L’homme de la répression d’octobre 1988, partisan résolu de l’ » éradication des islamistes «
L’homme de la répression d’octobre 1988, partisan résolu de l’ » éradication des islamistes «
Florence Beaugé, Le Monde, 27 avril 2001
DE SON PROPRE AVEU, Khaled Nezzar s’explique tout entier par son itinéraire. L’homme trouve ses racines dans l’Algérie profonde. Né il y a soixante-quatreans à Biskra, (au sud du pays chaoui), d’une famille modeste, c’est paradoxalement grâce à l’armée française que le jeune Nezzar échappe à sa condition. Il passe par l’école de sous-officier de Saint Maixent et a le grade de sous-lieutenant quand il déserte, en avril 1958, et rejoint les rangs de l’Armée de libération nationale, l’ALN.
Sa carrière est rapide, au lendemain de l’indépendance, en 1962. Après diverses étapes (Moscou, le Sahara, notamment), il est nommé chef des forces terrestres en 1986, sous la présidence de Chadli Bendjedid. Il est devenu chef d’état-major quand l’armée tire sur les manifestants, en octobre 1988 et instaure l’état de siège. Combien y- a-t-il de victimes, lors de ces émeutes ? 500 morts, 1500 morts ? On ne le saura probablement jamais.
Au lendemain du raz-de-marée du Front islamique de salut (FIS) aux élections locales, en juillet 1990, le général Nezzar est nommé ministre de la défense, un poste réservé jusque-là au président de la République.
A la tête d’une commission de généraux, il met au point une stratégie destinée à contrer la poussée du FIS et contribue à limoger le premier ministre réformateur de l’époque, Mouloud Hamrouche, qu’il accuse d’avoir fait le jeu des islamistes.
CIBLE D’UN ATTENTAT
Après l’interruption du processus électoral de décembre 1991- le FIS ayant remporté haut la main les législatives – le général Nezzar pousse vers la sortie le président Chadli Bendjedid et entre au Haut Comité d’Etat (HCE), structure collégiale présidentielle dirigée par Mohamed Boudiaf. Il y restera après l’assassinat de ce dernier, en juin 1992.. En février 1993, Nezzar est la cible d’un attentat à la voiture piégée à Alger. Cette même année, il cède son portefeuille de la défense à Liamine Zeroual, lequel devient président de la République l’année suivante. Khaled Nezzar prend alors sa retraite, mais cela ne l’empêche pas de donner ses points de vue. Quand Abdelaziz Bouteflika annonce qu’il se présente à l’élection présidentielle d’avril 1999, Nezzar le qualifie dans un premier temps de « canasson ». Il ne lui a pas pardonné d’avoir accepté, cinq ans plus tôt, la proposition que lui faisait la hiérarchie militaire – la présidence de la République – puis de s’être ravisé à la dernière seconde, sans même la prévenir. Sur l’insistance de son ami le général Larbi Belkheir, Nezzar finit par soutenir Abdelaziz Bouteflika, mais ne lui ménagera pas ses critiques par la suite.
De quel pouvoir dispose aujourd’hui encore le général Nezzar ? Etant donné l’opacité du système algérien, la réponse n’est pas évidente. Un homme qui a fait partie du clan très fermé des « décideurs » ne peut pas avoir perdu toute influence, même s’il est à la retraite. D’un autre côté, il n’est pas du tout sûr que les options de ce partisan résolu de « l’éradication » des islamistes soient soutenues sur ce point, aujourd’hui, par l’ensemble de la hiérarchie militaire. Nezzar n’a sans doute pas l’appui, en tout cas, du président Bouteflika qui lui, serait plutôt un « éradicateur dans une main de velours », comme le définit le leader du parti Wafa (non légalisé), Ahmed Taleb Ibrahimi.