Ghazi Hidouci: « Nezzar, un bon fasciste »
Ghazi Hidouci:
« Nezzar, un bon fasciste »
El Watan, 26 octobre 2002
Ghazi Hidouci, ministre de l’Economie dans le gouvernement Hamrouche entre 1989 et 1991, réplique, dans un entretien accordé hier au quotidien saoudien basé à Londres Echarq El Awsat, aux récentes attaques du général à la retraite Khaled Nezzar, faites, fin septembre 2002, à la faveur d’une conférence de presse annonçant la sortie de son livre Un procès pour la vérité, l’armée algérienne face à la désinformation.
L’ancien ministre de la Défense avait porté des accusations contre « les réformateurs ». Dans son livre, il a cité Hidouci, Mohammedi et Hamrouche. « Le général Nezzar, en bon fasciste, n’a jamais parlé qu’en affichant, sans se démonter, les pires incohérences et les pires mensonges. Comment pourrait-il se supporter s’il faisait l’effort, une minute, de capacité de réflexion et de discernement ? » Ce qu’il dit, médit ou contredit à longueur de temps importe peu, sauf pour les amnésiques qui aiment bien, pour leur confort, les vérités toutes faites ou ceux qui, refusant de faire travailler leurs méninges, se nourrissent des clichés les plus contradictoires », déclare-t-il. Pour Khaled Nezzar, qui n’a pas apprécié la présence de Ghazi Hidouci et de Hocine Aït Ahmed lors du procès intenté à Paris contre le sous-lieutenant Habib Souïdia, auteur du livre-témoignage La Sale Guerre, et qui s’est déroulé en juillet 2002, « les réformateurs » seraient les instigateurs des émeutes d’octobre 1988. « En octobre 1988, ils ont fait sortir le peuple dans la rue pour faire passer leurs réformettes. Ils sont responsables du bain de sang de l’époque », a affirmé l’ancien haut gradé. A la suite de ses déclarations, Avo88, une association des victimes d’octobre 1988, perdue de vue depuis quelques années, est revenue sur la scène pour déposer plainte contre « les hamrouchiens ». Ghazi Hidouci se dit prêt à jouer « le rôle de l’accusé » dans le procès. « La seule vraie question en l’occurrence est celle du choix du tribunal. Il faudrait que ce soit un tribunal reconnu présentant les garanties du droit commun et non du droit d’exception », soutient l’ancien ministre de l’Economie. Selon lui, il y a eu manipulation des manifestations en 1988. « Seuls les responsables des manifestations, les services de police et le « mici dominici », qui sont chargés dans ces conditions de faire les intermédiaires, le savent. Pourquoi ne pas les avoir cherchés depuis 14 ans pour les faire parler ? », s’interroge-t-il. Pour lui, il faut chercher « les exécutants » pour remonter aux « responsables ». »On saurait qui a ordonné de tirer mais aussi de torturer (…). Je pense qu’une action militaire ne peut être décidée à un niveau subalterne », ajoute-t-il. Accusant indirectement le général à la retraite Larbi Belkheïr, Hidouci relève qu’à l’éclatement des émeutes, en1988, une cellule « chargée de gérer l’état d’urgence » et composée « du cabinet du président (Chadli, ndlr), des responsables civils et militaires et de certains ministres » avait pour mot d’ordre « la répression ». A propos de la grève politique du FIS en 1991, Nezzar a soutenu que Hamrouche, Hidouci et Mohammedi ont permis aux militants de ce parti de « s’adonner à toutes les outrances et de défiler dans la rue ». « Il ne faut pas perdre de vue que cette ouverture démocratique, pour les gens, c’était d’abord de manifester tout le temps pour n’importe quoi. Le palais du gouvernement était tous les jours assiégé par les manifestants. Pour moi, ce n’était pas de la violence. Cela avait un caractère d’exutoire, d’expression », a déclaré Hidouci au tribunal dans le procès Nezzar-Souïdia. « J’ai défendu la justice et de ce fait l’honneur de l’armée en défendant Souadïa, un soldat qui a le courage d’assumer ses responsabilités devant le peuple algérien », déclare Hidouci Dans Echarq El Awsat. Interrogé sur « la privatisation » de Sonatrach, prévue, selon les syndicalistes, dans l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures défendu par Chakib Khelil, ministre de l’Energie et des Mines, Ghazi Hidouci a déclaré : « On peut valablement défendre l’opinion qu’il s’agit d’une décision anticonstitutionnelle, inspirée par un zèle excessif à vouloir, pour des raisons obscures, se coucher plus vite que les autres et avant terme devant les tenants du capitalisme global. » L’ancien ministre de l’Economie ajoute cette remarque : « Je ne vois pas pourquoi les multinationales pétrolières s’empêcheraient de prendre le contrôle d’une manne qui s’offre à eux. » Evoquant « le clan de prédateurs » situé selon lui au sein du pouvoir, Hidouci relève : « Sans changement fondamental de régime, le pays demeurera longtemps piégé par ce pouvoir, ennemi des réformes de 1990. Le président Bouteflika n’est qu’un rouage marginal dans ce mouvement ; il sert plutôt qu’il n’initie ou orchestre. »
Par Fayçal Métaoui