Procès K. Nezzar / H. Souaidia : Presse algérienne du 1 juillet 2002

 

Le procès Nezzar-Souaïdia s’ouvre demain à Paris

Audition des témoins jusqu’au 5 juillet

Le Matin 30 juin 2002

C’est demain que s’ouvrira à Paris devant la 17e chambre du tribunal correctionnel, le procès en diffamation intenté par le général-major à la retraite Khaled Nezzar contre Habib Souaïdia, ancien sous-lieutenant de l’armée et auteur de La Sale Guerre, paru en février 2001 aux éditions La Découverte de François Gèze. Le livre en question, rappelons-le, accuse l’Armée d’être derrière des massacres de civils dont essentiellement celui de Bentalha et Raïs, dans la banlieue de la capitale. L’ex-général-major avait déjà indiqué lors d’une conférence de presse qu' » à travers sa personne, c’est l’Armée algérienne qui est visée, mais que sa démarche n’engage que lui-même si l’enjeu concerne l’Algérie entière « . De leur côté, les éditions La Découverte ont estimé, dans un communiqué de presse diffusé via Internet, qu’il s’agit là  » du premier grand procès du régime militaire algérien « . Ces mêmes éditions organisent toute une campagne de soutien à Habib Souaïdia toujours via Internet. Le procès en question est en même temps intenté contre la chaîne de télévision française La Cinquième. En effet, le 24 août dernier Khaled Nezzar assigne également celle-ci pour  » diffamation  » en raison des propos tenus par Habib Souaïdia lors de l’émission  » Droits d’auteur  » diffusée le 27 mai 2001.
La chambre du tribunal correctionnel aura à auditionner, jusqu’à vendredi (du 1er au 5 juillet), les vingt-six témoins des deux parties dont seize en faveur de l’ancien général qui prendra part au procès. Celui-ci, initialement prévu pour février dernier, a été finalement fixé pour début juillet par la chambre du tribunal de grande instance de Paris en accord avec les avocats des deux parties.
Il est aussi utile de rappeler que le 25 avril 2001, alors qu’il se trouvait en France pour la promotion de son livre Mémoires d’un général, des plaintes des familles de personnes disparues sont déposées le jour même l’accusant de pratique de la torture et d’exécutions extrajudiciaires. Des plaintes jugées recevables par le juge, ce qui contraindra le général-major à quitter précipitamment Paris, dans la nuit du 26 au 27 avril 2001, à bord d’un avion spécial envoyé d’Alger. Il sera, une année plus tard et à sa demande, auditionné par les services de la brigade criminelle de Paris sur ces plaintes.
Khaled Nezzar sera donc présent demain à Paris pour cet unique procès où il est partie plaignante puisque son avocat, Me Ferthouat, vient de déclarer à l’AFP qu’aucune nouvelle audition du militaire n’est envisageable durant son séjour dans la mesure où ces plaintes  » ont fait l’objet d’un classement sans suite après qu’il a été entendu « .
Par ailleurs, lors de l’audience de fixation du 2 octobre dernier, les avocats constitués par M. Souaïdia, en l’occurrence Mes William Bourdon et Antoine Comte, ont indiqué que Me Mahmoud Khelili, avocat au barreau d’Alger et président du Syndicat national des avocats algériens, serait à leurs côtés pour assurer la défense de leur client, et qu’ils souhaitaient faire citer en défense au moins trente-sept témoins lors du procès. Un procès conjugué à la parution, à Paris, du livre Dans les geôles de Nezzar, de Lyès Laribi aux éditions Paris Méditerranée. Un  » accablant  » témoignage sur la torture subie par un étudiant et syndicaliste à Bab Ezzouar qui a été détenu pendant près de quatre ans sans procès.

Yasmine Ferroukhi

AFFAIRE NEZZAR CONTRE SOUAIDIA

Le procès s’ouvre aujourd’hui à Paris

El Watan 2002-07-01

Aujourd’hui, Khaled Nezzar, général à la retraite et ex-ministre de la Défense nationale, sera en procès, à Paris, face à Habib Souaïdia, ex-sous-lieutenant et auteur du livre-accusation La sale guerre. L’ancien haut officier est également poursuivi pour « actes de tortures » devant les tribunaux français en vertu de la Convention de New York de 1984.

