Entre les lignes du 11 au 17 mai 2001

Entre les lignes

Nasreddine Yacine, algeria-watch, semaine du 11 au 17 mai 2001

68 morts et 3 blessés pour cette semaine. Selon El Watan, 50 terroristes auraient été tués à Tébessa. Pourtant rien n’indiquait que cette ville paisible depuis le début de la crise en 1992 allait être le théâtre,  » au crépuscule de l’action des groupes armés « , d’une telle activité sécuritaire. Pour rappel, plus de quarante militaires et GLD étaient tombés dans un guet-apens tendu par des groupes armés non identifiés puisque les  » spécialistes  » de l’information sécuritaires de la presse  » indépendante  » n’arrêtent pas d’écrire que le principal des hommes du GIA de Antar Zouabri se trouve dans la Mitidja, à Médéa, à Chlef, à Relizane…, et que la Kabylie est tenue par Hassan Hattab. Soit, mais quel est ce  » Abou machin  » qui a pu réunir autant d’hommes (plus d’une cinquantaine si l’on croît le bilan de cette semaine) pour faire autant de dégâts à l’extrême Est du pays ? En outre, par quel miracle des groupes armés peuvent-ils s’établir dans de nouvelles zones ? Et avec quel soutien ? Qu’on ne nous dise pas, cette fois aussi, qu' » ils bénéficient de soutiens logistiques de la part de militants islamistes de la région « . Les  » spécialistes  » de l’information sécuritaires se gardent bien de réfléchir sur ces questions.

L’effort de guerre peut continuer. L’argent coule à flot. Les réserves de change sont passées à 14,5 milliards de dollars au 30 avril de cette année, a annoncé le ministre du Commerce devant les membres du CNES en fin de semaine. 7 milliards de dollars seront prélevés sur cette somme pour financer  » la relance économique  » promise par Bouteflika pour les trois prochaines années. Le  » programme triennal  » réserve 3,5 milliards de dollars, soit la moitié de l’enveloppe destinée à la  » relance  » au secteur privé. Il y a de quoi continuer la guerre doivent se dire les différents clans qui se partagent la rente pétrolière du pays et qui gèrent aussi bien le secteur privé que le public.
7 milliards seront donc déboursés pour la réalisation de plusieurs projets  » créateurs d’emplois « . Rappelons que plusieurs milliards ont été débloqués par le passé pour relancer le secteur public sans résultats probants sur l’économie nationale. Cet argent a quand même servi à améliorer le train de vie de certains chefs et cadres des entreprises renflouées, sans que cela ne se traduise sur la santé de leurs sociétés.

Quand le chat n’est pas là… Dilem danse !
Courageux comme il est, Dilem ne cesse de  » tomber  » sur les généraux avec, bien évidemment, leur accord tacite. De son exil doré à Paris, où il retrouve chaque soir la très charmante Melle Rabrab, une des filles du richissime homme de main de Belkheir et Touati, Dilem semble jouir de savoir malade Ali Benhadj. Dans sa livraison du 13 mai, il met en scène deux militaires devant la cellule du n°2 de l’ex-FIS et l’un d’eux dit :  » il faut vite le sortir de là, il risque de contaminer les rats ! « . Quand le chat n’est pas là…
Mais peut être qu’il y a des circonstances atténuantes au caricaturiste de Liberté. Un joint de trop et il pète les plombs.

Démocrates et  » démocrates « .
Très optimiste Aniss Zineddine de La Tribune (13 mai) considère que les  » démocrates préparent leur alternative « . C’est bien, et ça ne coûte pas cher ce genre d’analyse. Mais il faut les trouver ces démocrates algériens. Car à part le FFS et à un degré moindre le PT, on ne voit pas par quel miracle M. Zineddine leur colle aux trousses le RCD et le MCB. Par définition, un démocrate est favorable à des élections libres et en respecte les résultats. Un démocrate est également contre les putschs et la prise du pouvoir par des militaires. Il est pour la liberté d’expression, contre la torture et les disparitions. Un démocrate reconnaît à son peuple le droit de choisir ses gouvernants. Un démocrate ne compose pas avec un chef d’Etat qui a été  » élu  » dans la  » dernière fraude du siècle « .C’est cela la définition d’un démocrate, sinon rien n’empêche d’y classer Antar Zouabri.
Alors, cessons de classer selon nos penchants idéologiques, référons nous plutôt à des repères fixes.

L’amnésique Ghozali.
Le Matin du 13 mai livre un entretien de Sid-Ahmed Ghozali, ex-chef du gouvernement et co-putschiste en 1992. Ghozali, qui se découvre une âme de démocrate et d’opposant, devient de plus en plus ridicule en attribuant la responsabilité des événements de la Kabylie à Bouteflika et au  » Pouvoir « . Lui qui connaît très bien les arcanes de ce  » Pouvoir « , devrait plutôt parler de généraux, de  » décideurs  » et de commandement militaire. Car, qui a réprimé la révolte de jeunes adolescents en leur tirant à bout portant avec des balles réelles ? Bouteflika ? Non bien sûr. Mais le haut commandement de la gendarmerie, en la personne du général Boustila, ex-ambassadeur en Chine Populaire et actionnaire de plusieurs entreprises chinoises ayant obtenu de gros marchés en Algérie (dans le bâtiment en particulier).
Mais là où SAG n’a pas tord c’est lorsqu’il dit que :  » Le pouvoir est convaincu de sa perfection, c’est le plus inquiétant.  » Il se livre ici à une véritable auto-psychanalyse.
A une question de savoir s’il croyait  » à la sincérité de la commission de Issad « , SAG répond :  » Ce n’est pas la personnalité de Issad qui est en cause, loin s’en faut. Au-delà du sort des enquêtes passées menées par les commissions désignées par le pouvoir depuis l’affaire Benyahia à la fraude électorale de 1997 et dont aucune n’a abouti à l’éclatement de la vérité… « . Ghozali inclut-il la commission d’enquête sur l’assassinat de Boudiaf dans celles qui n’ont jamais  » abouti à la vérité  » ?
Dommage qu’il ne soit pas venu à l’idée de Saïd Chekri, l’interviewer du Matin, de relancer SAG sur cette affaire. Sauf si, les questions étaient envoyées par écrit.

