La fracture coloniale: La société française au prisme de l’héritage colonial
À paraître aux Éditions La Découverte
Mise en vente le 15 septembre 2005 en librairie
312 pages, 20 €
Sous la direction de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire
LA FRACTURE COLONIALE
La société française au prisme de l’héritage colonial
Cinquante ans après la défaite indochinoise de Diên Biên Phu et le début de la guerre d’Algérie, la France demeure hantée par son passé colonial, notamment par ce rapport complexe à l’« Autre », hier indigène, aujourd’hui « sauvageon ». Pourquoi une telle situation, alors que les autres sociétés post-coloniales en Occident travaillent à assumer leur histoire outre-mer ? C’est à cette question que tente de répondre cet ouvrage, où Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, en partant d’une enquête conduite à Toulouse – et présentée ici –, ont décidé d’ausculter les prolongements contemporains de ce passé à travers les différentes expressions de la fracture coloniale qui traverse aujourd’hui la société française. Ils ont réuni, dans cette perspective, les contributions originales de spécialistes de diverses disciplines, qui interrogent les mille manières dont les héritages coloniaux font aujourd’hui sentir leurs effets : relations intercommunautaires, ghettoïsation des banlieues, difficultés et blocages de l’intégration, manipulation des mémoires, conception de l’histoire nationale, politique étrangère, action humanitaire, place des Dom-Tom dans l’imaginaire national ou débats sur la laïcité et l’islam de France… Les auteurs montrent aussi que la situation contemporaine n’est pas une reproduction à l’identique du « temps des colonies » : elle est faite de métissages et de croisements entre des pratiques issues de la colonisation et des enjeux contemporains. Pour la première fois, un ouvrage accessible traite de la société française comme société postcoloniale et ouvre des pistes de réflexion neuves.
Pascal Blanchard, historien, est chercheur associé au CNRS à Marseille (GDR 2322) ; Nicolas Bancel, historien, est professeur à l’Université de Strasbourg-II Marc-Bloch ; et Sandrine Lemaire, agrégée en histoire, est enseignante.
Ils ont co-dirigé ensemble, avec d’autres auteurs ou séparément, plusieurs ouvrages sur la question coloniale, dont : Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Françoise Vergès, La République coloniale. Essai sur une utopie (Albin Michel, 2003) ; Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, Culture coloniale (Autrement, 2003) et Culture impériale (Autrement, 2004) ; Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëstch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire, Zoos humains. Aux temps des exhibitions humaines (La Découverte/« Poches », 2004).
Avec des contributions de : Nicolas Bancel, Olivier Barlet, Pascal Blanchard, Ahmed Boubeker, Anna Bozzo, Rony Brauman, Thomas Deltombe, Marcel Dorigny, Marc Ferro, Sarah Frohning Deleporte, François Gèze, Nacira Guénif-Souilamas, Arnauld Le Brusq, Didier Lapeyronnie, Olivier Le Cour Grandmaison, Sandrine Lemaire, Philippe Liotard, Achille Mbembe, Mathieu Rigouste, Patrick Simon, Benjamin Stora, Françoise Vergès, Michel Wieviorka.
Introduction, par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire 4
I. HISTOIRE COLONIALE ET ENJEUX DE MEMOIRE 5
1. Les origines républicaines de la fracture coloniale, par Nicolas Bancel et Pascal Blanchard 6
La promotion d’un « modèle français » 8
S’inscrire dans un mouvement républicain 11
Est-ce vraiment la République ? 14
2. Aux origines : l’indépendance d’Haïti et son occultation, par Marcel Dorigny 18
Aux origines de la fracture coloniale 19
Une défaite niée… et des « pères fondateurs » occultés 21
Une lente et progressive mise à l’écart 24
Une mémoire retrouvée ? 27
3. Quand une mémoire (de guerre) peut en cacher une autre (coloniale), par Benjamin Stora 30
Un drame périphérique 30
Des images sans histoires 32
La solitude des porteurs de mémoire 36
La guerre entre les victimes 37
4. L’Outre-Mer, une survivance de l’utopie coloniale républicaine ?, par Françoise Vergès 40
Que sont les outre-mers ? 40
Une diversité propre aux outre-mers 42
Une histoire qui est une non-histoire… 43
Un sentiment de « pas assez » 45
5. Islam et République : une longue histoire de méfiance, par Anna Bozzo 49
La difficulté d’être à la fois musulman et citoyen français 50
Un héritage colonial : la surveillance sécuritaire 52
La fausse application de la loi de 1905 à l’islam algérien 54
6. L’histoire difficile : esquisse d’une historiographie du fait colonial et postcolonial, par Nicolas Bancel 57
Qu’est-ce que l’histoire coloniale et postcoloniale ? 58
La faible reconnaissance de l’histoire coloniale universitaire 60
Une illégitimité universitaire de l’histoire postcoloniale ? 64
7. Colonisation et immigration : des « points aveugles » de l’histoire à l’école ?, par Sandrine Lemaire 67
Le manuel scolaire au centre du système 68
Une césure nette entre histoire nationale et histoire coloniale 70
Focalisation sur les épisodes traumatiques 73
Les lacunes de l’enseignement, terreau de la radicalisation ? 75
