Les émeutes en Kabylie vues par Le Jeune Indépendant, 30 avril 2001
Les émeutes en Kabylie vues par Le Jeune Indépendant, 30 avril 2001
Devant la gravité de la situation en Kabylie
Des parlementaires exigent une commission denquête
Par Samira M.
Devant la gravité de la situation qui prévaut en Kabylie, un appel est lancé par le sénateur Abdelhak Brerhi pour la mise sur pied dune commission denquête, afin de faire toute la lumière sur la situation. Le sénateur Abdelhak Brerhi a saisi hier le président du Conseil de la nation pour également engager le débat en plénière autour de la question. A son initiative, plusieurs autres sénateurs ont cosigné la convocation du groupe parlementaire du tiers présidentiel qui se réunira aujourdhui pour débattre des propositions avancées, en loccurrence la mise sur pied de la commission denquête et linterpellation du chef du gouvernement. Pour chacune de ces démarches, il est nécessaire dobtenir trente signatures pour la recevabilité de la démarche. Le sénateur A. Brerhi, que nous avons pu joindre hier, estime quil est du devoir du sénateur de poser le principe politique, car ce qui se passe en Kabylie nest pas uniquement un événement régional, mais un problème national aussi grave que tragique, dira M. Brerhi. La commission denquête permettra, par le contact direct, dapporter des éléments dinformation supplémentaires, même sil existe une commission denquête sécuritaire. Ce nest pas contradictoire puisque celle à laquelle a appelé le sénateur sera diligentée par les sénateurs eux-mêmes. Interrogé sur les risques de récupération du mouvement de la Kabylie, le sénateur Brerhi exclut formellement cette possibilité quant à la naissance de la vague de violence, estimant quau départ il était question de mouvement pacifique. Reste que lescalade de la violence enregistrée ouvre grandes les portes de la récupération sous toutes ses formes. Cest pour cela que la revendication de la commission denquête intervient pour situer les responsabilités et contribuer dun autre côté au rétablissement du calme. Car il est vrai que la situation confuse qui semble saggraver aura des conséquences permissives aux interférences de toutes sortes dextrémismes, dira M. Brerhi. «Notre réaction en tant que sénateur est dictée par le sens du patriotisme devant une situation confuse comme tout événement violent et à laquelle nous pouvons apporter notre contribution pour éviter une escalade inutile, privilégiant en cela le dialogue comme unique solution.» La même revendication est, par ailleurs, exprimée par les députés de lAPN au nombre de cinq : quatre élus dissidents du RCD et un dissident du FFS. Dans un communiqué, les cinq signataires demandent à lAssemblée nationale de procéder immédiatement à linstallation dune commission denquête et au gouvernement de démissionner au vu de sa «gestion catastrophique». Ils demandent par ailleurs au président de la République de réviser radicalement ses positions sur la question identitaire et mettre fin par des gestes concrets à «ses velléités de remise en cause des acquis démocratiques». S. M.
Cest Saïd Sadi qui laffirme
«Un gouvernement qui tire sur la population ne mérite pas quon le soutienne»
Par Youcef Zirem
Dans une conférence de presse tenue hier à Alger, le président du RCD, Saïd Sadi, a estimé que «les dirigeants algériens refusent le monde réel et vivent dans leur délire idéologique». Après avoir passé en revue le refus obstiné du pouvoir de la prise en charge de la question identitaire, Saïd Sadi a stigmatisé «le comportement agressif et la corruption endémique de représentants de lEtat au niveau local». Le président du RCD critique le silence du chef de lEtat et estime que «le silence des officiels, relayé par le mutisme des médias publics, qui occultent une telle tragédie, relève un refus délibéré de prendre en charge une crise sanglante aux conséquences imprévisibles». Le RCD parle «de climat trouble et confus qui règne dans les sphères dirigeantes» et signale quun corps des services de sécurité (la gendarmerie, NDLR) na pas cessé davoir un comportement troublant. Le président du RCD fait remarquer que les services de sécurité nont pas utilisé des balles en caoutchouc. Au contraire, note Saïd Sadi, ils se sont servis de balles explosives. «Cest une dérive tectonique qui sest exprimée dans le sang», affirme Saïd Sadi pour qualifier la situation dramatique que continue de vivre le centre du pays. Le RCD parle également dinfiltrations et de provocations mais pour Saïd Sadi et son staff, cela ne doit pas occulter le fait que «le drame actuel est dabord la conséquence dune culture politique faite de cynisme, darchaïsme et de répression». Pour Saïd Sadi, «un gouvernement qui tire sur la population ne mérite pas quon le soutienne». Cest dans le sillage de ce raisonnement que le conseil national extraordinaire du 1er mai 2001 pourrait, entre autres, décider le retrait du RCD du gouvernement. En attendant, le RCD compte prendre des contacts avec les partis républicains pour déventuelles actions communes. Y. Z.
