Entre les lines, 30 mars – 5 avril 2001

Entre les lignes

Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 30 mars au 5 avril 2001

Dieu merci le nombre de morts pour cette semaine est largement inférieur aux précédentes. Selon un décompte de presse nous avons relevé 18 morts et 16 blessés. Deux familles, Hechad à Tipaza et Naoui à Berrouaghia, ont été ciblées lors de ces deux tueries. Chacune de ces deux famille a perdu 5 de ses membres, des enfants pour la plupart.
Au risque de nous répéter, aucune enquête n’a été ouverte à propos de ces massacres.

Turbulences !
 » Nous entrons dans une phase de turbulences  » annonce le premier vice-président et député du RCD, M. Djamel Fardjallah (Le Matin du 31 mars). Comme si nous venons de sortir d’une phase de grande stabilité.
 » La situation actuelle est délicate et met le pays devant des perspectives historiques et politiques majeures « , ajoute le député du RCD. Il voit dans  » le retour de la fameuse question du « Qui tue qui ? » à l’extérieur comme un danger imminent nécessitant  » des choix efficients en la matière « . Nous sommes curieux de savoir ce que propose aux décideurs le Dr. Sadi comme  » choix efficients « . D’être coopté à son tour président de la République ?

Le CNOT interdit d’étude
La journée d’étude qui devait se tenir à l’hôtel El Aurassi, le jeudi 29 mars, a été interdite par la wilaya d’Alger.
Dans la rencontre-débat organisée au siège d’El Watan les organisateurs ont exprimé haut et fort leur inquiétude de voir des sites comme anp.org (MAOL) et Algeria-Watch connaître une grande influence auprès des journalistes étrangers et des Algériens en général. Simon Blumenthal, un « ami de l’Algérie », considère sans rire que le site Algeria-Watch est  » le prolongement de la CIA « . En bon Français, il se défend bien !
De son côté, Me Brahimi ne comprend pas, nous aussi d’ailleurs, que  » le pouvoir interdit une rencontre qui va dans « le sens de ses intérêts »  » (Le Matin 31 mars).
Voilà qui est dit !

Presse amnésique
A l’inverse de la jubilation qu’il a exprimé lors de l’annonce du refus du ministre de l’Intérieur, M. Yazid Zerhouni, d’accorder l’agrément au parti Wafa de Ahmed-Taleb Ibrahimi, El Watan (31 mars), par la plume de A. Samil, considère que le retard mis pour agréer le Front Démocratique de Sid Ahmed Ghozali est une menace pour le pluralisme politique. L’auteur du Commentaire (l’édito) reproche même au ministre de  » privilégier le fond sur la forme « , après avoir applaudi quelques mois auparavant aux mêmes « arguments » du même ministre lorsqu’il s’agissait de Wafa.
Ali Bahmane, dans l’édition du lendemain, corrige le tir en écrivant dans un autre Commentaire :  » Lorsqu’un non ferme a accompagné la demande d’agrément du parti Wafa de Taleb Ibrahimi, d’aucuns ont salué ce geste du pouvoir, y voyant un geste salutaire de faire barrage à toute résurgence « déguisée » de l’ex-FIS. Mais ils étaient loin de se douter qu’en parallèle était programmé l’effritement, voire la destruction du potentiel de luttes démocratiques… « 
Bahmane désigne comme unique responsable  » le chef de l’Etat, qui s’est apparemment juré de débarrasser le pays des « virus » d’octobre 88 et de la Constitution de 1989 que sont le multipartisme et la liberté d’expression « .

Multisyndicalisme
La Confédération algérienne des syndicats autonomes est née. Ses animateurs ont déposé, le samedi 31 mars 2001, le dossier d’agrément auprès du ministère du Travail. Cette Confédération est composée de syndicats de l’administration (SNAPAP), de l’éducation (SATEF et UNPEF), du personnel de la circulation aérienne (SNPCA)…
On ne peut que leur souhaiter bonne chance quand on sait la protection dont bénéficie l’éternelle UGTA de la part des pouvoirs publics.

