La manifestation du 14 juin vu par El Watan

UNE MANIFESTATION GRANDIOSE PERTURBEE PAR DES CASSEURS / A l’est d’Alger…

Il n’est pas encore 8 h, ce jeudi matin, et déjà la circulation connaît un sérieux début de blocage sur l’autoroute au niveau de la Foire, aux Pins maritimes.

Sur le pont-échangeur qui surplombe cette pénétrante en direction d’Alger, le spectacle est impressionnant. C’est à croire que tout ce que l’Algérie compte de mini et microbus, dans la diversité de leurs marques, s’y sont donné rendez-vous. D’autres véhicules, aussi hétéroclites que surprenants, donnent une touche fortement bigarrée à la masse compacte hésitant entre le mouvement et l’immobilisme. Pare-chocs contre pare-chocs, des camions-bennes côtoient d’immenses semi-remorques pleins à craquer de jeunes dans la force de l’âge et qui ne donnent aucunement l’impression d’avoir été éprouvés par le voyage. A cette heure-ci, et à une dizaine de kilomètres du centre-ville, l’écrasante majorité des véhicules sont immatriculés à Béjaïa (06). Bien qu’en nombre infime, le matricule 19 (Sétif) se fait aussi remarquer sur certaines plaques. Ceux qui viennent de loin sont les premiers arrivés. Ils ont pris la route avant la levée du jour. Un regard vers l’ouest, à partir du pont, laisse apparaître un flot ininterrompu de véhicules qui convergent vers le même point. A ce rythme, c’est une certitude que la paralysie de la circulation ne va pas tarder. Nous empruntons aussitôt l’autoroute en sens inverse des arrivants. La longue procession des véhicules en provenance de Kabylie a un côté grandiose et féerique. Bus, camions et fourgons de transport de voyageurs se suivent sous le regard amusé et étonné, ou parfois inquiet, de quelques habitants des hameaux et localités traversés. Il est rare de croiser un véhicule «nu». Drapeau national et fanions aux couleurs symboles de l’amazighité sont déployés sur les toitures des véhicules ou agités à travers leurs vitres, en même temps que des rameaux d’olivier ou des branchages d’eucalyptus, de peuplier et d’acacias. Beaucoup de slogans et de mots d’ordre, aussi, sont accrochés autour des voitures. Le portrait de Matoub Lounès orne les devantures de beaucoup d’entre elles. A hauteur de Dar El Beïda, à quelques encablures du Hamiz, quelques fourgons font une halte sur l’accotement. Leurs occupants en descendent. Ils sont d’un même village. Nous les abordons et l’accueil est plutôt cordial, surtout après qu’ils furent rassurés que nous n’étions pas de la télévision algérienne. Ils sont persuadés que tout se passera bien si… «on ne nous provoque pas». L’un de nos interlocuteurs nous apprend qu’à l’issue de la marche sur la Présidence de la République, deux jeunes remettront une lettre au chef de l’Etat. A Thenia (ex-Ménerville ), nous jugeons plus prudent de rebrousser chemin, car la densité de la circulation est désormais telle que tout retour vers Alger, dans la matinée, sera impossible. Effectivement, dès que nous quittons Thenia, et dès la sortie de la ville, c’est le blocage. Il n’est que 9 h et aucun véhicule n’avance. Nous sommes coincés pendant 20 longues minutes au milieu de la chaussée. Quelques jeunes s’impatientent. L’un d’eux fait passer un mot d’ordre clair, bien que dit sur un ton débonnaire : «Si c’est un barrage, il faut le forcer et c’est tout.» A gauche, le bâtiment de la brigade de gendarmerie a toutes ses fenêtres hermétiquement fermées. La guérite de surveillance est désertée. Quelques centaines de mètres plus loin, après la reprise du trafic, nous comprenons, aux bris de glace qui jonchent la chaussée, que le blocage était dû à un léger carambolage. Nous jugeons toutefois plus prudent de poursuivre notre retour par des chemins détournés. Il est environ 11 h 30 et depuis le grand échangeur du Caroubier vers Oued Ouchayeh, une véritable marée humaine à donner le vertige s’ébranle en direction d’Alger. Les manifestants sont organisés en carrés identifiés par villages et communes. Avec leurs brassards noirs bien en évidence, les éléments du service d’ordre s’efforcent, avec succès jusque-là, de canaliser les marcheurs et de maintenir les carrés. Pas pour longtemps. Déjà, des groupes de jeunes excités enfreignent la discipline. Les grands panneaux publicitaires résonnent sous des coups de pierres et de massues. Ils ne sont pour le moment que quelques dizaines et ils se montrent incontrôlables. Le gros de la foule poursuit la marche dans le calme. Jusqu’à la place du 1er Mai où les incontrôlables sont devenus beaucoup plus nombreux, alors que des centaines de milliers de marcheurs sont restés bloqués sur l’autoroute.

Par A. Samil

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Des émeutiers incontrôlables

Les organisateurs de la marche de jeudi n’ont pas pu maîtriser les milliers de jeunes survoltés qui ont fait basculer une manifestation, voulue pacifique, dans l’émeute.
La marche des archs devait démarrer à 13 h 30 des Pins maritimes, selon ses initiateurs. Pourtant à 11h, des milliers de jeunes marcheurs arrivaient déjà à Belcourt, par le front de mer. Torses nus, ou simplement vêtus d’un maillot de corps sans manches, le visage peinturé, beaucoup étaient munis d’armes blanches (bâtons en bois, barres de fer, haches, marteaux, tournevis…). Ils noyaient, quasiment, un carré formé par des étudiants des universités d’Alger et deux autres par les manifestants de Seddouk et Bouzeguène. Les mots d’ordre de la marche devenaient inaudibles sous l’assourdissant bruit des bâtons qu’ils abattaient sur les rambardes de la bande séparant les deux voies de l’autoroute. Au fur et à mesure que la procession avançait, des manifestants mettaient le feu aux pneus et les laissaient brûler sur les bas-côtés. Vers 11 h 30 , un groupe d’adolescents s’apprêtait à prendre d’assaut la station d’essence du Caroubier, protégée par cinq policiers, en vue de l’incendier (elle le fut d’ailleurs quelques heures plus tard). Deux organisateurs, reconnus à leur badge, aidés par des manifestants, les en empêchèrent in extremis. Quelques encadreurs de la marche, isolés, donnaient l’impression d’être complètement dépassés par la tournure que prenait la manifestation. On était loin — très loin même — de l’ordre impeccable qui a caractérisé la marche des archs à Tizi Ouzou, le 21 mai dernier. Les signes de dérapages étaient perceptibles dès le départ. De jeunes casseurs ont pris au dépourvu les délégués des archs en arrivant à Alger à l’aube, c’est-à-dire bien avant les marcheurs disciplinés. Ils ont pris de facto la tête de la manifestation, décidés à faire la «guerre à Alger», si on les empêche de parvenir jusqu’au palais présidentiel. C’est ce que déclaraient les manifestants, de l’embouchure de l’échangeur de Mohammadia à la place du 1er Mai, en brandissant leurs objets contondants. A partir de là, il était impossible de les raisonner, encore moins de contenir leur rage et de sauver une manifestation qui aurait pu se dérouler dans des conditions normales. Les initiateurs de la marche de jeudi, qu’on présentait avec beaucoup d’espoir comme «historique», ont sans doute une part de responsabilité. Selon les témoignages d’habitants de villages de la Kabylie, les jeunes se préparaient à l’affrontement suite à la circulation de rumeurs sur l’interdiction de la marche, puis du changement de son itinéraire.

Par Souhila H.

Sommaire

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Course poursuite et passage à tabac

Un groupe de jeunes des quartiers de Belouizdad et du 1er Mai, sous l’œil curieusement passif des CNS, s’est acharné contre les manifestants venus de Kabylie. Aux environs de 15 h, ce groupe a pris position au niveau de Belcourt, du côté de l’avenue de l’ALN bouclant ainsi toutes les issues aux manifestants désirant rejoindre les bus stationnés au niveau des Pins maritimes. La colère des jeunes Belcourtois est due, selon eux, au comportement agressif des émeutiers «Ils ont essayé de saccager nos commerces et ils n’ont pas cessé de lancer des pierres en direction de nos maisons tout en nous accusant d’être des traîtres», dira l’un des jeunes de ce quartier qui a par là même proféré des menaces envers un photographe qui tentait de prendre des photos de ces scènes. «Si je vous aperçois en train de prendre des photos, je casserais votre appareil», dira-t-il. Ce groupe de jeunes a roué de coups plusieurs manifestants avant de les relâcher. Parfois, Ils exigaient des émeutiers en guise de laissez-passer, de déclarer qu’ils ne reviendront plus à Alger. Les émeutiers ont été aussi poursuivis alors qu’ils prenaient la fuite. Rattrapés, ils ont été passés à tabac, puis jetés à l’intérieur des véhicules des services de sécurité. Cependant, d’autres émeutiers ont eu la vie sauve grâce à l’intervention de certaines personnes influentes du quartier.

Par N. A.

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La Rue Didouche en proie à la destruction

Alors qu’une marée humaine était assise pendant près d’une demi-heure sur la chaussée à l’entrée de la place Maurétania (Hassiba Ben Bouali), des jeunes manifestants se sont levés subitement et ont commencé à appeler la foule à rejoindre la Présidence.

