Entre les lignes du 18 au 24 mai 2001
Entre les lignes
Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 18 au 24 mai 2001
Le décor est toujours le même dans l’Algérie » moderne et républicaine « . Triste record qu’est en train d’enregistrer ce pays dans le palmarès de l’effondrement.
25 morts et 42 blessés au cours de cette semaine. L’explosion d’une bombe à Laghouat a fait 31 blessés (selon des sources officielles), dont 22 militaires et 7 dans un état grave.
Sept membres d’une même famille et des taleb d’une zaouïa ont été tués à Chlef. Encore une fois, ni les autorités, encore moins les journalistes qui font de ce genre d’informations leur pain quotidien, ne tentent d’expliquer pourquoi seule la famille Abed Azzi a été ciblée parmi toutes les autres résidant dans ce village près de la daïra de Boukadir (située à 32 km de Chlef).
A Souk Ahras sévit un autre terrorisme. Une bombe datant de l’ère coloniale a tué 3 enfants et blessé plusieurs autres personnes. Ailleurs, dans des pays qui se respectent, on aurait demandé réparation. Au contraire, aucune réaction n’a été enregistrée. La mort est tellement banalisée qu’on ne fait même plus semblant de dénoncer ou d’exprimer sa consternation.
» Peuple berbère » et silence amer
Feuilletez toute la presse nationale, privée et publique, vous ne trouverez aucune réaction officielle à des propos utilisés dans la déclaration du Parlement européen concernant la situation en Algérie. Si l’on comprend parfaitement que les eurodéputés fassent dans la » boulitique « , on comprend beaucoup moins que les responsables algériens, le ministre des Moudjahidine, l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) et autres organisations de masses, pourtant très promptes à donner des leçons de patriotisme quand il s’agit de refuser une enquête internationale sur les massacres en Algérie, se taisent devant un précédent très grave. Une instance européenne officielle tente la division parmi la population d’un même pays.
Hormis le FFS, qui a doublement réagi à travers son groupe parlementaire et son premier secrétaire, le PT et le MSP, l’expression » peuple berbère » ne semble pas avoir choqué beaucoup de monde.
L’Expression… porte-parole des généraux ?
» Les généraux ne répondront pas » titre, à la Une, le quotidien L’Expression du 19 mai. Le journal de Fattani, ex-directeur de la publication de Liberté, a réservé une importante place au Mémorandum envoyé par le Front des Forces Socialistes (FFS) aux généraux Mohamed Lamari et Mohamed Médiene (Toufik), ainsi qu’à Bouteflika.
Saïd Boucetta est donc formel, les deux généraux ne vont pas répondre à Aït-Ahmed car, selon lui, ils « ont décidé, désormais, de s’inscrire dans une perspective républicaine normalisée où tout ce qui relève de la compétence du chef de l’Etat sur les secteurs de souveraineté sera inviolable « . » Désormais « , donc à l’avenir, l’ANP ne va plus s’ingérer dans les affaires des politiques? De deux choses l’une, soit le sieur Boucetta est mandaté pour parler au nom de la » grande muette « , soit alors il a choisi la dérision comme angle d’attaque de son article, ou alors il est complètement coupé des réalités algériennes pour oser penser un seul instant à cette » évolution positive » des généraux, qu’il est le seul à percevoir.
Instabilité chronique de la pensée Mahmoudienne
Pour ce qui ne se rappellent pas, Abderrahmane Mahmoudi a été le directeur de publication de l’Hebdo Libéré (disparu des étals depuis juillet 1995). Dans pratiquement tous ses écrits, en particulier les éditoriaux, Mahmoudi consacrait l’idée, juste par ailleurs, que le centre de décision de l’Etat se trouve entre les mains des généraux de l’ANP et expliquait à longueur de colonnes que leur mission est de défendre les intérêts du pays. Mais qu’il arrivait que ces généraux ne s’entendait pas sur certains aspects de la gestion, d’où sa fameuse théorie de » la force positive et l’axe négatif « .
Mais voilà que Mahmoudi, qui est actuellement journaliste à L’Expression, change complètement de registre depuis l’avènement du Mémorandum du FFS. Dans un article publié le 19 mai en page 3, intitulé » Le virus des décideurs « , Mahmoudi nie totalement que le mot » décideur « , prononcé pour la première fois par feu Mohamed Boudiaf, désigne les généraux de l’armée.
