Entre les lignes du 25 au 31 mai 2001

Entre les lignes

Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 25 au 31 mai 2001

18 morts et 2 blessés sur le front sécuritaire. Un militaire stationné dans un cantonnement à Aïn Tarik (50 km à l’Est de Relizane) a, à son actif, deux morts et un blessé parmi ceux recensés dans ce bilan. Le plus bizarre dans toute cette affaire, c’est que toute la presse a rapporté l’information en question. Bravoure ? Non, juste un communiqué des services de sécurité qui fait état de ce double assassinat. Mais dans le cas où le communiqué n’aurait pas existé, les correspondants auraient certainement évoqué  » un lâche assassinat des hordes terroristes « . Cela dit, cette information n’a pas eu le mérite d’être publiée dans les  » Unes » des journaux. Relizane n’est-elle pas rentable politiquement ?
Quant à la Kabylie, la semaine a été également  » riche  » en évènements. Un décompte de presse fait état de onze (11) morts, dont 5 gendarmes, et de 16 blessés. Une nouveauté, les attaques contre les brigades de gendarmeries ne se font plus à coup de pierres mais avec des… bouteilles de gaz. De plus, les revendications ont disparu, et le banditisme a fait surface ? Les premières victimes sont les commerçants.
Le wali de Béjaïa fait son bilan des événements dans sa wilaya : 17 morts, 971 blessés (712 parmi les civils et 259 parmi les services de sécurités) et 40 milliards de centimes de dégâts matériels.

Khalida Messaoudi boycottée par la presse  » intelligente « .
Il fut un temps où lorsque Khalida Messaoudi éternuait, la presse  » moderniste et républicaine  » s’enrhumait. Les choses ont drôlement changé cette fois, et à une très vive allure. La lettre de démission de Madame la députée de son parti le RCD n’a été publiée intégralement que par quelques journaux (L’Authentique, Le Jeune Indépendant, Le Quotidien d’Oran et… El Moudjahid !). Les autres, les  » démocrates républicains  » (ou  » républicains démocrates « , j’ai complètement oublié l’ordre) ne lui ont presque pas accordé d’importance. Le Matin (du 27 mai 2001) s’est contenté de commenter cette lettre dans un minuscule article de quelques 1500 caractères (le taille d’une dépêche) dans lequel il s’est contenté de petits extraits. C’est pourtant ce même Djamel B. qui a, deux semaines auparavant, tartiné les 3/4 d’une page pour louer les qualités de Khalida  » héritière de Fatma N’Soumer « .

Arezki Aït-Larbi  » Kitukiste  » ?
Précisons, d’abord, pour éviter tout équivoque, qu’il s’agit d’Arezki Aït-Larbi le journaliste et non pas d’Amokrane Aït-Larbi, l’avocat et ex-sénateur du tiers présidentiel.
Le 26 mai, sur les colonnes du quotidien Le Matin, Arezki Aït-Larbi écrit à propos de l’assassinat de Tahar Djaout :  » Un crime sans coupables « .  » Le 26 mais 1993, Tahar Djaout était tué de deux balles dans la tête par un mystérieux commando armé. Huit ans plus tard, le crime n’est pas élucidé et les assassins courent toujours « , écrit-il.
Arezki Aït-Larbi rappelle aux lecteurs les circonstances de cet assassinat, les  » aveux télévisés… de Belabassi Abdellah… présenté comme le chauffeur du commando  » et l' » implication  » de Abdelhak Layada. Jugés par une cour spéciale, le premier écope de 10 années de prison alors que le second est acquitté dans cette affaire.
Arezki Aït-Larbi insiste sur l’entêtement de la presse (entêtement qui devint par la suite le sport préféré de bon nombre de journalistes algériens) à accréditer  » la fable du  » poète assassiné par un marchand de bonbons, sur ordre d’un tôlier ».  »  » De bonne foi ou commandités, ces écrits confortent le classement du dossier judiciaire et évitent les questions, certes gênantes, mais fondamentales… « 
Et de continuer :  » Dans un pays qui n’a pas fini de sécher ses larmes, de panser ses blessures, et qui compte encore ses morts par dizaines, cette quête de vérité peut paraître dérisoire. Pour certains milieux politico-médiatiques qui ont érigé la propagande du pouvoir en rang de vérité absolue, c’est une hérésie subversive. Au nom de « la famille qui avance », une formule empruntée au dernier éditorial de Tahar Djaout et détournée de son sens initial, de véritables « commissaires politiques » sont chargés de traquer les velléités de remise en cause du discours officiel : le moindre doute, la plus timide interrogation sont condamnés comme des « tentatives d’absoudre les islamistes de leurs crimes » !  » Fin de citation.
Avouez que la démonstration de A. A. L. est magistrale. Elle résume toute la fébrilité qui atteint la presse  » indépendante  » à la moindre interrogation sur les massacres, les disparus et sur certains assassinats politiques (Mohamed Boudiaf, Kasdi Merbah, Matoub Lounès…).
Les jours qui ont suivi la publication de l’article aucun journal, ni aucun journaliste concerné par les propos de Arezki Aït-Larbi n’a osé répliquer.