«Venez tous, n’ayez pas peur. Nous allons marcher vers la Présidence.» A ce niveau, les policiers étaient postés tout au long des boulevards qui mènent vers la place des Martyrs. Subitement, ils sont pris de court. Un groupe de manifestants se détache et se dirige droit vers la rue Didouche Mourad, par la rue Ferroukhi Mustapha (ex-Richelieu). Ils ont tout cassé sur leur passage. A l’exception des magasins qui ont pris la précaution de baisser rideau, la majorité des commerces ont été saccagés. L’agence de la SAA a failli être complètement incendiée, n’était la vigilance des habitants de l’immeuble où elle se trouve. N’ayant pas pu mettre le feu aux locaux, les manifestants ont saccagé tout le matériel avant de le mettre sur le trottoir et de le brûler, devant le regard impuissant des travailleurs. Plus loin, les vitres de la salle de cinéma L’Algéria ont volé en éclats sous les projectiles des jeunes qui n’ont rien laissé derrière eux : aucun lampadaire, aucune enseigne lumineuse, aucun panneau de signalisation. Ils ont également tenté d’investir le bâtiment de la CAAR, mais les employés les en ont empêchés. Toutes les vitres des commerces et des édifices publics (ministères des Transports et de l’Habitat) ont été assaillies par des jets de pierres. Devant le musée du Bardo, les manifestants ont arraché l’ensemble des arbres nouvellement plantés. En fait, la destination des manifestants était le Palais du peuple, actuelle résidence présidentielle. Des renforts sont arrivés à hauteur du carrefour du Télémly et ont formé un bouclier infranchissable. Pour éloigner cette foule déchaînée, les CNS ont fait usage de bombes lacrymogènes. Ne pouvant plus avancer, les jeunes manifestants ont saccagé les statues qui surmontent les réverbères du carrefour, arraché toutes les enseignes lumineuses puis pris le chemin du boulevard Télémly. Ils ont bloqué la route aux automobilistes par des pneus en fumée et mis le feu à un espace vert situé à proximité du parc de la Liberté. Deux heures après ce vent de colère, la rue Didouche donnait l’image d’un quartier ravagé par un ouragan en dépit de la campagne de nettoyage lancée par les habitants et les agents de la commune.

Par S. T.

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Plusieurs établissements incendiés

Plusieurs édifices publics et privés ont été complètement saccagés par les manifestants, jeudi, lors de la marche à laquelle a appelé la coordination des archs, daïras et communes de Tizi Ouzou.

Aux environs de13 h les émeutiers fuyant les bombes lacrymogènes ont commencé à détruire tout ce qu’ils trouvaient sur leur passage. Les panneaux de signalisation implantés dans différentes artères, notamment de la place du 1er Mai et les alentours, ont été soit arrachés, soit détruits à l’aide de pierres. L’entreprise nationale d’entretien des ascenseurs ainsi que la Caisse d’assurance (CAAT), situées à la rue Hassiba Ben Bouali, ont été également détruites et les documents se trouvant à l’intérieur ont été tous jetés dans la rue. L’unité de l’ETUSA (ex-RSTA) a été entièrement ravagée par les flammes. Les manifestants sont entrés de force à l’intérieur et ont pu incendier sept bus et deux véhicules légers et ce, avant de s’en prendre à l’Entreprise nationale des bois et dérivés (ENATB). Les émeutiers se sont acharnés sur le portail de cet établissement. Ils l’ont détruit puis ont introduit une voiture de marque Express qui a explosé à l’intérieur. Des scènes similaires ont eu lieu également dans ce quartier où les deux bâtiments de la Sécurité sociale ont subi le même sort. Au niveau de la rue Didouche Mourad et d’autres avenues d’Alger, les vitres et les frontons de plusieurs magasins ont été brisés. C’est le cas du cinéma Algéria où les vitres récemment retapées ont été brisées. La station de bus de Tafourah a été aussi saccagée et les vitres de bus cassées. Une partie de l’hôtel Sofitel ainsi qu’une unité industrielle située en face ont été détruites. En prenant le chemin du retour vers la Kabylie, les émeutiers se sont pris au dépôt de voitures appartenant à la compagnie Kia. Un grand nombre de voitures et de minibus ont été évacués à l’extérieur de cette structure puis abandonnés tout au long de la route menant vers les Pins maritimes complètement calcinés. D’ailleurs, les habitants de la localité d’El Harrach et environs n’ont pas raté cette occasion pour désosser les voitures de toutes les pièces importantes. Le restaurant El Mourabitoun a été incendié, la station d’essence du Carroubier a été saccagée. Même les bennes tasseuses n’ont pas échappé aux émeutiers. Ces derniers ont brûlé les camions avant de les renverser.

Par Nabila Amir

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LA MARCHE DE JEUDI DERAPE ET TOURNE AU DRAME / La montée sur El Mouradia n’a pas eu lieu

La marche sur le palais présidentiel n’a pas eu lieu. La détermination des manifestants, venus à Alger à l’appel de la coordination interwilayas des comités de villages, a rencontré, jeudi à la mi-journée, le refus des forces de police de laisser le cortège poursuivre leur chemin vers El Mouradia.

La marche avait commencé dans le calme à partir de 7 h du matin au niveau des Pins maritimes à l’est d’Alger. Sous un soleil de plomb, les marcheurs avançaient à une allure régulière vers la place du 1er Mai en empruntant l’autoroute. A ladite place devaient se regrouper les manifestants avant de prendre l’avenue de l’Indépendance pour gagner El Mouradia. Il était dit que les organisateurs n’avaient pas changé l’itinéraire initial. Le ministère de l’Intérieur, qui a annoncé mercredi au public avoir rencontré «un groupe d’individus», a déclaré que la marche, «qui ne posait aucun inconvénient», devait suivre l’itinéraire entre la place du 1er Mai et la place des Martyrs. A 12 h 30, les marcheurs étaient à peine arrivés au niveau du jet d’eau de la place du 1er Mai que les choses tournaient déjà au vinaigre. Les forces antiémeutes, les officiers au moins, n’ont pas cherché à parlementer ni à dissuader les marcheurs d’aller plus loin. Face à eux, il n’y avait pas d’organisateurs. Ceux-ci étaient affairés à «organiser» les carrés au niveau de l’autoroute. Une faille ? Possible. Dans les rues adjacentes, une tension terrible régnait. Comme si tout le monde s’attendait à «la casse», y compris parmi les riverains. Un camion de la police a commencé à arroser les manifestants d’eau. Les choses se sont accélérées rapidement après. Les bombes lacrymogènes tombaient en pluie sur les manifestants. En réaction, les jeunes marcheurs commençaient à s’en prendre aux plaques de signalisation et à arracher tout ce qu’ils trouvaient sur leur passage. L’abribus et le cybercafé d’à côté furent les premiers à faire les frais de la colère des jeunes. Ceux parmi les manifestants qui jetaient des pierres aux immeubles avoisinants ont été maîtrisés par des riverains. A ce moment-là, commençait l’affrontement avec les forces de police, armées de matraques et de bombes lacrymogènes. Décidés à en découdre avec les policiers, les jeunes ont arraché les feuilles en tôle ondulée qui entouraient le champ des travaux du métro d’Alger. Ces feuilles leur servaient de boucliers. Ils lançaient des pierres vers les policiers qui le leur rendaient bien ! L’affrontement a duré plus d’une demi-heure.
Les jeunes, fuyant les gaz des bombes lacrymogènes, s’engouffraient après dans la rue Hassiba Ben Bouali. A ce niveau-là, les choses ont pris une autre tournure. La casse commence. Certains sont allés vers Belcourt, d’autres, bien auparavant, sont descendus vers Maurétania et la gare Tafourah, d’autres encore ont gagné l’autoroute de l’est. Hier, à 18 h, la place du 1er Mai offrait l’image d’un véritable champ de bataille. Les employés de la ville d’Alger qui ramassaient les débris de verre et le matériel de bureau calciné ne pouvaient pas changer grand-chose au décor sinistre.

Par Fayçal Metaoui

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Panique à la place du 1er Mai

Au cours du repli des manifestants qui ont été empêchés par les gaz lacrymogènes et les canons à eau des CNS d’emprunter l’itinéraire qui devait les mener à El Mouradia où se trouve le siège de la Présidence de la République, des casseurs ont profité de la confusion qui régnait sur l’axe qui allait de la rue Hassiba Ben Bouali jusqu’à la place du 1er Mai pour s’attaquer à un certain nombre d’édifices publics auxquels ils ont d’ailleurs mis le feu. Et ce, après avoir tout saccagé à l’intérieur des locaux aussi bien de l’entreprise des ascenseurs, de la CAAT ou encore les entrepôts de l’ETUSA que de l’ENATB, de la Société nationale de comptabilité… Des unités appartenant au secteur privé n’ont pas été pourtant épargnées ; dans le meilleur des cas elles n’ont été que partiellement détruites. Des représentations commerciales de concessionnaires ou de simples commerces ont été la cible de jeunes révoltés. Des incendies inquiétants se sont déclenchés, suite à ces attaques, notamment sous les immeubles HLM du quartier des Groupes vers la fin de la rue au niveau de la place du 1er Mai. Là on a pu voir des mouvements de panique parmi les locataires de cette cité constituée de plus d’une dizaine de bâtiments. Les flammes menaçaient directement les habitations. Les citoyens craignaient les explosions de gaz. lls ont échappé de justesse à une catastrophe. Le bilan aurait alors été dramatiquement lourd. Des cris de femmes, des enfants en pleurs, des hommes hurlant au calme et au secours, tel était le désolant spectacle que l’on a pu constater au niveau de la partie inférieure de la rue Hassiba Ben Bouali. L’accès vers les groupes d’immeubles était encombré par des épaves de véhicules calcinées, des barricades au milieu de la chaussée. Le retard occasionné pour l’acheminement des secours a augmenté l’intensité de la panique des habitants du quartier qui sont intervenus pour empêcher que les casseurs ne mettent le feu à d’autres édifices et ne saccagent les locaux. Ils ont essayé de convaincre ces derniers par la discussion, mais très vite les choses ont tourné à l’affrontement devant l’entêtement de certains desperados, jets de pierres, courses poursuites ; les échauffourées ont été dures par moments. Après cela, on a assisté à des scènes de pillage provoquées par des jeunes venus des hauteurs de Belcourt…

Par R. B.