Anticipez Monsieur le Président !
Par Hani Rabah
Ce nest peut-être pas un remake des événements doctobre 1988, quoiquon assiste à une résurgence incroyable des revendications sociales et à un dépassement des aspirations identitaires ou linguistiques. Lirruption violente de la colère contre la malvie, la précarité sociale, lostracisme et le verrouillage politique pose indirectement une question centrale, au-delà même de ses manifestations anti-pouvoir, celle de la représentativité des appareils partisans. Le décalage devient flagrant, comme si les fils ténus qui lient ces relais à la société se sont rompus. Des émeutes symptomatiques dune crise de confiance, de crédibilité envers ceux qui sont censés défendre des citoyens des injustices et de toutes sortes de dérapage. Des appels au calme qui nont reçu aucun écho sont des indicateurs qui renseignent non seulement sur le ras-le-bol de ces jeunes, mais aussi sur une rupture, dont il est difficile de mesurer lampleur et les répercussions immédiates. Indubitablement, comme lont déjà pressenti des observateurs, la crise est nourrie par une propension maladive du système à refuser détablir ces fameuses passerelles entre trois générations politiques. Le recyclage prend dangereusement les allures dune gérontocratie, annihilant toute ambition légitime, politiquement parlant, de cette génération de lindépendance, celle qui est toujours exclue de la gestion des affaires publiques, celle qui devrait, aujourdhui, décider de lavenir de ses propres enfants. il y a donc une défaillance totale, aussi bien des représentants de lEtat centralisateur, à travers les collectivités locales, que celle des différents personnels politiques partisans de tous bords, dont tout le monde connaît les péripéties des frauduleuses ascensions au Parlement ou ailleurs. Le courage politique aurait exigé des mesures radicales, des actions qui doivent avant tout réhabiliter la souveraineté populaire, sa volonté délire et non de désigner, de choisir son bonheur ou son malheur. La volonté de Bouteflika damorcer les changements nécessaires nauront aucun effet si ses propres réformes, pompeusement annoncées, ne sont pas accompagnées par une rénovation de ce personnel dans ces collectivités locales et régionales. Autrement dit, lurgence est de faire table rase des conséquences désastreuses des scandales électoraux de 1997, en anticipant la dissolution des APC, APW et APN. H. R.
Aux urnes !
Les tragiques événements qui secouent la Kabylie démontrent encore une fois lincroyable décalage entre une société avide de liberté et de justice sociale et une classe politique gangrenée par la compromission et linertie.
Un Etat démocratique, respectueux de ses propres règles, se base, pour gouverner, sur lélémentaire équilibre des pouvoirs, conforté par la représentativité citoyenne.
En Algérie, lexécutif a honteusement phagocyté les pouvoirs législatif et judiciaire, abusant de tout ce qui peut mettre la contestation populaire entre parenthèses. Usant de la force publique surdimensionnée par leffet «état de siège», lexécutif supprime ainsi toute «balise pacifique».
Hier, octobre 1988 a été une formidable leçon des jeunes, marginalisés par un système naviguant sans boussole et à contre-courant des aspirations naturelles des êtres humains.La leçon doctobre 1988 ne semble pas être retenue par la majorité de la classe politique qui compose la «coalition gouvernementale contre-nature». Arrogante, revancharde, nourrie par les deniers publics, occupant des strapontins acquis par la grâce du système des quotas, notre classe politique inspire
la dissolution autant que lassemblée – chambre denregistrement qui la reflète.