Pour sa défense, Khaled Nezzar semble avoir suggéré la confection d’un ouvrage collectif intitulé Algérie, arrêt du processus électoral, enjeux et démocratie, paru aux éditions Marinoor, propriété de Noureddine Benferhat, ancien militaire, et préfacé par Rédha Malek, ancien chef de gouvernement et ancien membre du Haut Comité d’Etat (autorité de fait créée après l’arrêt du processus électoral en 1992). Leïla Aslaoui, ancien ministre, Kamel-Rezzag Bara, président du défunt Observatoire des droits de l’homme (ONDH, organisme officiel), Khaled Bourayou, Abderrahmane Boutamine et Zoubir Soudani, avocats, ont contribué à cet ouvrage. « J’ai cru de mon devoir de ne rien voiler des épisodes successifs dont la finalité était de mettre définitivement un peuple, un pays, sous la botte d’un régime qui n’avait jamais dissimulé ses intentions de restaurer un ordre médiéval », écrit Khaled Nezzar à propos de l’arrêt des législatives de 1991 dont le premier tour avait été emporté par le FIS. Pour Rédha Malek, « l’offensive » contre Nezzar est l’œuvre des islamistes qui « veulent reprendre l’initiative sur le plan politique ». Les défenseurs de Nezzar tentent de « démonter » les accusations de Abdelwahab Boukezouha (qui a retiré sa plainte après l’arrestation de son fils à Alger), de Lyès Laribi et de Mohamed Yacine Simozrag. Ce dernier aurait été, selon sa famille, victime d’une exécution sommaire. L’ouvrage est accompagné d’une annexe riche en documents. On y trouve, notamment, une note de l’avocat-conseil de Nezzar, Jean-Réné Farthouat, dans laquelle il relève que les plaignants n’accusent pas le général pour « une intervention directe » dans les actes de torture. Jean-René Farthouat observe également que « l’immunité diplomatique » accordée à Nezzar et qui lui a permis de quitter le territoire français lors du dépôt de plainte en avril 2001, est illusoire. « Il est exclu, compte tenu des circonstances, que les autorités françaises accordent au général Nezzar un statut diplomatique. Quant à la notion « mission officielle », qui dépend des seules autorités algériennes, la protection qu’elle est susceptible de procurer apparaît très précaire pour ne pas dire pratiquement nulle », relève l’avocat qui conseille à Nezzar de prouver « publiquement » son innocence pour que sa situation redevienne normale (la possibilité de circuler librement en Europe). Lyès Laribi, un des accusateurs de Nezzar, ancien étudiant à l’université de Bab Ezzouar, vient de publier, en France, un livre-témoignage, Dans les geôles de Nezzar, aux éditions Paris-Méditerranée, préfacé par le sociologue Lahouari Addi. Qualifiant le récit de Lyès Laribi d’insoutenable, Lahouari Addi écrit : « Il est à se demander comment est-ce possible que des hommes soient capables de tels actes inhumains, de telles bestialités sans que leurs consciences se réveillent. » Lyès Laribi décrit les conditions de détention et de torture dans les commissariats et dans le centre d’internement d’In M’Guel (700 km au nord de Tamanrasset). Ouverts en 1992, ces centres ont été fermés suite à des pressions internationales, en 1996. Des milliers de personnes, activistes islamistes ou non, y ont séjourné sans jugement. Lyès Laribi avait été accusé de militer au sein d’une association d’étudiants proche du FIS. Il s’agit du premier témoignage sur les conditions de détention dans les camps du Sud. « Je ne connais pas M. Khaled Nezzar, mais au moment des faits, il était ministre de la Défense et vice-président du HCE. Il était donc le premier responsable politique et militaire. J’estime être en droit aujourd’hui de lui demander des explications : j’ai été arrêté, torturé et détenu arbitrairement. M. Nezzar n’a jamais désavoué ces pratiques. Tout cela s’est passé au sein d’institutions qu’il dirigeait, notamment l’armée, et il en est donc entièrement responsable », déclare Lyès Laribi, dans une interview au journal virtuel Algeria-interface.

