled Nezzar ». Ce dernier se trouvait hier au tribunal de Paris pour un procès qui l’oppose à Habib Souaïdia. Dans un texte, dont une partie a été citée par l’Agence de presse française, les neuf affirment que c’est « sous sa (Nezzar NDLR) direction que fut appliquée la politique de répression systématique des opposants et notamment du FIS et c’est sous sa direction encore que continuèrent à être commis de façon massive des crimes de torture ». Le texte de la plainte qui n’a pas été rendu public indique également que « les déportations, les meurtres collectifs, les exécutions extrajudiciaires en série et surtout l’utilisation massive de la torture se sont inscrits dans le cadre de la politique de répression systématique inspirée par des raisons politiques dont Monsieur Khaled Nezzar a été le principal instigateur et artisan ». En avril 2001, une plainte similaire a été déposée en France contre l’ancien ministre de la Défense. Elle a fini par être classée sans suite par le parquet de Paris après audition du mis en cause, le 4 avril dernier, par la brigade criminelle de Paris. Contacté par l’AFP, I’avocat de Nezzar, Me Jean-René Farthouat qualifie la plainte de « nouvelle gesticulation ». « ça confirme mon idée que tout cela relève d’une opération de montage », affirme-t-il. Cette plainte intervient quelques heures après la mise en place officielle de la Cour pénale internationale, opérationnelle à partir d’hier. Une nouvelle donne qui pourrait influer sur le cours des événements.
F. A.
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