« Les assises de la Soummam : 60 ans après, quelles leçons ? »

« Les assises de la Soummam : 60 ans après, quelles leçons ? »

Bonjour,

Enfin, une bonne nouvelle à vous annoncer : la publication collective issue des actes du colloque d’Akfadou sur les assises de la Soummam en août 2016 vient de sortir aux Éditions El Ibriz à Alger sous le titre « Les assises de la Soummam : 60 ans après, quelles leçons ? ».

Après nos déboires avec certains éditeurs qui, ayant formellement donné leur accord de principe à nous publier depuis juin 2017, nous ont menés en bateau pendant près d’un an. Cette difficulté explique largement sa parution tardive, pourtant très attendue tant par les historiens que par le large public.

Raison de plus pour remercier chaleureusement Samira Bendris, directrice des Éditions El Ibriz, qui a accueilli avec enthousiasme notre projet éditorial et qui a bien voulu nous accompagner dans ce projet. Même avec le peu de moyens dont elle dispose – El Ibriz étant une modeste maison d’édition -, Samira s’est lancée sans hésiter dès que je l’ai sollicitée en janvier dernier dans ce projet en prenant à cœur de nous publier. Samira est une vraie « militante du livre ».

Le congrès de la Soummam est un moment historique fondateur de l’Algérie. Ses concepteurs ont su et pu mettre en place, en dépit du quadrillage militaire très serré du territoire par l’armée coloniale, des structures cohérentes et judicieuses en dotant la révolution d’instances politiques dirigeantes (CNRA et CCE) et d’une structuration de l’ALN. Comme ils ont fait preuve d’un sens aigu des perspectives historiques, pour reprendre l’expression heureuse de Lahouari Addi, en dégageant un principe politique prémonitoire au regard de la crise politique qui continue d’affecter le pays.

Les résolutions de rencontre historique ont posé, notamment et sans ambiguïté le principe bien connu de la primauté du politique sur le militaire. Soixante ans plus tard, ce principe conserve encore une validité politique certaine pour peu qu’il soit complété par sa « primauté aussi sur le religieux ». Sa remise en cause à la réunion du Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) du Caire le 20 août 1957 a entraîné illico la militarisation des instances dirigeantes pendant la guerre et celle de tout le pays après l’indépendance.

Depuis l’inversion des principes soummamiens du politique et du militaire à la réunion du CCE au Caire en 1957, l’on ne se considère légitime que si l’on a la force militaire et non le droit avec soi, et c’est la force brutale qui tient lieu de droit, désormais la force prime le droit. Pourtant, cet événement d’importance à plus d’un titre demeure depuis des décennies un terrain scientifique laissé en jachère puisque aucune recherche sui generis ne lui a été consacrée par l’université algérienne, alors qu’il mérite bien d’être exploré pour plus d’une raison.

Et c’est précisément l’objet du colloque d’Akfadou sur les assises de la Soummam (25-26 août 2016) dont les actes sont rassemblés dans cette publication pour le plus grand bonheur des lecteurs et des initiateurs de ce colloque. Pour les contributeurs à ce passionnant ouvrage d’histoire franco-algérienne, cette publication est une façon de célébrer « scientifiquement » le soixantième anniversaire du Congrès de la Soummam.

Malheureusement, nous avons perdu récemment deux auteurs et contributeurs éminents à cet ouvrage et qui nous sont très chers : l’historien Gilbert Meynier, fidèle ami de l’Algérie et l’universitaire et moudjahid Hamou Amirouche, secrétaire particulier du colonel Amirouche. La sortie propice de ce livre est aussi une belle manière de leur rendre hommage.

Pour toute commande du livre adressez-vous à :

+213 (0) 23 27 43 17 ou via eMail: [email protected]

Très amicalement à vous tous,

Tahar Khalfoune

Les auteurs et les thèmes traités :

Présentation générale : D. Ait-El-Djoudi et T. Khalfoune

Rapport introductif : T. Khalfoune

Ramdane Abane, un fédérateur intransigeant : G. Meynier et B. Abane

Algérie 1956 : enterrement du politique, paroxysme de la violence : G. Meynier

La primauté soummamienne du politique : d’Ifri au Caire, une vie éphémère : B. Abane

La nation algérienne : définition et reconnaissance : G. Manceron

Algérie – France : l’impact de l’histoire commune : T. Khalfoune

Les appelés français en guerre d’Algérie en 1956 : J. C. Jauffret

Le principe de la primauté du politique sur le militaire revisité : L. Addi

Ramdane Abane rassembleur : H. Amirouche

Les cadres kabyles et la direction de la guerre après le congrès : A. Guenoun

Présentation

En partenariat avec l’Assemblée de wilaya de Bejaia, le Forsem de Lyon (Forum de Solidarité Euro-Méditerranéenne) et l’association Med Action d’Akbou, la Commune d’Akfadou a organisé un colloque avec la participation de chercheurs en histoire, de témoins, d’acteurs qui ont pris part au Congrès de la Soummam le 20 août 1956. Ce colloque s’est tenu les 25 et 26 août 2016 à Tiniri à Akfadou. Cette heureuse rencontre est née d’une initiative citoyenne : Ardjoune Omar, Zenadji Yazid et Mehenni Haddadou, Maire de la Commune, ont sollicité mon concours au cours de l’été 2015 pour l’organisation d’un colloque sur le Congrès de la Soummam. J’ai accueilli avec enthousiasme leur proposition en prenant le soin de leur préciser que je ne suis pas historien, mais je me suis engagé auprès d’eux à prendre langue avec certains historiens en France susceptibles d’être intéressés par ce thème. Projet qui s’est concrétisé un an plus tard dans un contexte remarquable et devant une assistance nombreuse et passionnée.

