Algeria-Watch: Text
Olivier Le CourGrandmaison
De l’indigénat
Anatomie d’un « monstre »juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’Empirefrançais
Zones
Introduction
Cetteteneur [utopique], ce sont les droits de l’homme, et, si elle a ungoût de revenez-y, c’est qu’il n’y a rien eu jusqu’ici dansl’histoire qui fût aussi limité et entravé, par sa base, etaussi humainement anticipateur par ses postulats. Liberté, Égalité,Fraternité – l’orthopédie, telle qu’on l’a tentée, de lamarche debout, de la fierté humaine – renvoie bien au-delà del’horizon bourgeois (E. Bloch, 1961).
1. Une « monstruosité juridique »
« Pourapprécier sainement » le « régime disciplinaire »imposé aux autochtones d’Algérie, « il ne faut pas seplacer au point de vue d’un Français du xixe siècle,habitué à toutes les garanties constitutionnelles issues desprincipes de 1789 : il paraîtrait monstrueux ».Publiées en 1895, ces lignes, qui s’achèvent sur cettecaractérisation a priori singulière qu’il serait tentantde tenir pour excessive et insignifiante, n’ont pas été écritespar un farouche adversaire de la colonisation dont le jugement seraitaltéré, voire discrédité, par ses engagements politiques. Il nes’agit pas plus d’une appréciation rétrospective portéelongtemps après les faits par un homme ou une femme qu’indigneraitla découverte de certaines dispositions du droit colonial en vigueurdans ce territoire, et le statut des « Arabes ». Nullesensibilité ou passion anachronique, aveugle à la différence destemps, des mours et des pratiques, n’est à l’origine de cettecitation. Nulle critique non plus d’ailleurs, puisque la suite estun plaidoyer en faveur de mesures extraordinaires mais nécessairespour assurer la pérennité de la domination française. « Lesindigènes auxquels [les] notions [de 1789] sont absolumentétrangères » trouvent ce régime « naturel puisque noussommes les plus forts. Il fournit un moyen de répression souple,commode, rapide, qui évite de recourir à d’autres procédés plusrigoureux », précise l’auteur. « C’est, en d’autrestermes, l’arbitraire administratif ; mais sesinconvénients sont moins sensibles qu’en Europe et ses avantagessont beaucoup plus grands1. »
Quandbien même il déroge aux lois fondamentales de la République, le« régime disciplinaire » précité – sont visés lecode de l’indigénat, l’internement, le séquestre et laresponsabilité collective – doit être apprécié à l’auneexclusive de son efficacité. En ces matières, la fin poursuivie -la défense de la « présence française », comme onl’écrit alors – justifie tous les moyens, fût-ce au prix del’instauration d’un ordre juridique « monstrueux »qui se signale par des pouvoirs exorbitants et « arbitraires »conférés au gouverneur général chargé de prononcer les peinespropres aux « indigènes ». Et, pour bien juger de cettesituation, il faut s’affranchir des principes hérités de laRévolution dont on découvre qu’ils font l’objet d’uneapplication fort restrictive puisqu’ils ne valent ni pour tous leslieux, ni pour tous les hommes. Ruine de l’universalisme, triompheremarquable et durable du relativisme juridique, politique et moralqui fonde et légitime des institutions coloniales inégalitaires,discriminatoires et illibérales, comme le reconnaît l’auteur.Plus encore, il fut aussi l’un des théoriciens majeurs du « régimedu bon tyran » qui, selon lui, est le « gouvernementidéal » dans les territoires dominés par la métropole. L’unedes conséquences pratiques de cette proposition générale estformulée en des termes forts clairs : le « pouvoirsuprême » en outre-mer doit être confié à un « personnage »- le gouverneur – capable de « briser toutes lesrésistances qui viendraient à se produire ».
En1892, lui aussi favorable au renforcement des pouvoirs publics enAlgérie, Jules Ferry vantait déjà les mérites de la« vice-royauté, à la fois civile et militaire »,établie à partir du mois de décembre 1840 par le « maréchalBugeaud » qui en fut la « personnification la plusoriginale, la plus populaire et la plus féconde2 ».Ou comment l’une des figures les plus importantes de la IIIe République loue, dans les colonies, ce qu’il abhorre en métropoleen se faisant l’avocat d’une sorte de monarchie absolue. Exercéepar un homme jouissant de prérogatives immenses, cette monarchie suigeneris est jugée nécessaire pour s’imposer face à une« race » autochtone qui continue de se livrer à lapiraterie, aux pillages et aux vols, selon lui. Quant à Bugeaudlui-même, il est promptement intégré au Panthéon impérialrépublicain en étant élevé au rang de héros de la colonisationdont l’action doit continuer d’inspirer ceux qui, soucieux commeFerry de la grandeur de la France dans le monde, sont engagés dansla construction puis la défense de l’empire3.
Exposéeset défendues dans des milieux divers, les conceptions précitéesseront longtemps soutenues par des hommes politiques, des juristes etdes spécialistes des sciences coloniales. Convaincus que les« indigènes », en raison de leurs particularitésraciales, culturelles et cultuelles, doivent être soumis à un ordreautoritaire constitutif d’un état d’exception permanent, lamajorité d’entre eux défendent une législation coloniale qu’ilssavent être « en désaccord avec [les] principesrépublicains4 »,note, après beaucoup d’autres, l’ancien délégué des coloniesDaniel Penant en 1905. Simple constat qu’aucune critique n’altère,les dispositions particulières des possessions ultra-marines étantconsidérées comme adéquates aux mours arriérées des populationsqui y vivent.
Quia donc rédigé les passages précités et élaboré cette doctrineinédite, laquelle ruine l’assimilation jugée à tortcaractéristique de la colonisation française alors qu’elle futofficiellement abandonnée au cours de l’été 1900 au profit d’unenouvelle politique dite d’« association5 » ?Arthur Girault, célèbre professeur à la faculté de Poitiers. Tenupour l’un des meilleurs spécialistes du droit colonial par sescontemporains français et étrangers, il fut aussi membre del’Institut colonial international, du Conseil supérieur desColonies puis de l’Académie des sciences coloniales fondées en1922. Son maître livre, Principes de colonisation et delégislation coloniale, devenu le « manuel obligé desétudiants » et des « gens d’étude », futréédité sept fois entre 1895 et 19386.Belle carrière et remarquable influence puisque ses travaux ontinspiré jusqu’aux juristes de l’Italie fasciste de Mussolinilorsqu’ils ont élaboré le statut des « indigènes »présents dans les territoires dominés ou conquis par le Duce. Tropsouvent méconnu, ce rayonnement du droit colonial français et decertaines de ses grandes figures mérite d’être souligné7.
Plusgénéralement, une ligne de conduite se dégage ; pourbeaucoup, elle est conçue comme une vérité établie parl’histoire, l’ethnologie, l’anthropologie et la psychologie despeuples : les races inférieures et les races supérieuresdoivent être soumises à des régimes politiques et juridiques quetout oppose. Aux peuples avancés d’Europe et d’Amérique du Nordconviennent les bienfaits de la démocratie, de l’État de droit etdes longues procédures destinées à garantir les prérogativesciviles et civiques de leurs membres. Aux peuples « arriérés »ou « mal » civilisés d’Afrique, d’Asie et d’Océanie,il faut imposer d’autres institutions et une justice qui,débarrassée des subtilités découlant de la « séparationdes autorités administratives et judiciaires », pourrasanctionner promptement les « indigènes » en leurrappelant que les « Européens sont [?] les maîtres »,soutient Girault en 1900 à la tribune du Congrès international desociologie coloniale. Hostile à l’assimilation des colonisés, ilprécise qu’il faut « châtier immédiatement etinfailliblement ceux qui tuent et qui volent. C’est là unenécessité politique devant laquelle les scrupules juridiques et lesconsidérations sentimentales doivent s’effacer8 ».
Ilss’effaceront, en effet, dans un contexte marqué, depuis 1871, parl’extraordinaire expansion géographique et démographique del’empire qui, au début du xxe siècle, fait de laFrance la deuxième puissance impériale du monde, devant lesPays-Bas, juste derrière la Grande-Bretagne. Pour la plus grandefierté des républicains, notamment, qui ont joué un rôle majeurdans la conduite de cette « aventure coloniale » sansprécédent, les territoires d’outre-mer sont ainsi passés demoins d’un million de kilomètres carrés au lendemain de laCommune de Paris à treize millions en 1913, cependant que lespopulations « indigènes » progressaient de sept à plusde quarante-huit millions. Admirable bilan, s’il en est, qui a poséde nombreux problèmes matériels, humains, militaires et politiquesinédits qu’il a fallu résoudre au plus vite pour assurer lastabilité de la domination française en Afrique, en Asie et enOcéanie. De là, aussi, le développement spectaculaire du droitcolonial engendré par un prurit législatif et réglementaireincessant dont les causes sont la raison d’État, le régime desdécrets et les particularités de l’ordre public imposé dans lespossessions ultra-marines.