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Le Retour des pillards

Les casseurs sont toujours suivis de pillards. Les évènements de jeudi n’ont pas dérogé à la règle. En début d’après-midi, de jeunes excités fracturent sur leur passage le portail d’un immense hangar du port d’Alger situé au niveau du pont proche de la Maison de la presse et disparaissent dans la nature.

La caverne d’Ali Baba est ouverte pour les pillards, selon l’expression de l’un d’eux qui rameute ses copains du quartier. Jeunes et moins jeunes s’y engouffrent et en ressortent avec des cartons contenant des séchoirs et autres produits informatiques et électroniques, des rouleaux de câbles électriques et autres emballages «made in Dubaï». Sans pudeur et sans honte, ils passent devant les curieux et disparaissent dans les immeubles du quartier ou se dirigent vers celui de Belouizdad.
Ils s’informent l’un l’autre sur la présence éventuelle de policiers et ne s’embarassent pas du fait que des témoins les aient vus avec les objets volés. Le manège va durer au moins deux heures, ce qui laisse supposer que des tonnes de marchandises d’une immense valeur étaient entreposées dans ce dépôt. Bizarrement, des voitures de police passaient par là sans chercher à s’occuper des pillards, et ces derniers ne semblaient pas inquiets par leur passage. Quand des policiers se départiront de leur indifférence, le magasin est déjà presque vidé. Au départ, une voiture s’arrête et se contente d’enlever son carton à un jeune. Peu après, les policiers se mettent à arrêter les voleurs et les emmènent vers le commissariat. Le pillage ne s’arrêtera pas pour autant. Après avoir vidé l’entrepôt, les jeunes voyous s’attaquent aux garages et aux vulcanisateurs situés à proximité. Ils remontent ensuite qui avec un pneu, qui avec des tournevis et autres pièces nécessaires à la vulcanisation et au dépannage automobile. Beaucoup exhibent même leur trophée, fiers de leur «exploit». D’autres dépôts situés sur la route moutonnière ont été attaqués par les pillards.Même des automobilistes s’en sont donnés à cœur joie. Les voleurs ne pouvant tout emporter, abandonnaient une partie de leur butin sur la chaussée. Et c’est ainsi que l’on a vu ces automobilistes récupérer des bidons d’huile et des boîtes de maïs par exemple, ou encore des tuyaux en cuivre. Les images rappelaient un peu Octobre 88, où Alger a été mise à sac. Jeudi, face à ces voleurs, l’Etat a fui ses responsabilités et a laissé la rue à des gamins qui ont imposé leur loi durant ces heures folles. Les jeunes pouvaient faire pire s’ils le voulaient. Triste pouvoir qui se met aux abonnés absents face à une alerte sérieuse.

Par T. B.

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Deux journalistes trouvent la mort

Nedjma Fadhila et Adel Zerrouk, deux journalistes exerçant respectivement dans les quotidiens Ech Chourouk El Youmi et El Bilad, ont trouvé la mort jeudi lors des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants.

Les deux victimes ont succombé à leurs blessures après avoir été renversées par un bus de l’ETUSA qui sortait du garage de cette entreprise situé à la rue Hassiba Ben Bouali. Le «véhicule fou» a foncé directement sur la foule, d’après les témoignages. Reste à savoir qui conduisait ce bus. Des travailleurs de l’ETUSA, rencontrés hier sur les lieux du drame, indiquent qu’ils n’ont pas pu identifier le conducteur du bus en question. «Nous étions surpris par la tournure des évènements parce que la veille, nous avions appris que cette marche était autorisée. En plus, qu’elle était pacifique. Quand nous avons flairé la catastrophe, nous nous sommes mobilisés pour faire sortir le plus grand nombre possible de bus pour qu’ils ne soient pas incendiés. Ainsi, nous ne pouvions pas savoir, avec la précipitation des évènements, qui était le conducteur de ce bus de la mort.» Dans un communiqué rendu public hier, les journalistes et travailleurs de Ech Chourouk El Youmi et de Ech Chourouk El Aarabi ont présenté leurs condoléances aux familles des deux victimes et souhaitent un prompt rétablissement aux blessés. Comme il est relevé que le bus ayant renversé les deux journalistes «a été conduit par un des manifestants surexcités, avec intention de le diriger sur des éléments de la brigade antiémeutes». Ainsi, poursuit-on dans le communiqué, «il s’agit d’un acte criminel dont la responsabilité incombe aux organisateurs de la marche». Dans ce cas de figure «la justice doit jouer son rôle et lever le voile sur les circonstances de la mort des deux journalistes». De son côté, la section algérienne de l’Union internationale des journalistes et de la presse de langue française (UIJPLF) se dit, dans un communiqué rendu public hier, «très affectée par la perte cruelle» des deux journalsites et exprime sa solidarité avec les familles des deux victimes. Comme elle appelle les pouvoirs publics à «prendre toutes leurs responsabilités pour la protection de la corporation où un mort de plus est un mort de trop».Nedjma Fadhila est née en 1974 à Ténès (wilaya de Chlef). Licenciée en philosophie, elle intègre Ech Chourouk El Youmi au début de ce mois après avoir travaillé au quotidien El Youm. Elle réside à la cité universitaire de Ben Aknoun. Son dernier article a porté sur la marche des médecins, publié mercredi dernier. Adel Zerrouk est âgé de 25 ans. Diplômé en informatique, il a exercé près d’un an et demi comme correspondant d’Alger du quotidien El Djazaïri paraissant à Oran. Le journal en question a cessé de paraître depuis mai dernier. Il intègre alors le journal El Bilad au début de ce mois de juin où il exerçait à titre de collaborateur. Il habite à El Harrach (Alger). Fadhila et Adel seront inhumés aujourd’hui respectivement à Ténès et Alger. Par ailleurs, le Syndicat national des journalistes a rendu public un communiqué dans lequel il se déclare très affecté par la perte cruelle des deux journalistes et demande d’une enquête. Le SNJ dénonce également l’agression dont a été victime le photographe de L’Authentique comme il s’incline à la mémoire de toutes les victimes de la manifestation de jeudi.

Par A. I.

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Des policiers agressent le reporter-photographe de L’Authentique

Le reporter-photographe du quotidien L’Authentique Larbi Louafi a été agressé lors de la marche du jeudi par des policiers aux alentours du quartier de Belcourt. Rencontré au siège de L’Authentique, Larbi Louafi rappelle qu’il a été agressé alors qu’il photographiait des scènes de violence «pratiquées par des policiers sur des manifestants».
Ainsi, poursuit-il, «il était 16 h 30, cinq policiers en civil m’ont abordé. Je leur ai montré mon ordre de mission et ma carte professionnelle mais ils n’ont rien voulu savoir. Ils m’ont roué de coups et m’ont délesté de mon matériel de travail. Ils m’ont livré ensuite à un groupe de jeunes de ce quartier en leur disant que j’étais un manifestant. Mais j’ai échappé au traquenard.» Tout en nous montrant les traces des coups sur son corps (des ecchymoses), il indique avoir reconnu un de ses agresseurs. De ce fait, il se présente le même jour au 7e arrondissement de Belcourt «où j’ai été encore tabassé». Hier, il est retourné au commissariat pour récupérer son équipement. «Des agents de l’ordre m’ont présenté des excuses et m’ont remis une partie de mon matériel de travail. Il a été endommagé. Le reste a été confisqué avec tous les films.» Un certificat médical a été délivré par un médecin à l’agressé. Dans une déclaration rendue publique hier, le collectif rédactionnel du quotidien L’Authentique a condamné cet acte d’agression dont a été victime leur reporter-photographe pour être ensuite «livré aux contre-manifestants». Avec «recommandation» qu’il «s’agit d’un Kabyle».
Le collectif rédactionnel de L’Authentique compte entamer une action en justice et saisir toutes les autorités compétentes en conséquence. Car «les policiers se trouvant à l’origine de ces bavures répétées doivent être dûment châtiés et le matériel remboursé».

Par A. I.

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La Classe politique et les medias denoncent la manipulation / Condamnation unanime par les partis

La marche de ce jeudi et les violences et dégâts qui l’ont caractérisée n’ont pas laissé indifférents les partis politiques. Ayant appelé à soutenir la marche des archs de ce jeudi, les formations politiques qui ont réagi hier ont toutes qualifié les dérapages de la manifestation de «manipulation».

