Entre les lignes du 6 au 12 juillet 2001
Entre les lignes
Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 6 au 12 juillet 2001
La machine de la mort a repris sa sale besogne cette semaine, après une accalmie d’un mois environ.
Faux barrages, assassinats et massacres au menu de plusieurs régions du pays (Médéa, Khemis Miliana, Tiaret, Tébessa…).
En tout 37 personnes assassinées, 5 blessées et 3 enlevées dont un sénateur du RND. Mohamed Boudiar et deux autres personnes ont été enlevés à Oum Ali (Tébessa). Dans cette même opération, un militaire a été égorgé et un garde communal tué par balles. C’est à se tirer les cheveux de la tête jusqu’au dernier poil ! La facilité (embuscades, enlèvements) avec laquelle opèrent ces hommes en armes est étonnante. La riposte des autres hommes en armes est attendue à Noël, Inchallah !
10 et 16 personnes ont été tuées respectivement à Médéa (dans un faux barrage dans la localité de Ouzera) et à Khemis Miliana.
Autre bilan. Plusieurs officiers supérieurs ont été promus généraux et généraux majors à l’occasion de la fête de l’indépendance. A ce rythme, ça va péter d’en haut. Les promotions se suivent, mais les départs en retraite se font attendre depuis belle lurette.
Mieux vaut tard que jamais
Plusieurs années après le GIA, et quelques semaines après la présidence de la république algérienne, la chefferie du gouvernement vient de lancer son site web (http://www.gouvernement.dz ou http://www.cg.gov.dz). Mabrouk !
Belhouchet joue au démocrate
Si on ne connaissait pas le personnage, on serait tenté de le croire après l’édito qu’il a commis le 7 juillet 2001. Omar Belhouchet, dirlo d’El Watan, joue la vierge effarouchée. Il découvre, depuis » les événements de Kabylie « , » les méthodes répressives des services de sécurité « .
Belhouchet recommande aux militaires, » qui ont pris part active dans la lutte anti-terroriste et dans l’affaiblissement de l’islamisme politique « , de » céder d’importants pans du pouvoir politique à la société algérienne « . Il ne précise pas de quelle société il s’agit, néanmoins il est quasi certain que ses pensées ne vont pas à tout le peuple algérien mais vers la » famille qui avance « . Cette » race supérieure » qui s’estime en droit de décider à la place des » gueux » en s’accordant, dans un » Plan de refondation nationale « , la gestion d’une phase transitoire, d’un gouvernement transitoire, de dissolution de la » police politique » (services secrets), d’exiger la démission de Bouteflika, et de » gérer les affaires courantes » du pays. Le peuple a néanmoins été informé par voie de presse.
Occupez vous de vos oignons !
El Watan (7 juillet 2001 reprend une dépêche de l’Associated Presse (AP) concernant la censure du quotidien Le Figaro du 5 juillet au Maroc » pour avoir évoqué un timide réveil de l’importante communauté berbère du royaume « .
Plus près d’El Watan, à Alger précisément, Le Monde Diplomatique et Le Nouvel Observateur ont également été censurés. Le premier pour avoir publié au mois d’avril une étude du professeur Lahouari Addi sur les dissensions au sein de l’armée algérienne et le second pour avoir publié un entretien de l' » ex « -agent de la DRS, Hicham Aboud contenant certaines révélations sur les assassinats politiques commandités par des chefs de l’armée…
Ces cas de censure n’ont pas été rapportés par El Watan.
Alger est-elle plus loin de la Maison de la presse que Casablanca ?
Des moments de sincérité de Sid-Ahmed Ghozali
Tout comme Belhouchet d’El Watan, Sid-Ahmed Ghozali, SAG pour les intimes, découvre le fil à couper le beurre. Dans un entretien accordé au Jeune Indépendant du 7 juillet 2001, il déclare : » l’Etat algérien ne respecte pas ses lois « . Goul Ouallah !