Par Fayçal Métaoui

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LE PROCES DEBUTERA CE LUNDI

Nezzar à Paris pour affronter Souaïdia

Le Quotidien d’Oran, 1 juillet 2002

Le général Khaled Nezzar et le sous-lieutenant Habib Souaïdia, auteur de  » La sale guerre « , vont s’affronter durant une semaine devant les juges parisiens.
Le procès en diffamation intenté par l’ancien ministre de la Défense algérienne, le général Khaled Nezzar, à l’ex-officier Habib Souaïdia va enfin avoir lieu. Prévue, une première fois, à la mi-février dernier, la confrontation entre le symbole du pouvoir algérien et son accusateur s’ouvrira, à partir de lundi, devant la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris. Le procès ne portera pas sur le livre  » La sale guerre  » (La Découverte), qui accuse l’armée algérienne d’être impliquée dans de nombreux assassinats, notamment des islamistes, et exécutions sommaires, mais sur les propos tenus par Habib Souaïdia lors de l’émission  » Droits d’auteur « , diffusée par la Cinquième le 27 mai 2001. Khaled Nezzar reproche à Habib Souaïdia d’avoir déclaré :  » Cela fait des années qu’il y a pas de président [en Algérie], plus même. Il y avait des généraux, ce sont eux les politiciens, c’est eux les décideurs, c’est eux qui ont fait cette guerre. C’est eux qui ont tué des milliers de gens pour rien du tout. C’est eux qui ont décidé d’arrêter le processus électoral, c’est eux les vrais responsables. […] Il faut qu’on juge les coupables. […] Ce sont les ex-déserteurs de l’armée française qui ont mené le pays vers l’anarchie, vers la faillite « . M. Nezzar n’incrimine pas le livre  » La sale guerre « , qui ne le nomme pas personnellement.
 » J’avais dit que Nezzar est un lâche et que ce sont les généraux qui dirigent le pays, rappelle Habib Souaïdia. Je maintiens tout ce que j’ai dit et suis prêt à affronter quiconque. Je suis prêt à aller devant la justice algérienne « . L’auteur du brûlot, qui a déclenché une vive et longue polémique au sein de la hiérarchie militaire algérienne et donné lieu à une campagne de presse des deux côtés de la Méditerranée, se dit  » heureux d’affronter Nezzar « .  » Qu’est- ce que c’est Nezzar ? Rien « . Nasroulah Yous, auteur de  » Qui a tué à Bentalha. Chronique d’un massacre annoncé « , un livre qui accuse aussi directement l’armée, paru chez le même éditeur, ne cache pas, lui aussi, sa satisfaction :  » Il [Nezzar] est fou. Il vient sur un terrain à risque. On ne demandait que ça. Ce sera un procès à la loyale, avec témoins « .
Habib Souaïdia sera défendu par Mes William Bourdon et Antoine Comte, qui devraient recevoir le renfort de Mahmoud Khelili de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme. Une trentaine de personnes a demandé à témoigner en sa faveur : on y trouve des universitaires comme Lahouari Addi, Tassadite Yassine, Mohamed Harbi, Pierre-Vidal Naquet, des journalistes français et algériens, d’anciens responsables politiques comme l’ancien ministre de l’Economie de Mouloud Hamrouche, Ghazi Hidouci, ou le vice-gouverneur de la Banque d’Algérie et ex-PDG du CPA, Omar Benderra. On annonce également la présence de militaires dissidents comme le colonel Ali Baali, porte-parole du MOAL (Mouvement des officiers algériens libres). Khaled Nezzar aura lui aussi ses témoins.
Selon son avocat, Me Jean-René Farthouat, interrogé par l’AFP,  » aucune nouvelle audition du militaire [Nezzar] -qui avait été auditionné par la police en avril dernier- n’est toutefois envisageable durant son séjour, dans la mesure où ces plaintes  » ont fait l’objet d’un classement sans suite après qu’il a été entendu « .

