Algérie : tension avant les manifestations

Algérie : tension avant les manifestations

Le Monde, 7 août 2001

Les forces de police algériennes ont commencé, dès mardi après-midi, à dresser des barrages autour d’Alger afin d’empêcher la tenue d’une manifestation qui devrait rassembler, mercredi, des milliers de militants berbères. Le gouvernement algérien a lancé, mardi 7 août, une mise en garde aux Kabyles, qui prévoient de manifester à Alger. Dans un communiqué, diffusé par l’agence officielle de presse APS, le ministère de l’intérieur « observe que certaines personnes envisagent d’organiser un sit-in et une marche le mercredi 8 août 2001 à Alger » et rappelle que « l’organisation et le déroulement de ce type de manifestation sont interdits dans la capitale ».

Mais les Berbères entendent bien organiser une marche pacifique dans les rues de la capitale algérienne pour appuyer leurs revendications sociales et politiques, et dénoncer la tenue concomitante à Alger du XVe Festival mondial de la jeunesse, un rassemblement culturel de jeunes venus d’une centaine de pays. « Il est inadmissible d’organiser une fiesta alors que nos jeunes se font abattre par les forces de sécurité », a déclaré Belaïd Abrika, un membre du comité de Tizi Ouzou. « Nous sommes toujours en deuil et nous exigeons l’annulation de ce carnaval », a-t-il ajouté.

Fief traditionnel de l’opposition au pouvoir central algérien, contrôlé par l’armée, la Kabylie avait été fortement secouée ces derniers mois.

La mort, le 18 avril, d’un jeune lycéen berbérophone, lors de sa garde à vue dans un poste de gendarmerie, avait en effet entraîné une flambée de violence dans la région, coûtant la vie à au moins 55 personnes, selon un décompte officiel, et 80, selon des médias indépendants. Au départ limité à la Kabylie, le mouvement de révolte, exprimant la frustration des jeunes Algériens face au chômage et au pouvoir en place, s’est depuis étendu à d’autres régions.

C’est la deuxième fois en deux mois que des militants berbères défient ainsi le pouvoir central algérien, contrôlé par l’armée, qui interdit depuis la mi-juin les rassemblements. Le 5 juillet, les autorités algériennes avaient déjà empêché plusieurs milliers de Kabyles de manifester, en dressant notamment des barrages routiers aux entrées de la capitale.

Organisée par un comité de villes, de villages et de tribus berbères, qui avait déjà coordonné les manifestations antigouvernementales de ces trois derniers mois, la manifestation de mercredi doit partir vers midi du stade olympique du 5-Juillet en direction du palais présidentiel. « Ce sera une marche pacifique et nous ne répondrons pas aux provocations du pouvoir », a déclaré Moustapha Mazouzi, un autre délégué de Tizi Ouzou.

Mais l’initiative semble de nouveau vouée à l’échec, la gendarmerie ayant dressé, jeudi dans l’après-midi, des barrages aux principales entrées d’Alger. Selon des témoins, les gendarmes, équipés de véhicules blindés, ont également érigé des barrages sur la grande route reliant Tizi Ouzou à Alger, distant de 90 kilomètres. Ils ont fouillé tous les véhicules immatriculés en Kabylie à trois barrages dressés à respectivement 30, 20 et 10 kilomètres de la capitale, provoquant de gigantesques embouteillages.

Avec AFP

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