Khalida Messaoudi quitte la scène politique
Par Hamza Medakel, La Tribune, 27 mai 2001
Khalida Messaoudi a décidé de quitter la scène politique. Elle annoncera sa décision lors dune conférence de presse quelle animera dans les prochains jours, selon la vice-présidente (Ghania Yacef) de lassociation Rachda que préside Khalida Messaoudi. Lannonce de son retrait de lAPN nest pas à écarter, apprend-on également. Messaoudi a indiqué ne pas se présenter devant la commission de discipline du RCD qui la convoquée pour y comparaître, le 7 juin prochain. «Il est évident que mon procès a déjà été fait et ma condamnation prononcée lors de la réunion du comité exécutif, tenue en mon absence, le vendredi 18 mai 2001», écrit-elle au Dr Sellam, président de cette commission du RCD. Dans une missive datée du 24 mai dernier, Khalida Messaoudi affirme rester «fidèle» à ses «convictions» et à ses «combats». «Il va sans dire que je ne renierai jamais ni les idéaux du RCD, tels quécrits et proclamés, ni ses militants dont jai eu à admirer, souvent, lengagement et le dévouement désintéressés», souligne-t-elle. Khalida Messaoudi, à travers la lecture de cette même missive, donne limpression den avoir ras-le-bol de «la calomnie, la diffamation, le mensonge et le sexisme vulgaire». Ce quelle a subi, jeudi dernier, comme agressions en voulant participer à la marche des femmes à Tizi Ouzou apparaît comme la goutte qui a fait déborder le vase : «Je reviens aujourdhui, jeudi 24 mai 2001, de Tizi Ouzou où je suis allée prendre part à la marche des femmes. Jai failli être lynchée par des jeunes gens chauffés à blanc, mus par une haine inouïe, convaincus que jai trahi la Kabylie pour garder un poste à la présidence» de la République. A ladresse du président de la commission de discipline du RCD, mais surtout à ladresse de lopinion publique, elle relève encore : «Vous qui savez que je nai pas et nai jamais eu de poste ni à la Présidence, ni ailleurs, pouvez-vous me dire ce quil est possible de faire contre une désinformation et une manipulation aussi efficaces que mortelles ? Pas grand-chose et les commissions nationales de discipline ny changeront rien.» Affirmant être consciente du «risque» quelle courait en se rendant à Tizi Ouzou, elle souligne quelle ne pouvait pas «vivre avec lidée quil faille se cacher des masses, fussent-elles en fureur». Parlant dun «réveil» quelle qualifie d«aussi douloureux que brutal», Khalida Messaoudi indique être allée «jusquau bout de [sa] logique». Ce que lui inspire «toute cette affaire» ? «Tristesse et affliction et, nétait le drame que vit le pays et la Kabylie en particulier, jaurais trouvé tout cela ridicule.» Déjà, dans une précédente lettre envoyée au président du parti, Saïd Sadi, Khalida Messaoudi lui signifiait quelle prenait acte de «lisolement» et de «la mise à lécart» quant à la décision du comité exécutif du RCD de retirer ses deux ministres du gouvernement «qui tire à balles réelles et explosives sur des manifestants désarmés».
H. M.
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Rupture consommée entre Khalida Messaoudi et le RCD
La femme qui doute et lappareil qui ne se trompe jamais
Quotidien d’Oran, 26 mai 2001
Artur London, Jorge Semprun, Arthur Kostler…, Khalida Messaoudi connaît les classiques de la littérature mondiale mettant en scène lindividu écrasé par la toute-puissance des appareils.
Ces classiques, elle les convoque dans une lettre au président de la commission de discipline pour parler de sa propre situation vis-à-vis du RCD et des procédés mesquins – une lettre remise subrepticement le 22 mai par lassistant du groupe parlementaire, précédée dune «convocation par voie de presse» – utilisés pour la faire comparaître devant le conseil de discipline. La marche des femmes du jeudi à Tizi-Ouzou où a elle été violemment prise à partie et contrainte de quitter la marche, a été, sans doute, lultime épreuve pour Khalida Messaoudi. Elle rompt définitivement avec le parti de Saïd Sadi – même si elle se déclare fidèle aux idéaux du RCD, «tels quécrits et proclamés» – en annonçant quelle refusera de comparaître le 7 juin prochain devant la commission de discipline. Car, sur le fond, elle considère que son procès «a déjà été fait» et sa «condamnation prononcée lors de la réunion du comité exécutif» qui sest tenu en son absence le 18 mai dernier, au mépris de la «morale et de léthique». En somme, Khalida Messaoudi considère que le combat est inégal, perdu davance car, «face à un appareil, un individu, aussi innocent soit-il, ne peut rien. Il est systématiquement broyé. Telle est la logique implacable de lappareil».
