K. Nezzar: «Des ONG ont fait pression sur un juge»

«Des ONG ont fait pression sur un juge»

El Watan, 28 avril 2001

Après avoir quitté plus tôt que prévu le territoire français, suite à la plainte déposée contre lui auprès du parquet de Paris par des Algériens résidant en France, le général à la retraite Khaled Nezzar, contacté par notre rédaction, a tenu à apporter des précisions sur les circonstances qui ont entouré son départ prématuré de la capitale française.

Khaled Nezzar a tenu d’abord à rappeler que son récent séjour en France s’inscrivait dans le cadre de la présentation de ses mémoires qui viennent d’être publiés à Paris.
D’ailleurs, la rencontre-débat qu’il a animée au Centre culturel algérien entrait dans ce cadre. Le général à la retraite dit avoir été surpris par le désarroi des Algériens résidant en France. S’il a préféré quitter le territoire français de manière quelque peu précipitée, c’est pour que sa présence ne constitue pas un problème dans les relations bilatérales entre Paris et Alger. Il maintient toutefois que dans cette «cabale montée de toutes pièces» ce sont quelques organisations de défense des droits de l’homme qui ont fait pression sur un juge. D’ailleurs, il a tenu à faire remarquer qu’un autre juge a voulu il y a quelque temps entendre le président Chirac pour une affaire de gestion du patrimoine de la ville de Paris. Le général Nezzar maintient que le gouvernement français est étranger à cette affaire. Quant aux propos déclarés sur les ondes d’une radio périphérique relatifs au départ du général Toufik, Khaled Nezzar apporte des éclaircissements. Il aurait ainsi déclaré qu’entre un «départ normal à la retraite d’un général et le départ d’un président de la République, c’est la seconde éventualité qui aurait pu l’étonner». Khaled Nezzar se dit surpris de la manière avec laquelle ses propos ont pu être interprétés comme une confirmation du départ annoncé par la presse du général Toufik. «Il est vrai que parce que j’ai par le passé occupé de hautes responsabilités au sein de la hiérarchie militaire (et même de l’Etat, au sein du HCE, ndlr) les gens m’interpellent, ainsi que les journalistes, sur la situation de l’Algérie et sur les événements récents. Je suis obligé d’y répondre… Tous ceux ou du moins la plupart de ceux qui m’interpellent oublient ou ne veulent pas comprendre que je suis à la retraite et que je suis hors du coup.»

Par Reda Bekkat

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Plainte contre khaled nezzar / Embarras de Paris

La mise en cause du général à la retraite Khaled Nezzar par une famille et deux anciens militants du FIS qui ont déposé une plainte près le parquet de Paris pour torture embarrasse les autorités françaises. Bien qu’à la retraite et retiré du pouvoir, l’homme n’est pas n’importe qui.

Au Quai d’Orsay, il nous a été confirmé que le général à la retraite Khaled Nezzar était détenteur d’un passeport diplomatique qui lui a été délivré par les autorités algériennes en automne dernier ainsi qu’un visa diplomatique de circulation Shenghen. Le général Nezzar était chargé par les autorités algériennes d’une mission officielle, nous dit-on encore. Cette affaire ne risque-t-elle pas d’entraîner une crise politique entre Alger et Paris ? La réponse est laconique : «Si cela venait à se produire, ce ne sera pas de notre fait.» Au parquet de Paris on nous rappelle que mission a été donnée à la brigade criminelle d’interroger les victimes, de vérifier auprès du ministère des Affaires étrangères le statut diplomatique du général Nezzar. «On avait une compétence parce que le général Nezzar était en France, et à Paris. Dès l’instant où il serait rentré en Algérie, ce n’est plus la même procédure. Le tribunal de Paris a été saisi sur le fait que le général Nezzar se trouvait à Paris.» Les avocats des plaignants se sont appuyés sur la convention contre la torture de 1984 selon laquelle chaque Etat peut poursuivre et juger toute personne coupable de tortures si celle-ci se trouve en France. La plainte note que «l’ensemble des ONG l’ont mis en cause pour sa responsabilité directe en tant que ministre de la Défense, puis membre du Haut Comité d’Etat dans la politique de répression généralisée.» Dans un communiqué, la FIDH estime qu’«il est extrêmement regrettable que Khaled Nezzar ait pu ainsi se dérober à ses responsabilités sans être le moins du monde inquiété». La FIDH «déplore… qu’aucune mesure conservatoire n’ait été prise pour prévenir la fuite fortement prévisible du général. De telles mesures sont pourtant explicitement requises par la convention des Nations unies contre la torture et prévues par l’article 77 du Code de procédure pénale français.»

Par Nadjia Bouzeghrane

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Quelles pourraient être les suites de cette affaire ?

L’action publique peut être mise en mouvement de deux manières, soit à partir d’une plainte avec constitution de partie civile, ce qui veut dire que le plaignant saisit le doyen des juges d’instruction.

Celui-ci demande à un juge d’instruction d’ouvrir une enquête à la suite de laquelle le juge maintient la plainte parce qu’il y a matière à poursuivre, ou bien il considère qu’il n’y a pas matière à poursuivre, il prononce alors un non-lieu. La seconde manière de mettre en mouvement l’action publique intervient lorsque la victime — c’est ce qui s’est produit au sujet des plaintes contre le général à la retraite Khaled Nezzar — saisit directement le procureur de la République qui examine la recevabilité de la plainte. A partir de là, il peut engager une enquête préliminaire pour avoir un maximum d’informations pour statuer sur le fond de l’affaire à la suite de quoi ou bien il classe l’affaire ou alors, en fonction des charges recueillies, il met en mouvement l’action publique et il défère la personne incriminée devant le tribunal correctionnel. Il peut aussi renvoyer l’affaire devant le juge d’instruction. Dans le cas des plaintes contre le général Nezzar, le parquet de Paris devra se prononcer sur l’immunité diplomatique de l’ancien haut officier algérien, soit décider si l’immunité diplomatique le couvre de toute poursuite ou si la convention de New York, en vertu de laquelle les plaintes ont été déposées, ne peut être appliquée. Par ailleurs, il semble que selon le droit français, on ne peut pas sur une simple plainte, sans que l’action publique soit mise en œuvre, prendre des mesures conservatoires contre une personne mise en cause, ce serait attentatoire aux libertés individuelles. Si le tribunal retient l’immunité diplomatique dont est couvert le général Nezzar l’affaire sera classée ; si la plainte est maintenue, le juge d’instruction demandera alors à entendre le général Nezzar, il pourra même lancer un mandat d’arrêt international. Par ailleurs, dans la presse, un parallèle a été établi avec l’affaire Pinochet. La différence entre le cas du général Nezzar et celui du général Pinochet, c’est que le premier était détenteur d’un titre de mission officielle de cinq jours et le second était en séjour privé en Angleterre au moment de son arrestation.

Par N. B.

 

 

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