Ainsi pour le CCDR (Comité des citoyens pour la défense de la République), la violence de jeudi est à imputer aux «manipulations que le pouvoir a mises en place et ce, dès son communiqué la veille de la marche “prédisant la présence et l’infiltration de casseurs”, les blocages de la marche, et les provocateurs dûment mandatés firent le reste». La volte-face aux manifestants de jeudi, estime le CCDR, est une volonté de «casser le mouvement de contestation national en semant le vent de la discorde et de la division nationale». Enfin, le CCDR dénonce et condamne une «telle démarche fratricide» et appelle les citoyens à ne pas tomber dans le piège de la «division» et de la «manipulation grossière». Ce comité est rejoint par le MDS qui, par une autre phraséologie, adopte la même attitude. Sauf que le MDS poursuit sa logique jusqu’à affirmer que les manifestants casseurs ont été introduits au terme de la marche : « Ce sont des nervis contre-manifestants, spécialistes de la provocation et de la casse, recrutés dans les milieux islamistes et du banditisme. On a vu des islamistes, sabre au clair, montés sur un véhicule de service de sécurité haranguer ces nervis aux mots d’ordre islamistes, sectaires, haineux, mener une véritable chasse à l’homme. C’est l’instinct patriotique de la masse des manifestants qui a évité le pire, a contrario de la démarche du pouvoir. N’était leur sang-froid, Alger aurait été mise à feu et à sang.» Pour le parti de Hachemi Cherif, le pouvoir veut «transformer» tout mouvement de protestation et «tétaniser» la population pour faire passer son «projet de compromis stratégique avec l’islamisme pour sauver le système rentier corrompu». Le tout nouveau Mouvement pour les libertés et le développement (MLD), et par la voix de Soufiane Djilali, son président, s’implique d’emblée dans l’opposition au pouvoir. Le titre est à lui seul éloquent : «Les Algériens n’acceptent plus d’être des 3/4 de citoyens.» Concernant la marche elle-même et la déferlante humaine qu’elle a drainée, le MLD estime que le pouvoir «n’a su y opposer que des cris d’orfraie et surtout ses dangereuses manies de division de la nation et de l’utilisation sans scrupules de la naïveté des uns contre les revendications des autres». Même ton chez Ahd 54. Signé de son secrétaire général, le communiqué est sans complaisance vis-à-vis du pouvoir. Le choix de l’itinéraire fixé par la coordination des archs était, selon ce parti, «légitime» : «Il n’appartient pas à l’administration de décréter son propre itinéraire, mais celle-ci a oublié qu’elle n’a pas affaire à un peuple servile qui obtempère docilement à ses injonctions. La Présidence de la République est une institution comme toutes les autres. Elle n’est ni un palais royal ni un sanctuaire.» Réuni en session extraordinaire hier, le secrétariat politique du Parti des travailleurs se veut pragmatique. Affirmant encore une fois la manipulation de l’opinion par une «couverture médiatique publique sélective et donc orientée», la réaffirmation de l’attachement des manifestants à l’ «unité du pays, au caractère national de leurs revendications», il appelle les Algériennes et les Algériens à «répondre massivement» à l’appel des députés du Parti des travailleurs en signant tout aussi «massivement» la pétition nationale, à «se regrouper dans des comités de signataires pour faire aboutir les revendications et contribuer à la sauvegarde de la nation» . Le FFS de son côté se réserve de réagir tout de suite, «préoccupé», nous dit-on au siège, par l’état de santé des blessés de la manifestation de jeudi. «Ils sont tous à l’hôpital», nous répond un secrétaire national. Certainement pour adopter une attitude définitive sur les derniers évènements, le MSP, lui, a réuni en session extraordinaire son bureau exécutif jeudi dernier. Une série de décisions a sanctionné cette réunion dont la principale est d’arriver à organiser un débat général à l’APN autour des sujets d’actualité dont certainement celui de Kabylie et d’autres wilayas de l’est du pays. Le RCD estime quant à lui que le pouvoir, face à une mobilisation citoyenne sans précédent, a opté pour la pire des voies : la division de la nation. La responsabilité, selon les rédacteurs du communiqué, incombe au pouvoir qui, par des «manœuvres dilatoires», a voulu détourner l’itinéraire de la marche. S’ensuivent des «provocations et la répression, relayées par une campagne de désinformation digne des années de plomb» ; ceci dévoile «un plan préétabli au plus haut niveau et froidement exécuté». Le RCD confirme que les dérapages de cette marche sont le fait d’abord des appareils du régime. «En recourant au renfort de commandos de nervis et en déguisant ses agents en contre-manifestants», le pouvoir vise à monter les Algériens les uns contre les autres. A Belcourt, à Alger-Centre, à la place des Martyrs, poursuit le communiqué, «des contre-manifestants, encadrés par des forces de sécurité, se sont vus livrer des marcheurs avant de les agresser par des armes blanches». Le parti relève enfin que la «dérive de la télévision prépare, entre autres, l’opinion publique à des procès dont on peut penser qu’ils seront précédés d’aveux télévisés comme au temps du parti unique».
Contactés, le FLN et le RND étaient hier aux abonnés absents.

Par A. T.

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Les associations se prononcent

Les acteurs politiques et les associations ne sont pas en reste quant aux évènements de ce jeudi. L’avis est unanime : la manipulation est pour beaucoup dans les dérapages.

A commencer par Mokrane Aït Larbi, le sénateur sortant, qui voit en les évènements de jeudi de la «provocation, de la manipulation et de la répression». Présent sur les lieux, il témoigne que quinze minutes avant le départ de la marche de la place du 1er Mai, «un groupe de provocateurs à la solde d’un clan du pouvoir a « tenté” de franchir le cordon de sécurité, et comme par hasard, l’ENTV était là pour filmer des policiers antiémeutes “gentils” face à des manifestants “méchants”. La répression a été donc justifiée…» Selon le sénateur, la casse et les incendies sont le fait de «quelques dizaines de protégés du pouvoir». «En cherchant à monter une partie de la population contre une autre, le pouvoir pousse à une guerre civile.» Même attitude chez le RAJ qui, lui, a été témoin de la répression à la place du 1er Mai et ce, avant même que la marche ne commence : « Cette répression ne peut en aucun cas et dans aucune mesure être expliquée, comprise, légitimée ou acceptée par quiconque», lit-on dans son communiqué. «Aucun amalgame ne peut être entretenu sur les revendications nationales, pacifiques, des citoyens venus marcher pour la liberté de tous et la démocratie pour tous les Algériens», lit-on encore dans le document. Le Comité des citoyens intercommunal (Aïn Benian et Staoueli) s’incline de son côté à la mémoire des victimes de ce jeudi. Il condamne avec force le «système-pouvoir en place et ses méthodes répressives». Il appelle par ailleurs à la participation à la marche silencieuse des femmes de Aïn Benian ce 19 juin à 15 h. Vie, autre association locale, se joint à son voisin en condamnant la «répression», et salue «la solidarité des habitants d’Alger avec les manifestants et ce, malgré les tentations de division, très dangereuses d’ailleurs, par les services de sécurité».

Par A. T.

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La déferlante vue par la presse française

Nombre de journaux français ont consacré hier leur une à la marche d’Alger et à la «féroce» répression dont ont été victimes les manifestants venus de Kabylie.

Dans son éditorial, Libération écrit qu’«Alger ne comptait pas (hier) que les Kabyles. Une telle transmutation constitue, en tout cas, la grande crainte de la poignée des généraux, qui mal cachés derrière Bouteflika, exercent l’essentiel du pouvoir et profitent de l’essentiel de la rente pétrolière.» Et d’ajouter que «nul doute que la propagande gouvernementale exploitera les pillages et les destructions d’hier, auxquels a participé une partie de la jeunesse algéroise». Faisant parler un sociologue, ce dernier avoue que «le pouvoir continue à jouer avec le feu, en tentant de diviser le mouvement et de circonvenir un certain nombre de personnalités des archs. Toutefois, ajoute le même interlocuteur, l’impossibilité apparente des autorités algériennes à convaincre leur coordination à ne pas marcher sur la Présidence contre la difficulté à manipuler un tel mouvement». Pour le Figaro (droite), il s’agit de la déferlante de la colère. Ce quotidien a rendu compte des évènements qui ont ébranlé Alger, jeudi, et la dignité dont ont fait preuve les manifestants. «En quittant leurs foyers tôt hier, nombre de pères de famille ont embrassé leurs enfants avec émotion, en pensant que ce serait peut-être la dernière fois», écrit Arezki Aït Larbi. Ce dernier a par ailleurs révélé que quelques centaines de jeunes, venus du quartier de Belcourt, ont entamé une contre-manifestation. «Armés de couteaux, ils étaient menés par des policiers en civil avec leurs talkies-walkies bien visibles, au coude à coude avec d’anciens émirs repentis du GIA qui exhibaient des sabres. Tous unis, poursuit le quotidien contre l’ennemi commun (les Kabyles, ndlr). Le même journal écrit qu’«un ultimatum, qui expire le 25 juin, troisième anniversaire de l’assassinat de Matoub Lounès est donné au chef de l’Etat pour donner une réponse officielle, urgente et publique à toutes les revendications». Le quotidien du soir Le Monde parle de violents affrontements entre manifestants et la police. «Cette marche constitue l’un des plus grands défis auxquels ait eu affaire le président Bouteflika, depuis son élection, il y a deux ans». Il poursuit en écrivant que «ce rassemblement marque l’apogée et peut-être un vrai tournant du mouvement de révolte né le 18 avril dernier». Le quotidien est revenu également sur la «fermeture de la Foire internationale d’Alger et la reconduction des 260 entrepreneurs français vers les hôtels de la capitale». Enfin, il faut noter que la classe politique française est murée dans un silence étonnant. Excepté Noël Mamère, député Vert qui a appelé à «la mise en place d’une commission internationale d’enquête sous l’égide de l’ONU».

Par Tahar Hani

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Les quotidiens belges s’étonnent du silence des autorités

Les médias belges ont réservé de larges échos à la manifestation de jeudi. Les chaînes des télévisions francophone et flamande rapportaient dans leurs journaux les scènes de regroupements et d’émeutes en insistant sur «les revendications kabyles».