Aujourdhui encore, à défaut dêtre dignement représentés, les citoyens choisissent la rue pour sexprimer, revendiquer lincontournable ciment pouvoir-société : le respect.
Aujourdhui, les Kabyles se sont-ils trompés de pouvoir ou est-ce le contraire : le pouvoir se trompe-t-il une fois encore de peuple ?
Qui sera le ou les traditionnels fusibles de ces sanglantes manifestations ? Les walis ?
Le ministre de lIntérieur ? le chef du gouvernement ? De tradition, les peuples libres sanctionnent leurs représentants, pacifiquement, par la seule volonté des urnes. Des urnes prises en otage depuis une décennie. Des urnes bourrées, depuis, dincompétence, de corruption et de lâcheté. Et cest au nom de ces nouvelles «constantes» imposées par la tragédie nationale que les enfants du peuple, hier et aujourdhui, à Béjaïa, Tizi Ouzou, Alger, Blida, Médéa et ailleurs, grossissent les tableaux noirs érigés par les capitales occidentales par ce quils ont de plus sacré : la vie.Cest aussi au nom de ces mêmes «constantes» que lAssemblée sapprête à enterrer la fierté des Algériens libres : la liberté dopinion. Messieurs du pouvoir, le peuple réclame ses urnes, la paix suivra ! C. A.
9e jour démeutes en Kabylie
Tizi Ouzou : des sièges de partis incendiés
De notre bureau, Saïd Tissegouine
hier encore, la wilaya de Tizi-Ouzou a vécu un enfer. Le point le plus chaud demeure Azazga. Les affrontements entre les forces de sécurité se sont poursuivis avec une violence inouïe. A Bouzguène, la situation est aussi explosive. Certes, il y a eu un petit répit, mais celui-ci était dû à lultimatum donné par les manifestants aux gendarmes de cette localité pour plier bagage. Lultimatum devait expirer hier à 16 heures.
A Boudjima on a enregistré 2 morts et 3 blessés au cours de la journée davant-hier. les affrontements ont repris hier. Les manifestants ont incendié des véhicules de gendarmes qui étaient cachés dans un garage appartenant à un particulier.
A Tigzirt, les sièges des partis politiques FFS, RCD et FLN ont été totalement incendiés.
A Ouaguenoun, les sièges de la Sonelgaz et des contributions diverses ont été attaqués. A Draâ Ben Khedda, les manifestants ont brûlé le siège des contributions diverses.
Au chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, les affrontements se sont poursuivis, mais avec moins dintensité. Les échauffourées ont touché la cité des Fonctionnaires et la Nouvelle-Ville.
Les régions dAzeffoun et Béni-Yenni ont été les nouveaux foyers de la violence. Aucune communication na pu être établie, hier, entre les régions du sud-est et le chef-lieu de wilaya. Enfin, il y a lieu de signaler que les autorités civiles et militaires de la wilaya de Tizi-Ouzou ont été tenues à lécart de toute décision. Quant à la visite que devait effectuer M. Zerhouni, ministre de lIntérieur et des Collectivités locales, à Tizi-Ouzou, elle a été simplement annulée. S. T.
Déclaration de lAPW de Tizi-Ouzou
Le ministre de lIntérieur vient à Tizi Ouzou pour rééditer la manipulation médiatique via lENTV visant lisolement de notre région en réduisant les contestations populaires contre la hogra, le mépris des droits de lhomme, les dépassements au quotidien, le malvivre et le chômage, à la seule revendication identitaire, occultant totalement les véritables et légitimes aspirations démocratiques de notre société.
Force est de constater que malgré son discours de Béjaïa, les forces de sécurité continuent de tirer sur la population à travers toute la wilaya.
Aussi, au lieu de venir à Tizi Ouzou, il ferait mieux de sadresser aux décideurs pour rappeler leurs troupes, arrêter les massacres et prendre les mesures dapaisement auxquelles ne cessent dappeler les élus de notre wilaya qui refusent de cautionner par leur présence cette machination.