Arezki Benmokhtar
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Notre procès

L’éditorial de Mohamed Benchicou, Le Matin (Alger) 1 juillet 2002

Il y a un temps pour la politique et un autre pour les généraux : depuis une semaine, masqués ou à découvert, actifs ou à la retraite, ils choisissent de faire l’actualité avec, il faut le dire, un brin de succès et ce qu’il faut d’ironie providentielle. Il y a quelque paradoxe en effet, pour Khaled Nezzar, à vouloir  » laver l’honneur de l’armée algérienne  » dans la capitale de l’ancien pays colonisateur et, de surcroît, à quelques jours du quarantième anniversaire de l’indépendance algérienne, mais le calendrier judiciaire français est ainsi fait qui échappe aux nostalgies. On s’en remettra donc à l’infinie inspiration patriotique du général Nezzar pour éviter que cette inédite célébration du 5 Juillet 1962 en terre parisienne ne s’accompagne d’une déconfiture. Car le procès qui l’oppose dès aujourd’hui à Habib Souaïdia auteur de La Sale Guerre est un saut dans l’inconnu : qui va juger qui ? En théorie, l’ancien ministre de la Défense est le plaignant et Souaïdia l’accusé, mais l’affaire est trop passionnée, trop complexe pour se satisfaire de la théorie. Le procès va déborder très vite sur les rades de la polémique historique, pour devenir ­p; rançon de l’impréparation – un réquisitoire contre l’armée algérienne et, à ce jeu-là, pourquoi se le cacher, il n’y a guère de place pour la neutralité : cette cause est la nôtre. Ce débat-là est le nôtre. Aucun Algérien ne peut accepter que s’ouvre un nouveau Nuremberg qui jugerait les généraux algériens et qui disculperait les terroristes islamistes à l’heure où le GIA en est encore à tuer aux portes d’Alger. S’il est vrai qu’aucune fin ne justifie la torture comme moyen, s’il est du droit absolu des intellectuels qui soutiennent Habib Souaïdia de dénoncer les atteintes aux droits de l’Homme ­p; et il y en a eu ­p;, il est tout aussi vrai que le procès de Paris ne saurait réinventer l’histoire, plonger la douleur algérienne dans l’eau bénite de l’amnésie pour la ressortir conforme aux calculs des chefs islamistes. Un procès des  » janviéristes  » arrangerait sans doute certains cercles présidentiels et leurs nouveaux repentis, mais affaiblir aujourd’hui l’armée au moyen d’une entorse fatidique à l’histoire est le plus sûr moyen d’accélérer l’agonie nationale. C’est tout l’enjeu du procès de Paris.
M. B.
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Le procès Nezzar-Souaïdia s’ouvre aujourd’hui à Paris

Le Matin (Alger) 1 juillet 2002

Le procès Nezzar contre Souaïdia qui s’ouvre aujourd’hui au tribunal correctionnel de Paris s’annonce d’ores et déjà politique.
En effet, le général à la retraite, ancien ministre de la Défense (1990-1993), qui avait déposé une plainte contre l’auteur de La Sale Guerre pour des propos  » diffamatoires  » contre l’armée algérienne s’engage à  » défendre l’honneur  » de cette dernière.

Démonter La Sale Guerre

L’affaire s’ouvre aujourd’hui au tribunal de grande instance de Paris : le général major Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, contre Habib Souaïdia, ex-sous-lieutenant de l’ANP, auteur de La Sale guerre, un livre dans lequel il tente de démonter l’implication des militaires algériens dans des massacres perpétrés en Algérie. L’événement est de taille, historique, pour beaucoup, car la défense de Khaled Nezzar doit assurer la lourde tâche de démonter une à une les allégations de Habib Souaïdia même si la plainte ne porte pas sur le livre en lui-même mais sur les propos tenus par son auteur au cours d’une émission diffusée par la chaîne de télévision française, la Cinquième.  » Ce sont eux qui ont décidé d’arrêter le processus électoral, ils sont les vrais responsables « , avait-il alors déclaré, tout en faisant un parallèle avec les tortures commises par l’armée française durant la guerre d’Algérie.  » Je ne peux pas pardonner au général Massu et au général Aussaresses les crimes qu’ils ont commis comme je ne peux pas pardonner au général Nezzar () Les généraux ont tué des milliers de gens.  »
L’affaire est ainsi nettement liée à l’arrêt du processus électoral en 1992, et le procès revêt, de ce fait, une connotation hautement politique. Les agences de presse étrangères ont d’ailleurs, dès hier, donné un aperçu du regard porté sur ce procès.  » Un haut dignitaire algérien, le général Khaled Nezzar, vient défendre lundi l’honneur de son armée devant la justice française en attaquant un ancien officier, Habib Souaïdia, auteur d’un livre accusant les militaires de massacres, La Sale Guerre, écrit l’AFP.
Khaled Nezzar est lui aussi présenté comme étant le principal instigateur de l’interruption de ce processus. Et la défense de l’ancien officier voit en ce procès un  » extraordinaire paradoxe « .  » Nous avons, d’un côté, un accusé qui est un homme extrêmement courageux et qui dénonce des faits graves et, de l’autre, une victime qui est suspectée d’avoir couvert des exactions d’une extrême gravité « , déclare ainsi Me William Bourdon. Il ajoute :  » A travers la condamnation de Souaïdia, le général Nezzar cherche l’acquittement de l’Armée algérienne.  » Pour sa défense, Habib Souaïdia a lui aussi prévu de faire citer de nombreux témoins : journalistes, militaires algériens dissidents et historiens (dont Pierre Vidal-Naquet et Mohammed Harbi). Des témoins qui, dans leur majorité, se distinguent depuis plusieurs années par leur soutien acharné à la fameuse question  » Qui tue qui ? « , et leur farouche opposition à l’arrêt du processus électoral en 1992.
A. C.
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Les pressions se multiplient