Il faut dire que les Belges sont assez sensibles aux questions identitaires puisqu’ils les vivent au quotidien, malgré l’officialisation de trois langues (français, flamand et
germanique). Les Flamands se sentent solidaires avec toutes les minorités linguistiques. La presse écrite, elle, a apparemment été assez prudente en avançant l’idée de la confusion dans les revendications des manifestants. Seul le quotidien francophone La Libre Belgique a titré sur un envoi de son correspondant à Alger «Dérapages ethniques à Alger». Un autre article, basé sur une dépêche de l’AFP, annonce : «La marche pacifique tourne à l’émeute.» Deux interviews donnent la parole à Ali Kerboua du FFS qui esitme que «l’objectif du pouvoir est la négation de la revendication berbère», et à Ali Brahimi du RCD qui déclare que «le pouvoir craint la contagion de la révolte». Abondant dans le même sens, le journal Les Echos écrit : «La manifestation kabyle enflamme les rues d’Alger». D’une manière générale, la presse belge dénonce en quelque sorte la répression du pouvoir et marque une sympathie avec les revendications des manifestants. La presse estime en outre que les revendications identitaires sont aggravées par les problèmes sociaux et le besoin de liberté démocratique (liberté d’expression ; de presse…). Au vu de la gravité des évènements, les Belges dans leur ensemble ne comprennent pas le silence des responsables du pays et sont étonnés par ce brusque recul du pouvoir face aux revendications démocratiques des citoyens.

Par M’hammedi Bouzina

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Le Pouvoir veut jeter le discredit sur la marche / Une manipulation dangereuse

Le pouvoir en place a mis en branle ses médias lourds pour tenter de jeter le discrédit sur un mouvement de protestation pacifique et juste. Des images de destruction des édifices et des biens publics et privés ont été présentées à l’opinion publique pour condamner irrémédiablement les organisateurs d’une marche qui, en fait, n’a pas eu lieu.

Des propos d’officiels et de citoyens parmi lesquels des policiers en civil interviewés par des journalistes de la télévision sont diffusés et ne servent qu’à nourrir un sentiment «anti-kabyle» chez les populations d’autres régions du pays. La manœuvre est dangereuse pour l’unité du pays. Elle est suspecte. Les dérapages de ce jeudi à Alger, qui ont occasionné des pertes humaines et matérielles, sont déplorables ; cependant, personne parmi les officiels et les journalistes des médias publics ne s’est posé la question de savoir pourquoi les jeunes manifestants ont versé dans la violence. Ils ne pouvaient pas bien entendu incriminer le pouvoir en place qui doit endosser toute la responsabilité de ces évènements, pour n’avoir pas su gérer une situation de crise malgré sa gravité. Une gestion incroyablement catastrophique. En témoigne le dernier communiqué du ministère de l’Intérieur qui, pour tolérer la marche de jeudi et imposer un autre itinéraire, annonce qu’un groupe de citoyens anonymes se sont présentés pour demander une autorisation (lire l’article de Djamila Kourta «La colère des comités» en page 7). Or, le comité d’organisation de la marche a déclaré n’avoir délégué personne pour déposer une demande d’autorisation. D’un autre côté, les pouvoirs publics savaient depuis plus de quinze jours que le comité des archs et des communes de Kabylie avait appelé à une marche nationale et pacifique à Alger et avait arrêté la date du 14 juin. Ils avaient devant eux suffisamment de temps pour engager le dialogue et négocier l’itinéraire. Le dialogue a été entamé tardivement, pratiquement le dernier jour. La concertation avec le comité aurait sans nul doute permis d’éviter tout dérapage. Une marche bien organisée, avec des mots d’ordre et des slogans contre le pouvoir en place ? C’est ce que peut-être le pouvoir en place ne voulait pas voir. Jeter le discrédit sur le mouvement est plus rentable. Même s’il faut pour cela semer les germes de la division entre Algériens. Seul un pouvoir aux abois et en panne de solution politique à la crise multiforme qui sévit dans le pays est capable de telles manœuvres grossières et dangereuses dans le but de se maintenir. L’opinion publique ne peut pas être dupée indéfiniment et saura faire la part des choses, car il est trop facile de condamner les casseurs de ce 14 juin, comme l’ont été les émeutiers de 1988 et l’on oublie la grande «casse» opérée par le régime qui a conduit le pays à la ruine, malgré ses énormes richesses.

Par M. T. Messaoudi

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Agences étrangères : info ou intox ?

La dépêche émanant du bureau de l’Agence France Presse (AFP) à Alger faisant état de l’usage de balles réelles par les forces de l’ordre contre les manifestants lors de la grande marche des archs à Alger, jeudi, a fait sortir de ses gonds le ministère algérien de la Communication et de la Culture.

La dépêche de l’Afp annonçait en substance, jeudi, à 13 h 37 : «La police a tiré jeudi à Alger à balles réelles contre des manifestants protestant contre la répression en Kabylie. Les tirs se sont produits dans le secteur du port contre des manifestants non loin de la place du 1er Mai où de violents affrontements ont éclaté peu avant 13 h locales (12 h GMT). On ignore si ces tirs, effectués à partir d’une voiture circulant dans l’enceinte du port, ont fait des victimes…» Cette information a été relayée par les médias étrangers et notamment français, dont les chaînes de télévision reçues en Algérie via le satellite. Aussi, la réaction du ministère algérien de la Communication et de la Culture s’est faite diligente. Dans la même journée, le directeur du bureau de l’Agence France Presse à Alger a été reçu au siège du ministère de la Communication et de la Culture, selon un communiqué du même ministère diffusé par l’Agence Presse Service (APS). D’après le communiqué, cette convocation intervient à l’issue de la diffusion par le bureau de l’AFP d’«informations fallacieuses faisant état d’utilisation de balles réelles contre des manifestants à Alger». Ainsi, à cette occasion, les responsables du ministère ont «signifié au directeur de l’AFP que l’Agence avait enfreint les règles d’éthique et de déontologie journalistiques et qu’elle s’est éloignée des règles d’objectivité connues de tous les professionnels». Toujours selon ce communiqué, «les explications et prétextes fournis par le responsable de l’AFP, basés sur des présomptions n’ont pas convaincu les responsables du ministère et ne justifient aucunement cette attitude». Contacté par téléphone, M. Pondavène Marc, directeur du bureau de l’AFP à Alger, dira laconiquement à ce propos : «On n’a pas de réponse à des commentaires. L’AFP n’est pas là pour commenter mais pour constater. C’est une confiance que j’ai. Alors pas de commentaires.» Par ailleurs, une autre dépêche émise par l’agence Reuters avait parlé de blessés par balles lors de cette manifestation. M.Malek Touati, directeur du bureau de Reuters à Alger rectifiera : «Je n’ai pas dit que les forces de l’ordre ont délibérément tiré sur les manifestants. Mais j’ai dit qu’il y avait des blessés par balles. Moi aussi je m’attends à être convoqué.» De son côté, l’ambassade d’Algérie à Paris, dans un communiqué, a lancé un appel à tous les médias français, quelle que soit leur sensibilité, à «veiller» au respect de la vérité et de l’objectivité. «Aucun tir à balles réelles n’a été enregistré lors de la manifestation du 14 juin», affirme l’ambassade d’Algérie en France. L’ambassade dénonce les «allégations» de certains médias selon lesquelles trois morts enregistrés lors de la manifestation étaient imputables à «l’usage par les services de police de tirs à balles réelles». Tous les témoignages recueillis sur place et au niveau des établissements hospitaliers l’attestent, selon le communiqué de l’ambassade d’Algérie à Paris. Ce démenti fait suite à celui émis jeudi soir par M. Mohamed Guendil, secrétaire général du ministère de l’Intérieur lors d’une intervention à la télévision algérienne. De même, selon Associated presse (AP), présente en différents points de la manifestation, aucun tir d’arme à feu des forces de police n’a été constaté.

Par K. S.

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Des habitants d’Alger s’insurgent

Un groupe d’habitants du quartier du 1er Mai, à Alger, s’est présenté hier à la rédaction pour dénoncer «les agissements de certains policiers en civil encadrant des casseurs recrutés dans les milieux de délinquants et dealers connus dans le quartier».

Dans un communiqué ayant pour titre «Non à la division», ils se sont également élevés contre les propos du représentant du ministère de l’Intérieur sur la chaîne de télévision algérienne, «lorsqu’il a remercié les habitants du 1er Mai de s’être opposés aux casseurs». Dans ce sens, ils ont tenu à «se démarquer totalement des agissements de ces groupes d’individus notoirement connus au niveau de nos quartiers comme étant des repris de justice, délinquants et autres manipulés sous nos yeux par les services de sécurité pour réprimer les marcheurs». Ces individus, ont-il précisé, «ne peuvent en aucun cas nous représenter». Les habitants signataires de la déclaration ont protesté contre «les tentatives de division du peuple algérien» et insisté pour publier leurs témoignages. Ils ont affirmé que «le jeune portant une épée à la main, filmé par les caméras de la télévision, est un truand repris de justice qui réside à Ali Mellah au 1er Mai. Il n’a donc rien à voir avec les manifestants…» Pour eux, de nombreux policiers en civil «se sont infiltrés dans la manifestation pour encadrer des casseurs». L’un des témoins a raconté : «J’ai vu des policiers enlever leurs gilets de police et aller ramener les jeunes de Belcourt pour provoquer les manifestants et repartir dans des véhicules de police. J’ai vu des jeunes qui jetaient des pierres sur des policiers puis sur les manifestants.» Pour lui, il s’agit d’une «répression préparée pour faire échouer la marche». C’est pour cette raison que le groupe d’habitants, a-t-il ajouté, a tenu à se démarquer de ce qui s’est passé et surtout à «dénoncer la tentative de division du peuple algérien, orchestrée par le pouvoir».

Par S. T.

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Qui a intérêt à «monter» la capitale contre la Kabylie ?

Le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, M. Guendil, très médiatisé par la télévision d’Etat depuis l’éclatement des émeutes en Kabylie, est intervenu jeudi soir au JT de 20 h pour remercier «les Algérois et les Algéroises» d’avoir appuyé les forces de sécurité contre «les vandales».