« Monstruositéjuridique », écrivent, en 1923, Émile Larcher et GeorgesRectenwald à propos du code de l’indigénat en vigueur dans lesdépartements français d’Algérie. Qu’est-ce qui motive cetteappréciation sans doute inspirée par l’ouvrage de Girault ?La nature des sanctions prévues par ce texte d’abord, lesmodalités de leur application ensuite, puisqu’elles ne sont pasprononcées par un « tribunal » mais par un « agentadministratif, le gouverneur général », pour « réprimerdes faits qui ne sont point nettement définis », et leurextension à des tiers innocents enfin car « elles frappent nonseulement les individus », mais aussi des groupes entiers -tribus ou douars – dans le cadre de la responsabilité collectivejugée contraire au principe de l’« individualité despeines ». « Bref », concluent ces deux juristesrenommés, de telles dispositions sont « absolument en marge denotre droit pénal9 ».En marge, certes, mais indispensables néanmoins dans les possessionsd’outre-mer où il faut « avant tout [?] affermir notredomination par un système autoritaire » et une « politiqued’assujettissement » qui est « la seule possible quandil s’agit de colonies d’exploitation vastes » et « peupléesde millions d’indigènes réfractaires à notre civilisation10 »,précisent les mêmes. Preuve, s’il en était encore besoin, del’influence durable des thèses défendues par Ferry et Girault ;il se confirme qu’elles sont bien au fondement des nouvellesorientations de la République impériale. Si le monstrueux peut êtredéfini comme une violation manifeste, par excès ou par défaut, deslois communes, qu’elles soient des lois de la nature ou des loishumaines, force est de conclure que l’adjectif employé par cesjuristes, pour qualifier la législation coloniale puis le code del’indigénat qu’ils ne condamnent pas, est parfaitement adéquat.Adéquat aussi, précisons-le d’emblée pour tenter de désamorcerpar avance des lectures hâtives, les faux procès et les mauvaisespolémiques qu’elles favorisent, le sous-titre du présent ouvragequi reprend une dénomination commune utilisée par les meilleursspécialistes du droit en vigueur dans les possessions d’outre-mer.
2. Des lois métropolitaines dans les colonies :l’exception e(s)t la règle
Lesconséquences de cette partition entre une métropole républicaineet les territoires de l’empire soumis à un régime d’exceptionpermanent sont immenses sur le plan politique et juridique puisqueles lois votées à la Chambre des députés n’y sont pasdirectement applicables. À l’origine de cette situation : unecoutume héritée « de l’ancien régime11 »,estiment, en 1940, les professeurs de droit Louis Rolland et PierreLampué. Perpétuée après 1789, cette coutume permet, entre autres,de comprendre la rédaction singulière de l’article 109 de laloi fondamentale de la IIe République qui, tout enfaisant du « territoire de l’Algérie et des colonies »un territoire « français », précise aussitôt qu’ilsseront régis par « des lois particulières jusqu’à cequ’une loi spéciale les place sous le régime de la présenteConstitution ». On sait ce qu’il advint ; le régimetransitoire prévu par cette disposition devint définitif et cettedernière fut interprétée comme n’étant rien moins quel’« expression d’un principe » auquel des générationsde juristes et de responsables politiques se sont soumis pendant prèsd’un siècle12.Si important en raison de la nature constitutionnelle et républicainede la norme qui le soutient, et de ses conséquences pour lespopulations « indigènes », ce « principe »,dit « de spécialité », est défini de façon précisepar l’avocat honoraire au Conseil d’État et à la Cour decassation, Pierre Dareste. « Les lois métropolitaines ne[s’étendent] pas de plein droit aux colonies qui [sont] régiespar une législation propre », écrit-il dans son Traité dedroit colonial publié en 1931. Et, pour souligner plus encore lapermanence trop souvent ignorée de cette tradition perpétuée parl’écrasante majorité des régimes politiques établis enmétropole, il ajoute : « Sauf la courte période » de la « constitution de l’an III, leslois » votées en France « n’ont jamais étéapplicables de plein droit13 »dans les possessions ultra-marines.
C’estclair, précis et concis : deux ordres politico-juridiquesradicalement différents ont presque toujours été établis et ilspeuvent continuer de s’épanouir en toute légalité sous lesauspices de la loi fondamentale du 4 novembre 1848. De mêmeaux temps réputés glorieux de la IIIe Républiquepuisque ses dirigeants ont persévéré dans cette voie. Pour cernerau plus près la procédure qui vient d’être exposée, ajoutonsque la règle est : pas d’application des lois et desrèglements de la métropole aux colonies sauf cas exceptionnels décidés par le pouvoir réglementaire ou législatif compétent14.L’inapplicabilité de la législation métropolitaine auxterritoires de l’empire permet d’atteindre aux fondements dudroit colonial et de découvrir ceci d’essentiel : ce derniern’est pas dérogatoire aux principes républicains et auxdispositions nationales de façon marginale et superficielle, ou envertu d’une conjoncture exceptionnelle aux effets limités dansl’espace et le temps, et pour les individus concernés. Dérogatoireet discriminatoire, le droit colonial l’est au contraire par essence puisqu’il est systématiquement soustrait auprincipe de la Déclaration du 26 août 1789 relatif à lagénéralité de la loi sans laquelle il n’est plus d’égalité.En France, la loi, réputée être l’expression de la volontégénérale, « doit être la même pour tous soit qu’elleprotège, soit qu’elle punisse15 »selon la formule consacrée. Ainsi en ont décidé les Constituantssoucieux d’inscrire, en plusieurs articles de ce texte fondateur,l’abolition des privilèges prononcée quelques semaines plus tôt,et de sanctionner une égalité naturelle dont les membres du corpssocial ne sauraient être privés. C’est pourquoi dans cettesociété nouvelle, qui ne connaît plus que des individus libres etégaux, le droit positif doit être soumis à ce principe majeur.Ajoutons que cette égalité devant la loi exige, pour être garantiesur l’ensemble du territoire national, une égale application decette dernière.
Brièvementrappelées, pour mieux souligner ce qui est anéanti en Algérie,puis dans les autres colonies, ces conceptions et ces dispositionsdisparaissent donc au profit d’une situation où coexistent, dansune même contrée, non seulement deux législations différentesmais aussi deux régimes conçus pour des populations distinctes. Larègle maintenant en vigueur peut être résumée par cette formule,essentielle pour saisir les spécificités du droit appliqué dansles territoires d’outre-mer : « La loi ne doit pas êtrela même pour tous. » De même, et ceci est une conséquence decela, elle ne saurait être mise en ouvre de façon uniforme au seinde l’espace colonial. Il n’est donc pas surprenant que, en lieuet place de l’égalité et de l’égale liberté proclamées enmétropole, triomphent dans les colonies des inégalités et desdiscriminations raciales diverses, nombreuses et juridiquementsanctionnées.
Eneffet, les dispositions en vigueur dans l’empire sont soumises àdeux restrictions, l’une territoriale, l’autre liée à laqualité des personnes ; la conjonction de leurs effets étant àl’origine de la situation singulière des possessions ultra-marineset des populations qui s’y trouvent. Considérées commefrançaises, dès qu’il s’agit d’affirmer la puissancesouveraine du pays qui les a conquises, les colonies sont néanmoinsprivées du bénéfice de l’extension horizontale des lois. Cetteterritorialité particulière n’est cependant pas absolue puisqueles colons, où qu’ils résident en outre-mer, jouissent des droitset libertés garantis dans la mère patrie. Tel n’est pas le casdes « indigènes » dont les juristes soulignent – c’estpour eux une évidence, presque une trivialité – qu’ils ne sontque « des sujets, protégés ou administrés français,et non des citoyens français16 »,constate le professeur de droit Henry Solus en 1927. Ainsi comprise,la personnalité des lois permet de contourner, au bénéficeexclusif des individus venus de métropole, les effets restrictifs dela territorialité et d’établir deux statuts opposés : celuides « indigènes », qui ne sont que des assujettis,et celui des Français qui disposent seuls de la plénitude desdroits civils et politiques. Les différences qui séparent ces deuxconditions ne sont pas marginales ; au contraire, il s’agit dedifférences de nature qui organisent deux mondes régis par desdispositions destinées à asservir les autochtones, à garantir lesprérogatives des colons et, en dernière analyse, à assurer ladomination sans faille des seconds sur les premiers comme l’exigela sécurité publique indispensable à la stabilité et à laprospérité de l’empire. Quant au « concept générique »et moderne de « personne17 »,il est ruiné par cette législation coloniale qui institue un ordreau sein duquel existent, non pas une personnalitéjuridique, conformément aux principes déclarés en 1789 pourabolir les privilèges, mais plusieurs dotées d’attributsfort différents.
Plusgénéralement, la tradition étudiée, l’interprétation qui futfaite de l’article 109 de la Constitution de la IIe République et l’examen de ses conséquences principales sur lacondition des colons et des « indigènes », permettent decomprendre comment l’exception est devenue la règle dans les possessions françaises en raison de sa permanence proclaméed’une part, et de son inscription dans un ordre juridiqueparticulier d’autre part. Ordre juridique qui autorise cetteexception devenue ainsi légale, et pour beaucoup légitime, en mêmetemps qu’il est engendré par elle puisqu’elle favorise lesurgissement d’un droit colonial dont les contemporains savent lecaractère exorbitant. Ces quelques éléments nous renseignent surune caractéristique majeure de ce droit dont on découvre qu’ilest « nettement particulariste18 »,constate, en 1912, Jules Vernier de Byans dans un rapport officielrédigé pour le ministre des Colonies. L’auteur ne conçoit pascette caractéristique comme un vice rédhibitoire mais comme unequalité indispensable pour gouverner efficacement des populationsautochtones très variées. Précision essentielle qui confirme quel’horizon de cette législation n’est pas l’universel, l’hommeou l’individu abstraits auxquels il faudrait accorder desprérogatives garanties en tout temps et en tout lieu. À rebours deces principes, de la permanence de la loi et de la relative stabilitédes lois, la législation coloniale ne connaît que des « indigènes »concrets, des situations personnelles particulières et desconjonctures singulières auxquelles elle est étroitement soumise,ce pour quoi elle est aussi d’une remarquable « souplesse »et d’une constante variabilité. Beaucoup de contemporains louenten effet ses capacités d’adaptation et la rapidité avec laquelleles autorités métropolitaines ou gubernatoriales peuvent lamodifier pour faire face à des nécessités imprévues auxquelles ilfaut pouvoir répondre sans délai.
