Interdiction de la marche du parti d’Aït Ahmed

Interdiction de la marche du parti d’Aït Ahmed

Que veut le FFS ?

Le quot. d’Oran, 11 mars 2002

La marche pacifique projetée par le Front des forces socialistes, jeudi prochain, n’est pas autorisée. Dans un communiqué officiel, le ministère de l’Intérieur a rappelé que les marches sont interdites à Alger depuis le Conseil de gouvernement du 18 juin dernier.

Le rappel de cet interdit va probablement surprendre le FFS qui semblait croire que cette marche serait tolérée, comme celle organisée avant la tragique manifestation du 14 juin à Alger. Bravera-t-il cet interdit en prenant le risque de provoquer des «débordements» qui contrediraient ses intentions pacifistes ? Depuis le début de la contestation en Kabylie, il y a près de onze mois, il n’a de cesse milité pour que les revendications citoyennes soient portées de façon non violente.

L’interdiction de la marche du 14 mars le prive d’une nouvelle occasion de réaffirmer cette voie constante, mais surtout de transmettre des mots d’ordre qui collent à «la dissidence citoyenne» dont il est partie prenante. Ce 14 mars, il s’était notamment fixé pour objectif «d’exiger le respect des droits politiques, économiques, sociaux et culturels», de défendre «le suffrage universel indissociable des libertés démocratiques» et de «défendre l’unité nationale».

Au niveau du non-dit, il veut surtout sortir du «ghetto kabyle» et faire une brèche dans l’enfermement dans lequel il se trouve, ainsi que tous les acteurs de cette crise. La coordination des comités des ârouch, dans laquelle active plusieurs de ses militants, s’accroche à la revendication de la plate-forme d’El-Kseur. Cette coordination demeure fermée à l’idée de passerelles, voire d’une coordination avec les partis les plus représentatifs de la région. D’anciens animateurs de la coordination planchent depuis quelques semaines sur la formation d’une structure parallèle à la coordination des ârouch pour tenter de faire avancer la cause citoyenne, de concert avec les partis.

De leur côté, les dialoguistes, de retour au bled, s’aperçoivent qu’ils sont encore plus isolés qu’auparavant. On le leur a fait comprendre d’une manière violente, provoquant ainsi une tension supplémentaire dans la région. Ce climat de statu quo et de pourrissement politique coïncide avec l’approche des élections législatives annoncées pour le 30 mai.

Localement, on n’imagine pas – malgré la déclaration d’un dirigeant politique d’un parti au pouvoir – que les autorités aillent à ce scrutin sans la Kabylie.

D’ailleurs, dans cette région, les candidats potentiels à ces élections ne manquent pas. A Béjaïa, du côté des comités populaires, on est tenté d’y aller au titre de candidat indépendant. A Tizi-Ouzou, d’après son entourage, l’ancien ministre Amara Benyounès, sur le point de lancer le journal «La dépêche de Kabylie», ne dédaignerait pas y aller. D’anciens dissidents du FFS et du RCD, qui gravitent autour du mouvement contestataire, aimeraient bien, eux aussi, être dans la course à l’APN. Cependant, tous sont bloqués par la situation politique générale de la région et par la vox populi que semble entraîner le mouvement des ârouch pour rejeter ce scrutin. Jamais, peut-être, la Kabylie n’a paru aussi divisée politiquement.

C’est dans cette spirale qu’est pris le FFS, une spirale doublée d’un huis clos devenu de plus en plus insupportable pour le plus ancien parti d’opposition d’Algérie. De fait, le champ politique local est en train de se recomposer, ce qui peut parfaitement se traduire par un émiettement de l’électorat, dont pourrait bien pâtir la formation de Hocine Aït Ahmed.

Pour se préserver, le FFS a, dernièrement, multiplié les contacts avec sa base en organisant une série de meetings. Au niveau de la direction, on en tire un bilan positif, tout en étant conscient que cela ne brise pas l’enfermement et que cela ne donne pas un nouveau souffle à «la dissidence citoyenne».

Avec l’interdiction de la marche du 14 mars, le FFS a perdu une occasion de réaliser un test pratique de mobilisation dans la capitale. Mais est-ce que cela aurait été suffisant pour atteindre ses objectifs politiques ? Lors du meeting de Bab El-Oued, jeudi dernier, Ahmed Djeddaï a déclaré que d’autres actions suivront la marche du 14, en soulignant: «Nous n’allons pas nous arrêter là». Si on sait ce que veut le FFS – comme par exemple matérialiser sa dimension nationale -, on ignore, dans les conditions actuelles, ce qu’il peut faire pour y parvenir tant l’horizon paraît sérieusement bouché.

Malik Soukhna