Meeting aujourd’hui à Béjaïa
Meeting aujourd’hui à Béjaïa
Les comités de village et de quartier animent aujourd’hui un meeting à Béjaïa autour de leurs revendications dont celle, principale, de faire situer les responsabilités dans les évènements de Kabylie.
Le Matin, 7 mai 2001
«Leur sacrifice ne sera pas vain. Nous continuerons leur combat afin d’honorer leur mémoire. » Des serments qui sont plusieurs fois revenus au cours d’une réunion de coordination des comités de suivi des événements tragiques de Kabylie qui a eu lieu hier à l’amphi 3 de l’université Abderrahmane-Mira de Béjaïa. Ils sont venus d’Akbou, d’Ighram, d’El Kseur, de Tameridjt, de Souk El Tenine, de Tichy, d’Amizour, de Tazmalt, de Feraoun relater et témoigner des récents événements ayant secoué la région de la Basse-Kabylie.
Des représentants des comités de village, de quartier de la ville de Béjaïa et d’associations des parents des victimes ont tour à tour rapporté des faits illustrant la féroce répression qui a été menée par les forces de l’ordre contre les jeunes manifestants. Tous ont plaidé pour l’urgence d’aller vers la création d’une « association des victimes de la hogra ». Dans une intervention fortement applaudie par l’assistance, un enseignant, s’exprimant au nom du collectif des travailleurs de l’éducation d’Amizour, localité où s’est produite l’interpellation le 22 avril dernier de trois élèves du CEM Emir Abdelkader par des gendarmes, après avoir rendu hommage aux « martyrs de la hogra (qui) ont osé défier la peur », a appelé à continuer à observer des « actions permanentes et pacifiques jusqu’à l’obtention du statut de martyrs pour les victimes ». Craignant la récupération du mouvement par « ceux-là mêmes qui veulent nous voir mourir », Hamid estime que cette rencontre doit aussi donner lieu à « des actions dans la perspective de contribuer à la construction d’un Etat de droit ». C’est en somme le « message » transmis par le mouvement de protestation des jeunes que les participants à la rencontre d’hier ont juré de poursuivre. Le porte-parole du comité des sages d’Ighram insiste sur le « devoir de s’organiser dans un cadre hermétique aux corrompus pour ne pas dévoyer les revendications exprimées » par les jeunes lors des manifestations de colère, à savoir, selon lui, l’aspiration à une vie sociale dans la dignité. « Et ceux qui nous taxent de hizb frança aujourd’hui sont dévoilés par le mouvement : « Eux, c’est hizb irane et hizb saoudia », clame-t-il. Intervenant pour réguler le temps des communications, les animateurs de la rencontre appellent à chaque fois l’assistance à formuler des propositions concrètes pour maintenir la mobilisation. Au tour du représentant de l’association du quartier des 600 Logements d’Ihaddaden de Béjaïa a eu cette maxime en s’inspirant de la célèbre phrase de Slimane Amirat : « Si j’ai à choisir entre tamazight et la dignité, j’opterai pour la dignité. » Il arguera encore en rappelant que les jeunes se sont soulevés contre l’abus de pouvoir et pour préserver leur dignité. Le représentant du syndicat de la santé d’Amizour a souligné l’élan de solidarité de la population locale vis-à-vis des blessés et le dévouement du personnel du corps médical lors des graves émeutes qui ont fait plus de 300 blessés alors que 14 morts ont été recensés au niveau de la wilaya de Béjaïa. « C’est un mouvement populaire, loin des partis politiques et de ceux qui prétendent se battre pour la démocratie mais enferment leurs femmes à la maison pour qu’elles ne s’impliquent pas dans le courant du vent de changement porté par la société vers la modernité », lance une jeune fille de l’association Taos Amrouche de Tazmalt. Un représentant du comité du village de Tizi N’berber considère que les collégiens et les lycéens se sont aussi « révoltés contre l’absurdité du système scolaire algérien qui appelle à une rupture radicale ». Mandaté par la Coordination des étudiants d’Alger (CEA), un étudiant soumet à l’assistance la proposition de création d’un comité de coordination des étudiants de Béjaïa, Tizi Ouzou, Sétif et Alger pour fédérer leurs volontés en vue d’ « une action commune prochainement dans la capitale et donner ainsi une plus large dimension géographique aux revendications sociales » des événements de Kabylie, qui, ajoute-t-il, sont de « toutes les façons nationales ». « Le combat contre la hogra est porté par tous les Algériens », enchaîne une syndicaliste du Satef qui n’a pas manqué de faire part de son inquiétude de « l’état d’esprit des élèves appelés à subir les examens de 6e, BEF et bac 2001 ». Cette situation interpelle les autorités algériennes d’autant que, dit-elle, « la reprise des cours est malvenue du moment où on nous a tué des enfants ». Le président de l’AVO 88 de Béjaïa a plaidé pour la mise en place d’une commission d’information afin de sensibiliser toutes les associations de Kabylie pour « la poursuite du combat dans la fidélité au sacrifice des martyrs ». Aussi, tout au long des interventions, les participants ont réclamé de traduire devant la justice les gendarmes et des brigades antiémeutes auteurs des tirs à balles réelles sur les manifestants. Pour ce faire, un collectif d’avocats sera formé. Pour sa part, le Comité des étudiants de Béjaïa (CEB), partie prenante de la coordination des comités de suivi des événements sanglants de Kabylie, appelle à « ouvrir ce mouvement à toutes les énergies qui luttent pour le respect des libertés individuelles et collectives, les droits socioéconomiques des citoyens et l’officialisation de tamazight ».
Enfin, outre le meeting qui aura lieu aujourd’hui au stade de l’Unité maghrébine (OPOW) de Béjaïa avec la participation des comités de village et de quartier, le Syndicat des travailleurs de l’éducation (SETE, UGTA) a lancé un appel à une grève pour le même jour en se disant « mobilisés contre la hogra et pour la satisfaction des droits sociaux et culturels » des citoyens.
On a appris que le meeting a eu l’autorisation de la wilaya.
Dalil Y.