Le Matin (Alger) 1 juillet 2002

Au moment où le procès Nezzar-Souaïdia s’ouvre, un autre livre accusant le général à la retraite de torture est publié en France.

Une agitation particulière entoure le procès Nezzar-Souaïdia qui s’ouvre aujourd’hui, en France, devant le tribunal de grande instance de Paris. En effet, au moment même où l’auteur du livre La Sale Guerre, Habib Souaïdia, qui pointe du doigt l’Armée algérienne dans le massacre de civils, devra répondre devant le juge des accusations de diffamation portées contre lui par le général à la retraite Khaled Nezzar, dans les librairies françaises sortira un autre brûlot intitulé Dans les geôles de Nezzar qui implique, une fois de plus, M. Nezzar dans la torture et l’internement de plusieurs personnes dans les fameux  » camps du Sud  » ouverts par le gouvernement en 1992. L’auteur, Lyès Laribi, dont la biographie est rapportée par le journal on-line Algeria Interface, est un ancien étudiant et syndicaliste à l’université de Bab Ezzouar. Son livre publié par les éditions Paris-Méditerranée est un témoignage sur les sévices corporels et les conditions de détention endurés par les prisonniers dans les camps d’internement du Sahara algérien. L’étudiant est arrêté et inculpé en 1992 pour appartenance à un groupe estudiantin proche de l’ex-Front islamique du salut, le Mouvement universitaire pour la défense du choix du peuple opposé à l’annulation du processus électoral. Torturé, il sera mis en détention préventive durant 44 mois à In M’guel, dans le Sud, et à Blida avant d’être relâché. En avril 2001, alors qu’il vient d’arriver en France, il décide de porter plainte pour  » crimes de torture  » contre l’ancien ministre de la Défense. A la même période, d’autres poursuites sont engagées contre ce dernier par des proches de disparus l’accusant d' » usage massif et systématique de la torture  » et d' » exécutions extrajudiciaires « . Le général se trouvant à l’époque en France pour la promotion de son dernier livre avait dû rentrer précipitamment au pays. Il renouera contact, toutefois, de son propre chef avec la justice française qui l’entendra et décidera de ne donner aucune suite à ces différentes plaintes. Le procès de l’ex-lieutenant Habib Souaïdia sera également accompagné d’un rassemblement de soutien devant le tribunal à l’initiative d’un collectif dénommé le Collectif permanent de solidarité avec le peuple algérien. Mais ce n’est pas le seul soutien dont bénéficiera l’auteur de La Sale Guerre dans cette affaire. C’est également l’occasion qu’a choisie Amnesty International pour relancer ses accusations contre le Pouvoir algérien. Vendredi dernier, l’organisation de défense des droits de l’Homme appelait de nouveau le gouvernement algérien à  » cesser de faire obstruction aux enquêtes concernant les graves atteintes aux droits humains  » et remettait sur le tapis son exigence d' » une commission d’enquête indépendante et impartiale pour faire la lumière sur les graves dérives commises par les forces de sécurité, les milices armées par l’Etat et les groupes armés  » dans notre pays.
C’est donc dans ce contexte de pressions politiques que se déroulera en France le procès Nezzar-Souaïdia. En Algérie, Me Farouk Ksentini, président de la Commission consultative des droits de l’Homme, vient, lui, de jeter un véritable pavé dans la mare, via le même journal électronique. Dans un entretien axé essentiellement sur le dossiers des disparus, l’avocat reconnaît l’existence d' » obstructions des services de sécurité  » dans la recherche de la vérité sur les disparus.  » Si un corps de sécurité refuse de nous répondre ou si sa réponse n’est pas satisfaisante, nous considérons que la disparition lui est imputable « , indiquera Me Ksentini avant d’ajouter :  » L’Etat est responsable des disparitions puisque la Constitution lui fait obligation de garantir la sécurité des personnes. En est-il coupable ? C’est un autre problème.  »
Soraya Akkouche