Dudroit colonial, on peut écrire, in fine, qu’il est un droitsans Principe, à condition d’ajouter aussitôt qu’ilobéit néanmoins à un principe souterrain et constant dontles effets sont partout visibles : être au service d’unepolitique où le « premier devoir » du conquérant est« de maintenir sa domination et d’en assurer la durée :tout ce qui peut avoir pour effet de la consolider et de la garantirest bon, tout ce qui peut l’affaiblir et la compromettre estmauvais. Tel est l’aphorisme fondamental qui doit guider toute laconduite du dominateur et en régler les limites19 »,affirme l’ancien diplomate Jules Harmand dans un ouvrage majeurpublié en 1910. Telles sont aussi les fonctions des institutions etde la législation coloniales ; nul ne l’ignore alors. Parcequ’il est un droit sans Principe, le droit colonial est aussi undroit « instrumentalisé » et « dégradé20 »car il est ravalé au rang de pur moyen mis au service d’une finprécise : assurer la domination de la République impérialesur les populations d’outre-mer. À cause de cela aussi, il est undroit antidémocratique dont la fonction n’est pas de libérer et de rendre égaux ceux qu’il vise, conformément auxprincipes du jus naturalis subjectif et moderne, maisd’assujettir et de discriminer les autochtones en lesplaçant au plus bas de la hiérarchie politique, sociale etjuridique érigée dans l’empire.
Professeurde législation coloniale à la faculté de Paris, René Maunierconstate que, en 1938, il « n’y a pas, aux colonies, égalitédes citoyens et des sujets » mais « distinction »et « subordination puisque les sujets [?] sont bien desFrançais, mais des Français qui ne sont pas citoyens ».Farouche partisan de cette situation, qu’il a toujours défendueparce qu’il la juge conforme aux caractéristiques des peuples« primitifs » ou « attardés » despossessions ultra-marines, et nécessaire pour garantir la suprématiedes colons et l’autorité de la métropole, il ajoute : les« indigènes » « ont moins de droits », « ilssont inférieurs et non pas égaux. Voilà pourquoi le mot « sujet »[?] définit bien leur « condition »21 ».On ne saurait mieux dire. De même en Algérie où, en dépit dudécret du 24 octobre 1870 proclamant l’unité du territoire,son assimilation à la métropole et la création de départements,les « musulmans » demeurent des « sujetsfrançais ». Cette « règle fondamentale » est« caractéristique de leur condition juridique »,écrivent Larcher et Rectenwald qui font observer qu’aucune« disposition de la loi positive ne permettait de créer ainsiparmi les Français » de telles « distinctions22 ».Précisons que seule la légalité douteuse de ces dernières, qu’ilsne parviennent pas à rattacher à des mesures antérieures, inquièteces deux auteurs ; leur légitimité, en revanche, ne fait poureux aucun doute puisque le maintien de la France en Afrique du Nordest à ce prix.
Ainsi,dans toutes les colonies, et au-delà de particularités liées austatut spécifique mais minoritaire de certains « indigènes »,s’élèvent une « double législation », un « doublegouvernement », une « double administration » etune double justice où « chacun » a « ses juges »,où « chacun » a « ses lois23 ».Comme l’expose sans ambages le professeur Maunier dans le cours dedroit qu’il a élaboré en 1938 pour les étudiants de la facultéde Paris, tel est donc le principe de ségrégation qui préside àl’organisation des institutions coloniales, qu’elles soientpolitiques, administratives ou judiciaires. Toutes reposent sur desdiscriminations raciales juridiquement sanctionnées et publiquementrevendiquées qui structurent deux ordres distincts : celui desEuropéens et celui des autochtones ; le premier dominant biensûr le second. Sorte d’apartheid colonial à la française ?Assurément, et tous ceux qui s’intéressent à l’empire saventson existence, son fonctionnement et ses conséquences pour lespopulations « indigènes ».
Monstrueuse,la législation coloniale l’est enfin parce qu’elle est « unvéritable chaos de décrets éphémères, se répétant ous’abrogeant les uns les autres, se succédant parfois avec unetelle rapidité qu’on a peine à les suivre », observeGirault.
3. « Régime des décrets » et naturede l’État colonial
Lacause structurelle de cette situation ancienne, contre laquelle sesont élevées les critiques parfois vives de certains députés quiconstataient, impuissants et amers, que les « règlements »applicables en outre-mer étaient pris à leur « insu »et qu’ils les découvraient a posteriori en lisant le Journal officiel24 ?Le « régime des décrets » qui autorise, préciseGirault, le « pouvoir exécutif25 »de la métropole, et celui des colonies détenu par le gouverneurgénéral, à légiférer grâce à ce type de textes. Au fondementde ces prérogatives, sanctionnées par la jurisprudence, reconduitespar les dirigeants de la IIIe République et qui ontperduré jusqu’en 1945, se trouvent deux dispositions essentielleshéritées de la Monarchie de Juillet et du Second Empire. Arrêtéeau lendemain de la prise d’Alger, le 22 juillet 1834,l’une établit que les « possessions françaises dans le nordde l’Afrique seront régies par [?] ordonnances26 »jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement. Tout d’abordmotivée par l’urgence d’une conjoncture politique et militaireinstable liée aux difficultés rencontrées par la France pourpacifier les nouveaux territoires conquis, cette mesure a étédétachée de ce contexte particulier. La guerre et les résistancesdes « Arabes » avaient justifié le recours auxordonnances, la pratique les a pérennisées, et c’est ainsiqu’elles sont devenues des moyens communs, efficaces et rapidespour gouverner les populations « indigènes ». Vingt ansplus tard, une autre disposition reconduit cette situation etl’exception devient ainsi la règle qui s’étend désormais dansl’espace et le temps. En vertu de l’article 18 dusénatus-consulte du 3 mai 1854, Napoléon III peut régir lesnouvelles colonies par décrets ; seules la Martinique, laGuadeloupe et la Réunion ne sont pas concernées. Conséquencesmajeures de cette tradition, bien connue des contemporains : lerègne des « décrets simples27 »grâce auxquels le président de la IIIe Républiquegouverne les territoires de l’empire en des matières quiressortissent, en France métropolitaine, au domaine de la loi, etl’existence d’un « régime intérieur » des coloniescaractérisé par la « suppression du droit commun » etl’« établissement d’un droit d’exception [?] distribuéméthodiquement par articles dans les décrets d’indigénat28 »,affirme Paul Viollet en 1905.
Unetelle situation témoigne de l’abaissement remarquable duParlement, et de l’élévation corrélative de l’exécutif quitend à se soustraire au contrôle des députés. Relativement à laconduite précise des affaires coloniales, on découvre que lepremier est comme privé de ses prérogatives législatives au profitdu second incarné par le chef de l’État, de facto et dejure tout puissant, et des représentants de la France dans lespossessions ultra-marines puisque eux aussi disposent de pouvoirstrès étendus. Jouissants de plus de droits que les ministres qui,en principe, sont privés de pouvoir réglementaire, les gouverneursont la possibilité de légiférer par décrets d’autant pluslibrement que les « domaines respectifs du règlementprésidentiel et du règlement gubernatorial ne sont déterminés paraucun texte. C’est donc la pratique administrative qui règle cettequestion » pourtant essentielle, constatent encore Rolland etLampué en 1940. Ainsi, au gré des circonstances, des rapports deforce et sur une « matière déterminée29 »,le chef de l’État peut accroître les attributions déjà immensesdes gouverneurs en leur transférant une partie de ses compétences.Pour rendre compte de la position extraordinaire de ces hommes,Girault les compare à des « vice-rois » qui, dans leurcolonie respective, règnent sans « contre poids » etpourraient devenir ainsi « singulièrement dangereux dansl’avenir30 ».Cet avertissement dit bien l’inquiétude de certains face auxautorités d’outre-mer où l’adage selon lequel « touthomme qui a du pouvoir est porté à en abuser31 »se vérifie une fois encore.
Vainemise en garde, observe le professeur de droit Alexandre Mérighnac en1925. En dépit de critiques nombreuses formulées depuis longtempspar des personnalités influentes, rien n’a changé. Avant depoursuivre, ajoutons que ce juriste de renom est un partisan résolude la colonisation qu’il conçoit, à l’instar de la majorité deses pairs et conformément à la doxa de saison, comme un vecteuressentiel de la civilisation du monde par les « peuples lesplus avancés ». Le « régime des décrets » et lesprérogatives exorbitantes des autorités précitées prospèrent surl’« empiétement illégal » de l’exécutif sur lelégislatif, soutient donc Mérighnac cependant qu’à cause de celal’« examen attentif » des affaires de l’empireéchappe aux « représentants de la nation ». Ruine de laloi dans les colonies et atteintes graves portées aux mécanismesdémocratiques en métropole où les questions relatives à la « PlusGrande France » sont tranchées avec « peu d’informationset de discussions » ; telle est encore la situation.Conscient que la réforme de ce système se heurte à des intérêtsmajeurs, consolidés par l’écoulement même du temps et leshabitudes prises par le chef de l’État et les gouverneurs qui enbénéficient, Mérighnac rappelle néanmoins que sa « suppressionest réclamée par tout le monde32 ».Pas plus que ces prédécesseurs, il ne sera écouté. Sur ce pointprécis mais capital, les dirigeants de la IIIe Républiquesont restés sourds à toutes remarques : la défense del’empire l’exigeait, selon eux.
Unan plus tard, en 1926, l’ancien gouverneur des colonies, RobertDoucet, dénonce lui aussi la puissance de l’administration établiedans les possessions françaises, et l’« anarchielégislative » engendrée par l’existence, en outre-mer, d’un« monarque absolu », « anonyme » et« irresponsable ». Son nom ? La « bureaucratie33 »coloniale qui, en raison de ses attributions, se substitue aulégislateur et viole constamment les principes fondateurs de l’Étatde droit car elle ruine l’équilibre ou la distribution despouvoirs, et la hiérarchie des fonctions et des normes au profitd’agents administratifs – les gouverneurs – qui concentrent surleur personne des prérogatives immenses et fluctuantes. Un monstrepolitique et juridique donc, sorti des flancs de la Républiqueimpériale avec la bénédiction de ses dirigeants qui l’ont conçuparce qu’ils l’estiment expédient pour gouverner les populations« indigènes » en usant de décrets présidentiels etgubernatoriaux adaptés au « retard des sociétéscoloniales », écrit, en 1929, le publiciste A. Bienvenudans la prestigieuse Revue du droit public et de la sciencepolitique. Aussi, en lieu et place du « régime législatifmétropolitain » et de la « procédure parlementairenécessairement assez lente », et condamnée par cela même, ilpréfère la célérité d’un « régime plus expéditif »où le « chef » de l’« exécutif » dispose« de la compétence législative pour les territoirescoloniaux34 ».
