Le général Nezzar réagit : « Le verdict m’importe peu »
Les juges parisiens à propos du procès Nezzar-Souaïdia :
« Il ne nous appartient pas de juger l’Histoire »
La Nouvelle République, 28 septembre 2002
Habib Souaïdia, auteur de « La Sale Guerre », et auteur également de propos diffamatoires à l’encontre du général suite à des déclarations faites à la chaîne de télévision française, la Cinquième.
En rendant son jugement en faveur de Habib Souaïdia, rejetant ainsi la plainte du général en retraite, la justice française a voulu donner à ce verdict des arguments à travers lesquels elle se soustrait à la responsabilité très délicate d’être perçue comme une partie prenante dans un conflit qui aurait une dimension historique. « Il n’appartient pas au tribunal de juger l’Histoire », telle est la phrase qui définit une attitude somme toute prévisible, qui fait écho aux propos mêmes du général Nezzar qui avait déclaré devant ce même tribunal : « L’Histoire jugera ».
Il ressort donc de ce jugement que des dividendes judiciaires d’une telle affaire en terre française ne pouvaient être récoltés, surtout que l’auteur de la diffamation a préalablement écrit sa « Sale Guerre », crédité à sa sortie d’une authenticité qui avait fait fantasmer à l’époque beaucoup de lecteurs et suscité une véritable campagne anti-ANP, dont le livre de Souaïdia, à la quelle il fallait une riposte. Il semble, donc, que le général Nezzar, qui se doutait bien, en entamant ce procès contre Habib Souaïdia, que la voie judiciaire était une voie vers l’impasse, ait voulu faire de ce procès un moyen pour relancer le débat sur les déclarations de Souaïdia, mais aussi, et surtout, sur la réalité des faits qui ont sous-tendu l’interruption du processus électoral, lui dont on n’a pas cessé de dire qu’il en a été l’instigateur principal. D’ailleurs, le tribunal de Paris a renvoyé dos à dos le général en retraite et Souaïdia, en déclarant que « si M. Nezzar a pu, à juste titre, s’estimer atteint dans son honneur », il doit « pareillement admettre que des personnes (c’est censé être le cas de Souaïdia) ayant été personnellement impliquées dans ce conflit fassent part de leur expérience, fût-ce de façon virulente ».
On comprend par là que le tribunal de Paris se soit trouvé devant un cas très spécial, à savoir le fait que rendre un jugement sur une affaire de diffamation, impliquant des faits et des personnes qui ont un rapport très étroit avec l’histoire récente de l’Algérie. Une situation qui aurait, en cas de jugement en faveur du général, laissé supposer que les thèses de Souaïdia et de tous les acteurs franco-algériens qui les défendent sont fausses, ou du moins jugées telles par la justice française. Plus loin encore, un jugement en faveur du général Nezzar aurait mis fin à toutes les attaques dont fait l’objet l’ANP, dont son ancien ministre de la Défense, concernant l’interruption du processus électoral.
Dans son livre, « Un procès pour la vérité », paru récemment, Nezzar donne les raisons qui l’ont poussé à transporter l’affaire en France au lieu de poursuivre Souaïdia en Algérie, de même qu’il y déclare n’attendre rien de ce procès en termes judiciaires, ayant en vue, incessamment sa dimension politique.
Le général Nezzar réagit :
« Le verdict m’importe peu »
Entretien réalisé par Mehenna H. La Nouvelle République
La Nouvelle République : Le Tribunal de Grande instance de Paris vient de rendre son verdict dans le procès que vous intentez à Souaïdia. Un commentaire ?
Khaled Nezzar : Je m’attendais à ce que la justice française nous renvoie dos à dos. Il faut dire que mon objectif n’a jamais été de chercher la condamnation du félon Souaïdia, tant cela ne m’intéresse nullement. Néanmoins, ce dernier m’a donné l’occasion, en me diffamant sur la chaîne de télévision française La Cinq, de faire entendre à l’opinion publique étrangère un autre son de cloche que l’éternel discours véhiculé par le binôme FFS-FIS et quelques trotskistes.
Vous estimez donc que ce verdict n’est pas un échec ?
Aucunement. Au risque de me répéter, le verdict en tant que tel ne m’intéresse pas. J’estime que le fait d’avoir intenté un procès en France est en soi une réussite, dans la mesure où il n’y a plus une seule thèse qui domine les débats en France. Depuis juillet dernier, une autre a pu se frayer un chemin. Pour moi, les grands enjeux ont été atteints. Je suis parti en France pour défendre l’Armée algérienne que j’ai eu l’honneur de commander et non pas pour m’occuper de vétilles. J’ai également expliqué les enjeux qui ont conduit à l’arrêt du processus électoral.
Mais une condamnation de Souaïdia pour diffamation aurait tout de même mis un terme à cette avalanche d’écrits sur l’ANP
Certes, une condamnation m’aurait satisfait davantage, mais qu’à cela ne tienne. Je puis dire, quant à moi, que le procès a permis à une partie de l’opinion étrangère de comprendre réellement ce qui se passe en Algérie. Ce procès nous a donné l’occasion de corriger un tant soit peu l’idée fausse que véhiculaient les médias français sur notre pays. Même des journaux qui étaient foncièrement anti-algériens, ont mis de l’eau dans leur vin. Il n’y a qu’à lire les comptes rendus et les contributions publiées par le journal Le Monde. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Comptez-vous introduire un appel de ce verdict ?
Du tout. Pour moi, l’essentiel a été fait. D’ailleurs, laissez-moi vous dire que lorsque les militants du FIS, manipulés par le FFS, avaient déposé une série de plaintes contre ma personne, mes avocats m’avaient conseillé de m’en tenir au mémoire que j’avais adressé au procureur de la République à Paris. Mais j’ai refusé. J’ai préféré partir moi-même en France pour démontrer à tout le monde que Gèze et ses marionnettes, s’ils manient le complot à bout de bras, n’en sont pas moins faciles à confondre. Mieux, les magistrats français et l’assistance ont eu le loisir de voir que l’armée algérienne n’est pas constituée de barbares et n’est pas une armée de « massacreurs » comme certains le prétendent, quand bien même des dépassements peuvent exister.
Mais cela suffit-il, à votre avis, pour faire taire définitivement les détracteurs de l’armée ?
Ce serait trop dire. Mais, d’ores et déjà, deux constats peuvent être faits. Primo, les instigateurs de la campagne contre l’ANP ont été démasqués, notamment le leader du FFS. Secundo, l’épée de Damoclès a été levée depuis, puisque la justice française vient de statuer que la France ne peut juger l’histoire algérienne. Avec ces deux nouveaux arguments, il devient d’autant plus difficile aux détracteurs de l’Algérie et de son armée de se fourvoyer dans des écrits infondés.