Elle trouve cependant que son sort est meilleur par rapport à des personnages entrés dans lhistoire. Des hommes contraints à «laveu» avant dêtre liquidés physiquement. La députée est toujours vivante mais elle affirme subir, pour avoir exprimé ses idées dans une interview à El Watan – où elle faisait un constat déchec de sa génération et de son parti – «la calomnie, la diffamation, le mensonge et le sexisme vulgaire». «Je reviens aujourdhui, jeudi 24 mai, de Tizi-Ouzou où je suis allé prendre part à la marche des femmes. Jai failli être lynchée par des jeunes gens chauffés à blanc, mus par une haine inouïe, convaincus que jai «trahi la Kabylie pour garder un poste à la présidence». Niant quelle ait jamais eu un poste à la présidence, la députée demande ce quil est possible de «faire contre une désinformation et une manipulation aussi efficaces que mortelles. Pas grand-chose et les commissions nationales de discipline ny changeront rien».
Pour être sincère, le démenti de Khalida Messaoudi est tardif. Le fait quon lui impute un rôle de conseiller du président nest pas venu ex-nihilo mais dun communiqué officiel diffusé à la veille de la visite de Bouteflika en France. Cétait peut-être une mission ponctuelle, mais ni Khalida Messaoudi ni la présidence nont apporté la précision nécessaire. Cest sans doute largument le moins fort de la lettre de Khalida Messaoudi.
Par contre, la lettre dévoile avec force une logique dappareil qui veut, quà défaut de liquider quelquun dont les idées sortent «du cadre», il faut impérativement le discréditer. Et là, laccusation contre le RCD et ses dirigeants est claire. Selon elle, les attaques subies sont dues au fait quelle a exprimé ses points de vue, mais aussi pour être sortie du rôle de licône féminine qui lui était implicitement attribué. «Je savais ce que je risquais en me rendant aujourdhui à Tizi-Ouzou, mais je ne pouvais me faire à lidée quil faille se cacher des «masses», fussent-elles en fureur. Je suis allée jusquau bout de ma logique, et aujourdhui, sans masochisme aucun, jai envie de vous dire quà «quelque chose malheur est bon». Car dêtre maltraitée par des gens que je croyais miens, davoir été isolée, recluse dans les ténèbres de la suspicion par ceux-là mêmes que je croyais être des frères de lutte et de destin, dêtre aujourdhui calomniée et diffamée par ceux-là mêmes que je croyais amoureux de la vérité et de la liberté, dêtre enfin renvoyée au statut de «femelle» inapte, incapable daccéder au rang de lêtre politique à part entière, tout cela mépargnera des années «dillusion improductive».
La lettre de Khalida Messaoudi donne de lappareil du RCD -dont il nest un secret pour personne quil est entièrement à la dévotion de Saïd Sadi – une image dintolérance, de stalinisme et même de sexisme. Et sans doute également dun parti à la recherche du bouc émissaire pour un choix politique – de participation au pouvoir – qui sest révélé, avec les évènements qui agitent la Kabylie, un véritable désastre. Le grand mérite de Khalida Messaoudi est davoir osé se remettre en cause en faisant un échec politique et en faisant le constat du hiatus quil y a entre sa génération dhommes politiques et la jeunesse en rébellion.
Ce qui fait le mérite de Khalida lindividu est, apparemment, la chose la plus intolérable pour lappareil de Saïd Sadi. Pour celui-ci, léchec est celui du pouvoir et non le sien. Quil le veuille ou non, Saïd Sadi le «jeune» na pas le bon rôle dans une affaire où il fait figure dun vieux gardien du temple décrétant que le parti ne se trompe jamais.
K. Selim