«Peu de gens portent plainte»
BAVURES POLICIERES ET DROITS DE L’HOMME
«Peu de gens portent plainte»
El Watan, 1 décembre 2002
Bavure : trace d’encre ou de couleur débordant d’un trait peu net. Autre définition : actes de violence ou faits qui débordent le cadre du droit et de l’éthique. Les quelques cas de «casse» policière qui retentissent dans les colonnes des journaux semblent cacher un univers de violence et de dépassements.
Contacté hier, Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), a estimé que la bavure policière risque d’intervenir dès l’arrestation ou l’interpellation. «Cela va de l’interrogatoire musclé à la torture», a t-il ajouté. «Peu de gens portent plainte. Ils préfèrent se tirer d’affaire sans trop d’histoires. En tant que défenseurs des droits humains, nous ne pouvons rien faire dans pareilles situations.», a-t-il indiqué. «La pratique de la « question » sera grandement encourag
ée par l’impunité dont jouissent ses auteurs, la nature du régime politique, la dépendance totale d’un appareil judiciaire aux ordres des « services », la complaisance, pour ne pas dire la complicité de beaucoup de médecins légistes», a écrit l’avocat Mahmoud Khelili dans une contribution «La torture en Algérie (1991 – 2001)» rendue publique en 2001. «On est un peu comme face aux incestes ou aux viols : on en parle de plus en plus, les médias y consacrent davantage de place, mais cela ne veut pas forcément
dire qu’il y en a davantage», explique Bernadette Hétier, militante française des droits de l’homme. Boudjemââ Ghechir parle d’un phénomène nouveau : «Maintenant, sous la pression des défenseurs des droits de l’Homme et de la presse, les agents de police évitent d’intervenir de peur de subir les sanctions de leurs supérieurs. Nous sommes passés du dépassement au laxise.La DGSN devra éviter des sanctions arbitraires. Il faut respecter le citoyen. Il faut respecter aussi le policier.» Démesurée, la violence
en Algérie a fini par épouser toutes les folles courbes. La bavure ? Simple expression des nerfs de toute une société ? Peut-être. Un soir de mars 2000, jour de l’Aïd El Kebir, à Audin, en plein centre d’Alger, Mohamed 22 ans est blessé par les tirs d’un policier. La balle a transpercé ses intestins. Chômeur et membre d’une famille nombreuse, ce jeune habite El Mohammadia, à l’est d’Alger. «Je crois qu’il voulait me liquider parce que j’étais au courant du trafic de drogue auquel il s’adonnait», a déclar
é Mohame
générale des services, «la police des polices» est restée les bras croisés. Autre niveau des «casses», le banditisme piloté par des policiers. En juillet 2002, l’épouse du caissier de la poste de Miliana assassiné lance : «Les ripoux ont tué mon mari.» Le caissier, le gardien et le fils de ce dernier, officier de l’armée de l’air, ont été assassinés le mercredi 17 juillet à l’intérieur du bureau de poste de cette ville lors d’un hold-up. Les services de police ont réussi l’arrestation d’un présumé assassi
n qui n’est autre qu’un élément de la sûreté de daïra de Miliana. Le suspect n’était policier que pour sa couverture. Il est, aussi, propriétaire d’un commerce d’alimentation générale et fournisseur principal de sucre à Miliana.
Par Adlène Meddi