Béjaïa : encore des morts et des blessés
Par Rédaction nationale
Les émeutes se sont poursuivies, hier, dans les différentes contrées de la wilaya de Béjaïa où plusieurs personnes ont été tuées. Au chef-lieu de la wilaya, les affrontements entre manifestants et forces de lordre ont éclaté dès 9 heures du matin suite à lannulation de la marche des étudiants.
A El-Kseur et Ouzelaguen, cétait le calme et le deuil après lenterrement des trois jeunes, tués samedi dernier. Une quatrième victime a été enterrée à Adekar. Nos sources indiquent quun jeune a succombé à ses blessures hier, à lhôpital de Sidi Aïch. Dans cette ville on signale quune marche visant à dévoiler les perturbateurs et ceux qui sadonnent au racket des usagers de la route nationale, a été initiée par les jeunes de la région avec la participation des élus, toutes tendances confondues.
En revanche, de violents affrontements ont fait des blessés à Akbou et à Tazmalt.
Il est à signaler quun jeune homme de 35 a été tué par les gendarmes à Seddouk. Dans cette localité, les éléments de la brigade de gendarmerie ont hissé le drapeau blanc, au-dessus de leur enceinte pour exprimer leurs regrets.
Dans la soirée de samedi, après un semblant de retour au calme, nous avons appris de sources hospitalières quun gendarme a trouvé la mort et quun autre a eu une fracture au bras. Par ailleurs, deux policiers ont été sérieusement blessés. Hier encore, les affrontements se sont poursuivis. Plusieurs foyers sont signalés depuis 10 heures du matin. Le mouvement gagne du terrain, à
13 heures, cest partout le même constat. La casse en moins, puisquil ne reste plus rien à saccager.
Les artères sont bouclées, des immenses nuages de fumée sélèvent de partout, les pneus continuent de brûler. La vieille ville est complètement isolée. Le boulevard Amirouche sembrase. Il est utile de signaler que la haute ville est lendroit le plus difficile à maîtriser par les forces de lordre par la présence de nombreuses ruelles et la Casbah, comme cest le cas aussi de Tizi et Ighil Ouazzoug.
On entend partout des hurlements, des manifestants de plus en plus en colère criant fort : «On en a marre», «Algériens, ne croyez pas le pouvoir ni la télé, tamazight nest quun prétexte, réveillez-vous contre la hogra, la corruption et les criminels de lEtat».
Des slogans qui en disent long sur les raisons de ces émeutes. On entendra aussi crier : «Ceux qui sont intervenus à la télé ne sont que les sbires du pouvoir, ils nont rien à voir avec nous ni avec la justice sociale de ce pays». Enfin, les affrontements se poursuivent encore à lheure où nous mettons sous presse.
Cest le cas notamment, au chef-lieu de la wilaya, à la cité Séghir où on signale un mouvement, incessant dambulances qui évacuent les blessés. Les manifestants se sont attaqués à la cité des douaniers.
Nayant pas essuyé de riposte, les jeunes se sont repliés. Ces derniers affrontements auraient fait plusieurs blessés, voire des morts, parmi les forces de lordre. R. N.
Bouira : 5 manifestants atteints par balles
Par Mourad O.
Les émeutes se sont poursuivies hier encore dans la wilaya de Bouira.
