Entre les Lignes du 20 au 26 avril 2001
Entre les lignes
Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 20 au 26 avril 2001
Sur le plan sécuritaire, selon le schéma en cours depuis 1992, on a dénombré 15 morts et 10 blessés exclusivement à l’Est d’Alger : à Boumerdes, Tizi-Ouzou, Boghni (W. Béjaïa), Bouira, Boudouaou…
En outre, cette semaine a été particulièrement marquée par les événements en Kabylie. Les manifestations qui se sont déroulées, à la suite du décès tragique du jeune Guermah Massinissa, ont rajouté à la tragédie leur lot de morts et de blessés. Jusqu’à ce jeudi 26 avril, les jeunes continuent de manifester leur colère contre un système qui les ignore et les écrase au nom de la » défense de la République » et des » intérêts suprêmes de la nation « .
Ces manifestations ont malheureusement dégénéré vers des affrontements avec les » forces de l’ordre « . Les tentatives de manipulation étaient flagrantes. Elles ont quelques fois porté leurs fruits. Les provocations des gendarmes ont fait le reste.
Sur le terrain des revendications, le plus souvent les jeunes refusaient de se laisser entraîner vers le » terrain culturel spécifique « . Tamazight, oui, disaient-ils, mais également les emplois, le dignité, la lutte contre la corruption, la liberté d’expression et la démocratie.
Mais le grand Vizir, Bouteflika pour les intimes, bien conseillé par les généraux Belkheir et Touati, et le colonel Rachid Aïssat (les deux derniers sont pourtant issus de la Kabylie !), a cru bon d’ignorer ces événements, qui ont lieu à moins de 300 km de la Capitale, dans son discours devant les » cadres de la nation « .
Le plus grave chez les dictateurs algériens ce n’est pas tant leur dictature, mais leur lâcheté à ne pas l’assumer.
Les 40 vérités de Mounir Boudjemaâ.
Quelques jours avant que le général major Khaled Nezzar ne présente son livre à Paris, Mounir Boudjemaâ fait la Une du Quotidien d’Oran (du 21 avril) pour annoncer que l’ex-membre du HCE avait recensé » 40 contrevérités dans le livre de Souaïdia « . » Les informations cruciales que détient Khaled Nezzar sur le contenu du livre risquent de porter un sérieux coup à la crédibilité de l’auteur de « La Sale Guerre » et à ses allégations « , écrit Mounir Boudjemaâ.
Seulement, dans tous les entretiens qu’il a donnés à la presse française et lors de ses déclarations au cours de la conférence de presse qui a précédé sa fuite, Nezzar n’a fait que répéter ce qui a été déjà dit dans la presse algérienne à propos de Souaïdia et de son livre. Nous sommes loin des » 40 vérités « .
Question débilitée, il n’y a pas mieux !
Liberté du 21 avril, en page » Radar » : » Heureux Lounès qui n’a rien vu » (titre). » Oui, le Rebelle fait partie de ceux très heureux qui n’ont rien vu, hier, à Béjaïa, lors de la marche de la fondation qui porte son nom. Et pour cause, on a relevé, en effet, la présence d’une islamiste, une jeune fille voilée et portant un djelbab, parmi les éléments du cordon de sécurité de la marche… «
Ces écrits valent tous les discours sur la » tolérance « , la » liberté d’expression « , les » droits des femmes » qui entretiennent, chez certains, l’illusion sur la nature politique des démocrates autoproclamés.
Pitié de nous !
» Nous ne participerons à aucune élection » annonce, sans rire, le vénérable Hachemi Chérif, SG du MDS (ex-PAGS). » Il n’est pas question pour nous d’entrer dans une logique électorale qui va produire les conditions qui vont aggraver la crise » dit Si L’Hachemi (Quotidien d’Oran du 22 avril).
Imaginez la catastrophe si l’extraordinaire base sociale dont dispose ce parti sera appelée à boycotter la prochaine échéance électorale. C’est tout le processus qui sera discrédité. Un sale coup pour la démocratie algérienne.
C’est qu’en changeant de sigle depuis le PAGS, Ettahadi et puis le MDS, les ex-PCA ont acquis une grande notoriété auprès de la population… de la planète Mars.
Rappelons que les avant-gardistes, race protégée par la convention internationale sur la Biodiversité, avaient obtenu 0,024% des suffrages (chiffres officiels) lors des élections locales de juin 1990. Soit, en termes de voix, un peu moins que le nombre de leurs militants de l’époque.
Depuis, ils se sont jurés de ne plus se faire prendre à ce jeu macabre.
El Watan envoyé au charbon.
Après nous avoir servi un bon sondage dont il est le seul à connaître la recette, El Watan livre au grand public la photo du général major Mohamed Mediène, dit Toufik, patron des services de renseignement algériens (DRS) dans son édition du 23 avril.
Cette photo a été publiée par le général major Nezzar dans ses mémoires, mais ne comportait pas les noms des six généraux qui y figuraient. Seuls les initiés parmi les hommes politiques, les journalistes et parmi les internautes qui consultent le site des officiers du MAOL (www.anp.org) pouvaient reconnaître Toufik.