Mais ne soyons pas négativistes, l’interview de président du Front Démocratique (FD) comporte de nombreux moments de sincérité où l’ex-chef du gouvernement, qui a eu le » privilège » de participer à un coup d’Etat en janvier 1992, dit quelques vérités.
Exemples : en évoquant le rassemblement des six partis » démocrates » (RCD, FD, MDS, ANR, MLD et CCDR) il affirme : » C’est une première tentative de regroupement de partis qui se revendiquent de la mouvance démocratique. Ce sont tous des partis autoproclamés (sic !) car, malheureusement il n’y a jamais eu de jeu politique réel « .
La grande surprise est la suivante : » Il n’y a ni liberté, ni pluralisme, ni des partis. En réalité, on a atomisé les partis, et cela, depuis 1988. La société politique naissante a été atomisée dans le bon vieux cadre de « diviser pour régner », de la même manière que cette histoire de diviser artificiellement l’Etat en tirant profit de la séparation entre partis islamistes, nationalistes et démocrates. Il n’y a rien de plus pernicieux que cette division artificielle. «
Tonton Yves Bonnet
L’ex-patron de la DST, Yves Bonnet, l' » ami de l’Algérie « , considère que » Bouteflika a échoué » (Le Matin 7 juillet 2001). Après avoir applaudi à » l’élection de Bouteflika « , tonton Bonnet revoit sa copie, selon Djamel B. du Matin.
Mais les critiques de Bonnet ne s’arrêtent pas là. Il reproche à Bouteflika de parler » un arabe classique que bien peu d’algériens comprennent « . Merci de penser à nous tonton. Mais il faut que tu saches que le langage de Bouteflika, qu’il soit en français classique ou en arabe classique, reste indéchiffrable pour la grande majorité des Algériens qui ne comprennent pas pourquoi des martiens décident à leur place. Le problème de nos gouvernants c’est qu’ils ne parlent pas le langage de la sincérité.
Une question d’agrément
Ce qui est licite pour les uns ne l’est pas pour les autres. C’est la loi du plus fort !
Dans sa livraison du 8 juillet, Liberté, par la plume de Samia Lokmane, s’étonne que les pouvoirs publics aient donné l’autorisation d’organiser un meeting à la salle Ibn Khaldoun (et pas un groupe armé !) aux opposants aux conclusions de la commission de Benzaghou sur la » réforme » du système éducatif. Le rassemblement était animé par Benmohamed, ancien ministre de l’Education nationale.
» Hier, un premier germe a poussé à la salle Ibn Khaldoun que la foule a investie sans que la coordination qui a appelé au rassemblement ait encore le moindre agrément des autorités. «
Très pointilleuse sur la légalité, miss Lokmane oublie que dans ses propres couvertures elles soutenue les marches et les rassemblements des aârchs en Kabylie. Elle oublie que ces aârchs ne disposent pas d’agrément également, ce qui ne les a pas empêché de rédiger des plates-formes de revendications, ni de vouloir organiser une marche vers la Présidence un certain 14 juin 2001…
Benjamin Stora annonce la fin de l’islamisme
Je pense qu’on devrait généraliser la lecture de » Règles pour la direction de l’esprit » de Descartes assorti de quelques modules de mathématiques comme la topologie (étude de la continuité en géométrie) dans certaines disciplines universitaires.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Matin, publié sur une page le 9 juillet 2001, l’historien Benjamin Stora disserte longuement sur l’échec et la fin de l’islamisme politique, au point d’annoncer cette » trouvaille » comme un théorème.
Soit. Mais sur les 10 questions qui lui ont été posées par Hassan Zerrouky, l’historien n’a pu s’empêcher d’évoquer ces islamistes dans 7 d’entre-elles ! On est loin de la fin décrétée de l’islamisme politique.
A force d’ériger une idéologie en vérité scientifique on s’auto-intoxique ya si Benjamin.