Ainsise révèlent à la fois les ressorts justifiant le transfert au chefde l’État de prérogatives normalement dévolues à la Chambre desdéputés, et la nature des autorités publiques qui administrent la« Plus Grande France ». Concentration remarquable etpermanente des pouvoirs, unité de décision et rapidité d’exécutionliées, entre autres, au primat du décret sur la loi dont Arendtnotait, avec justesse, qu’elle était méprisée par les« gouvernements bureaucratiques35 »établis en outre-mer par les puissances impériales européennes.Là-bas, selon la belle formule de l’historien américain WilliamB. Cohen, règnent des « empereurs sans sceptre » maisnon sans puissance puisque leurs fonctions sont à la foismilitaires, politiques et judiciaires, et qu’ils s’affirmentainsi comme les « vrais chefs de l’empire36 »aux dires mêmes de ceux qui ont exercé ces responsabilités alorsprestigieuses.
Au-delàdes mécanismes juridiques précis – ils ne sont techniques qu’enapparence – sur lesquels le « régime des décrets »fut établi puis renforcé, ceux qui étudient l’organisation et lefonctionnement de l’État colonial sont parfaitement conscients desconséquences de cette situation. Plus encore, ce sont elles qui lesconduisent à prendre acte des changements importants qui ontcontribué à façonner ce dernier et à le qualifier de façonprécise. « Bon tyran », « monarque absolu »,« dictature », affirment les uns, « régimeautoritaire » reposant sur l’« inégalité des races »,écrivent en 1931 Joseph Barthélemy et Paul Duez qui, célèbresprofesseurs de droit constitutionnel, concluent par cette observationde portée générale relative aux institutions métropolitaines :« La France n’est ni un État unitaire, ni un État fédéral »mais, « à l’exemple de l’Angleterre, un Étatimpérial37 ».Fondée sur une comparaison originale avec le Royaume-Uni, une telleanalyse aide à saisir les transformations majeures qui ont affectéla IIIe République après qu’elle a bâti le deuxièmeempire colonial du monde là où la plupart de nos contemporainsoublient, ignorent ou occultent à dessein la nature du régimeétabli en outre-mer et les effets de cette situation sur lesstructures politiques de l’Hexagone. Ces qualifications distinctesne sauraient cependant effacer le fait que beaucoup s’accordentpour considérer que les principes des droits de l’homme et lerégime républicain sont inadaptés aux sociétés « indigènes38 ».Personne n’en fait mystère et les termes employés par les uns etles autres, pour rendre compte de cette situation, sont empruntés auvocabulaire rigoureux des sciences politiques et juridiques de leurtemps. Nul besoin d’euphémiser le langage et les réalités de ladomination imposée par la France à cette époque glorieuse del’empire triomphant ; tous ceux qui viennent d’être citéssont fiers de l’ouvre accomplie par la République en Afrique, enIndochine et en Asie même s’ils la critiquent parfois.
Toutepuissance entretenue là-bas par un chaos juridique sévit égalementen métropole, affirmait Girault à la fin du xixe siècle.En 1931, rien n’a changé, révèle le procureur général de laCour de cassation, P. Matter, dans la préface qu’il rédigepour un ouvrage collectif publié sous la direction de PierreDareste. Une sommité, donc, particulièrement qualifiée pour bienjuger des dispositions appliquées dans les territoires de la « PlusGrande France ». Après avoir constaté que l’institutionsuprême dont il a la charge peine à « s’y reconnaître dansla multitude des textes coloniaux qui s’enchevêtrent, s’abrogentou se modifient les uns les autres » et « parfois secontredisent », le premier ajoute, pour exhumer les causes decette situation et les difficultés qu’elle engendre : « Iln’est pas une branche du droit qui, transplantée aux colonies, nesubisse des transformations plus ou moins profondes. » Ainsis’est développée une législation « spécial[e] »dont les particularités se font toujours plus nombreuses et plussaillantes cependant que le « juriste » ne sait jamais apriori « si le texte dont il fait état » esttoujours en vigueur dans la possession « en cause39 ».Aveu remarquable qui dit bien les obstacles auxquels se heurtent lesmeilleurs professionnels du droit lorsqu’ils sont confrontés auxmesures prises pour l’outre-mer. Témoignage précieux aussi quiconfirme l’extrême variabilité des dispositions coloniales dansl’espace, puisqu’elles diffèrent d’un territoire à l’autre,et également dans le temps, soumises qu’elles sont à un pruritréglementaire engendré par les pouvoirs conférés au chef del’État et aux gouverneurs.
Anarchiejuridique toujours, sous la plume d’un haut fonctionnaire descolonies cette fois, Maurice Delafosse, grâce à qui se découvrentles effets de cette situation sur le terrain. Aux analyses élaboréesd’en haut et depuis la métropole, d’autres succèdent en mêmetemps qu’elles éclairent d’une lumière nouvelle lefonctionnement du « monstre » bureaucratique et juridiquequi nous occupe. « Les arrêtés annulant les arrêtésantérieurs, les circulaires modifiant l’application des arrêtéset les innombrables décrets venus de Paris à l’improviste etchambardant à la fois arrêtés et circulaires, tous ces textes secontredisant les uns les autres » forment « une avalanchetellement impétueuse que je n’ai même pas fini de passer monbuvard sur une correction qu’il me faut [?] la remplacer par unemodification nouvelle », écrit Delafosse en 1923 dans unouvrage conçu comme une fiction réaliste où dialoguent un « vieuxcolonial » et un jeune homme qui s’apprête à servir enAfrique. Mêmes causes, mêmes effets engendrés par des serviceslocaux et parisiens qui ne cessent de produire des dispositionsdiverses en soumettant leurs propres agents à une sorte de mouvementbrownien qu’ils ne peuvent maîtriser. De là une conséquencemajeure, inaperçue jusqu’à présent : face à cette« inéluctable fatalité », ce fonctionnaire entasse« mélancoliquement les numéros de plus en plus volumineux del’Officiel » en laissant « aux termites et auxcancrelats le soin de procéder à un classement rationnel parmi cetindigeste fatras de documents inutiles et d’actescontradictoires40 ».
Peuimporte ici la part d’exagération liée à la nature particulièrede ce livre. Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’ilest plein des expériences acquises par son auteur au cours desannées où il a occupé des fonctions importantes dans lesterritoires de l’empire. Si Broussard retient notre attention, cen’est pas pour ses qualités littéraires mais parce que, grâce àlui, on pénètre au cour de l’administration coloniale endécouvrant les conséquences concrètes du « régime desdécrets ». Là se dévoile une microphysique des pouvoirs oùla primauté accordée aux dispositions réglementaires et leurmultiplication n’anéantissent pas seulement la Loi et les loismais tout droit en raison de l’instabilité chronique des textesédictés, lesquels deviennent inapplicables par ceux qui sontsupposés être les garants de leur mise en ouvre. Ce n’est pas ledéfaut de normes, quelles qu’elles soient, qui est ici àl’origine de cette situation, mais l’excès au contraire puisquel’ordre juridique de l’empire semble miné par le désordre dedécrets multipliés. À moins, et sans doute est-ce plus juste de lepenser ainsi, que cet ordre singulier s’élève sur ce désordremême. En effet, le premier ne serait pas ce qu’il est s’il étaitsoumis durablement à une législation pérenne destinée à garantirles droits fondamentaux des « indigènes » et à établirde façon stricte les compétences des gouverneurs et de leurssubalternes. L’anarchie si souvent dénoncée par les contemporainsaurait donc des causes structurelles attachées à la nature durégime établi en outre-mer. Loin de définir a priori lesattributions des agents de l’État colonial et d’encadrer avecefficacité leurs actions, les décrets favorisent au contrairel’expansion incontrôlée de leurs prérogatives dans un contexteoù ces dernières ne sont limitées ni horizontalement, en raison del’absence d’une véritable distribution des pouvoirs, niverticalement puisque les droits de l’homme sont inapplicables dansles possessions françaises.
Affirmationexcessive, partielle et partiale favorisée par une analyserétrospective, ce péché mortel si souvent dénoncé par certainshistoriens qui pensent ainsi s’affirmer comme des parangonsd’objectivité scientifique ? Lisons donc un autochtone qui,ayant exercé des responsabilités dans l’administration du Soudanfrançais – le Mali aujourd’hui -, a bien connu sonfonctionnement et les pratiques des responsables venus de métropole.Les Blancs, affirme Amadou Hampâté Bâ, sont les « maîtresabsolus du pays » et « ce n’est pas pour rien »qu’ils sont appelés les « dieux de la brousse »car ils ont sur « nous » « tous les droits41 ».Les termes et la métaphore, employés à dessein par cet écrivainqui sait parfaitement ce que ces mots veulent dire, confirment, dupoint de vue des « indigènes » assujettis cette fois,les analyses de Delafosse. La toute-puissance des Européens, quiexercent des responsabilités officielles, est sans borne, ce pourquoi ils peuvent disposer, si tel est leur bon plaisir, des choses,des hommes et même des femmes. « Emblème de noblesse »,le casque colonial « donnait droit au gîte, aux pots-de-vinet, si le cour en disait, aux jouvencelles aux formes proportionnéespour les plaisirs de la nuit », constate Hampâté Bâlorsqu’il relate le comportement des « blancs » entournée dans les territoires placés sous leur autorité. « Tousles droits » donc ; cette formule doit être prise au piedde la lettre puisque cela inclut aussi le « droit » decuissage revu et corrigé par certains fonctionnaires coloniaux qui,confrontés à des populations qu’ils jugent inférieures, secomportent comme des despotes en pays conquis42.
