Paris ne saurait donner des leçons, déclare Hubert Védrine
Paris ne saurait donner des leçons, déclare Hubert Védrine
Le Monde, 30 avril 2001
Près de 2 000 manifestants, réunis place de la République à Paris, ont dénoncé « le pouvoir assassin » d’Algérie. LA FRANCE n’est pas en mesure de donner de leçons, ni de dire aux autorités algériennes ce qu’il faut faire pour sortir le pays de « l’immense tragédie » dans laquelle il est plongé, a déclaré, dimanche 29 avril, le chef de la diplomatie française, Hubert Védrine, sur Radio-J. « L’histoire entre la France et l’Algérie ne prédispose pas la France à distribuer des bons et des mauvais points, à dire ce qu’il faut faire, à donner de loin des leçons, à condamner », a déclaré M.Védrine sur Radio-J.Selon lui, une visite officielle en Algérie du président français, Jacques Chirac, et du premier ministre, Lionel Jospin, « existe toujours dans le principe, (mais) elle n’est pas d’une immédiate actualité ».
Par ailleurs, près de 2 000 personnes se sont rassemblées dimanche place de la République à Paris pour dénoncer la violence en Kabylie et le « pouvoir assassin » d’Algérie. Les manifestants, dont beaucoup étaient porteurs du drapeau kabyle vert et jaune, se sont rassemblés à l’appel des associations culturelles berbères et de la Fondation Matoub-Lounès, du nom de l’un des plus célèbres porte-parole de la cause kabyle, assassiné en 1998 dans des circonstances non encore élucidées.
La communauté kabyle, très importante en France, s’est également mobilisée grâce à ses radios associatives, comme Radio-Galère à Marseille et Trait d’union à Lyon, a indiqué Tayeb Abdelli, membre fondateur du tout nouveau Comité autonome de soutien à la Kabylie, très récemment créé par quelques associations.
APPEL DE LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME
Aux cris de « pouvoir assassin ! », les manifestants ont protesté contre « l’administration coloniale d’Alger ». Ils portaient des banderoles aux slogans frondeurs, tels « le pouvoir algérien nous tue depuis 1962 », ou encore « Kabylie autonome ». Une banderole qualifiait de « nazis » les généraux algériens Nezzar, Lamari et le président Abdelaziz Bouteflika. Malika Matoub, la sur du chanteur assassiné, a pris la parole pour dénoncer un « génocide ». « Ils tirent sur des gens désarmés, nous crions notre indignation, et qu’on ne vienne pas nous demander qui tue qui », a-t-elle lancé. « On tire sur les balcons, sur les enfants, nous sommes pacifistes et nous le resterons. » De nombreux participants étaient dans l’ignorance de la situation de leurs proches et craignaient même des problèmes de pénurie alimentaire ou d’essence avec le blocage des routes.
Lundi, en fin d’après-midi, sous réserve de l’autorisation de la préfecture, devait avoir lieu à l’appel de la Ligue des droits de l’homme (LDH) une manifestation de protestation silencieuse devant l’ambassade d’Algérie en France pour demander « l’arrêt de l’intervention armée en Kabylie » et la « cessation des violations des droits de l’homme ». Dans un communiqué, la LDH indique qu’elle compte également faire une interpellation pour « le retour à l’exercice effectif des libertés publiques dans toute l’Algérie ».