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L’un des avocats de Khaled Nezzar l’affirme

 » La partie adverse veut un procès médiatique contre Nezzar « 

Le Matin (Alger) 1 juillet 2002

Contacté hier à Paris, l’un des avocats de Khaled Nezzar confirme qu' » en effet, la partie adverse va tenter de transformer le procès d’aujourd’hui en procès médiatique contre Nezzar et contre l’Armée algérienne. Mais pour amener le procès sur le terrain de la torture, il faut des preuves irréfutables, et ce n’est d’ailleurs pas le propos dans cette affaire « . Notre interlocuteur rappelle que Nezzar est la  » victime  » de  » propos diffamatoires  » tenus par le sous-lieutenant Souaïdia dans une émission télévisée d’une chaîne française. Concernant les très nombreux témoins de celui-ci, l’avocat dira ne pas s’en inquiéter car ils sont  » des témoins d’opinion, de conviction appartenant à un même courant de pensée politique, et dont certains sont d’ailleurs signataires du fameux appel des 100 qui demandait à l’Algérie d’appliquer le contrat de Rome « , contrat qui exigeait entre autres redditions l’application de la charia. Les témoins de Nezzar sont, eux, des témoins  » factuels « , soit des victimes des islamistes armés, soit des personnalités algériennes qui ont eu à occuper de hautes fonctions dans l’Etat telles que Sid-Ahmed Ghozali ou Ali Haroun. Souaïdia n’aura pour se défendre que des communiqués d’organisations humanitaires ou des opinions politiques d’intellectuels et de journalistes. En tout état de cause, affirme l’avocat, il faut être confiant, les magistrats français appliqueront la loi dans un procès où l’accusé n’est pas Khaled Nezzar, mais bien Habib Souaïdia.
G. K.
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Procès Nezzar-Souaïdia

Un procès médiatique

Liberte, 1 juillet 2002

Le procès opposant l’ancien ministre de la Défense, le général Khaled Nezzar à l’ancien officier de l’ANP, Habib Souaïdia, l’auteur du livre La Sale guerre s’ouvre, aujourd’hui, au tribunal de Paris. Khaled Nezzar intente un procès pour « diffamation » suite aux propos tenus par l’auteur en mai 2000 sur la chaîne française la Cinquième. Au cours d’un débat, l’ancien sous-lieutenant Souaïdia avait accusé Khaled Nezzar d’être le responsable de l’interruption du processus électoral en janvier 1992. Il a également accusé les généraux algériens d’avoir « tué des milliers de gens ». Plusieurs personnalités politiques algériennes, notamment Sid Ahmed Ghozali, Ali Haroun, Leïla Aslaoui, devront témoigner en faveur de Khaled Nezzar. Pierre Vidal Naquet, Mohammed Harbi, José Garçon, Salima Ghozali et Malika Matoub feront partie du collectif de témoins cités par Habib Souaïdia. Il est à noter que ce procès, qui promet d’être très médiatique, intervient au moment où sort en France, Dans les geôles de Nezzar », un témoignage d’un ancien militant islamiste, Lyès Laribi, sur les actes de tortures et exactions qu’auraient commis les services algériens à son encontre. Voilà qui ajoutera du piment à un procès algéro-algérien tenu dans la capitale française.

