Entre les lignes, 27 avril-3 mai 2001
Entre les lignes
Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 27 avril au 03 mai 2001
Dans la semaine même où Bouteflika et ses ministres promettaient la relance économique, les Algériens, des jeunes de la Kabylie, ont eu droit à la relance de la… mort. Les événements de la Kabylie ont fait 42 morts et plus de 300 blessés selon des chiffres officiels à Tizi-Ouzou, Béjaïa, Bouira et Sétif. Le bilan est de 47 morts selon des estimations du FFS et du RCD, voire d’une soixantaine de morts selon une partie de la presse.
Le bilan de deux jours seulement (le week-end du 26 et 27 avril) varie entre 16 et 23 morts selon différents quotidiens privés. Des sources médicales, citées par la presse, ont fait état de l’utilisation par les éléments de la » gendarmerie nationale » de balles explosives.
Cela rappelle étrangement le scénario qui a été appliqué lors des événements de juin 1991 et la période qui a suivi l’arrêt du processus électoral et démocratique en janvier 1992. Des dizaines de personnes sont mortes par les balles des services de sécurité et des gendarmes en particulier. Lors des événements de juin 1991, ces derniers ainsi que des snipers positionnés sur les terrasses des immeubles n’avaient pas hésité à recourir aux armes à feu et aux balles explosives pour » déloger les militants du FIS » des places du 1er mai, des Martyrs et d’El-Harrach.
Une méthode aux résultats assurés pour attiser les feux de la haine et de la vengeance. Seulement à l’époque il se trouvait très peu de voix pour appeler au calme et à la retenue.
Sur le plan sécuritaire, le bilan est à la hausse pour cette semaine. Selon le décompte de presse, le nombre des morts varie entre 118 et 141 (selon que l’on considère que le premier accrochage de Tébessa a fait 40 ou 63 morts), 60 blessés et 7 disparus parmi les GLD à Tébessa.
Sur ce plan, trois faits majeurs ont caractérisé cette semaine :
1- Il y a en premier lieu l’accrochage, qui a eu pour théatre Tébessa, entre des groupes armés et les services de sécurité composés de militaires et de GLD. Tombées dans un guet-apen, les forces combinées de l’ANP et des GLD ont perdu 40 de leurs membres selon le Matin, 63 selon le Quotidien d’Oran ou 23 selon El Watan (du 29 avril). Le lendemain du d’un 2e accrochage El Watan annonce que 7 membres des GLD sont portés disparus, et le Jeune Indépendant parle de 37 terroristes abattus.
2- Selon El Watan (du 28 avril), un patriote (un GLD, selon d’autre quotidiens) a assassiné 5 personnes (père, mère, deux enfants et un neuveu) et blessé 2 autres à Mascara. » Animé d’une folie meurtrière » le patriote en question s’est ensuite donné la mort.
3- À Mouzaïa 10 membres de la famille Belgherbi ont été assassinés durant la nuit du lundi (30 avril) au mardi (1er mai) à Haouch Rchila où habitent 22 familles. Ces familles, dont les Belgherbi, n’ont pu obtenir les armes qu’elles réclamaient depuis longtemps, selon Salima Tlemçani (El Watan du 2 mai 2001).
Mais pourquoi seule la famille Belgherbi a été ciblée dans » l’attaque des 60 terroristes » (toujours selon S. T.) ? Cette question n’effleure pas l’esprit de Miss Tlemçani. Cela dit, elle n’est pas payée pour réfléchir.
Nezzar, ex-ministre de la Défense nationale !
À lire et entendre les déclarations du général-major Khaled Nezzar on ne peut être que stupéfaits devant le gros tas d’ignorance et d’indigence de cet homme. Toutes tendances confondues, les Algériens devraient au moins exprimer leur indignation à propos du fait que Nezzar a été pendant quelques années chef d’Etat-Major de l’armée, ministre de la Défense et membre du HCE.
À l’entendre sur les ondes des radios françaises on croirait parler un concièrge d’immeuble. pourtant il évoquait des sujets aussi importants que l’assassinat de Mohamed Boudiaf et les révélations de Habib Souaïdia sur l’implication des forces spéciales de l’ANP dans quelques massacres.
On s’attendait à des preuves implacables, comme nous les annonçaient Mounir Boudjemaâ du Quotidien d’Oran (voir le dernier numéro d’Entres les lignes), on a eu droit à du bavardage de grands-mères.
Si, comme le soutenait » Yasmina Khadra » lors de l’émission Théma de la chaîne Arte diffusée le 3 mai dernier, l’ANP enquétait, systématiquement, sur tous les massacres et établissait » avec certitude l’identité des assaillants « , pourquoi alors le général Nezzar s’est-il contenté de rabacher ce qui a déjà été dit à propos de Souaïdia en le qualifiant de voleur… etc ?