«Le pire a été évité», selon ses dires. Dans une conjoncture aussi tendue, ces propos sont-ils responsables ? M. Guendil, qui a pris la parole au nom du gouvernement algérien, a-t-il conscience de ce qu’il a déclaré avec assurance ? Cependant, il semble que cette manière de gérer la crise, qui a fait jusque-là une soixantaine de morts, obéit à une stratégie terrible aux conséquences imprévisibles : celle de «monter» une partie de la population contre la Kabylie. Et la télévision de Hamraoui Habib Chawki joue un rôle de propagande aux relents de haine, voire de racisme. Cette attitude s’explique par deux choses : la diffusion des images montrant le désormais célèbre officier Ahmed qui criait à l’adresse de certains jeunes d’Alger : «Aidez-nous contre eux !» Les jeunes d’Alger, qui sont algériens, devaient, devant cette logique, aider les policiers à massacrer les manifestants kabyles qui sont tout aussi algériens. A défaut de les lyncher. Et des scènes de lynchage, les journalistes en ont vu au niveau de l’avenue de l’ALN. Des scènes qui se sont déroulées sous l’œil vigilant des policiers. L’officier Ahmed s’est illustré récemment par des propos inqualifiables (rapportés par El Watan). Il avait ordonné à un camion-citerne de la police d’«écraser» des êtres humains, ceux qui sont venus assister à la marche qu’a voulu organiser la Coordination nationale pour la défense des libertés démocratiques. Deuxième chose : la télévision de HHC a diffusé des propos d’«un citoyen» sur la mort de deux journalistes algériens, Fadila Nedjma et Adel Zerrouk. «Ils ont tués deux journalistes des leurs», a dit cet inconscient de citoyen. Autrement dit, ces journalistes méritent ce qui leur est arrivé du fait qu’ils soient «kabyles», qui plus est, «vandales». Rien que pour cela, la télévision de HHC doit être poursuivie pénalement pour «incitation au meurtre, apologie de la violence, incitation au racisme et appel à la rébellion». Si aucun esprit sensé ne peut accepter que des biens publics ou privés soient détruits, quelles qu’en soient les raisons, rien ne peut expliquer une telle dérive grave des pouvoirs publics et de la télévision d’Etat. Une dérive qui ne fait qu’entretenir la crise.

Par Fayçal Metaoui

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Quelle éthique pour l’Unique ?

L’Unique s’est surpassée jeudi dans l’art de la manipulation. Elle a même failli à sa mission en diffusant des témoignages orientés qui font dans l’apologie de la violence et de la division de la population.

Que reste-t-il de l’éthique et de la déontologie lorsque les caméras de l’unique chaîne de télévision algérienne montrent l’image d’un jeune qui dénonce le fait que les policiers ne soient pas armés ? Quel message les responsables de la télévision ont-ils voulu transmettre à travers cette scène montrant un bouclier de policiers protégeant des jeunes qui lançaient des pierres contre les manifestants ? Les images de la TV ont été sélectionnées pour donner l’impression aux téléspectateurs que les habitants de la capitale se sont attaqués aux jeunes manifestants venus en nombre impressionnant à Alger. D’ailleurs, même le choix du témoignage de ce citoyen qui, dans un coup de colère, criait «même leurs journalistes ont été tués» n’était pas fortuit. Comme si en Algérie il existe deux catégories de journalistes. Pourtant, ceux qui étaient sur place ont bien vu que les habitants de Belcourt, de la place du 1er Mai et d’autres quartiers n’ont réagi que pour limiter les dégâts de la casse ou pour protéger leurs habitations. L’Unique a même fait appel à Ammi Ahmed qui déclarait à un groupe de jeunes : «Cette marche n’a rien de pacifique. Aidez-nous à arrêter la casse.»
Plus graves sont les propos du secrétaire général du ministère de l’Intérieur sur les plateaux de l’Unique. M. Guendil n’a pas trouvé mieux que de qualifier les manisfestants de «vandales» et de «pilleurs». La couverture de la marche par l’Unique ressemble étrangement à la manière dont ont été traités les événements de Bosnie par la télévision de Milosevitch.

Par S. T.

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LA COORDINATION DES ARCHS DRESSE LE BILAN DE LA MARCHE / «Bouteflika en porte l’entière responsabilité»

Colère et tristesse hier à la permanence des coordinations des archs et des comités de villages. Tout le monde était occupé à retrouver la trace des blessés et des «disparus».

Les leçons de la marche réprimée de jeudi dernier sont tirées. Un délégué estime que «c’est une véritable chasse à l’homme orchestrée par le pouvoir à travers ses nouveaux supplétifs qui, dans leur désarroi social, sont venus en aide à ce pouvoir aux abois». Tout le monde trouve que la mobilisation d’hier est une grande victoire citoyenne, tout en déplorant les morts, les blessés et les dégâts matériels. A propos des dégâts sur lesquels l’ENTV s’était longuement attardée, un de nos interlocuteurs des comités de villages a déclaré que «ce sont des voyous que le pouvoir a actionnés qui ont brûlé, cassé et saccagé. Ce ne sont pas les nôtres. Qu’il (le pouvoir) en porte seul, et lui seul, la responsabilité de ce qui est arrivé.» Pour les coordinations des archs, «le combat doit continuer et, aujourd’hui, il continue. Il n’est pas question, après tant de sacrifices, de renoncer d’un iota à notre plate-forme de revendications (adoptée par plusieurs wilayas le 11 juin dernier à El Kseur, Béjaïa). Elle doit être pleinement satisfaite.» Le délégué d’une daïra estime de son côté que «Bouteflika n’est pas seul». Selon lui, «nous avons eu une réponse d’un clan du pouvoir qui pousse vers le pourrissement. Le président de la République doit répondre à nos revendications de manière officielle.» Un autre délégué trouve que les événements vécus jeudi à Alger montrent que «le pouvoir ne voulait pas que la rue lui échappe en instituant son propre tracé pour la marche», estimant que «pour l’avenir, il faut positiver ce qui peut l’être et bannir ce qui peut entraver cette dynamique citoyenne. Pour nous, la responsabilité du pouvoir dans ce qui est arrivé est entière. Ce n’est pas comme cela qu’on dirige un pays. Il n’y a que les voyous qui font appel aux voyous afin de freiner une marche pacifique.» Les coordinations des archs persistent à dire que «la tentative de ghettoïsation de la révolte contre la hogra à la seule Kabylie est une manœuvre de division du pays». Avant-hier, au retour des cortèges qui transportaient les centaines de milliers de marcheurs à Alger, un mot d’ordre a vite circulé parmi les jeunes : «Se venger ici, quel qu’en soit le prix», clamaient les groupes qui voulaient en découdre avec la gendarmerie et la police. «S’il le faut, nous retournerons à Alger afin de montrer au monde entier qu’on peut organiser une marche sans casse, comme ce fut le cas à Tizi Ouzou le 17 mai dernier», précise un délégué des coordinations. Qu’en sera-t-il demain, avec la reprise des émeutes ? «Nous activerons pour que nos revendications soient pacifiquement satisfaites», nous dit un représentant d’un village. «Non, pas question, lui rétorque un jeune. Plus de pacifisme. Nous utiliserons la force pour les satisfaire. En premier lieu, faire partir la gendarmerie.» Hier, à Tizi Ouzou, au-delà de la tristesse, de la colère et de la fatigue, un brin d’espoir est perceptible au sein des coordinations : la mobilisation a été exceptionnelle. «C’est notre victoire contre le pouvoir. Nous avons mobilisé des citoyens (dont le nombre est supérieur à un million de personnes, ndlr) alors que le pouvoir n’a actionné que sa police et les repentis, ses nouveaux alliés», nous dit un jeune médecin, qui a failli être lynché à la place du 1er Mai jeudi dernier. Le courant radical de ce mouvement ne s’est pas encore exprimé de manière précise. Les observateurs s’attendent à une sérieuse reprise des émeutes en Kabylie. Le pouvoir a, en empêchant la marche de jeudi, poussé ces jeunes à plus de radicalisation. Cherche-t-il à en faire des irréductibles ?

Par D. Benabi

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La colère des comités

La marche que la coordination des comités de villages, daïras et archs a voulu organiser dans le calme est désormais inscrite dans les annales de l’histoire.