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LE PROCÈS NEZZAR-SOUAÏDIA AUJOURD’HUI À PARIS

L’heure de vérité

L’expression, 01-07-2002

Une brochette impressionnante de témoins donnera du poids aux thèses en confrontation.
Nezzar, pour l’association, de droit français, Vérité et Justice et le Collectif des familles des disparus en Algérie, « est tout simplement l’un des principaux responsables de la  »Sale guerre » qui ensanglante l’Algérie depuis 1992″. Cette déclaration relevée dans un communiqué de l’association a sanctionné la visite en France de l’ancien ministre algérien de la Défense. Cela se passait en avril 2001. Khaled Nezzar devait présenter son livre. Demain, « l’artisan » de l’arrêt du processus électoral en 1992 sera confronté, trois jours durant, à Habib Souaïdia, ancien parachutiste des forces spéciales de l’armée algérienne et à ses témoins. Le général à la retraite a été la seul responsable algérien à soutenir, devant les médias et la justice d’outre-mer, les propos d’un auteur dont les vertus littéraires ont été, à un certain moment, mises en doute. Sa condamnation par le tribunal d’Alger, pour « participation à une entreprise d’affaiblissement du moral des troupes de l’ANP et à la sûreté de l’Etat » semble être plus une réaction défensive qu’une volonté d’aller à l’avant de l’affaire.
Les crimes retenus par le tribunal contre Souaïdia justifiaient pourtant une action en justice et une demande d’extradition. Habib Souaïdia « a la possibilité légale, soulignait l’agence étatique de presse (APS), dans son compte-rendu, de s’opposer au jugement et bénéficier d’un autre procès, une fois de retour au pays. » Les choses se passent autrement pour Nezzar qui a décidé de porter et de défendre l’honneur de l’Armée en France. « Nous n’avons pas engagé cette procédure pour rien. Nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s’est passé en Algérie ces dernières années », optimise, pour sa part, l’un des avocats de Nezzar, Me Jean-René Farthouat.
Le retour de l’ancien membre du HCE en France est marqué par un antécédent spectaculaire. Dans la nuit du 25 au 26 avril 2001, alors qu’il faisait la promotion de son livre, il est sorti précipitamment de France. Pour cause: dans la matinée du 25, les maîtres Wiliam Bourdon et Antoine Comte introduisent devant le procureur de la République de Paris une plainte pour « torture et traitements cruels, inhumains et dégradants » contre le général. Les services français de police n’ont pu procéder à l’audition du général. Le parquet de Paris classera la plainte, en juin 2001, compte tenu du fait que le général Nezzar n’était pas, ou plus, sur le territoire français. A la désapprobation née de cette opération d’évacuation, le Quai d’Orsay a fait valoir que le général Nezzar se trouvait en « mission officielle » en France. Le général n’occupe plus une fonction officielle depuis 1994, date à laquelle le HCE a été dissous et le poste de ministre de la Défense a changé de main.
Aujourd’hui, la machine médiatique française tente, tant bien que mal, de recréer les mêmes conditions de pression autour de cette affaire. La semaine dernière, un autre livre mettant en cause le général dans des « crimes de torture » est paru en France. Son auteur, Lyes Laribi, est derrière la plainte qui a été déposée contre le général en avril 2001 et qui l’avait obligé à raser les murs.
A l’audience de demain, le général Nezzar n’attaquera pas directement le livre de Souaïdia, La sale guerre, paru aux éditions La Découverte et vendu à 65.000 exemplaires, mais les propos qu’il a tenus lors d’une émission diffusée par la chaîne de télévision française, La Cinquième. Marc Tessier, président de France télévisions est cité à comparaître à cet effet aux côtés de Souaïdia.
Une brochette impressionnante de témoins, donnera, d’un côté comme de l’autre, du poids aux thèses en confrontation. Pas moins de quatre anciens ministres ont été appelés à la rescousse de Nezzar. Ce dernier devra, toutefois, se passer de la participation de Khalida Messaoudi citée avant son ascension dans les arcanes ministériels. Souaïdia aura été, de son côté, l’artisan d’une littérature subversive qui ne manquera pas de faire le bonheur des relais médiatiques.

Aziz YEMLOUL

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