« La Dignité humaine » de Abdenour Ali Yahia
« LA DIGNITE HUMAINE » DE ABDENOUR ALI YAHIA
Ou quand est-il des droits de l’homme en Algérie ?
Le Soir d’Algérie, 19 juillet 2007
Les droits de l’homme sont-ils au mieux en Algérie, un pays secoué depuis maintenant près de deux décades par une crise sécuritaire des plus aiguës ? La très officielle Commission nationale consultative de défense et de promotion des droits de l’homme de Me Ksentini n’est pas un organisme à y peindre volontiers un noir tableau. L’infatigable militant des droits de l’homme, le président d’honneur de la LADDH, Abdenour Ali Yahia, lui, en revanche, ne rechigne pas devant la tâche lorsqu’il s’agit de voler au secours de l’homme qui souffre, atteint dans sa dignité. Un livre, La dignité humaine , paru aux éditions INAS, pour ponctuer un itinéraire militant fort riche en positions et en autant de controverses.
Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le soir) – Dans son nouvel ouvrage dédié à la défense des droits de l’homme, Abdenour Ali Yahia s’est voulu rester intégral dans sa conviction. Il ne renie rien de ses positions passées, celles qui lui ont valu bien des animosités politiques et des leviers de boucliers médiatiques. Au fil des pages, il donne à saisir qu’il a toujours le doute solidement chevillé au corps quant aux versions officielles de certains des faits sanglants que consigne la décennie noire. A sa manière, dans son langage propre, le militant des droits de l’homme consigne le “qui tue qui ?”, même s’il se défend de procéder par parti pris. Cela ne lui vaudra pas que des amitiés, politiques s’entend. Il le sait. Peu lui chaut, à l’évidence : il a une conviction et il l’étale. Pour lui, l’interruption du processus électoral en 1992 est un coup d’Etat, la tragédie vécue par le pays n’est que conséquence de cet acte ; “le coup d’Etat militaire a été une faute politique grave”, page 63. Et dès lors qu’ainsi il apprécie l’évènement, il jettera le même regard sur ce qui en découlera. A-t-il tort ou raison ? Abdenour Ali Yahia sait pertinemment que son sacerdoce ne fera pas l’unanimité. Il ne s’est pour autant pas découragé. Il brocarde autant le régime politique qui, pour lui, s’est imposé par la force en 1962 et qui, conséquemment, s’est arrogé, usant du même instrument, le droit de disposer du peuple. Il fait de même de certains de ses confrères, Me Miloud Brahimi, entre autres, auquel il renouvelle le reproche de ce qu’il a choisi, au moment de la création de la Ligue des droits de l’homme, de fréquenter le pouvoir et le sérail pour féconder une ligue parallèle tout ce qu’il y a d’officiel. Une ligue dont la cheville ouvrière a été, selon Ali Yahia, le duo Larbi Belkheir et El Hadi Khediri, à l’époque respectivement chef de cabinet de la présidence de la République et ministre de l’Intérieur. Il ne ménagera pas aussi Ali Haroun coupable, à ses yeux, d’avoir accepté d’être ministre des droits de l’homme et d’être resté sans voix devant l’instauration des camps d’internement administratifs. Car, pour Ali Yahia, les camps du Sud où furent internés les militants de l’ex- FIS sont une atteinte grave aux droits de l’homme. Dans son livre, qui se décline par certains chapitres comme un pamphlet politiques, parle de la torture, des exécutions sommaires, consignant des témoignages de suppliciés devant les tribunaux. Il évoque aussi les dures épreuves à laquelle la presse fut soumise et l’arbitraire subit par certains confrères. Un arbitraire qu’il a choisi d’illustrer par les cas Benchicou et Benaoum. Mais cela ne le prive pas de dire tout le mal qu’il pense de la presse, de celle qui ne lui consacrait des manchettes que pour le vouer aux gémonies. On ne le sent pas cependant ruminer la rancune. Conclaviste à Sant’Egidio, Ali Yahia Abdenour ne semble pas renoncer au Contrat national. Il ne se fait pas apôtre pour autant de la charte pour la paix et la réconciliation nationale du président Bouteflika. Pour lui, “l’amnistie proposée n’est qu’une manœuvre politique pour innocenter les militaires et les civils coupables de crimes (…)” page 230.
S. A. I.