Les préparatifs de cette grandiose manifestation à Alger avaient commencé depuis plusieurs semaines pour finalement enregistrer jeudi un véritable «dérapage». Une situation, soulignent les organisateurs, voulue et alimentée par les manipulations d’un pouvoir «assassin» et «sanguinaire». «Ils (les dirigeants, ndlr) ont voulu faire du mal. Et le mal a été fait. Ils nous ont livrés en pâture. Où étaient les policiers quand les manifestants se faisaient tabasser bien avant que la marche commence ? Où étaient-ils quand les choses commençaient à dégénérer ? N’étaient-ils pas censés protéger les citoyens ?, s’interroge Belaïd Abrika, un des organisateurs et représentant du comité de la ville de Tizi Ouzou joint par téléphone. Pour lui, le communiqué du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales et les déclarations de Yazid Zerhouni à la télévision et à la radio sont «les détonateurs de ce que nous avons vécu ce jeudi». Le fait d’imposer un itinéraire autre que celui qui était prévu (Pins martimes vers la Présidence), diffusé à grande échelle, constitue, à ses yeux, la première dérive. «C’est également une grosse manipulation. L’on peut dire que le pouvoir a organisé de son côté une marche dont l’itinéraire est celui annoncé pour justement réprimer la nôtre et nous faire endosser la responsabilité. Des manifestants étaient déjà à Alger le mercredi soir. Il y a même ceux qui ont passé la nuit aux Pins maritimes. Comme il y a ceux qui se sont présentés dès la matinée à la place du 1er Mai qui étaient informés que la marche débuterait de là vers la place des Martyrs. Comment voulez-vous gérer ?» Pour lui, le communiqué du ministère, qui a mis le feu à la poudrière, n’engage que la responsabilité de ses rédacteurs puisque, ajoute-t-il «nous n’avons eu aucun contact avec ces gens-là et nous n’avons pas déposé de demande d’autorisation». A notre question de savoir pourquoi la coordination n’a pas déposé de demande d’autorisation, il rétorque : «Nous n’avons pas à demander une autorisation à un pouvoir qui tue.» Visiblement très affecté par la tournure prise par les événements, notre interlocuteur ne voulait pas s’exprimer davantage sur la question. Préoccupé par le transfert des nombreux blessés et la libération des interpellés, notre interlocuteur nous lance amèrement : «La priorité pour le moment est de prendre en charge nos blessés et enterrer nos morts. »

Par Djamila Kourta

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Des manifestants manquent à l’appel

Des dizaines de personnes, parties des localités de la wilaya de Béjaïa pour prendre part à la marche de jeudi dernier à Alger, manquaient toujours à l’appel hier. C’est ce qu’on nous a affirmé du côté du comité provisoire de la wilaya qui centralise l’information en provenance des localités. Les citoyens qui ne sont pas rentrés d’Alger, ont-ils été arrêtés ? Se sont-ils égarés ? Et combien d’entre eux seraient à l’hôpital ? Les membres du comité n’étaient pas en mesure hier de répondre à ces questions avec précision. Nos interlocuteurs étaient également dans l’attente d’informations pouvant confirmer ou infirmer la mort de deux manifestants de la région, durant ce qui s’est passé à la marche d’Alger.

Par M. S.

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Emeutes à Béjaïa et à Tizi Ouzou

C’est à partir de 14 h que les citoyens apprennent que la marche d’Alger a mal tourné. Des informations inquiétantes et contradictoires alimentent les discussions dans les rues. On parle de répression, de morts et de blessés.

La colère n’a pas cessé de monter depuis, et vers 16 h, les premières barricades sont dressées, notamment au boulevard Amirouche, puis un peu partout dans les quartiers de la ville. En fin de journée, la rue de la Liberté, les cités CNS, Naciria et Rabia se transforment en champs de bataille. La tension s’exacerbe en soirée, et les troubles s’étendent si bien que rares ont été les quartiers qui n’ont pas pâti des gaz lacrymogènes. Située en haute ville, l’agence ONAT a été incendiée par les émeutiers, et le feu n’a pas épargné le bureau de l’APS, sis au-dessus. Hier matin, il ne restait que les murs de cet immeuble dont la toiture et le parquet sont faits en bois. L’agence de l’ENTMV, située à côté, a été quant à elle ravagée. Déjà saccagé lors de précédentes émeutes, le siège de la CNAN a été pour sa part revisité par les émeutiers qui l’ont incendié. Le siège Actel, à Aâmriw, a également subi la furie des manifestants qui ont par ailleurs incendié un véhicule de services appartenant aux P et T. Les quartiers du centre-ville ont gardé hier les vestiges des batailles de la veille. C’est dans ce décor que les hostilités reprendront vers la mi-journée d’hier, notamment à la rue de la Liberté. Le deuil, malheureusement, est venu frapper une nouvelle famille bougiote. Circulant sur une moto, deux jeunes ont été violemment percutés par une voiture de police banalisée, selon plusieurs témoignages, dans des circonstances qui restaient peu précises hier. M. Hasnaoui, la trentaine, est mort des suites d’un traumatisme crânien, alors que son accompagnateur s’en est tiré avec des blessures au bassin, comme confirmé par une source hospitalière. Par ailleurs, les émeutiers ont réinvesti les rues de certaines villes de la wilaya de Tizi Ouzou. Des affrontements ont eu lieu, jeudi, durant la nuit. La répression de la marche d’Alger et le traitement tendancieux réservé aux événements par la télévision algérienne ont ravivé les tensions. De jeunes manifestants des quartiers de Bouaziz, Le Mondial et des Genêts de la ville de Tizi Ouzou ont commencé à bombarder de pierres la brigade de la gendarmerie. Une situation identique a été vécue dans la ville de Azazga où des émeutes ont éclaté après que le siège de la brigade de la gendarmerie eut été assiégé par des manifestants, a-t-on appris d’une source locale. A Beni Douala, la brigade de la gendarmerie a été attaquée par des manifestants avec des pierres. Cette tension perceptible exacerbée par des actes de provocation, plusieurs fois dénoncés, risque de connaître d’autres développements et de tourner à une autre explosion de violence. Surtout que l’on se prépare à célébrer dans quelques jours le troisième anniversaire de l’assassinat du chanteur Matoub Lounès avec grand fracas.

Par Said Gada et M. Slimani

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Quatre morts et une centaine de blessés

Hier, à la permanence de la coordination des archs, l’ambiance était triste. Les membres de cette coordination ont fait un travail d’information appréciable en direction des familles qui étaient à la recherche de leurs enfants qui n’étaient pas rentrés d’Alger à la fin de la marche.

Quatre morts sont enregistrés (deux à Béjaïa et deux à Tizi Ouzou). La première victime est tombée sur la route de Hamiz vers 9 h 30 du matin. Son ami, Smaïl I. témoigne : «Namane Toufik était âgé de 25 ans. C’était une voiture de marque Dacia de couleur blanche qui l’a renversé. Je l’ai évacué moi-même vers l’hôpital Zemirli. Il est décédé à l’hôpital de Béni Messous après son transfert.» Une liste de 74 blessés était affichée au Théâtre Kateb Yacine, siège de la permanence des archs. On précisera que tous les manifestants ont rejoint leurs domiciles. Les membres de la coordination ont demandé le transfert à l’hôpital Nedir de Tizi Ouzou de tous les blessés qui se trouvaient hier encore au CHU Mustapha d’Alger. Selon un élément de la Protection civile qui était de permanence hier «dix-huit blessés ont été transferés à bord d’ambulances médicalisées et d’un minibus de la Protection civile d’Alger». Hier en début d’après-midi, deux ambulances et trois bus ont été envoyés à Alger pour ramener le reste des blessés sur Tizi Ouzou, mais en vain. D’après Belaïd de la coordination, «il reste au strict minimum une centaine de blessés qui se trouvent actuellement dans les locaux de la police. Nous faisons des démarches pour obtenir leur mise en liberté.» En outre, une liste provisoire de soixante-quinze personnes qui n’ont pas rejoint leurs domiciles et qui ne sont pas hospitalisées était affichée au siège de la coordination. Hier en fin d’après-midi, des parents s’adressaient encore aux membres des archs pour signaler la disparition de membres de leurs familles.

Par S. G.

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INITIATIVES POUR ATTENUER LE MALAISE A L’INTERIEUR DU PAYS / Sans heurts à Oran

Plus d’un millier de personnes ont répondu à l’appel de la coordination démocratique d’Oran en prenant part à «la marche de la dignité» jeudi dernier en fin de matinée.

A 11 h, un peu plus d’un millier de personnes ont entamé la marche qui devait les emmener jusqu’à la place du 1er Novembre. Pour des raisons inexpliquées, les organisateurs ont changé l’itinéraire qu’ils devaient parcourir et qui passe par la rue Larbi Ben M’hidi, Mohamed Khemisti avant de déboucher sur les perrons de l’APC d’Oran. Initiée et dirigée conjointement par le MDS, le RCD, le FD, le PT, le PRA, l’ANR et d’autres associations, cette marche a enregistré la participation de simples citoyens et des journalistes d’Oran. Les slogans affichés sur les banderoles et clamés par les marcheurs réclament le bannissement de la hogra, la reconnaissance de tamazight et la consécration des libertés démocratiques et notamment d’expression. Une des banderoles réclame l’unité du pôle démocratique devenue une urgence de l’heure. Dans ce sens, il est à signaler que des militants et sympathisants du FFS sont venus grossir les rangs des manifestants et ont même scandé des mots d’ordre de leur parti. Une halte observée devant le siège du parti FLN mérite d’être mentionnée puisque les marcheurs ont désigné du doigt ce parti comme partie prenante du «pouvoir assassin». Avant de se disperser, le représentant du MDS a tenu à préciser que la marche a été celle «des citoyennes et citoyens de la ville d’Oran» et «non celle des Kabyles». Par cela, il devance les interprétations d’un quotidien oranais arabophone qui fait de l’anti-berbérisme primaire son fonds de commerce.

Par Z. S.

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Mesures d’apaisement à l’Ouest

Depuis un peu plus d’une semaine, les gendarmes ont carrément levé le pied alors que les douaniers ont mis la pédale douce dans le contrôle et surtout pour ce qui est des saisies sur les jeunes trabendistes qui font la route Maghnia-Oran.

