Chronologie d’un Printemps embrasé

Chronologie d’un Printemps embrasé

 

Par Rabea Nouasri, La Tribune, 2 mai 2001

L’embrasement de la situation en Kabylie, qui dure depuis le 18 avril dernier, est monté crescendo jusqu’à ce que la violence atteigne un degré quasi incontrôlable.

18 avril : la mort d’un adolescent, Mohamed Guermah, dans une brigade de gendarmerie de Beni Douala, déclenche une série de manifestations et d’émeutes en Kabylie. Selon les autorités officielles, le jeune homme a été tué d’une rafale de pistolet mitrailleur, tombé des mains d’un gendarme à l’intérieur de la brigade.

19 avril : le Mouvement culturel berbère (MCB) paralyse Tizi Ouzou lors d’une manifestation. Quelque 10 000 personnes défilent pendant plusieurs heures.

22 avril : le Commandement de la gendarmerie déclare que Mohamed Guermah faisait partie d’un «groupe d’agresseurs» interpellé après une «agression suivie de vol». Déclaration réfutée par la famille Guermah et les habitants du village. D’autres émeutes éclatent à Amizour, dans la région de Béjaïa, lorsque des gendarmes interpellent deux lycéens qui auraient été ensuite «malmenés» dans la brigade. Les manifestants attaquent la brigade à coups de pierres, incendient deux véhicules de gendarmerie, le siège de la daïra, les services de l’état civil de la mairie et saccagent le tribunal. Ces manifestations, faut-il le rappeler, coïncident avec les festivités du Printemps berbère du 20 avril 1980, commémorant la répression de manifestations pour la reconnaissance de la culture et de la langue berbères.

23 avril : les émeutes reprennent à Beni Douala après l’enterrement du jeune Mohamed Guermah. Les gendarmes, soutenus par des unités anti-émeute, quadrillent le village, lançant des grenades lacrymogènes et barrant les principaux accès.

24 avril : les autorités ferment le lycée de Beni Douala par mesure de sécurité. A Amizour, un grand rassemblement est prévu devant la mairie. La ville est dévastée et les rues barrées par des pneus brûlés et des barricades. Le chef adjoint de la police de Béjaïa est suspendu de ses fonctions pour négligences graves à la suite des émeutes. Le gendarme auteur de la bavure ayant coûté la vie au jeune à Beni Douala est mis aux arrêts de rigueur et sera présenté devant la justice.

25 avril : les émeutes se poursuivent, notamment à Akbou, à 60 km à l’ouest de Béjaïa. De jeunes manifestants incendient l’administration des impôts, barrent les rues et la route nationale avec des pneus enflammés. Les gendarmes lancent des grenades lacrymogènes. Au cours de l’incendie de la daïra d’Ouzellaguen par les émeutiers, deux personnes sont tuées par balles. La tension est très vive à Sidi Aïch, El Kseur (trois morts), Tazmalt, Seddouk et Timezrit. Plus de 70 manifestants, en majorité des jeunes, sont blessés depuis le 18 avril.Le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, arrive à Béjaïa et présente les regrets du gouvernement pour ce qui s’est produit dans la ville.

26 avril : les émeutes se poursuivent dans plusieurs villes pendant que d’autres connaissent une relative accalmie. On déplore déjà la mort de 17 personnes à Tizi Ouzou et Béjaïa. Les manifestants demandent, entre autres, plus de justice dans l’attribution des logements et dénoncent le harcèlement de la part des forces de sécurité. A Bouira, des manifestants brûlent des pneus et bloquent la circulation des véhicules.

27 avril : on enregistre, selon des sources officieuses, 21 morts à Azazga, Ouzellaguen, Boukhelifa, Tichy et M’chedellah. Plusieurs partis appellent au calme et, à la télévision, des responsables d’associations berbères, de parents d’élèves et des anciens moudjahidine exhortent les jeunes de se calmer.Le ministère de l’Intérieur confirme la mort de 15 manifestants depuis une semaine.

28 avril : vingt-neuf personnes sont tuées dans les émeutes qui embrasent à nouveau la Kabylie. Ces nouvelles victimes portent à une cinquantaine le nombre de morts depuis le début des émeutes.

29 avril : alors que les émeutes se poursuivent avec moins de violence, la télévision algérienne annonce que le président de la République prononcera un discours à la nation.

30 avril : plusieurs centaines de personnes manifestent à Paris et à Marseille pour protester contre la répression en Kabylie. Le soir, Bouteflika, dans un discours radiotélévisé, annonce une commission d’enquête sur les émeutes en Kabylie. Hier, les affrontements se sont poursuivis à Tizi Ouzou alors qu’à Béjaïa, nos sources signalent un calme précaire.

R. N.

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