Entre les lignes, semaine du 9 au 15 mars 2001
Entre les lignes
Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 9 au 15 mars 2001
68 personnes sont mortes et 10 autres blessées (décompte de presse) dans des attentats individuels, des massacres ou des affrontements entre services de sécurités et groupes armés. 26 parmi ces 68 morts ont eu lieu lors de trois massacres commis dans la nuit du 13 au 14 mars à Tipaza, Médéa et El-Affroun.
Quant aux réserves de change de la Banque dAlgérie, elles se portent très bien, puisquelles ont augmenté de 400 millions de dollars pour porter le total à 12,3 milliards de dollars au 31 janvier 2001.
48 heures après les trois massacres de Tipaza, Médéa et El-Affroun, la télévision algérienne annonce, dans le JT de 13 h du jeudi 15 mars, quune réunion urgente sest tenue le même jour au siège de la… Fédération Algérienne de Football (FAF) à la suite de la défaite de léquipe nationale algérienne de football face à léquipe égyptienne. Au cours de cette réunion urgente, le président de la FAF, M. Omar Kezzal, a été limogé de son poste. Rappelons que lentraîneur de lEN a lui aussi démissionné le jour même de la défaite au Caire. Comme quoi en Algérie le football et la Coupe du Monde, cest du sérieux ! Le reste, ce ne sont que des vies humaines après tout…
Dans sa livraison du 11 mars, El Watan titre, en citant un rapport du département dEtat US : Le Maroc, royaume de la drogue (A. Merad). Par ailleurs, El Watan ne semble pas accorder trop dimportance au rapport sur la situation des droits de lhomme pour lannée 2000 que ce même département dEtat US vient de publier et où il est question dun pays plus proche que le Maroc, lAlgérie en loccurrence. En fait, El Watan en a sélectionné, dans une précédente édition, que la partie qui lintéresse, cest-à-dire celle où le rapport évoque le monopole de lEtat sur les imprimeries de presse.
Le quotidien La Tribune du 13 mars, dans Au fil des jours, intitulé Lautre sale guerre, Mohamed Tahar Bensaada, trouve irraisonnable dappeler à une enquête internationale car, dit-il, il ne restera personne pour faire le ménage.
On ne dénoncera jamais assez, dit MTB, certains dérapages sécuritaires auxquels a donné lieu la lutte antiterroriste, surtout dans la période 1992-95. Pour autant, ajoute-t-il, les campagnes récurrentes qui appellent à linternationalisation de la crise algérienne sur fond dalibi humanitaire peuvent-elles réellement servir à faire avancer la cause démocratique dans notre pays ?
Démonstration : Les exactions dont il est question ont été commises dans un contexte daffrontement meurtrier qui dépasse de loin la confrontation dune armée avec une rébellion armée. Des forces politiques et civiles autoproclamées démocratiques ont participé à la confrontation par leurs appels endémiques à léradication de leurs adversaires. Quelques paragraphes plus loin, il ajoute : Tous ceux qui ont participé directement ou indirectement à lentreprise de subversion terroriste de lex-FIS doivent être punis. Les éléments appartenant aux forces de sécurité, policiers et militaires, qui ont répondu à la guerre par la guerre, seront également punis. Mais la liste nest pas complète. Il faut ajouter les membres des milices et des partis qui ont participé à « la salle guerre » ? Cela fait beaucoup de monde. Mais la question ne sarrête pas là. Si lenquête internationale appelée par certains débouche sur la mise en cause de tous les protagonistes, y compris les institutions chargées de défendre la pérennité de lEtat, qui sera chargé de faire le ménage ?
MTB veut une autre solution. Peut être celle de on efface tout et l’on recommence ?