Noussavions le régime des colonies autoritaire ou dictatorial, on ledécouvre arbitraire et cette seconde caractéristique est liée, nonà l’absence de législation, comme la tradition de laphilosophique politique classique et moderne nous l’apprend, mais àsa prolifération sous la forme particulière des règlements. Ainsisurgissent des conditions propices au développement d’un pouvoirexercé de façon solitaire par des agents confrontés à desinjonctions contradictoires : faire preuve d’initiative pourrépondre au plus vite aux nécessités imposées par la conjonctureconformément aux missions qui sont les leurs d’une part, mettre enouvre les décrets élaborés en métropole ou dans la colonied’autre part, et, pour surmonter cette situation, les premierss’affranchissent des textes existants et agissent à leur guise. Cetriomphe du « monstrueux » politico-juridique et del’« arbitraire administratif », comme l’écrivaitGirault avec justesse, a partie liée avec le développement d’unebureaucratie spécialisée dans la gestion quotidienne des affairesimpériales sur lesquelles elle détient un quasi-monopole, de faitet de droit, favorisé par le « régime des décrets ».Tels sont les mécanismes ici en cause et ils ont peu à voir avecles passions d’un tyran ou d’un despote « oriental »avide de puissance qui, pour les satisfaire, réduit à néant toutesdispositions susceptibles d’entraver si peu que ce soit sonpouvoir.
Nousne sommes pas ici en ces contrées brûlantes décrites parMontesquieu dans L’Esprit des lois43, ou sous les cieux plus tempérés d’une monarchie dégénéréeà cause des vices du roi et de sa Cour. Dans les territoires del’empire, nonobstant le climat, le « monstre » estplutôt froid, impersonnel aussi car ceux qui le font vivren’agissent ni pour eux-mêmes, ni pour un homme qu’ilsserviraient par ambition et intérêt, mais pour défendre l’Ordrecolonial dont ils sont les garants tout puissants. Et cet Ordre,réputé être l’expression d’une civilisation supérieure, serepaît de textes nouveaux élaborés par des autorités diverses quiproduisent dans l’urgence décrets, arrêtés et circulairesappelés par les circonstances, motivés par elles et comme elleséphémères. Ajoutons, pour tenter de saisir au plus près lesspécificités de cet arbitraire qui se dérobe aux analyses et auxcatégories classiques, qu’il repose sur la combinaison inédite deprérogatives immenses et sur la possibilité, toujours maintenue, deconvoquer telle ou telle disposition pour fonder la légalité et lalégitimité des décisions prises par les gouverneurs généraux etleurs subordonnés. En un mot, c’est l’arbitraire établi par ledroit et au nom même du droit.
4. Le droit colonial : un continent tropsouvent ignoré
Relativementà la législation de l’empire, notre situation est singulièrepuisqu’elle est aussi peu connue aujourd’hui qu’elle a suscité,sous la IIIe et la IVe Républiques,d’innombrables débats, ouvrages, thèses, manuels et articles.Plus encore, et ceci est en partie lié à cela, en vertu d’undécret du 1er août 1905, cette discipline nouvelleet complexe est introduite dans les facultés de droit pour permettreaux étudiants de s’y initier et, pour ceux qui le souhaitent, depréparer au mieux le concours d’entrée à l’École colonialefondée en novembre 1889. Sorte d’immense continent englouti,oublié ou occulté, peu importent les termes et, ici, les causesdiverses du phénomène, cette législation a été emportée par ladisparition des possessions françaises alors que les contemporainsde cette période « faste », où le pays était ladeuxième puissance impériale du monde, lui accordaient beaucoupd’attention parce qu’ils en savaient l’extrême importance. Sile passé de la « Plus Grande France » fait l’objetd’études toujours plus nombreuses conduites par des chercheur(e)sissu(e)s de disciplines variées, la législation d’outre-merdemeure, comparativement, trop souvent négligée.
Lamajorité des juristes et des historiens du droit ignorent jusqu’àson existence ; leurs traités comme leurs manuels entémoignent44.Fort savants et prolixes sur les dispositions en vigueur sous lamonarchie absolue, sur les nombreuses constitutions qui, depuis laRévolution, se sont succédées à un rythme soutenu et sur le codecivil, ce « livre-symbole45 »qui, depuis si longtemps, fait honneur à la France, ceux dont lemétier est d’étudier la chose juridique, passée ou présente,sont en général peu diserts sur le droit colonial qu’ilsméconnaissent gravement. À quelques notables exceptions près46,les philosophes de la Faculté, comme on disait autrefois, n’ontque faire de ce champ spécifique qu’ils jugent sans doute indignede leurs philosophiques et altières préoccupations. Ils enseignentpourtant les théories du droit naturel classique et moderne, lesorigines et les principes de la Déclaration du 26 août 1789,mais leur curiosité ne s’étend pas à ces objets « secondaires »que sont le « régime du bon tyran », les codes del’indigénat, l’internement administratif, la responsabilitécollective, le séquestre, la corvée, le travail « obligatoire »imposés à des dizaines de millions d’« indigènes »jusqu’en 1945, auxquels s’ajoute l’esclavage domestique qui,sous la IIIe République, a perduré en Afrique noirefrançaise avec la complicité intéressée des autorités colonialeset de la métropole. Trivial, forcément trivial.
Lespolitistes n’échappent pas vraiment à la règle commune alors quel’un des pères fondateurs de leur discipline, le célèbre ettoujours honoré André Siegfried, fut le défenseur enthousiaste desempires coloniaux. Dans un ouvrage paru en 1932, il estime en effetqu’ils sont indispensables au maintien de l’« hégémonieblanche » afin de la préserver de la « marée montantedes peuples de couleur » dans un contexte où, « pour lapremière fois depuis la Renaissance » selon lui, cettehégémonie « est contestée, matériellement et moralement47 ».Plus encore, grâce à l’action persévérante de son premierdirecteur, Émile Boutmy, et de ses successeurs qui ont poursuividans la voie qu’il avait tracée en organisant des enseignements adhoc débouchant sur l’obtention d’un « certificatd’études coloniales », l’École libre des sciencespolitiques a contribué, dans la première moitié du xxe siècle, aux côtés de l’École coloniale et de Polytechnique, àla formation des cadres indispensables à la direction de la « PlusGrande France »48.Peu nombreux enfin sont les historiens qui font de la législationdes colonies un objet majeur de leurs investigations. Les analyses dece droit si particulier, de ses origines souvent obscures, de sestransformations multiples et de ses effets pour les « indigènes »restent donc dispersées49.Quant aux textes – lois, décrets, arrêtés et circulaires -,ils sont inaccessibles au plus grand nombre faute de recueils récentset facilement consultables. De même les ouvrages des juristes del’époque alors qu’ils sont une source indispensable et précieusepour comprendre les premiers.
Sansprétendre à l’exhaustivité – il y faudrait une encyclopédie-, ce livre a pour objectif d’offrir au lecteur de longs etsignificatifs extraits de la législation coloniale commentés pardes contemporains venus d’horizons académiques, professionnels etpolitiques divers, et/ou par nous-mêmes, afin de le guider dans ladécouverte du « monstre » érigé dans les territoiresde l’empire. Et « parce qu’on ne saurait mieux connaîtreune chose, qu’en bien considérant celles qui la composent50 »,ce qui exige de les mettre à part sans oublier qu’elles demeurentliées les unes aux autres puisqu’elles forment système, la voiechoisie est celle de l’anatomie. Grâce à elle, les structures,les différents organes et le fonctionnement précis de la « Bête »apparaîtront de façon aussi claire et distincte que possible. Nouscommencerons donc par les conceptions étroitement nationales desdroits fondamentaux défendues par des figures majeures de la IIIe République qui, de Jules Ferry à Albert Sarraut dans le champpolitique, affirment qu’ils sont inapplicables dans les colonies.Triomphe singulier, parfois âprement critiqué, des « droitsdes Français » contre les droits de l’homme que soutiennentencore des personnalités publiques et académiques au lendemain dela Seconde Guerre mondiale. En outre-mer, le régime du « bontyran » s’est donc épanoui de façon légale et légitimeavec la bénédiction des meilleurs spécialistes des possessionsfrançaises, qu’ils soient juristes, politistes ou sociologues. Delà des conséquences majeures sur la condition des colonisésravalés, de 1875 à 1945, au rang de « sujets », privésdes droits et libertés démocratiques élémentaires, et soumis, quiplus est, à des dispositions répressives et discriminatoires.
Racismedu droit positif que soutient un racisme d’État ; tous deuxsont théorisés et défendus par de nombreux experts et professeursau sein d’institutions prestigieuses comme les universités,l’École libre des sciences politiques et l’Académie des« sciences coloniales ». En témoignent les différentscodes de l’indigénat en vigueur dans la plupart des possessionsfrançaises – le premier, celui des départements françaisd’Algérie élaboré en 1875, fut surnommé « code matraque »par les « Arabes » notamment -, une justice« indigène » expéditive mais jugée nécessaire pour« obtenir une répression énergique, surtout rapide, aubesoin sommaire51 »,l’internement administratif, la responsabilité collective,pourtant contraire au principe de l’individualité des peinespropre au droit pénal moderne, et le séquestre qui permit auxautorités coloniales de priver des centaines de milliersd’autochtones de leurs terres ainsi transférées aux colons et àdes sociétés françaises. Tels sont les principaux « monuments »de la législation appliquée aux « sauvages » et aux« barbares » de l’empire qui furent assujettis,opprimés, discriminés et effroyablement exploités jusqu’à lafin de la Seconde Guerre mondiale.