» En faisant, dit-il, des officiers du haut commandement de l’ANP, les fameux décideurs, ces hommes politique savent pertinemment qu’ils trahissent gravement la mémoire de Mohamed Boudiaf qui n’a jamais eu peur de désigner les choses par leur nom et qui n’a pas manqué d’adresser, en leurs temps, les critiques nécessaires à une armée avec laquelle il n’a pas toujours eu que de bons rapports. «
Mahmoudi se rappelle-t-il de ses écrits de L’Hebdo Libéré ?
Rabrab devant la justice ?
Le quotidien L’Authentique en a fait sa Une le 19 mai dernier. Une affaire de fraude fiscale estimée à trois milliards de centimes dans laquelle serait impliqué le richissime homme d’affaire, un ancien comptable, Issad Rabrab l’argentier du RCD.
Plus d’une semaine après la publication dudit article, signé A. Zakaria, Rabrab n’a pas encore réagit…
Les leurres de Sadi
Dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien, dont quelques extraits ont été repris par El Watan du 22 mai, Saïd Sadi « prône un regroupement démocratique » pour palier à » l’impasse du pouvoir « . Amen !
Ainsi, lorsque le » maître » décide que le pouvoir est dans une impasse, il faut le croire sur parole. Et lorsqu’il décide de se rallier à lui, il faut également faire preuve de discipline envers cet » excellent » homme politique et le croire sur parole. Cela dit, il est libre de s’allier aux démocrates de type ANR, MDS, RND et autres » républicains du FLN « . Il a tout le temps de s’amuser avant sa retraite.
Par ailleurs, dans ce même entretien, Sadi affirme : » Une chose est claire : l’islamisme en Algérie, c’est fini « . Comment et par quel miracle Sadi s’est-il débarrassé de l’islamisme ? Ou comment compte-il s’en débarrasser si ce n’est pas déjà fait ? Par les urnes ? Certainement pas. Par les armes ? A ne pas en douter.
En fait, Sadi ne parle pas par conviction. Il n’est ni pour ni contre les islamistes, il est contre ceux qui s’opposent à ce pouvoir, à ces généraux qui entretiennent sa carrière politique.
La chanson » anti-islamiste « , il la fredonne depuis 1992. Mais lorsqu’il est sommé de se mettre aux côtés de Nahnah pour s’opposer à l’opposition ou siéger dans un gouvernement, il s’exécute un point c’est tout.
Il est clair que la ligne de démarcation n’est plus entre islamistes et non islamistes, mais entre ceux qui réclament la totale souveraineté du peuple et ceux qui le considère comme mineur à vie (n’est ce pas Sadi qui s’exclamait au lendemain des élections législatives de 1991/92 : « Je me suis trompé de peuple! »?)
Hacène Aribi persiste et signe
Selon le député Hacène Aribi (ex-Nahda), le secrétaire général de l’UGTA, M. Sidi Saïd perçoit un salaire annuel de 128.000 dinars, soit deux fois celui d’un ministre. Cette déclaration a été faite en plénière de l’APN. Le lendemain, plusieurs membres du secrétariat du syndicat unique ont exprimé leur indignation par rapport à cette déclaration et ont déclaré leur soutien indéfectible à Sidi Saïd, et ont réclamé la levée de l’immunité parlementaire de Aribi pour l’ester en justice.
Au-delà des chiffres, le train de vie des responsables syndicaux de l’UGTA devrait pousser à l’interrogation sur leurs revenus.
Du jour au lendemain, un secrétaire fédéral, national ou général passe de statut de simple salarié à celui de millionnaire avec villa, appartements, lots de terrains, voitures de luxe, téléphones portables, restaurants chics, voyages et séjours touristiques en famille à l’étranger. Par quel miracle ? Hormis le budget de l’Etat, d’environ 5 milliards de centimes (officiellement du moins), la gestion uvres sociales (prélèvement de 2% sur le salaire de base des travailleurs) est une important source de financement de l’UGTA, qui reste entourée de beaucoup de flou.
Vraies ou fausses les déclarations du député, nous verrons en tout cas si Sidi Saïd ira jusqu’au bout de son duel avec Aribi en le traînant devant justice.