Nezzar perd son procès
FEUILLETON JUDICIAIRE CONTRE SOUAÏDIA
Nezzar perd son procès
L’expression, 28 septembre 2002
Le tribunal correctionnel de Paris na pas suivi le général Nezzar dans son action en diffamation contre Souaïdia.
Comme cela était prévisible lors de la première audience en juillet dernier, la justice française a débouté hier, le général Khaled Nezzar dans son procès en diffamation contre lex-sous-lieutenant des forces spéciales algériennes et auteur du livre La sale guerre. Le tribunal correctionnel de Paris a estimé dans son rendu de jugement quil «nappartenait pas au tribunal» de juger lHistoire.
Il a suivi ainsi les réquisitoires du ministère public, cest-à-dire du procureur de la République qui, lors de la précédente audience, il y a deux mois, avait reconnu ce quil avait appelé alors la bonne foi de Habib Souaïdia et estimait quil ne revenait pas au tribunal de «faire lhistoire de lAlgérie».
Il faut rappeler, à ce propos, que lex-officier de lANP était poursuivi par le général Nezzar (ancien ministre de la Défense de 1990 à 1993 et donc principal responsable, selon ses détracteurs et autres opposants, de larrêt du processus électoral en janvier 1992 dont le premier tour avait été remporté par le Front islamique du salut (FIS dissous) pour des propos tenus dans une interview accordée à la chaîne de télévision française La Cinquième.
Sappuyant sur la fameuse confusion générée par la non moins fameuse théorie du «Qui tue qui ?» apparue au lendemain des grands massacres de civils au milieu de 1997 et qui ont défrayé la chronique dans les milieux médiatiques et politiques algériens et doutre-Méditerranée, et soutenant la thèse selon laquelle larmée algérienne se serait rendue coupable de graves exactions dans sa lutte contre les islamistes, lex-engagé volontaire des forces spéciales a, de surcroît imputé dans cette interview à la 5e la responsabilité directe de ces massacres de civils «aux généraux» qui avaient alors à leur tête le général Khaled Nezzar.
Cétait suffisant pour faire sortir de son occasionnel silence ce dernier et dintenter devant un tribunal parisien un procès en diffamation contre Souaïdia, celui-ci ne pouvant retourner en Algérie, car ayant demandé et obtenu lasile politique en France.
Sestimant «atteint dans son honneur», le général na pas hésité à se déplacer dans la capitale française pour défendre et exercer ses droits de saisir la justice, voire pour défendre selon lui «lhonneur» bafoué de lANP.
Cependant, lors de la première audience du tribunal qui a vu chaque partie sentourer de ses partisans pour faire valoir ses thèses, le procès sest vite transformé en tribune politique où chaque camp a essayé de discréditer lautre aux yeux de lopinion publique tant française qualgérienne.
Résultat : le tribunal na pas voulu suivre les deux parties sur ce terrain glissant et sest contenté de ce verdict sans surprise qui fait référence au jugement de lHistoire.
Dailleurs dans ses attendus, le tribunal parisien, qui écrit: «Il nappartient pas au tribunal de se prononcer sur la véracité des thèses soumises à son appréciation, que seule lHistoire pourra déterminer», na fait que reprendre une déclaration faite à la première audience par le général Nezzar lui-même: «LHistoire jugera.» Les juges ont estimé, en outre, que «si M.Nezzar a pu, à juste titre, sestimer atteint dans son honneur», il doit «pareillement admettre» que des personnes comme Habib Souaïdia «ayant été personnellement impliquées dans ce conflit», puissent «faire part de leur expérience, fût-ce de façon virulente».
Alors par ce jugement, le procès-feuilleton entre deux protagonistes de la tragédie algérienne est-il fini ou bien les deux parties vont-elles engager dautres batailles juridiques par justice française interposée? En tout cas, si Souaïdia a déjà été condamné par la justice algérienne à pas moins de 20 ans de prison pour avoir terni limage et lhonneur de larmée algérienne, le perdant dans ce procès de Paris, le général Nezzar, se présentera dans les semaines qui viennent une nouvelle fois devant la justice, algérienne cette fois, pour un nouveau procès en diffamation intenté contre le directeur de LExpression, M.Ahmed Fattani
Pourtant, même en habitué quil est des actions judiciaires en diffamation, le général Nezzar risque, là aussi, de perdre son procès pour la simple raison que la phrase incriminée et objet de la présumée diffamation, na, selon le directeur de LExpression, jamais été écrite.
Mohamed DERAR