C’est dur, la vie d’autiste

C’est dur, la vie d’autiste

Le Canard Enchaîné, 2 mai 2001

 » Nous savons parfaitement qui complote contre nous à Paris.  » Voilà la réaction, un brin autiste, d’un des trois généraux nommés conseillers à la présidence algérienne pour encadrer le président Bouteflika, après la publication en France du document d’un ancien officier sur  » La sale guerre  » menée contre les intégristes. Tout en effet accable aujourd’hui les généraux d’Alger : l’écho de ce livre – 80 000 exemplaires vendus – notamment auprès des immigrés algériens ; les plaintes contre l’ancien ministre de la Défense le général Nezzar, devant la justice française ; ou encore les dizaines de morts de ces derniers jours en Kabylie. Rien, pourtant, n’atteint ces militaires dans leurs certitudes, qui n’ont pas varié depuis l’indépendance : qu’il soit berbère ou néocolonial, il y aura toujours un vieux complot qui traîne contre l’Algérie… Et eux, les militaires, ont développé une mentalité d’assiégés.

Complot ou pas, l’Algérie est assez grande pour se tirer elle-même dans le pied. Son président Abdelaziz Bouteflika étant parti pour assister à un colloque sur le sida au Nigeria alors qu’en Kabylie les émeutes se déchaînaient, avant de revenir in extremis, s’exprimer lundi soir à la télévision et en arabe littéraire, auquel la quasi-totalité des Kabyles ne comprend goutte ! Le paysage politique reste figé, avec une cinquantaine de partis mais aucune alternance en vue. Enfin, la classe dirigeante reste obsédée par les privatisations virtuelles, véritable Arlésienne de l’économie… Sur fond de guerre civile larvée, 150 000 morts à ce jour et des milliers de disparus.

La commission d’enquête annoncée par Bouteflika à la télévision algérienne sur les affrontements entre la gendarmerie et les manifestants ne changera rien à ce bilan accablant. La réalité algérienne, la voilà : fort d’une cagnotte de quelques milliards de dollars, obtenue grâce au cours élevée du baril de pétrole, le régime algérien est incapable de faire face. La question berbère n’est pas pour grand chose dans cette impuissance face au malaise social.  » Donnez-nous du travail, des logements, de l’espoir « , scandent des jeunes Algériens dans les rues de Kabylie. Pour seule réponse, le général Zerhouni, ministre de l’Intérieur, a expliqué que les gendarmes ne relevaient pas de sa responsabilité. L’autisme, toujours…

Bizarrement, une presse algérienne virulente, mais sous la haute surveillance des clans militaires, accable le seul Bouteflika. Et la rumeur, à nouveau, évoque son départ possible, ultime tour d’illusionniste de militaires en panne de communication.

Leur dernière initiative ? Pour préparer l’année de l’Algérie en France en 2002, le régime algérien vient de désigner trois gradés, deux colonels et un général, ancien patron de la gendarmerie. Histoire, sans doute, de créer un nouvel événement… judiciaire.

N. Be.

 

 

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