Sadi, extrémiste  » démocrate « .
Le lendemain de la conférence de presse de Saïd Sadi, les titres de la presse  » indépendante  » du 14 mai ont choisi différents angles d’attaques pour titrer l’évènement. El Watan choisi :  » Ce n’est pas mon échec  » ; le Jeune Indépendant :  » Nous assumons  » ; et le Quotidien d’Oran :  » il n’y a pas de démocratie à la carte « .
D’après les comptes-rendus de la presse, il ressort que Sadi se rappelle subitement de la question identitaire qu’il veut à tout prix imposer aux jeunes manifestants de la Kabylie. Alors que depuis 1992, Sadi n’a fourni aucun effort dans le sens de cette reconnaissance légitime, lui qui a la côte avec les décideurs. La raison est toute simple : Sadi n’a rien à cirer de la dimension Tamazight. Ce qui l’intéresse c’est la dimension présidence ou au minimum celle de chef de gouvernement. À défaut, il se contentera bien de gouverneur général de la Kabylie en cas d’autonomie que des proches à lui revendiquent clairement.
Rappelons que Saïd Sadi a tout fait pour casser la grève du cartable qui a eu lieu, il y a quelques années en Kabylie, après avoir poussé les jeunes à cet ultime recours. Les révélations de Ferhat Mehenni lors de sa déclaration de divorce avec le RCD vont dans ce sens. Pourtant, Sadi semblait satisfait à l’époque de la création du HCA. C’est, du moins, l’argument officiel qu’il donna en direction de la population. Alors qu’est ce qui a changé depuis ?
Tout comme Sid-Ahmed Ghozali, lorsque Saïd Sadi parle de répression, il évoque vaguement le  » pouvoir « . Jusqu’à preuve du contraire, la gendarmerie nationale est un corps de l’armée, et ne peut donc agire sans l’accord de l’état-major de celle-ci.
Le Soir d’Algérie a choisi un titre plus révélateur : Conférence de presse de Saïd Sadi –  » Je suis un extrémiste démocrate « . Extrémiste oui, démocrate khati.

Bravo, Le Matin !
Le quotidien Le Matin a livré, sur quatre pages, un excellent reportage sur les événements de la Kabylie dans son édition du 15 mai intitulé :  » Ce qui s’est passé en Kabylie « . Les deux journalistes, en l’occurrence Farid Allilat et Nadir Benseba, ont sillonné la région pour tenter de répondre à différentes interrogations qui ont surgit depuis le début de ces évènements : Leurs origines ; Qui a donné l’ordre de tirer sur les manifestants ? ; Pourquoi n’a-t-on pas utilisé des balles en caoutchouc ? ; A-t-on utilisé des balles explosives ? ; A-t-on tiré dans le dos des manifestants ? ; Quand les gendarmes jouent aux snipers… ; A-t-on achevé des blessés ? ; Des gendarmes empêchent que des secours soient portés aux blessés ? ; Y a-t-il eu torture, vol et violation de domicile ? ; Les terroristes se sont-ils infiltrés parmi les manifestants ?…
Ça ressemble fort à une enquête. Ça ne serait pas mal de généraliser cette pratique pour en savoir plus sur les massacres, par exemple ! Quand on veut, on peut. N’est-ce pas ?

Manipulation de bas étage.
Lu dans la page 5, rubrique Periscoop, du Soir d’Algérie du 15 mai 2001 :  » Souaïdia à Tel-Aviv  »  » L’auteur de La Sale Guerre, le livre qui tente de laver les islamistes de leurs crimes en imputant les massacres de citoyens aux forces de l’ordre, est, depuis deux jours, en Israël, apprend-on de sources informées. Officiellement, Souaïdia est à Tel-Aviv pour la promotion de son livre qui vient d’être édité en hébreu par Daniel Bensimo, un éditeur connu pour son engagement sioniste. Ce dernier s’est, d’ailleurs, montré très généreux envers Souaïdia qui a touché en contrepartie des droits du livre, une somme de plus de 280.000 FF. Une somme pour le moins inhabituelle dans le domaine de l’édition, précise-t-on. « 
Cette  » information  » est tellement farfelue qu’elle n’a même pas été reprise par d’autres quotidiens privés qui n’auraient certainement pas raté une telle occasion pour casse du Souaïdia. Mais c’est tellement gros que même Liberté ou Le Matin, pourtant avide de tout ce qui pourrait nuire à l’auteur de La Salle Guerre, n’ont pas osé la répercuter, laissant la palme du ridicule à leur confrère Le Soir d’Algérie.

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