Rappelons sommairement qu’Akfadou est une commune de la wilaya de Vgayet (Bejaia), fixée sur un massif montagneux culminant entre 800 et 1 700 mètres d’altitude. Privés d’école tout au long de la colonisation et ce jusqu’à 1964, « Le douar Ikedjane qui compte 15 000 habitants n’a pas une seule classe »,[1] soulignait Albert Camus en 1939. Douar que recouvrent aujourd’hui les deux communes d’Akfadou et Tifra suite au découpage administratif de 1984, composées respectivement de 14 et 25 villages. Oubliés de l’histoire officielle, les habitants de cette municipalité pendant la guerre de libération avaient pourtant accompli un rôle d’autant plus décisif que cette agglomération fut déclarée par les autorités coloniales zone interdite. Qui plus est, ce massif forestier fut le siège du quartier général de la wilaya III sous le commandement du colonel Amirouche. Akfadou, pourrait-on dire, n’est pas une commune, mais de l’histoire.

Le congrès de la Soummam est un moment historique majeur et fondateur de l’Algérie en guerre et dont les concepteurs ont su et pu mettre en place, en dépit du quadrillage très serré du territoire par l’armée coloniale, des structures cohérentes, et dégager une perspective politique prémonitoire, au regard de la crise politique qui continue d’affecter le pays. Ses résolutions ont posé, notamment et sans ambiguïté le principe de la primauté du politique sur le militaire. Soixante ans plus tard, ce principe conserve encore une validité politique certaine. Sa remise en cause à la réunion du Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) du Caire le 20 août 1957 a entraîné illico la militarisation des instances dirigeantes pendant la guerre et celle de tout le pays après l’indépendance. Depuis l’inversion des principes soummamiens du politique et du militaire, l’on ne se considère légitime que si l’on a la force militaire et non le droit avec soi et c’est la force qui tient lieu de droit.

Pourtant, cet événement d’importance à plus d’un titre demeure depuis des décennies un terrain scientifique laissé en jachère puisque aucune recherche sui generis ne lui a été a priori consacrée par l’université algérienne, alors qu’il mérite bien d’être exploré pour plus d’une raison. Incontestablement, il y a d’abord un besoin d’histoire que la société n’a cessé d’exprimer sur la séquence précise de la guerre d’indépendance qui n’a pas encore livré tous ses secrets quand bien même le pays entretient un rapport très problématique avec son histoire. L’historien Mohamed Harbi disait très justement que « l’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens ».

Ensuite, il s’agit de comprendre comment dans ce contexte difficile des premières années de la guerre marquée par l’absence aussi bien d’une organisation armée structurée et concertée que d’une vision et d’une stratégie politiques, les concepteurs de ce congrès ont-ils réussi à mettre en place, d’un côté, les structures cohérentes destinées à soutenir la dynamique populaire. Et, de l’autre, à dégager une stratégie politique contractuelle et inclusive de libération du pays dépassant ainsi l’étroitesse des cadres politiques partisans traditionnels en donnant corps au mouvement national par l’intégration de nombreux cadres politiques issus d’horizons politiques divers (centralistes, PCA, ûlama, UDMA…).

Enfin, parce qu’il a été traversé par des luttes internes, ce congrès fait pleinement partie d’une histoire et d’une mémoire conflictuelles, mais partagées avec la France. Tout regard sur l’histoire coloniale de l’Algérie est aussi un regard sur l’histoire de la France. Il y a donc un enjeu scientifique de premier ordre à analyser, et à comprendre les raisons de ces crispations.

De telles perspectives peuvent, à elles seules, libérer un champ de recherche fécond au regard des pistes de travail qu’il est susceptible d’ouvrir. Pour toutes ces raisons, nous avons estimé opportun – et la précision est de taille – d’associer des historiens et chercheurs algériens et français pour éclairer, grâce à leurs regards croisés, un débat souvent passionnel, mais dont l’intérêt n’est point à démontrer. Malgré un passé commun encore traumatisant de part et d’autre de la Méditerranée, nous sommes convaincus qu’il existe entre l’Algérie et la France plus qu’une proximité géographique ; des liens humains, historiques, linguistiques et culturels, rapprochent en vérité les deux pays plus qu’ils ne les éloignent.

Précisons que ce colloque se veut une rencontre de chercheurs, de témoins et d’acteurs au-dessus de toute autre considération, hormis celle d’éclairer un débat qui ne manque pas de points aveugles. Ces deux journées d’étude obéissent strictement à des considérations d’ordre historique. L’objectif étant de contribuer à une meilleure connaissance du contexte politique et militaire, des objectifs, des dissensions internes et des limites de ces assises, grâce aux réflexions des intervenants et aux échanges avec le public.

Pour la plus grande commodité des lecteurs et la satisfaction légitime de la curiosité d’un large public sur cette rencontre historique ayant réuni la majorité des dirigeants de la révolution autour d’un événement qui reste encore relativement peu connu, mais qui revêt à plus d’un titre un caractère d’actualité, nous avons voulu faire œuvre utile en rassemblant les actes de ce colloque dans un livre dont la publication aux Éditions El-Ibriz est particulièrement bienvenue.