A propos des émeutes en Kabylie
A propos des émeutes en Kabylie
La révolte des Algériens contre le mépris et la brutalité du pouvoir à leur égard et son indifférence face à leurs revendications, n’a fait que s’intensifier ces dernières années. Empêchée de s’exprimer par le canal de médiations politiques représentatives, dont la formation est systématiquement bloquée et réprimée par le verrouillage du champ politique, la suppression des libertés démocratiques et l’extension du dispositif sécuritaire (administratif, juridique, policier), elle grandit de manière profonde et souterraine. Lorsqu’elle explose, comme aujourd’hui en Kabylie, région où le sentiment de déni culturel et linguistique est singulièrement exacerbé, elle prend très vite la forme d’un affrontement violent et destructeur. Le nombre très élevé de victimes civiles (jusqu’à 30 morts en une seule journée), dont les autorités, en particulier le commandement des forces de l’ordre, sont les seules responsables, ne peut laisser personne indifférent. Comment se fait-il que l’armée et la gendarmerie, qui se prétendent impuissantes à venir en aide aux villageois lors des massacres, fassent montre d’une telle capacité de répression face à de jeunes manifestants désarmés ?
Le Gouvernement, qui semble être pris de court par ce mouvement pourtant prévisible pouvant à tout moment se déclencher dans n’importe quelle autre région du pays, croit-il vraiment pouvoir calmer les esprits par la promesse d’un » plan spécial « , alors que c’est toute l’Algérie qui est sinistrée ? Cette attitude, ainsi que le silence observé par les plus hautes autorités du pays, laisse le champ libre à ceux qui s’emploient à attiser le feu et cherchent à précipiter l’Algérie dans un conflit à caractère ethnique ou religieux. A qui pourrait profiter une telle dérive, si ce n’est à ceux qui bloquent depuis près de dix ans toute issue politique négociée à la crise?
Signataires : Mohammed Harbi, Fatiha Talahite, Madjid Benchikh, Tassadit Yacine, Mourad Bourboune, El Hadi Chalabi, Khaled Satour, Salima Mellah.