A Haïzer, la colère des manifestants est montée dun cran après larrestation de deux jeunes par les éléments de la gendarmerie. Les manifestants ont essuyé des tirs darmes à feu lorsquils ont pris dassaut le siège de la brigade. Deux jeunes et un adolescent ont été atteints par balles. Evacués vers lhôpital de Bouira, deux dentre eux ont regagné leurs domiciles alors que le troisième blessé se trouve toujours en réanimation. Après, les jeunes de Haïzer, sen sont pris aux sièges de la daïra et de lAPC. Les vitres ont été brisées, le barreaudage arraché alors que les véhicules de service des deux institutions ont été incendiés. A Chorfa, le bureau du FFS a été brûlé dans la nuit davant-hier, et hier des dizaines de manifestants venus de Tazmalt pour incendier le siège de lAPC, ont été repoussés par des citoyens de la localité. A Mchedallah, la rencontre entre des manifestants venus de Raffour pour incendier les sièges de lAPC et de la daïra et les manifestants de Mchedallah, hostiles à la casse, a failli tourner mal. Après négociations, les deux groupes ont décidé de fermer la RN5 et de la RN26 à la circulation. A Bechloul, des informationsfont état daffrontements au corps à corps entre les brigades anti-émeutes et les manifestants qui tentaient dincendier lAPC. Deux manifestants âgés de 18 ans, ont été blessés par balles et un troisième manifestant a été écrasé par un camionneur. La commune dEl-Asnam qui était isolée du reste du monde, on fait état daffrontements très violents. A Bouira-ville, les quelques groupes qui sétaient formés, dès les premières heures de la matinée, pour relancer les manifestations, ont été vite dispersés par des grenades lacrymogènes. Le retour au calme se fera partir de midi. Dautres marches pacifiques ont été organisées dans la commune dAth Lakhdar. M. O.
Des Algériens manifestent à Paris
Par Aït-Chaâlal
Mouloud
Près de deux mille personnes ont participé hier à Paris à un rassemblement pour dénoncer «la répression et linjustice» dans la région de la Kabylie, fustigeant les méthodes employées par les forces de lordre pour réprimer les manifestations. Les manifestants se sont rassemblés à la place de la République à lappel des associations culturelles berbères et la fondation «Matoub-Lounès».Cette manifestation intervient alors que les événements en Kabylie ont pris une tournure dramatique avec le décès de plus de 35 personnes depuis la tragédie de Béni-Douala. Lors du rassemblement parisien, les manifestants fustigeaient les forces de lordre et accusaient le pouvoir dêtre responsable du pourrissement de la situation en Kabylie. La mort du jeune Massinissa Guermah, ce lycéen de 19 ans tué accidentellement, selon la version officielle, dans lenceinte de la brigade de gendarmerie de Béni-Douala a mis le feu aux poudres, donnant lieu à des affrontements sans précédents en Kabylie entre manifestants et forces de lordre. Depuis Paris, Malika Matoub, lun des chefs de file du rassemblement, a condamné la répression des forces de lordre, lançant à loccasion un appel au calme. «Nous sommes pacifistes et nous le resterons», a-t-elle affirmé. Les participants au rassemblement parisien ont tenté de marcher jusquà la place de la Bastille, mais ont été empêchés par un cordon de CRS. A.-C. M.
L’université se prononce
Les étudiants prévoient une marche
Le rassemblement, aujourd’hui, des étudiants dans l’enceinte de l’université de Bouzaréah risque de connaître quelques affrontements avec les services de sécurité. Une éventuelle marche de solidarité avec ceux de la Kabylie n’est pas à écarter. Celle-ci aura lieu avec ou sans l’autorisation des services de la wilaya, ont précisé les porte-parole des étudiants.
Par Nabila K.
Les étudiants des universités de Ben Aknoun, Boumerdès et Alger-Centre se sont donné rendez-vous aujourd’hui à Bouzaréah afin d’exprimer leur soutien à leurs camarades de Tizi Ouzou et Béjaïa. Cet appel a été lancé, hier, par un groupe d’étudiants dans l’enceinte de l’université où les mouvements de protestation se poursuivent. Déjà, avant-hier, près de 500 étudiants ont occupé les bancs de certaines salles où ils ont passé la nuit. «Nous ne croyons plus en ce système. Il est temps de dire halte à la hogra et à la marginalisation. Nous refusons d’être manipulés», a lancé une jeune étudiante touchée par le tragique sort qu’a subi la région de la Kabylie.
Lors d’un point de presse tenu hier, les conférenciers ont tenu en premier lieu à préciser l’autonomie de l’ensemble des étudiants. «On ne doit pas donner à ce genre de solidarité une coloration régionaliste», ont-ils souligné. Et de préciser que ce genre d’émeutes peut se produire dans n’importe quelle wilaya. «Ce jour-là, nous ferons ce que nous sommes entrain de faire aujourd’hui.»