S’yajoutent, en effet, d’autres dispositions juridiques et pratiquesbien connues des contemporains comme le travail forcé imposé auxpopulations « indigènes » tout au long de la IIIe République, sous le régime de Vichy et dans certains territoiresd’Afrique et d’Asie contrôlés par la France libre. Libre, ellele fut fort peu pour les colonisés qui continuèrent d’êtretraités comme ils l’avaient été auparavant. À preuve, les hautsfonctionnaires d’outre-mer et les hommes politiques, réunis sousl’autorité du général de Gaulle à la conférence de Brazzavilledu 30 janvier au 7 février 1944 pour déterminer lesorientations coloniales du Comité français de libération nationaleet, de facto, du gouvernement provisoire de la Républiqueétabli le 2 juin de la même année, n’entendaient passupprimer immédiatement cette forme particulière de labeur jugéeindispensable pour la réalisation des grands travaux et l’entretiendes infrastructures. Entre la fidélité aux principes d’égalité,de liberté et de fraternité, et les « nécessités »économiques de l’empire, les premiers avaient choisi, de mêmel’homme de l’Appel du 18 juin 1940. Lenteurs etatermoiements de la Libération en dépit des protestations decertains administrateurs des colonies qui, dès 1942, s’étaientélevés contre le travail forcé, comme le rapporte le députéGabriel d’Arboussier, qui dénonce, en 1946, un « servage »insupportable « cent cinquante après la Déclaration desdroits de l’homme et du citoyen et cent ans après l’abolition del’esclavage52 ».Il a donc fallu attendre la loi du 11 avril 1946, présentéepar Félix Houphouët-Boigny, pour que la suppression de ce labeurparticulier soit enfin votée par l’Assemblée nationale.
Quantà l’esclavage domestique, pratiqué par certaines sociétéstraditionnelles de l’Afrique noire française, il a continué deprospérer au vu et au su des autorités coloniales etmétropolitaines peu soucieuses d’y mettre un terme, pour desraisons économiques, sociales et politiques. Avec la froide« objectivité » qui sied à son statut de professeur desuniversités, Henry Solus écrit dans son Traité de la conditiondes indigènes en droit privé publié en 1927 : « L’ordrepublic colonial ne semble point troublé par de telles pratiques [?].En soi d’ailleurs, et si elles ne sont pas accompagnées decirconstances aggravantes, elles ne tombent pas davantage sous lecoup de la loi pénale. » Lumineux. Les dispositions desterritoires de l’empire ne condamnent pas cette « sorte deservage domestique53 »et coutumier, ce qui explique sa permanence remarquable, et laposition de ce juriste célèbre. Comme nous le verrons, sur ce pointprécis mais capital, les contemporains qui s’intéressent auxquestions d’outre-mer connaissent parfaitement la situation, et lamajorité d’entre eux l’approuve. Misère et aveuglement dupositivisme juridique capable de plaider toutes les causes, même lespires.
Indispensable,la démarche anatomique qui vient d’être brièvement exposéedemeure insuffisante, cependant. À s’en tenir là, grand est lerisque de créditer le droit des possessions françaises despécificités indues bien faites pour entretenir sans fin le mythed’une « aventure » coloniale généreuse et libérale,et pour cela supérieure à celle des autres puissances impérialeseuropéennes en raison des convictions républicaines de sespartisans les plus célèbres et de la nature, républicaineégalement, des institutions métropolitaines. Si on laisse de côtéles idéologues qui, aujourd’hui encore, soutiennent envers etcontre tout le « bilan positif » de la colonisation et selivrent à une écholalie grossière alimentée par les poncifs lesplus éculés du discours impérial-républicain, ces fadaises sont,entre autres, favorisées par des études trop souvent circonscritesaux frontières de l’empire, voire à celles d’un seul territoired’outre-mer. Travers ancien contre lequel s’insurgeait déjà, en1897, Paul Leroy-Beaulieu, professeur au Collège de France,lorsqu’il critiquait des « monographies trop morcelées »où se glissaient des « notions vagues » et une « grandepart de préjugés » favorisés par la méconnaissance des« procédés » employés par les « Anglais »,les « Hollandais » et les « Espagnols54 ».Pour l’essentiel, hélas, ce constat demeure d’actualité etl’absence d’intérêt véritable pour les législationscoloniales des autres pays d’Europe favorise ceux qui continuentd’écrire le grand roman historique de la France en faisant decette dernière une nation d’exception, fille aînée del’universel, de la Révolution et de l’émancipation des peuples.
Anatomiedonc, mais anatomie comparée, autant que faire se peut, dès lorsque les éléments en notre possession autorisent une telle démarche.De là des références nombreuses aux dispositions établies par lesdifférents États impériaux du Vieux Continent dont on découvrequ’elles sont proches, sur bien des points, de celles en vigueurdans les possessions « exotiques » de la IIIe République. Double comparaison en fait. À chaque fois que cela peutéclairer l’histoire des règlements et leur extension à d’autres« indigènes », un travail identique a été entrepris àl’intérieur même de l’empire où des dispositions majeures ontcirculé de colonie en colonie. Bien qu’il ne soit pas le seul, lecode de l’indigénat algérien (1875) témoigne exemplairement deces mouvements puisqu’il a servi de matrice à partir de laquelled’autres codes du même type furent élaborés puis appliqués enNouvelle-Calédonie, en Indochine, en Afrique-occidentale française(A-OF) et en Afrique-équatoriale française (A-EF). Parfois, envertu d’un processus d’extension-banalisation et au prix demodifications diverses, des mesures furent importées en métropoleet mobilisées contre des allochtones puis des nationaux.
Poursuivre ces cheminements souvent complexes, inattendus et parfoislongs, il faut s’affranchir aussi des chronologies limitées quiles oblitèrent alors qu’ils prouvent que la législationd’outre-mer a été un laboratoire particulièrement fécond del’exception politique et juridique. Sous des formes singulières etvariables au gré des circonstances, des gouvernements et desrégimes, tels sont les cas remarquables, mais trop peu remarqués,de l’internement administratif, de la responsabilité collective etde « l’asile donné [?] aux étrangers sans papiers ».Il ne s’agit pas là d’une citation de l’article L. 622-1du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droitd’asile mais d’un extrait de l’article 19 du code del’indigénat algérien du 9 février 1875. Toutes ces mesuresont des origines coloniales, et toutes sont encore présentes dans lalégislation de ce pays. Le « monstre juridique » de la« Plus Grande France » n’est plus, mais certains de sesdescendants sévissent encore.
Annexe. Arrêté général sur les infractions del’indigénat
(Préfectured’Alger, 9 février 1875)
Art.1. – Sont considérés comme infractions spéciales à l’indigénatet, comme telles, passibles des peines édictées par les articles465 et 466 du code pénal, les faits et actes ci-après déterminés,savoir :
1)Omission ou retard de plus de huit jours, dans les déclarations denaissance et de décès, dans les circonscriptions territoriales oùcette mesure est prescrite par l’autorité administrative, enattendant que les dispositions des chapitres ii et iv du livrepremier du code civil soient rendus applicables aux indigènes.
2)Négligence par les agents indigènes de toute catégorie (adjoints,gardes, cheikhs, oukaffs, kebirs de douars) à prévenir des crimesou délits commis dans leur circonscription, le juge de paix de leurcanton ou le procureur de la République lorsque le siège dutribunal est au chef-lieu du canton.
3)Négligence à fournir des renseignements sur un crime ou un délitdont les auteurs soupçonnés ne sont point de ceux à l’égarddesquels la déposition du témoin n’est pas reçue en justice, etqui sont énumérés dans les cinq premiers paragraphes de l’article322 du code d’instruction criminelle.
4)Négligence à comparaître sur simple invitation, même verbale,devant le juge de paix procédant à une information.
5)Négligence à se présenter devant l’administrateur ou le maire dela commune, après convocation remise par un agent de l’autoritéadministrative.
6)Acte irrespectueux ou propos offensants vis-à-vis d’unreprésentant ou agent de l’autorité, même en dehors de sesfonctions, et alors même que cet acte ou ce propos ne réunirait pasles caractères voulus pour constituer un délit ou la contraventiond’injure.
7)Propos tenus en public dans le but d’affaiblir le respect dû àl’autorité.
8)Refus ou inexécution des services de garde, patrouille etposte-vigie, placés en vertu d’un ordre de l’autorité, abandond’un poste ou négligence dans les mêmes services.
9)Refus à l’égard des prestations de transport et des gardes decamp autorisées pour les commissaires-enquêteurs chargés del’application de la loi du 26 juillet 1873.
10)Refus de fournir, contre remboursement, aux prix du tarif établi pararrêté du préfet, les vivres, les moyens de transport ou lesagents auxiliaires (gardiens de nuit, jalonneurs, guides) auxfonctionnaires ou agents dûment autorisés.
11)Refus ou manque d’obtempérer aux convocations descommissaires-enquêteurs, pour assister comme témoins ou commeparties intéressées aux opérations relatives à l’application deladite loi.
12)Refus de fournir les renseignements statistiques, topographiques ouautres, demandés par des agents de l’autorité française enmission, ou mensonge dans les renseignements donnés.
13)Négligence habituelle dans le payement des impôts et dansl’exécution des prestations en nature, manque d’obtempérer auxconvocations des receveurs lorsqu’ils se rendent sur les marchéspour percevoir les contributions.
14)Dissimulation et connivence dans les dissimulations en matière derecensement des animaux et objets imposables.
15)Infractions aux instructions portant règlement sur l’immatriculationdes armes.
16)Habitation isolée sans autorisation en dehors de la mechta oudu douar, campement sur des lieux prohibés.
17)Départ du territoire de la commune sans avoir, au préalable,acquitté les impôts et sans être munis d’un permis de voyage.
18)Infractions aux instructions portant réglementation sur le moded’émigration des nomades.
19)Asile donné, sans en prévenir le chef de douar, à des vagabonds,gens sans aveu ou étrangers sans papiers.
20)Réunions sans autorisation pour zerda, ziara ou autresfêtes religieuses ; coups de feu sans autorisation dans desfêtes.
21)Labour partiel ou total des chemins non classés, mais consacrés parl’usage.