Pour d’aucuns, le fait est à relier aux événements qui secouent le pays et le souffle de révolte d’une jeunesse qui n’en peut plus d’un système qu’elle croyait avoir désarçonné en Octobre 88. Un sondage effectué par nos soins auprès des jeunes qui vivent du trabendo nous a révélé, selon les propres aveus de certains, qu’ils sont prêts à tout appel «rassembleur» qui les inciterait à en découdre avec l’autorité. Cependant, officieusement, on dément la relation entre ce qui secoue le pays et la décision de la gendarmerie de cesser les saisies sur les trabendistes. On explique que dans la mesure où les produits jusqu’alors objet de saisie sont achetés sur le territoire algérien, il n’y a pas lieu d’intervenir. C’est d’ailleurs ce que précisément soutenaient les jeunes et non moins jeunes «beznassa» qui font la navette sur la route Oran-Maghnia après s’être approvisionnés à cette dernière ville. En effet, comme nous l’avions déjà rapporté (El Watan du 4 mai 2000), dans cette ville frontalière avec le Maroc, il existe un marché de gros du trabendo, un marché approvisionné par les barons de la contrebande qui, eux, n’ont apparemment aucun mal à faire passer frauduleusement la frontière à des quantités phénoménales de produits. Car quiconque a vu le nombre impressionnant de centaines de cartons de pommes et de bananes, pour ne citer que ces deux produits, ne peut croire qu’ils aient franchi la frontière selon les procédés artisanaux d’il y a quelques années, c’est-à-dire à dos d’âne ou de mulet et par chemins escarpés comme pour les vêtements. Il s’agit en fait bel et bien d’un trafic à l’échelle industrielle. Ce qui est révoltant dans l’affaire, c’est qu’on s’attaque au petit «beznassi» ou tout autre citoyen qui fait son achat le plus légalement du monde, c’est-à-dire celui qui n’a aucun puissant du moment pour couvrir son trafic. Et alors que les gendarmes sont censés donner un coup de main aux douaniers, conformément au code des Douanes, il se trouve qu’il y avait près du double de barrages routiers de gendarmes que de douaniers. Nous en avions recensés au total une dizaine sur une distance de 60 km entre Aïn Témouchent et Maghnia, soit un tous les six kilomètres. La question qui se pose est de savoir si la Douane va prendre de la graine sur la gendarmerie et revenir à la norme. Mais, alors, il faudra d’abord faire le vide sur les marchés de gros. Et c’est à ce moment-là que les corps des services de sécurité et de répression des fraudes pourraient se consacrer à leurs véritables missions.

Par M. Kali

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La marche n’a pas eu lieu à Hassi Messaoud

La marche annoncée par un certain comité des citoyens de Hassi Messaoud n’a pas eu lieu comme prévu jeudi dernier. Dès mardi, les autorités locales étaient sur le qui-vive en prévision de ce qui s’annonçait comme une grande première, d’autant plus qu’aucune demande officielle allant dans le sens de l’organisation d’une marche n’avait été déposée. Dès lors, des rumeurs à Ouargla et à Hassi Messaoud faisaient part de quelque chose qui se préparait. Dans le but de couvrir la manifestation, nous nous sommes rendus sur les lieux deux journées avant le jour «J», mais les organisateurs étaient introuvables et injoignables. A la recherche du comité d’organisation, on nous confirma qu’il s’agissait de certains membres du bureau régional du RCD. D’autre part, la population des quartiers défavorisés (El Haïcha et Bzim Dahraoui qui représentent la masse de la ville de Hassi Messaoud situé loin des bases de vie) ne se sentant pas concernée par la démarche des «organisateurs», a vite fait de transformer ce qui devait être le grand événement de ce jeudi en un non-événement.

Par Houria Alioua

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Aïn El Beïda échappe à l’émeute

A l’est du pays, dans la wilaya d’Oum El Bouaghi, après les violentes émeutes qui ont frappé Aïn Fakroun, c’est la ville de Aïn Beïda qui a failli s’embraser hier dans l’après-midi. Des centaines de manifestants se sont regroupés au centre-ville. Craignant le pire, tous les magasins ont baissé rideau mais quelques dégâts ont été enregistrés. Les manifestants ont formulé les mêmes revendications que celles exprimées par la population de Aïn Fakroun et ont dénoncé le comportement arbitraire des responsables et élus locaux. Le wali s’est déplacé à Aïn Beïda pour écouter les doléances des citoyens et essayer de calmer les esprits. Jeudi à Aïn Fakroun, les troubles ont été évités de justesse lorsqu’une fausse nouvelle annonça le décès de deux citoyens blessés par balles mercredi. Le wali, attendu ce jour-là à 10 h au stade municipal pour rencontrer la foule, préféra finalement le siège de l’APC et n’arriva qu’à 13 h 30. La population est dans une grande colère contre les élus du RND. Ils (les élus) «nous ont été imposés et voilà qu’ils imposent leur loi à la population», ont déclaré des manifestants rencontrés dans la rue. L’un d’entre eux dénonce particulièrement les dépassements d’un dirigeant sportif dont la maison a été incendiée. «C’est un voleur et nous avons brûlé son domicile», précisa-t-il.

Par Ikram Ghioua

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Tebboune calme le jeu à Annaba

Est-ce en qualité d’envoyé spécial du président de la République que M. Tebboune, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, s’est déplacé ces jeudi et vendredi à Annaba pour tenter d’apaiser la colère des populations des différentes localités de la wilaya contre un système qui les a totalement marginalisées ?

Est-ce pour s’imprégner et rendre compte à Abdelaziz Bouteflika des cas d’injustice dénoncés dans la rue les précédents jours par les manifestants des localités de Hadjar Eddis, Sidi Salem, El Bouni, Sidi Amar, Bergouga, Sonatro, El Gantra ? En tous les cas, la situation est réellement explosive. Elle peut à tout moment se transformer pour devenir intenable. Au contact direct des citoyens, le ministre a dû le constater. C’est, du reste, ce que lui ont confirmé les sourires tout juste protocolaires des responsables de la wilaya. Des sourires qui indiquaient que la situation est grave. Elle nécessite non plus des promesses, mais des actes concrets de sérieuse prise en charge des préoccupations des citoyens. C’est pourquoi, avant de prendre son avion à partir d’Alger, M. Tebboune avait pris le soin de s’armer de nombreuses décisions. Elles étaient importantes. Il s’agissait de rallonges financières pour l’achèvement des travaux de 500 logements à Sarouel, d’une enveloppe financière de 80 milliards de dinars pour la viabilisation de nombreux cités et quartiers, du lancement dans les prochaines semaines d’un projet de 1000 logements sociaux à Sidi Salem et de porter ce nombre à 2500 à l’horizon 2002. Des décisions et des engagements que M. Tebboune n’hésitait pas à porter à la connaissance des citoyens. Lors de la réunion regroupant les représentants des populations de Sarouel, Boukhadra et Sidi Salem, il ne cessait de répéter : «Arrêter la casse. Mettez en veilleuse votre mécontentement. Donnez-nous le temps d’étudier vos problèmes et de leur trouver des solutions.» Or, au-delà du logement et du chômage, les populations posaient deux autres problèmes : l’injustice et la hogra qui ont fait basculer leurs jeunes dans la marginalité. «Nous ne voulons pas du maire de Sidi Amar», diront les uns. «Il est nécessaire de relever de ses fonctions celui d’El Bouni», diront les autres. Il faut dire que, ravagée par le chômage (près de 40 % de la population active) et la malvie, la wilaya de Annaba n’a pas été épargnée par les troubles. A Hadjar Eddis, Sidi Amar, Sidi Salem, Sarouel, Tabacoop, la révolte a couvé. Elle aurait pu céder la place à des émeutes au regard des barrages de pneus incendiés et des poteaux que des agriculteurs et jeunes manifestants avaient mis en place depuis plusieurs jours. Alors pourquoi spécialement les deux maires cités par les interlocuteurs de M. Tebboune ? Il y a quelque part des relents de manipulation qu’explique un ancien moudjahid de Sidi Amar : «Dans la nuit du 10 au 11 juin, des jeunes avaient dressé un barrage composé de pneus enflammés et de poteaux électriques. S’agissant de jeunes que je connais pour être des voisins de quartier, je les ai invités à les enlever et à trouver une forme plus pacifique pour exprimer leurs aspirations. C’est ce qu’ils ont fait. Quelques heures après, sur instigation de certains cadres d’un parti que je ne citerai pas, ils les ont remis.» Pour l’heure, c’est le calme plat dans la wilaya de Annaba. C’est ce dont a profité le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme pour tenter de calmer le jeu. Il a annoncé de nombreuses mesures d’amélioration du cadre de vie des populations de différentes régions du pays. Selon M. Tebboune, Annaba est classée wilaya pilote dans le programme national d’urgence de réalisation de plus de 400 000 logements pour 2001/02.

Par A. Djabali

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Blessé par balle par un policier à Fouka

Les habitants de la ville de Fouka (30 km à l’ouest d’Alger) nous ont interpellés pour nous faire part d’un incident qui s’est déroulé dans un de leurs quartiers, il y a déjà une semaine. Ils s’interrogent sur le sort qui a été réservé au policier qui a utilisé son arme à feu pour blesser un citoyen à la jambe. Ce dernier a osé interdire à l’agent de côtoyer une jeune fille, selon lui, par pudeur et par respect pour les familles qui habitent le quartier. L’histoire ne s’arrête pas là. L’élément de la BMPJ de Fouka, contrarié, a fait appel par la suite à ses amis pour corriger le citoyen. Ce qui est encore plus grave, c’est qu’un groupe d’habitants a failli lyncher le jeune policier qui est à l’origine de cet incident. Selon nos différentes sources qui ont préféré garder l’anonymat, l’affaire est prise en charge par les instances judiciaires afin de déterminer les responsabilités de chacune des personnes avant de les sanctionner. Les citoyens de Fouka estiment que le traitement réservé à cet incident prend beaucoup de temps, d’autant plus que cela aurait pu dégénérer n’étaient le calme et la maturité qui ont caractérisé chacune des parties. En outre, compte tenu des évènements qui secouent le pays, les artistes du Mouvement culturel chenoui (MCC) ont décidé de boycotter la semaine des arts et culture, une manifestation mise aux oubliettes depuis plusieurs années et dont certains responsables de la wilaya se rappellent aujourd’hui l’existence ainsi que la présence de la culture chenouie.

Par M’hamed H.

 

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