Nouvelle journée de mobilisation en Algérie

Nouvelle journée de mobilisation en Algérie

Les comités de village ont maintenu un mot d’ordre de manifestation dans la capitale en dépit de l’interdit officiel. Un important dispositif de forces de l’ordre tentait d’empêcher l’accès à la ville où s’ouvrait, mercredi, sous l’égide du gouvernement, le XVe Festival mondial de la jeunesse. ALGER correspondance

Un impressionnant dispositif de sécurité a été déployé sur les grands axes routiers menant à la capitale algérienne pour empêcher la coordination des tribus et villages de Kabylie de venir « troubler » le XVe Festival mondial de la jeunesse, qui devait être inauguré, mercredi soir, 8 août, par le président algérien, Abdelaziz Bouteflika. Prévu de longue date et placé sous le signe de la « paix et du progrès »,

cet événement doit, aux yeux des autorités algériennes, donner une « autre image » du pays, troublé depuis trois mois par la contestation de la jeunesse en Kabylie, qui a fait au moins cinquante-cinq morts. Troublée aussi par une série d’émeutes dans d’autres régions du pays, de la part d’une population excédée par les difficultés économiques sur fond de massacres menés par les groupes armés.

L’enjeu est important pour un pouvoir algérien littéralement hanté par l’impératif d’améliorer son image. Il s’agit, affirme l’un des organisateurs du festival, de mettre à profit la présence de plus de six cents journalistes, techniciens et photographes pour « transmettre une image de l’Algérie, empreinte de paix, de liberté, de concorde, de sérénité et de fraternité ». Une image fausse, affirment quelques associations algériennes, qui dénoncent une opération de marketing destinée à masquer, selon eux, la gravité de la situation dans le pays.

Certaines associations de jeunes, dont le Rassemblement action jeunes (RAJ), qui faisaient initialement partie du comité d’organisation du festival, ont appelé au boycottage.

La coordination des villages de Kabylie, opposée également à la tenue du festival, a décidé de porter la contestation aux portes du Stade du 5-Juillet, où devait avoir lieu, ce mercredi soir, la cérémonie d’ouverture. Les autorités algériennes se sont empressées, dès jeudi 2 août, de rappeler au « groupe d’individus » qui entendent manifester que tout rassemblement spontané dans la capitale est interdit depuis la grande manifestation du 14 juin, qui s’était soldée par un bilan de deux morts et des centaines de blessés.

CONTRÔLES TATILLONS

Depuis quarante-huit heures, les autorités algériennes se sont donné les moyens de faire respecter cet interdit. Comme le 5 juillet, quand les autorités ont empêché une marche des délégués de la coordination, la gendarmerie et des unités de l’armée ont été déployées sur les grands axes routiers menant à la capitale. Les barrages routiers entre Alger et la Kabylie ne se comptent plus. Les contrôles se sont faits tatillons, provoquant de gigantesques embouteillages. La ville d’Alger, devenue ces trois dernières semaines un gros chantier en préparation pour le festival, est elle-même sous haute surveillance : 12 000 policiers en civil y seraient déployés, selon des journaux algériens.

Ce ne sont pas tant les manifestants de Kabylie que semble craindre le pouvoir. Ceux-ci ont reçu des consignes pour déjouer les « provocations », éviter de porter sur eux tout objet pouvant être assimilé à une arme blanche ou essayer de forcer les barrages des services de sécurité. Les autorités redoutent plutôt un éventuel coup d’éclat des groupes armés, qui serait ruineux pour l' »image ».

La presse francophone algérienne, très solidaire de la contestation en Kabylie, est peu amène à l’égard du pouvoir algérien. Le journal Le Matin dénonce le « culte du mensonge » des autorités, qui organisent, écrit-il, « un festival-îlot dans un pays exsangue ». Après une relative accalmie ces dernières semaines, la Kabylie paraît à nouveau mobilisée contre le « pouvoir assassin ».

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Un avatar de la guerre froide

Le gouvernement algérien a présenté le XVe Festival mondial de la jeunesse, qu’il organise du 8 au 15 août, comme s’inscrivant dans le droit fil des précédentes éditions de cette manifestation jadis fortement marquée par l’esprit « anti-impérialiste » du camp soviétique durant la guerre froide et tombée en quasi-désuétude. La dernière édition a eu lieu à Cuba en 1997 dans une assez large indifférence. Celle d’Alger est étiquetée de « première en Afrique, première dans le monde arabe ».
Les autorités redoutent le boycott, auquel a appelé la coordination des villages de Kabylie. Mot d’ordre observé par la Jeunesse socialiste, affiliée à l’Internationale socialiste, laquelle a mauvaise presse en Algérie. Une consolation pour les organisateurs : la Jeunesse communiste française a fait le voyage d’Alger.

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