Un Psy s’il vous plaît
A l’occasion de la tenue du procès de Serkadji, le professeur Ridouh a quitté, le temps d’une contribution publiée au quotidien Le Matin du 1er avril, le terrain de la psychiatrie pour celui du témoignage historique sur les événements du carnage qu’a connu cette prison. Il en parle comme s’il y était.
 » A peine, écrit-il, avait-il (le gardien – ndlr) fait introduire les armes que tout se déroula très vite ; les membres des groupes islamistes armés emprisonnés dans les cellules des condamnés à mort furent libérés, et très rapidement les verrous des cellules sautèrent, et la confusion la plus totale régna…  » Et de continuer :  » dans le fait de l’action, les mutins n’avaient pas mesuré l’importance que représentait Boumaârafi. Il est vrai que pour les premiers responsables des groupes islamistes armés, Boumaârafi était l’assassin du Président Boudiaf et qu’il était décrit de tendance islamiste… « 
Toute cette gymnastique pour dire que les  » services de sécurité  » ont tout fait pour sauver Boumaârafi de la mort pour ne pas ancrer  » l’idée d’un complot  » pour se débarrasser de  » l’assassin du père de la Révolution « .

10.000 cas de gale dans les écoles
La modernité et le progrès est perceptible à l’œil nu en Algérie. 10.000 cas de gale (selon E Khabar du 1er avril) ont été recensés sur le territoire national, pour la plupart dans les écoles, par les services santé dans les wilayas de Tiaret, Mila, Mostaganem, Médéa, El Bayadh, Annaba…
L’épidémie risque de prendre des proportions plus importantes si rien n’est fait pour l’endiguer sérieusement disent les spécialistes.

Tous en chœur
Sous la direction d’un seul chef d’orchestre, la presse privée, Bouteflika, Simon Blumenthal, André Mandouze et consorts ont tous répété le morceau choisit de la semaine :  » Souaïdia est un menteur « , un  » traître  » un  » félon « , auteur d’un  » faux témoignage « …
Ils sont encouragés, il faut le dire, par Mohamed-Salah Dembri qui au lieu de répondre sur les « accusations » portée contre l’Algérie il s’est contenté d’une fuite en avant qui n’a pas donné ses fruits, sauf le soutien de la Chine, de l’Inde, du Pakistan et de Cuba, comme le souligne Souhila A. du Quotidien d’Oran (3 avril) qui y voit  » un effet Dembri  » !
Quant à André Mandouze, il croît avoir découvert l’eau chaude en déclarant au Matin du 4 avril que  » Les islamistes veulent le pouvoir « .
Plus nuancé, l’archevêque d’Alger Henri Tessier préfère être catégorique dans le seul cas où il dit posséder une preuve. Il déclare au Matin avoir écouté un enregistrement audio prouvant la responsabilité du GIA dans l’assassinat des moines de Tibhirine (Médéa). L’enregistrement aurait été déposé par un inconnu devant la porte de l’ambassade de France à l’époque.
La journaliste qui lui a fait l’entretien, Nissa H., saute sur l’occasion pour lui demander si  » la vérité sur les assassinats et la condamnation de coupables sont un préalable pour la paix ? ». La réponse de Tessier est claire :  » … je ne peux pas, bien entendu, me prononcer sur les cas que ne connais pas et sur lesquels je n’ai aucune information… « 
Décevant le M. Tessier, n’est-ce pas Nissa ?

Etonnant ce Benchicou
Il est des moments chez Benchicou, le directeur du Matin, où la vérité l’emporte sur les calculs idéologiques et financiers.
Dans sa chronique, de ce jeudi 5 avril, il écrit à propos de la réaction de Dembri :  » … l’Algérie se trouve classée par l’Union Européenne parmi les pays qui bafouent les droits de l’Homme. Avec la suffisance qu’on leur connaît (il les connaît d’ailleurs assez bien pour pouvoir l’affirmer – ndlr), nos responsables politiques ont dû accueillir la sentence avec ce haussement d’épaules qu’accompagne généralement un chapelet de métaphores choisies dans le lexique du vocabulaire raffiné de ceux qui décrivent le monde par le mépris et l’ignorance. Il en va toujours ainsi des régimes déclinants : ils ne réagissent jamais à temps parce qu’ils ne conçoivent pas qu’un fonctionnaire international puisse avoir le toupet de les mettre en cause. Ils ont pour eux la certitude, le pouvoir du corrupteur, la fibre patriotique et quelques bouteilles de whisky. Comme dirait Fernand Renaud, ça eût payé mais ça ne paye plus ! L’Occident otage du nouveau droit et de ses opinions publiques, a appris à connaître toutes nos ruses (…) Et dire qu’il s’est même trouvé des observateurs médiatiques algériens pas dupes pour constater que l’Union européenne avait reculé sur l’Algérie et que Mohamed-Saleh Dembri avait dérouté l’Europe en lui rappelant ses crimes passés. La dérisoire mégalomanie est décidément tout ce qui reste quand on a tout perdu… « 
Pourvu que ça dure !

 

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