Dans cet article, signé S. Ghazi (un pseudonyme de… ), El Watan croit savoir que Toufik serait sur le point de partir car ses paires lui auraient reproché d’avoir ramené Bouteflika. C’est tout le mal qu’il a commis ?
Blasphème.
El Khabar (du 23 avril) s’est senti lésé par le parallèle qu’entretien Ouyahia dans ses amendements du code pénal » en mettant sur le même pied d’égalité le journaliste et l’imam » (en arabe : Essahafi oua el imam fi nefs el maqam). Quelle offense !
Ainsi, pour El Khabar, qui croit dur comme le rond à béton qu’il défend la liberté d’expression, qu’un imam doit être sanctionné mais pas un journaliste… éradicateur.
Et si tu balayais devant ta porte M. Berriah !
Critiquer le Maroc à tout bout de champ est devenu un sport très apprécié chez certains journalistes algériens. L’un d’eux, correspondant d’El Watan à Tlemcen, reproche, dans l’édition du 24 avril, aux services de sécurité de Sa Majesté de ne pas avoir intervenu à temps lors d’une incursion terroriste qu’aurait commi le GIA à Oujda (ville marocaine située à la frontière avec l’Algérie).
» (…) Les criminels armés ont ensuite délesté les habitants de leurs biens, particulièrement des vivres, avant de prendre la poudre d’escampette. Les mêmes informations font état de l’intervention quelque peu tardive des services de sécurité de Sa Majesté. «
Sans craindre le ridicule (maintenant qu’il est démontré qu’il ne tue point), M. Berriah considère que » L’attaque d’avant-hier est quelque peu surprenante, en ce sens que toute la région de Asfour a été radicalement nettoyée et sécurisée… «
Ça sent l’article commandé. Sinon comment oser reprocher aux services de sécurité du Maroc ce qu’on n’ose pas reprocher à ceux de son propre pays, lorsque des massacres de centaines d’Algériens ont eu lieu à quelques centaines de mètres de casernes de l’armée, de la gendarmerie ou de la police. D’autant plus que le GIA est un produit purement algérien.
A’hachmou chouia !
Etonnant M’Hammed Yazid
Dans un billet publié sur les colonnes d’El Watan du 24 avril, l’ex-directeur de l’INESG, M’Hammed Yazid, fait un parallèle tout à fait logique entre la politique coloniale et celle du pouvoir actuel en matière de répression de la population.
» Aujourd’hui, dit-il, j’ai l’impression que les choses se répètent avec l’algérianisation du pouvoir, de l’oppression, et de l’arbitraire. Les apprentis dictateurs et les nabots qui leur servent de nettoyeurs politiques et de fossoyeurs des libertés se trompent d’époque, de pays et de peuple. «
» (…) Cela dit, la phase historique dans laquelle nous sommes entrés depuis Octobre 1988 est une phase avec ses valeurs, ses constantes et ses principes. Hier porté par la vague mondiale de la décolonisation, le peuple algérien s’inscrit aujourd’hui dans la globalisation de la volonté des hommes d’accéder à la démocratie, à la liberté d’expression et au respect des droits de l’homme. «
Mais le plus étonnant est de lire M’Hammed Yazid réclamer une intervention étrangère. » Je joins ma voix, ajoute-t-il, à toutes celles qui dénoncent les amendements répressifs au Code pénal et qui défendent le premier des « corps constitués » qui est le peuple. Ce combat doit aboutir ici en Algérie. Dans le cas contraire, l’appel aux institutions internationales, dont l’Algérie a accepté la création et les compétences par ses signatures et ses ratifications, devient légitime et nécessaire.
Et qu’on ne vienne pas alors nous donner des leçons de patriotisme. Le patriotisme, c’est défendre son peuple contre tous les oppresseurs qu’ils soient extérieurs ou intérieurs. «
Ce billet n’a d’ailleurs été repris par aucun commentateur de la presse écrite.
Enquête
Le Quotidien d’Oran du 24 avril nous apprend que l’enquête sur l’attentat du métro Saint-Michel, qui a eu lieu en juillet 1995, s’est achevée en janvier 2001 soit après plus de cinq années de recherches.
Ils perdent trop de temps, ces enquêteurs français. Pourquoi ne viennent-ils pas en Algérie apprendre comment ne pas faire d’enquête du tout et être en mesure de présenter des » coupables » devant les caméras de la télévision. De plus, la formation est gratuite.
Auto-défonce.
» Dix années après avoir distribué dans l’anarchie des quantités considérables d’armes à feu – terrorisme oblige – les pouvoirs publics viennent de promulguer une série de textes réglementant l’acquisition et le port d’arme « , dixit Salima Tlemçani (El Watan du 24 avril).
Tout à fait d’accord avec vous Mademoiselle. Si vous saviez le nombre de journalistes auxquels ont été distribuées des armes à feu depuis le début des événements. Au point où certains d’entre eux menaçaient d’en faire usage… pas seulement lors d’une attaque terroriste !