Et pourtant Nezzar était bien conseillé avant d’entamer son voyage à Paris. Pendant plusieurs jours, il était en compagnie de son ami Jean-François Kahn venu spécialement à Alger pour préparer les interventions du général.
Nezzar et le syndrôme de l’ennemi extérieur.
Selon la formule consacrée « , » les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur » seraient dérrière les plaintes déposées contre le généralissime Nezzar. L’ex-ministre de la Défense fait un pas de plus dans le monde de l’absurde en accusant des ONG d’avoir poussé les trois familles à déposer leurs plaintes.
Encore une fois, au lieu d’aller à l’essentiel et de répondre aux accusations, Nezzar fait dans les propos de mégères en tentant une diversion qui semble avoir donné ses fruits puisqu’elle a été rapportée par plusieurs journalistes sans commentaires. À l’excéption de SAS (paragraphe suivant).
SAS tient à effectuer un séjour en prison.
Vous avez certainement remarqué que les chroniques de Sid Ahmed Sémiane (SAS) se font de plus en plus acides envers Bouteflika, Said Sadi et particulièrement les généraux de l’ANP. Les » mauvaises langues » de la Maison de la Presse Tahar Djaout (Alger) affirment que le seul mobile de la » liberté de ton » que SAS prend lorsqu’il évoque ses protecteurs (Sadi et des généraux) est son désir d’effectuer un séjour en prison. » SAS veut s’installer à Paris, mais il veut quitter Alger en martyre » disent certains de ses confrères.
En effet, considéré comme un farouche opposé aux » Kitukistes « , » démocrate « , » moderniste « , ayant soutenu et applaudi à l’arrêt du processus électoral, qu’est-ce qui aurait poussé SAS à écrire une chronique au vitriol contre Khaled Nezzar (le Matin du 29 avril) ? Voici quelques extraits :
» Pourquoi Nezzar a-t-il éproy-uvé le besoin d’aller en France pour présenter un ivre sans importance pour la nouvelle littérature, sans valeur particulière pour l’histoire et quasiment sans intérêt pour la postérité ?
(…) Et pourtant, le général avait longuement le temps de méditer le cas Pinochet. Il avait suffisemment de liberté pour ruminer l’épisode Milosevic et il avait toute latitude de se renseigner auprès de l’ancien ministre de l’intérieur tunisien sommé de fuir l’Europe à cause d’un mandat d’arrêt international.
(…) Mais Nezzar ne médite pas. Il cultive la vanité avec un goût prononcé pour la puissance.
(…) Triste destin que celui d’un homme qui fuit les tribunaux internationaux pour ensuite expliquer cette cabale par le simple fait de la manipulation. » Les ONG ont fait pression sur le juge « , dit-il à nos confrères d’El Watan, ignorant que la fonction première d’une ONG est de faire pression.
Le général Nezzar a entamé sa carrière militaire par une désertion. Il achève se retraite politique par une fuite. » Fin de citation.
Manque de chance, SAS a été averti, bien avant cet épisode, par qui de droit, qu’aucune poursuite ne sera retenue contre lui. Patience SAS. Un jour peut-être tu seras aussi connu que Y. B. ou Chawki Amari !
» Le petit bavard de la grande muette « .
C’est le titre choisi par Abderrahmane Mahmoudi pour son article concernant l’affaire Nezzar dans l’édition du samedi 28 avril du quotidien L’Expression. L’ancien directeur de la publication de feu l’Hebdo Libéré reproche à Nezzar d’avoir pris le risque et fait prendre le risque pour l’Algérie » de tomber dans un nouveau piège apparamment tendu depuis longue date « . Il le critique pour n’avoir pas demandé » l’avis des structures et isntances officielles seules à même de lui indiquer l’opportunité ou non d’un tel déplacement… » Mahmoudi évoque des » réactions enregistrées au plus haut niveaude l’Etat le jour même de son arrivée en France « . » Ces réactions, écrit-il, exprimées (…) traduisent non seulement un agacement certain face à ce qui apparaît comme une initiative personnelle pour le moins irréfléchie, mais indiquent surtout que le temps où n’importe quelle personnalité hors des structures de l’Etat pouvait se permettre d’engager l’Algérie tout entière sur des questions d’intérêt national est bel et bien révolu. «
Tout compte fait, Mahmoudi critique Nezzar sans le disculper.
Après Nezzar et Guenaizia, Belkheir ciblé par une plainte
Nezzar coiffé à Paris. Guenaizia à qui l’on a évité le déplacement en Ecosse, où il devait se rendre pour des soins, à cause de plaintes déposées à son encontre. C’est au tour de Si Larbi d’avoir froid au dos.
Selon le Matin du 2 mai, Larbi Belkheir ferait l’objet d’une plainte en Europe déposée par des ONG européennes et américaines qui » se basent sur des témoignages d’anciens détenus des camps du Sud algérien « .
Aux prochains…