22)Infractions aux règlements d’eaux et aux usages locaux pourl’affectation des fontaines.
23)Détention, pendant plus de vingt-quatre heures, d’animaux égarés,sans avis donné à l’autorité.
24)Abattage de bétail et dépôt d’immondices hors des lieux destinésà cet effet, abattage de vaches ou de brebis pleines ;non-enfouissement des animaux (domestiques ou sauvages morts ou tués)au moins à 500 mètres d’un chemin ou d’une habitation.
25)Inhumation hors du lieu consacré ou à une profondeur inférieure àcelle déterminée par l’autorité locale.
26)Mendicité hors du douar, même pour les infirmes et les invalides,sauf cas d’autorisation.
27)Plaintes ou réclamation sciemment inexacte ou réclamationrenouvelée après solution régulière.
Notes
1 A. Girault (1865-1931), Principesde colonisation et de législation coloniale,Paris, Larose, 1895, p. 305.
2 J. Ferry, LeGouvernement de l’Algérie,Paris, Armand Colin, 1892, p. 11. Sur les positions de Ferryrelatives aux droits de l’homme dans les colonies, cf.p. XXX de cet ouvrage.
3 Ceci est confirmé par l’abondante littérature apologétiqueconsacrée au maréchal Bugeaud sous la IIIe République et après. Cf. en particulier, parmi de nombreux ouvrages, P. Azan, Bugeaud et l’Algérie,Paris, Le Petit Parisien, « Nos gloires coloniales »,1930 et A. Paluel-Marmont, Bugeaud. Premierfrançais d’Algérie,Tours, Mame, 1944. Destinée à un vaste public, cette biographiesynthétique est publiée dans la collection « Découvertes-Exploitshéroïques » où elle rejoint celles consacrées à Marchandl’Africain, à Dupleixet l’empire des Indes età Lavigerie et lespères blancs.
4 Congrès colonialfrançais de 1905,Paris, 1905, p. 85. Penant fut aussi directeur du Recueilgénéral de jurisprudence et de législation coloniales.
5 Cette nouvelle doctrine de la République impériale fut consacréelors du Congrès colonial international et du Congrès internationalde sociologie coloniale, organisés à Paris pendant l’été 1900avec le soutien des pouvoirs publics français.
6 P. Masson,« Introduction », LesColonies françaises au début du xxesiècle. Cinq ans deprogrès (1900-1905),Marseille, Barlatier, 1906, p. 23.
7 « L’ouvre [du professeur Girault] est de beaucoup la pluspopulaire » dans la Péninsule, écrit le spécialiste italienM. Rossetti, Institut colonialinternational,session de Paris, 5, 6 et 7 mai 1931, p. 109. (Souligné parnous.)
8 A. Girault,« Condition des indigènes au point de vue de la législationcivile et criminelle et de la distribution de la justice », in Congrèsinternational de sociologie coloniale,Paris, 1900, p. 71 et 253.
9 E. Larcher et G. Rectenwald, Traité élémentairede législation algérienne,Paris, Rousseau & Cie éditeurs, 1923, tome 2, p. 477.Larcher est professeur à la faculté de droit d’Alger et avocat àla cour d’appel. Rectenwald est docteur en droit, conseiller deCour d’appel et vice-président du tribunal mixte immobilier deTunisie. Ce Traité est une référencemajeure que l’on a coutume d’appeler le « Larcher ».Ferhat Abbas, notamment, tient son auteur pour « la plus hauteautorité en [?] matière » de droit colonial algérien.« Rapport au maréchal Pétain » (avril 1941), in De la colonie vers laprovince, Paris,Garnier, 1981, p. 179. Hannah Arendt cite l’ouvrage deLarcher lorsqu’elle analyse les spécificités de la dominationcoloniale et le « régime des décrets ». cf.H. Arendt, Les Origines dutotalitarisme, tomeII, L’Impérialisme, Paris, Gallimard,2002, p. 530.
10 E. Larcher et G. Rectenwald, Traité élémentairede législation algérienne, op. cit.,tome 1, p. 15-16.
11 L. Rolland et P. Lampué, Précis de législation coloniale,Paris, Dalloz, 1940, § 201, p. 151. Le premier estprofesseur de droit à la faculté de Paris, le second à Caen. Tousdeux ont publié plusieurs manuels de droit colonial avant et aprèsla Seconde Guerre mondiale.
12 En Algérie, cette situation et le régime des décrets n’ont étéabolis que par l’ordonnance du 7 mars 1944 confirmée par la loidu 20 septembre 1947.
13 P. Dareste, Traité de droitcolonial, Paris,1931, p. 233 et 243. (Souligné par nous.) Dareste a aussidirigé le Recueil delégislation, de doctrine et de jurisprudence coloniales.
14 B. Sol et D. Haranger, Recueil général etméthodique de la législation et de la réglementation des coloniesfrançaises, Paris, Sociétésd’éditions géographiques, 1930, tome 1, p. V. Les auteurssont tous deux inspecteurs des colonies.
15 Art. 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
16 H. Solus, Traité de lacondition des indigènes en droit privé,préface d’A. Girault, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1927,p. 15. Professeur à l’université de Poitiers, Solus futmembre de l’Académie des sciences coloniales. (Souligné parnous.) De son côté, G. Klein, avocat à la Cour d’appel, note :« [Cette] condition de « sujet » jure [?] avecles notions modernes du Droit public », Dela condition juridique des indigènes d’Algérie sous ladomination française,Paris, Brière, 1906, p. 25. Cela jurait, certes, mais cela futmaintenu puis étendu à l’ensemble des colonies sous la IIIe République.
17 A. Supiot, Homo juridicus. Essaisur la fonction anthropologique du Droit,Paris, Seuil, 2005, p. 60.
18 J. Vernier de Byans, Rapport au ministredes colonies, Paris,Imprimerie nationale, 1912, p. 8. « La stabilitéinhérente aux actes de l’Assemblée nationale, ajoute-t-il,s’harmoniserait mal avec le caractère nettement évolutif de lalégislation coloniale. [?] Il faudra longtemps encore à sonservice un appareil plus souple et plus facilement mis en action quele pouvoir constituant », idem,p. 10. Docteur en droit, l’auteur est aussi « officierd’administration de 2e classe du Commissariat des troupes coloniales ».
19 J. Harmand (1845-1921), Dominationet Colonisation,Paris, Flammarion, 1910, p. 170. Également médecin etexplorateur de l’Indochine, Harmand fut l’ami de G. Le Bon quil’encouragea à rédiger cet ouvrage important salué par le grandhistorien belge de la colonisation, Charles de Lannoy. Cf. La Colonistique.Définition et méthode,Bruxelles, Hayez, 1913, p. 23. Lannoy était professeur àl’université de Gand. Pour Hubert Deschamps, le« livre »d’Harmand est « le plus aigu qui ait été écrit en Francesur le problème colonial », L’Unionfrançaise. Évolution politique et juridique,Paris, Les Cours de droit, 1948-1949, p. 394. Historien etadministrateur colonial, Deschamps (1900-1979) fut aussi directeurdu département des sciences humaines à l’Office de recherchesscientifiques d’outre-mer.
20 J. Habermas, Droit et Démocratie.Entre faits et normes,trad. de R. Rochlitz et Ch. Bouchindhomme, Paris, Gallimard,1997, p. 457.
21 R. Maunier, Répétitions écritesde législation coloniale (troisième année d’études), Paris, Les Cours de droit,1938-1939, p. 320-321. Membre de l’Académie des sciencescoloniales et auteur prolixe, Maunier (1887-1951) est considérécomme le fondateur de la sociologie coloniale à laquelle il aconsacré une somme dont la publication s’étend sur dix ans. Cf. Sociologie coloniale,Paris, Domat-Montchrestien, 1932 et 1942.
22 E. Larcher et G. Rectenwald. Traité élémentairede législation algérienne, op. cit.,tome 2, p. 408 et 409.
23 R. Maunier, Répétitions écritesde législation coloniale, op. cit.,p. 14 et 206. Parfaitement conscient de l’importance decette caractéristique du droit colonial, Maunier ajoute :« Tel est [son] principe. »
24 A. Gasconi, Débatsparlementaires,Paris, Chambre des députés, 9 février 1888, session ordinaire,p. 334. En 1885, Clemenceau dénonçait déjà le fait que denombreuses expéditions militaires conduites en outre-mer l’avaientété à l’insu du « pays » et de la représentationnationale, tous deux placés devant des « faits accomplis »par un exécutif pressé et envahissant qui prenait beaucoup deliberté avec l’article 9 de la loi constitutionnelle du 16juillet 1875 obligeant le « président de la République »à obtenir l’« assentiment préalable des deux Chambres »pour « déclarer la guerre » (Clemenceau, Chambre desdéputés, 30 juillet 1885, cité in G. Manceron, 1885 : letournant colonial de la République,Paris, La Découverte, 2007, p. 71-72). Radical-socialiste,Clemenceau est alors élu de Montmartre.
25 A. Girault, Principes decolonisation et de législation coloniale, op. cit.,p. 3. « Un régime de décret, écrit Arendt, offre desavantages indéniables pour la domination des territoires lointainsaux populations hétérogènes et une politique d’oppression », Les Origines dutotalitarisme, tomeII, L’Impérialisme, op. cit.,p. 530.
26 Citée par E. Larcher et G. Rectenwald. Traité élémentairede législation algérienne, op. cit., p. 186.
27 L. Rolland et P. Lampué, Précis delégislation coloniale, op. cit.,§ 203, p. 152.
28 P. Viollet, Les Illégalités etles crimes du Congo,Paris, 1905, p. 15. Cet ouvrage réunit les discours prononcéspar différents orateurs lors d’une réunion organisée par leComité de protection et de défense des indigènes que présideViollet. Parmi les intervenants se trouvait notamment FrédéricPassy (1822-1912), député républicain de Paris, membre del’Académie des sciences morales et politiques, qui fut leprincipal artisan de la création de la Ligue internationale etpermanente de la paix en 1867, de la Société d’arbitrage entreles nations et de l’Union internationale pour la paix. Avec lefondateur de la Croix-Rouge, Henri Dunant, il reçoit le premierprix Nobel de la paix en 1901.
