Les manifestants empêchés de rejoindre Alger
Plus de 50 000 personnes ont été bloquées par un barrage de gendarmerie établi sur lautoroute Alger-Tizi Ouzou, fermée à la circulation durant plus de 4 heures au lieudit Vouyilef, à un kilomètre à louest de Naciria (Boumerdès).
Des affrontements ont eu lieu moins dune heure après larrivée des premiers carrés. Plus de vingt-sept blessés, dont deux dans un état inquiétant, ont été enregistrés. Trois autres personnes ont été touchées par des balles en caoutchouc, selon un constat médical. Une source locale rapporte quil y a eu une arrestation, celle dun jeune de Naciria qui aurait été lynché par la suite par les gendarmes. Il sera admis à lhôpital de Bordj Menaïel puis évacué vers les urgences du CHU de Tizi Ouzou.
Dès 8 h du matin, les premiers fourgons et bus étaient déjà sur place, dont certains immatriculés dans la wilaya de Béjaïa et qui ont pu éviter le barrage de Adekkar (non loin de la forêt de Yakourène). Puis, tout le long de lautoroute jusquà Tadmaït, une longue procession de véhicules ramenant des marcheurs. La colonne sétend sur près de 4 km. Au fur et à mesure que le passage des véhicules se fait difficile, la foule compacte continue le trajet à pied. En haut, là où un premier rideau de gendarmes a été placé, des conciliabules avec un officier de la gendarmerie qui refuse toute idée de passage. Les délégués sont dépassés car les esprits ont commencé à séchauffer. Le dispositif est impressionnant.Près dun millier de gendarmes ont été mobilisés, certains occupant la route et les collines qui la surplombent, jusquaux vignes et champs de melons environnants. Les premières pierres sont jetées, les premières grenades lacrymogènes aussi. Une barricade est érigée au milieu de la chaussée et des pneus ainsi que des troncs darbres sont brûlés. Les affrontements dureront plus de 30 minutes et les premiers blessés, légers, sont évacués à bord dambulances.
Des délégués tentent une deuxième fois de raisonner les émeutiers, leur rappelant le caractère pacifique du sit-in qui devait se tenir sur place, tel que recommandé par le comité dorganisation. Ils essuient un autre échec. Des gendarmes, du haut dune colline en forme de promontoire, jettent des pierres sur les dizaines de jeunes qui se trouvent en bas, blessant deux dentre eux. A ce moment, les affrontements reprennent de plus belle. Les fourrés situés sur les deux côtés de la route sont brûlés et le feu se dirige vers le haut. La fumée rend lair irrespirable. Une autre salve de grenades lacrymogènes tombe sur les centaines de personnes qui se trouvaient dans les environs. En haut, non loin du premier barrage, les jets de pierres continuent. Certains tentent de contourner les gendarmes à travers les champs. Des éléments de la section canine les en dissuadent avec des chiens bergers ramenés pour la circonstance. La désorganisation gagne les marcheurs et devient rapidement totale. Certains marcheurs, harassés par la chaleur et la soif, rebroussent chemin et rejoignent leur bus. Les premiers départs sont constatés peu avant midi. Puis, le flot ininterrompu de véhicules reprend le chemin du retour. Les affrontements ont cessé. Seuls les gendarmes sont restés sur place. Hier, en fin de journée, le siège du groupement de gendarmerie de Tizi Ouzou (situé au centre-ville) a été la cible de jets de pierres. Les gendarmes, qui ne sont pas sortis, ont répliqué par des grenades lacrymogènes. Plusieurs groupes de jeunes, qui se trouvaient sur lavenue principale, sapprêtaient à se joindre à laction des dizaines démeutiers. Avant, en milieu de journée, des tentatives de sen prendre au siège de la gendarmerie avaient cessé dès lintervention des CNS, postés non loin de là.
Par D. Benabi