Bavure toi même !
Dans son édition du 27 mai, El Watan a consacré deux articles sur  » Les citoyens face aux pratiques des services de sécurité « . Saha, messieurs courage !
Salima Tlemçani en est l’auteur de l’un d’eux :  » Ces bavures que l’on veut cacher « . De deux choses l’une ou bien S. T. parle d’un autre pays ou alors nous n’avons pas vécu en Algérie durant ces longues années de guerre.  » Que l’on veut nous cacher  » ! De qui se moque la dame ? Elle qui a caché et cache encore les crimes de certains services de sécurités. Ce n’est pas en avançant des chiffres sur l’arrestation de policiers, de gendarmes ou de militaires (jamais ceux de la DRS) que la journaliste d’El Watan, ni les sources  » généralement bien informées « , chez qui elle s’abreuve de « scoop », ne se referont une virginité.
Voici quelques passages de l’article en question :  » Des régions qui, pendant toute cette période du terrorisme, ont échappé au contrôle de l’Etat. Dans une de nos éditions (celle du 19 juillet 2000), des officiers de la police avaient très bien résumé la situation en déclarant : « Les plus grandes dérives (comprenez par  » dérives  » : des assassinats, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des vols et des cambriolages… – ndlr) ont eu lieu entre 1991 et 1995 surtout (c’est-à-dire du gouvernement Ghozali à celui de Mokdad Sifi en passant par ceux de Bélaïd Abdesselam et de Rédha Malek – ndlr), alors que des pouvoirs exorbitants avaient été cédés à un niveau local (ça sent les boucs émissaires ! – ndlr). Pratiquement, chaque sûreté de wilaya ou de daïra s’érigeait en second Etat, terrorisme oblige. D’où le nombre important de dépassements, échappant au contrôle pendant cette période. (…) Au lieu de servir l’Etat, on a servi des pouvoirs. « 
Ne vous étonnez pas si un de ces jours vous lisez dans El Watan ou tout autre journal de  » l’Algérie moderne  » des textes de ce genre. L’inéluctabilité des TPI donne à réfléchir…

Retraite Plus.
El Watan (27 mai) s’interroge s’il ne faudrait pas reculer l’âge de la retraite pour palier aux problèmes de ressources financières du système de la sécurité sociale. Bonne idée, mais pourquoi avoir bêtement applaudi lorsque le CNT (Conseil national de transition – un parlement officiellement désigné, à l’inverse de l’actuelle APN, un parlement faussement élu) avait décidé d’avancer l’âge de la retraite à 55 ans pour les hommes et 50 ans pour les femmes, et pourquoi avoir présenté cette ineptie comme une grande trouvaille pour le règlement des problèmes du chômage en Algérie ?
Cela dit, pourquoi ne pas avancer l’âge de la retraite du Pouvoir ?

Loft We aime El-Djazair.
Un radar de Liberté (la rubrique la plus sérieuse de ce journal) du 29 mai annonce que Kenza de Loft Story (le sitcom pour les personnes au QI à un chiffre)  » est invitée par We Aime El Djazaïr et… La chaîne III  » et c’est Salim Saâdoun qui l’accueillera  » dans l’une de ses émissions « . Bravo Salim, il ne te manquait que Loft Story pour rehausser le niveau de tes émissions.
Quant à Kamel Aït-Adjedjou, patron de We Aime El Djazaïr, il peut très bien continuer à amuser les  » papiches  » pendant que son père, un grand industriel né depuis le début de la crise et membre du clan de Rebrab, Touati, Sadi…, continue à s’enrichir sur le dos des millions d’Algériens.

Sadi, c’est fini…
Un joli refrain, non ?
Le patron du RCD découvre  » la lucidité  » après dix années de guerre sur tout le territoire national. Dans une lettre qu’il a adressée au président du Front des Forces Socialistes (FFS), M. Aït-Ahmed , publiée intégralement par Le Soir d’Algérie (Liberté-bis) du 30 mai, Sadi fait semblant de ne pas comprendre le refus de ce parti d’accéder à la demande du RCD de participer à la marche du 31 mai. L’Homme qui s’est trompé de peuple se trompe encore une fois d’époque et d’interlocuteur.
Que Saïd Sadi révise bien les abc de la démocratie, des droits de l’Homme, de la république et de la politique en général et on lui garantira une session spéciale de rattrapage un mois de septembre. En quelle année ? Tout dépendra de l’assiduité de cet élève.

 

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