29 L. Rolland et P. Lampué, Précis delégislation coloniale, op. cit.,§ 209, p. 158. Les décrets des gouverneurs,ajoutent-ils, sont placés « à un degré moins élevé queceux du chef de l’État dans la hiérarchie des textesjuridiques », idem,p. 157.
30 A. Girault,« Préface », LesLois organiques des colonies. Documents officiels,Bruxelles, Institut colonial international, 1906, tome 2, p. 18.Cette situation est connue de tous ceux qui s’intéressent auxcolonies quand bien même ils n’en sont pas des spécialistes.Céline note que, en Afrique noire française, les gouverneurs sontde véritables « tyran[s] » locaux devant lesquels les« militaires » et les « fonctionnaires »osent « à peine respirer », Voyageau bout de la nuit,Paris, Gallimard, 1994, p. 113 et 165. De ces gouverneurs,Maunier affirme aussi, sur le mode de l’approbation cette fois :« Ils font tous les métiers, ils ont toutes les fonctions,ils sont dictateur, à plus d’un égard », Répétitionsécrites de législation coloniale, op. cit.,p. 281.
31 Montesquieu, De l’esprit deslois, Paris, Flammarion,« G-F », 1979, livre XI, chap. vi,p. 293.
32 A. Mérignhac (1857-1927), Traitéde législation et d’économie coloniales,Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1925, 2e édition, p. 161, 277 et 859. Professeur à la faculté dedroit de Toulouse, membre de l’Institut de droit internationalpublic, Mérignhac est l’auteur d’un important Traitéde droit public international publiéen 1905.
33 R. Doucet, Commentaires sur lacolonisation, Paris,Larose, 1926, p. 64 et 65. L’auteur est alors rédacteuren chef du journal Mondeéconomique. Cescritiques ne remettent pas en cause la nécessité de l’empire.Conformément au credo de saison, Doucet précise : « Lacolonisation a été un bienfait pour les peuples » conquisauxquels « elle a donné la sécurité, la richesse et aussides libertés bien plus larges que celles dont ils pouvaientbénéficier sous la tutelle d’autocrates de leur race », idem,p. 14.
34 A. Bienvenu,« Le législateur colonial », Revuedu droit public et de la science politique en France et àl’étranger,avril-mai-juin 1929, tome XLVI, n° 2, p. 225.
35 H. Arendt, Les Origines dutotalitarisme, tomeII, L’Impérialisme, op. cit., p. 529et 530.
36 W. B. Cohen, Empereurs sanssceptre. Histoire des administrateurs de la France d’outre-mer etde l’École coloniale,trad. de L. de Lesseps et de C. Garnier, Paris, Berger-Levrault,1973, p. 94.
37 J. Barthélemy et P. Duez, Traité de droitconstitutionnel (1933),Paris, Economica, 1985, p. 289 et 283. (Souligné parnous.) Aujourd’hui encore, cet ouvrage demeure une référencepour de nombreux publicistes et politistes. Barthélemy (1874-1945)fut professeur à la faculté de droit de Paris et à l’Écolelibre des sciences politiques, membre de l’Institut et présidentde l’Académie des sciences morales et politiques. Parallèlementà cette carrière universitaire, il fut aussi, à partir de 1911,député puis vice-président du groupe parlementaire dirigé parP.-E. Flandin, administrateur du journal LeTemps et garde desSceaux sous le régime de Vichy, du 26 janvier 1941 au 27 mars 1943.Sur cette période de la vie de Barthélemy, cf. S. Rials,« À Vichy. De l’aveuglement », n Oppressionset Résistances, Paris, PUF, 2008,p. 283-362. Duez (1888-1947) était professeur à la facultéde droit de l’université de Lille, conseiller juridique de laville et membre de l’Institut international de droit public.
38 Après avoir noté que les « colonies » furent, jusqu’en1945, soustraites « à l’universalité de la loi »,Robert Delavignette ajoute : « Si les mots ont un sens,reconnaissons donc que la IIIe République a agi juridiquement en outre-mer en État bureaucratiquemais non en métropole républicaine », Serviceafricain, Paris, Gallimard,1946, p. 259-260. Ancien élève de l’École coloniale,administrateur des colonies et directeur de l’École nationaled’outre-mer (1934-1946), Delavignette (1897-1976) est alors fortconnu ; son livre est un classique cité, entre autres, parG. Balandier dans Sociologieactuelle de l’Afrique noire,Paris, PUF, 1955.
39 P. Matter,« Préface », in P. Dareste, Traité de droit colonial, op. cit.,p. V.
40 M. Delafosse (1870-1926), Broussardou les états d’âme d’un colonial, Paris, Larose, 1923,p. 136 et 140. Delafosse fut également professeur àl’École coloniale et à l’École nationale des languesorientales, et membre du Conseil supérieur des colonies. Il estl’auteur de plusieurs ouvrages considérés alors comme desclassiques.
41 A. Hampâté Bâ(1900-1991), Oui moncommandant !, Arles, Actes Sud,1996, p. 192. (Souligné par nous.) Écrivain célèbre, qui aobtenu de nombreux prix littéraires, Hampâté Bâ fut par la suitemembre du conseil exécutif de l’Unesco.
42 A. Hampâté Bâ, L’Étrange Destinde Wangrin, Paris, 10/18, 2001,p. 25.
43 Montesquieu, De l’esprit deslois, op. cit., livre V, chap. xv,p. 190.
44 Hormis P. Legendre, Trésor historique del’État en France. L’administration classique,Paris, Fayard, 1992. La situation évolue positivement cependant. Cf. S. Kodjo-Grandvaux et G. Koubi (dir.), Droit &Colonisation,Bruxelles, Bruylant, 2005 ; dossier « Les colonies, laloi, les juristes », Droits, vol. 43, n° 1,2006, p. 123-219 ; A. Stora-Lamarre,J.-L. Halperin,et F. Audren (dir.), LaRépublique et son droit (1870-1930),Besançon, Annales littéraires de Franche-Comté, 2010.
45 J. Carbonnier,« Le code civil », in P. Nora (dir.), Les Lieux demémoire, Paris, Gallimard,« Quarto », 1997, tome 1, p. 1341.
46 Cf. en particulier L. Sala-Molins, Le Code noir ou lecalvaire de Canaan (1987), Paris, PUF, 2002 et L’Afriqueaux Amériques. Le code noir espagnol,Paris, PUF, 1992.
47 A. Siefried (1875-1959), L’Occidentet la direction spirituelle du monde,Paris, 1932, p. 5 et 8. Professeur à l’École libre dessciences politiques, membre de l’Académie des sciences morales etpolitiques en 1932, Siegfried entre au Collège de France deux ansplus tard. Élu à l’Académie française en 1944, il devientprésident de la Fondation nationale des sciences politiques en1945, de l’Association française de science politique en 1949 etdu comité de rédaction de la Revuefrançaise de science politique en1951. À cela s’ajoutent d’autres fonctions importantespuisqu’il a siégé au Conseil d’administration de l’ENA, auComité constitutionnel en 1955 et à la Cour permanente d’arbitragede La Haye en 1957. Siegfried est toujours honoré parl’Institut d’études politiques de Paris où la bibliothèqueporte son nom. De même à l’IEP de Bordeaux où c’est unamphithéâtre qui se nomme d’après lui.
48 Cf. O. Le Cour Grandmaison, La Républiqueimpériale. Politique et racisme d’État,Paris, Fayard, 2009, p. 70-72. Et, plus généralement, D. Colas, Citoyenneté etnationalité, Paris,Gallimard, « Folio/Histoire », 2004.
49 Cf. notamment les travaux de C. Collot, Les Institutions del’Algérie pendant la période coloniale (1830-1962),Paris, Éditions du CNRS, 1987 ; I. Merle, Expériencescoloniales. La Nouvelle-Calédonie (1853-1920), Paris, Belin, 1995 ;S. Thénault, Une drôle dejustice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie,Paris, La Découverte, 2001 ; E. Saada, Les Enfants de lacolonie. Les métis de l’empire français entre sujétion etcitoyenneté, Paris,La Découverte, 2007.
50 Th. Hobbes, Le Citoyen ou lesfondements de la politique,trad. de S. Sorbière, Paris, Garnier-Flammarion, 1982, p. 71.
51 A. Billiard,« Étude sur la condition politique et juridique à assigneraux indigènes des colonies », in Congrèsinternational de sociologie coloniale, op. cit.,tome 2, p. 47. (Souligné par nous.) Billiard étaitadministrateur de commune mixte en Algérie et inspecteur du servicedépartementale des affaires indigènes à Constantine.
52 Intervention du député Gabriel d’Arboussier à l’Assembléenationale constituante, séance du 23 mars 1946, citée in F. Challaye, Un livre noir ducolonialisme. « Souvenirs sur la colonisation »,Paris, Les Nuits rouges, 2003, p. 182. G. d’Arboussier(1908-1976) fut l’un des fondateurs du Rassemblement démocratiqueafricain (RDA). À l’indépendance, il est ministre de la Justicedu Sénégal (1960-1962), puis directeur adjoint de l’Unesco(1963-1964).
53 H. Solus, Traité de lacondition des indigènes en droit privé, op. cit.,315.
54 P. Leroy-Beaulieu, L’Algérie et laTunisie (1887),Paris, Guillaumin, 1897, 2e édition, p. XI. Professeur à l’École libre des sciencespolitiques, membre de l’Académie des sciences morales etpolitiques en 1878, Leroy-Beaulieu (1843-1916) entre au Collège deFrance deux ans plus tard. L’ouvrage qui l’a fait connaître est De la colonisationchez les peuples modernes paruen 1874.
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