8. Trois musées, une question, une République, par Sarah Frohning Deleporte 80
Trois musées pour la mémoire « nationale » 80
La tâche difficile de la « destruction créative » 83
Entre « unité républicaine » et « crise nationale » 85
9. La République, la colonisation. Et après…, par Michel Wieviorka 88
Une association paradoxale 88
La France postcoloniale 90
La crise du modèle républicain d’intégration 91
Extension du domaine des débats 93
10. Sur la réhabilitation du passé colonial de la France, par Olivier Le Cour Grandmaison 96
L’« œuvre positive » de la France en Algérie 96
Du révisionnisme officiel 98
Le bon temps des colonies ? 100
11. La colonisation française : une histoire inaudible, entretien avec Marc Ferro 104
La République a trahi ses valeurs 105
Les « tabous de l’Histoire » 106
L’autocensure des citoyens et la censure des autorités 107
Les ornières du grand public sont structurelles 109
II. REPUBLIQUE, « INTEGRATION » ET POSTCOLONIALISME
12. La République et l’impensé de la « race », par Achille Mbembe 112
Décoloniser sans s’auto-décoloniser 113
Au-delà de la fin de la tutelle 115
Le miroir de la « francophonie » 119
Le difficile passage au cosmopolitisme 122
13. L’héritage colonial au cœur de la politique étrangère française, par François Gèze 128
La colonisation au service de la « grandeur de la France » 129
La « Françafrique » au cœur de l’État français 131
Les vieux démons coloniaux de la diplomatie française 133
14. Indigènes et indigents : de la « mission civilisatrice » coloniale à l’action humanitaire, par Rony Brauman 138
Altruisme et modernisation 138
Avancés et attardés 140
Propreté et rédemption 142
Pouvoir et valeurs 144
15. La France, entre deux immigrations, par Pascal Blanchard 146
Une construction de la différence… par le juridique 148
L’invention de l’indigène 150
Une histoire mythifiée… 153
16. Le « creuset français », ou la légende noire de l’intégration, par Ahmed Boubeker 157
Les héritiers de l’exception coloniale 158
Une faim d’égalité sans lendemain ? 160
Le grand malentendu 162
17. L’ennemi intérieur : la construction médiatique de la figure de l’« Arabe », par Thomas Deltombe et Mathieu Rigouste 165
L’essentialisation de l’Arabe musulman 166
Le ver est dans le fruit 167
Figures de l’ennemi, figures de l’ami 169
Discours sécuritaire et retour de l’imaginaire colonial 171
18. La réduction à son corps de l’indigène de la République, par Nacira Guénif-Souilamas 174
L’ordre patriarcal au service de l’ordre colonial, ou le « gouvernement des corps » 175
L’éternel indigène en sa réserve 177
Des rôles sexuels imposés 179
Les normes de l’indigénisation contemporaine 182
19. La banlieue comme théâtre colonial, ou la fracture coloniale dans les quartiers, par Didier Lapeyronnie 185
Une image imposée qui devient une identité revendiquée 186
Des mots pour le dire… 190
Une « déréalisation » en phase terminale… 193
20. Le retour permanent de l’Afrique « au cœur des ténèbres », par Olivier Barlet 196
Un espace de contre-regard… 196
Désarmer la mauvaise conscience et la persistance du discours racial 197
Un travail collectif de déconstruction des préjugés 201
21. Sport, mémoire coloniale et enjeux identitaires, par Philippe Liotard 205
Des réminiscences coloniales dans le champ du sport ? 207
Ressentiment et identification au champion 209
Le nous et l’autre sportifs 211
« Racisme anti-blanc » ou rejet du fait colonial ? 212
22. La République face à la diversité : comment décoloniser les imaginaires ?, par Patrick Simon 215
Les dissidents de la norme majoritaire 216
Le modèle français d’intégration et la vision pluraliste 217
Le rapport aux origines : ambivalence et discrédit 220
23. Les enseignements de l’étude conduite à Toulouse sur la mémoire coloniale, par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire 225
La focalisation des mémoires sur l’Algérie 226
Une tendance à l’« ethnicisation » des regards sur la société française 228
Une forte demande sociale pour mieux connaître la période coloniale 231
Épilogue. De « notre » mémoire à « leur » histoire : les métamorphoses du Palais des colonies, par Arnauld Le Brusq 233
Hommage des richesses 234
La France au centre des cinq continents 235
Cosmologie coloniale 237
Tourner la page ? 238
Histoire fille de mémoire 240
Annexe 1. Méthodologie de l’étude « Mémoire coloniale, mémoire de l’immigration, mémoire urbaine » menée à Toulouse en 2003, par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire 242
L’enquête par questionnaire 242
Interviews des personnes ressources 243
Annexe 2. Synthèse des principaux résultats de l’étude de Toulouse, par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire 247
Une connaissance très faible de l’histoire coloniale 247
Une attente très forte de l’enseignement de l’histoire coloniale 252
Un jugement largement négatif sur la période coloniale 254
Un regard stéréotypé au cœur de relations intercommunautaires 257
Une demande majoritaire de socialisation de la mémoire coloniale 262
Une perception ambivalente des ex-espaces coloniaux 265
L’échec de l’intégration ? 269
Le tabou colonial au cœur de la société française ? 274
Bilan des supports de transmission de savoirs sur l’histoire coloniale 277