Les magistrats ont reconnu la bonne foi d’Habib Souaïdia qui dénonce la « sale guerre »

Le général algérien Nezzar débouté à Paris

Les magistrats ont reconnu la bonne foi d’Habib Souaïdia qui dénonce la « sale guerre ».

LIBERATION Samedi 28 septembre 2002

« Le tribunal a pu prendre la mesure des souffrances endurées par la population, victime d’une véritable guerre civile. »

Les attendus du jugement ll aura fallu une banale procédure en diffamation devant un tribunal correctionnel parisien pour que soit rendu le premier jugement sur la « sale guerre » en Algérie, qui a déjà fait, depuis 1992, plus de 100 000 morts et des milliers de disparus. Durant les cinq jours d’audience en juillet, le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, n’avait jamais caché que ce procès contre Habib Souaïdia, ex-lieutenant dissident, était pour lui davantage une affaire d’Etat qu’une histoire d’insulte. Une manière de laver « une fois pour toutes » l’honneur de l’armée algérienne contre les accusations d’exactions, de manipulations, de massacres qui se multiplient ces derniers temps. Vendredi, le tribunal a débouté le général et reconnu la bonne foi du lieutenant. « Le premier petit pas », a déclaré Souaïdia en quittant l’audience.

Parallèle. Dans une émission sur la Cinquième en mai 2001, Souaïdia, auteur d’un livre sur ses années dans les troupes spéciales algériennes, avait lancé : « Chez nous, les hommes politiques sont des généraux, c’est eux qui décident (…), eux qui ont fait cette guerre, tué des milliers de gens pour rien du tout. » Dans un parallèle entre la guerre d’indépendance contre l’armée française et celle qui s’enclenche en 1992 lorsque les généraux algériens ont brutalement suspendu le scrutin électoral remporté par le Front islamique du salut (FIS), Souaïdia poursuivait : « Je ne peux pardonner au général Massu ou au général Aussaresses les crimes qu’ils ont commis comme je ne peux pardonner au général Nezzar. (…) Ce sont des lâches qui en profitent. » Même si les magistrats parisiens ont considéré qu’il ne leur appartenait pas de « se prononcer sur la véracité des thèses soumises à leur appréciation, que seule l’histoire pourra déterminer », même « si les chiffres avancés varient, nul ne conteste l’ampleur du nombre des morts, des disparus, et le tribunal, en écoutant plusieurs témoins de part et d’autre de la barre, a pu prendre la mesure des souffrances endurées par la population de ce pays, victime d’une véritable guerre civile. Il est dès lors parfaitement légitime que s’instaure un débat, à la hauteur de tels événements quant aux responsabilités et à la genèse d’une telle situation ».

« Waterloo ». Avant que le jugement soit connu, les ondes de choc et les déballages du procès ont continué tout l’été en Algérie. En prévision de son « Waterloo parisien », selon le quotidien l’Expression, Nezzar s’est déjà acharné à en trouver les coupables. Pas dans l’opposition, bien sûr, mais à l’intérieur des cercles du pouvoir dont les interminables querelles internes n’en finissent pas de secouer le pays. Lors d’une conférence de presse à Alger dimanche, Nezzar se fâche : « Ceux qui m’ont aidé pour mon procès face à Souaïdia, c’est le général Lamari et toutes les unités combattantes. Cette affaire a été créée et entretenue à partir du sol algérien. Mais on ne se laissera plus jamais faire. (…) Comme en 1992, l’armée a été et restera le dernier bastion pour sauver la République. » Le journal francophone le Matin en déduit et conclut : le président de la République « Bouteflika ne l’a pas aidé et sa politique (…) franchit la ligne rouge ».

Sid Ahmed Ghozali, ex-chef du gouvernement, venu à Paris témoigner en faveur de Nezzar, explique dans El-Khabar Hebdo, que « les décideurs militaires tirent les ficelles » mais « se défont de la responsabilité sur les autres. Tous les partis, hormis le FFS, sont leur création. Même une partie du FIS en relevait ». Puis, dans un vibrant appel, il demande que « l’armée prenne le pouvoir, comme en Turquie, pour sortir du cercle du mensonge ».

 

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