Certains étudiants ne comprennent pas «l’acharnement des autorités sur la population, alors qu’elle a été, dans un passé proche, solidaire pour combattre le terrorisme. Que cache cette émeute ?», ont-ils lancé. Nadia, étudiante en langue espagnole, ira plus loin dans ses réflexions. Pour elle, si «certaines tendances politiques» ont l’intention de rayer la Kabylie de la carte géographique, c’est un échec assuré d’avance. «La Kabylie restera algérienne à tout jamais», a-t-elle tenu à préciser. Il y a lieu de signaler que 60% des étudiants ont décidé de boycotter les examens de fin d’année. La priorité pour eux est l’instauration de la paix et le pardon. «Que la justice se prononce sur les assassinats», ont-ils clamé. Pour revenir au point de presse, les conférenciers ont signalé qu’une demande d’autorisation pour organiser une marche a été déposée auprès des services de la wilaya. Ni le lieu ni l’heure n’ont pour l’instant été fixés. Ces derniers ont expliqué que le temps du silence a pris fin : «Il est temps de bouger.» Ils estiment que même si le calme se rétablit en Kabylie, les mouvements de protestation se poursuivront d’une manière ou d’une autre : «C’est l’occasion de dire basta au mépris.» Dans une déclaration transmise à notre rédaction, les étudiants de Boumerdès soulignent la légitimité de la colère des jeunes Kabyles et appellent tout un chacun à contribuer à l’apaisement de la situation. Les étudiants dénoncent l’utilisation de la Kabylie comme bastion de manuvres, et les tentatives de dévoyer le combat démocratique que cette région a de tout temps porté à toute l’Algérie. Pour cela, les étudiants de Boumerdès mettent le pouvoir face à ses responsabilités devant le sang qui coule. N. K.
SOS Culture BEO
Déclaration
Suite aux événements et manifestations qui continuent d’avoir pour théâtre des régions entières de notre pays, nous, membres de l’association SOS Culture Bab El Oued, venons, par cette déclaration, apporter notre indéfectible et inconditionnel soutien aux populations de la Kabylie. Par ailleurs, l’association SOS Culture BEO n’a pas cessé de signaler et de le dire, à travers les différentes manifestations qu’elle a organisées ou celles auxquelles elle a participé, le ras-le-bol généralisé de la jeunesse face à l’injustice et aux dépassements. A cet effet, et pour joindre sa voix à cette jeunesse malheureuse, victime de la hogra organisée, l’association dénonce et déplore les événements qui endeuillent des familles entières, et le mépris permanent affiché vis-à-vis de la culture et de l’identité amazighs, entités constitutives de la personnalité algérienne. Le bureau de l’Association
LUGTA appelle au calme
Le secrétaire général de lUnion générale des travailleurs algériens (UGTA) a réagi hier suite aux incidents graves qui se déroulent dans les régions de Tizi Ouzou et de Béjaïa. Dans un communiqué adressé à notre rédaction,
M. Abdelmadjid Sidi-Saïd a adressé ses condoléances les plus attristées aux familles des citoyens décédés.
Il a, par ailleurs, déclaré que «lAlgérie qui sort dune longue période dramatique qui na épargné ni région, ni citoyen, ni structure économique et sociale, na nul besoin dautres troubles de nature à lécarter de ses véritables ennemis, notamment, le terrorisme aveugle, le chômage, la pauvreté et le sous-développement». M. Sidi-Saïd appelle les citoyens à contribuer au rétablissement du calme et de la stabilité, dans le souci de préserver les vies humaines. Il dira que «cest par le dialogue et la concertation que toutes les revendications légitimes économiques, sociales et culturelles trouveront des solutions dune manière démocratique». Le secrétaire général de lUGTA a estimé dans sa déclaration que «la liberté dopinion, dexpression et de contestation sont des acquis quil faut protéger et renforcer, loin de tout acte de violence». R. N.