Après les comptes-rendus de la veille sur les massacres de Tipaza, Médéa et El-Affroun, El Watan est revenu sur la question dans son édition du 15 mars. Lyes Bendaoud, lenvoyé spécial, rapporte les témoignages du maire de la ville qui déclare que la poursuite des actes terroristes à Médéa reste un grand point dinterrogation. Le maire de la ville a raison de sinterroger, commente lenvoyé spécial dEl Watan. Le dispositif de sécurité mis en place ces derniers mois dépasse de loin celui des années des grands massacres. Médéa, dit-il (le maire – ndlr), est bouclée de toutes parts, la vigilance a été renforcée, mais les tueries continuent. »On ne comprend plus rien », clament en chur les membres de lexécutif assis autour du président de lAPC, Ben Aïssa Ben Kortbi.
Dans cette même édition, et sur la même page, le correspondant dEl Watan à Tipaza, Djamel Khelifi, considère de son côté quil y a eu défaillance de la Garde communale lors du massacre qui a eu lieu à 21h30 dans la nuit du 13 au 14 mars et qui a fait 11 victimes dont des enfants. Le chef du détachement de celle-ci, écrit-il, selon le recoupement des informations recueillies sur place (tient, on enquête ! – ndlr), porte une part de responsabilité dans labsence de lintervention des secours. Ce chef, poursuit lauteur de larticle, aurait été informé de larrivée des terroristes mais aurait empêché ses éléments dintervenir. Cependant, avertit Khelifi, ces assertions ne peuvent être prises en considération que si lenquête qui a été ouverte (cest une première – ndlr) les confirme. Il sagit aussi de déterminer si la Garde communale a la possibilité dintervenir sans laval dun autre commandement.
Ce nest pas la première quon enregistre la défection de ceux qui sont censés protéger les citoyens. Lors du massacre de Bouharoun (Tipaza), qui a eu lieu il y a deux semaines environ, où plusieurs membres dune même famille ont été assassinés, lalarme a été déclenchée dès le début de lattaque mais aucun gendarme ni patriote dont les campements se trouvent à quelques dizaines de mètres comme le rapportait Le Matin. Détail important que seul le Jeune Indépendant avait rapporté, il sagissait dune famille dun repenti…
Cela dit, il semble quexprimer le doute sur les circonstances des assassinats et des massacres nest quelquefois autorisé que pour une certaine presse et certains journalistes comme Belhouchet, le directeur de la publication dEl Watan, qui rappelons-le avait émis, il y a quelques années, des interrogations sur les véritables auteurs de lassassinat de certains journalistes en les attribuant au pouvoir.
Le quotidien Le Matin, dans son édition du jeudi 15 mars, annonce un documentaire sur les massacres de Relizane qui sera diffusé le 28 mars sur France 3. De Paris, Hassan Zerrouky avise que le documentaire basé sur une enquête (H. Z. nest donc pas contre les enquêtes ! – ndlr) qui a duré un an (et qui) relate les circonstances de la série de massacres qui ont eu lieu dans la région de Relizane durant le Ramadhan 1997/1998. M. Zerrouky croit savoir que Cétait lAIS (le titre de larticle) lauteur de massacre, tout en considérant que cest suite à ce massacre survenu après la série des tueries collectives qui a frappé la Mitidja durant lété et lautomne 1997 que lAlgérie a été contrainte daccepter la visite, dabord de la troïka européenne, puis dune délégation du Parlement européen, échappant de peu (sic !) à une commission denquête internationale…
LAIS aurait filmé les lieux après le carnage. Cest un secret de Polichinelle, puisque la chaîne française TF1 avait à lépoque diffusé, au cours dun JT de 20h, des extraits que lui aurait envoyé lAIS.
Alors qui de lAIS, des GIA ou dautres groupes en est responsable ? Zerrouky se souvient que le massacre (de Relizane) a été attribué à lépoque au GIA et semble nous dire quaprès lenquête de Faouzia Fekiri de France 3, il savèrerait que cest lAIS. Soit, pourvu que cela soit démontré. Mais que dire, M. Zerrouky, des dizaines dautres massacres qui ont eu lieu depuis le début de la crise en 1992, ne faut-il pas, là aussi, enquêter pour confirmer les soupçons sur lidentité des auteurs ? Disons que cest déjà un bon début que Le Matin accepte lidée denquête.