Décret législatif no 92-03 du 30 septembre 1992 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme
Algérie, 30 septembre 1992
DÉCRET LÉGISLATIF
Décret législatif no 92-03 du 30 septembre 1992 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme.
Le président du Haut Comité d’État :
Vu la Constitution, notamment ses articles 116 et 117-l°;
Vu la déclaration du Conseil constitutionnel du il janvier 1992 ;
Vu la proclamation du 14 janvier 1992, instituant le Haut Comité d’État :
Vu la délibération n° 92-02/HCE du 14 avril 1992 relative aux décrets à caractère législatif;
Vu la délibération no 92-04/HCE du 2 juillet 1992 relative à l’élection du Président du Haut Comité d’Etat;
Vu l’ordonnance no 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale;
Vu l’ordonnance no 66-156 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code pénal;
Après délibération du Haut Comité d’Etat;
Promulgue le décret législatif dont la teneur suit
CHAPITRE 1. DES INFRACTIONS QUALIFIÉES D’ACTES SUBVERSIFS OU TERRORISTES
Article 1er. – Est considérée comme acte subversif ou terroriste au sens du présent décret législatif, toute infraction visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de :
– Semer l’effroi dans la population et créer un climat d’insécurité en portant atteinte aux personnes ou en mettant en danger leur vie, leur liberté ou leur sécurité, ou en portant atteinte à leurs biens.
– Entraver la circulation ou la liberté de mouvement sur les voies et places publiques.
– Porter atteinte à l’environnement, aux moyens de communication et de transport, aux propriétés publiques et privées, d’en prendre possession ou de les occuper indûment, de profaner les sépultures ou d’attenter aux symboles de la République.
– Faire obstacle à l’action des autorités publiques ou au libre exercice du culte et des libertés publiques ainsi qu’au fonctionnement des établissements concourant au service public.
– Faire obstacle au fonctionnement des institutions publiques ou porter atteinte à la vie ou aux biens de leurs agents, ou faire obstacle à l’application des lois et règlements.
Art. 2. – Constituent également des actes subversifs ou terroristes, les infractions définies dans le présent chapitre.
Art. 3. – Quiconque crée, fonde, organise ou dirige toute association, corps, groupe ou organisation dont le but ou les activités tombent sous le coup des dispositions de l’article 1er ci-dessus, est puni de la réclusion à perpétuité.
Toute adhésion ou participation, sous quelque forme que ce soit, aux associations, corps, groupes ou organisations visés à l’alinéa ci-dessus, avec connaissance de leur but, est punie d’une peine de réclusion de dix (10) à vingt (20) ans.
Art. 4 – Quiconque fait l’apologie ou encourage par quelque moyen que ce soit, des actes visés à l’article 1″, est puni d’une peine de réclusion de cinq (05) à dix (10) ans et d’une amende de 10 000 DA à 500 000 DA.
Art. 5. – Quiconque reproduit ou diffuse sciemment des documents imprimés ou enregistrements faisant l’apologie des actes visés à l’article 1″, est puni d’une peine de réclusion de cinq (05) à dix (10) ans et d’une amende de 10 000 DA à 500 000 DA.
Art. 6. – Tout Algérien qui s’enrôle à l’étranger dans une association, groupe ou organisation armés quelles que soient leur forme ou leur dénomination, convaincus d’activités terroristes, même si lesdites activités ne sont pas dirigées contre l’Algérie, est puni d’une peine de réclusion de dix (10) à vingt (20) ans et d’une amende de 10 000 DA à 50 000 DA. Lorsque les actions définies ci-dessus ont pour objet de nuire aux intérêts de l’Algérie, la peine est la réclusion perpétuelle.
Art. 7. – Quiconque détient, porte, commercialise, importe, fabrique ou répare, sans autorisation de l’autorité compétente, des armes à feu, des munitions et substances explosives, est puni d’une peine de réclusion de dix (10) à vingt (20) ans et d’une amende de 100 000 DA à 1000 000 DA. Quiconque vend ou achète, importe ou fabrique à des fins illicites des armes blanches est puni d’une peine de réclusion de cinq (05) à dix (10) ans et d’une amende de 10 000 DA à 100 000 DA.
Art. 8. – Pour les infractions visées à l’article 1er – ci-dessus, la peine encourue est :
– la peine de mort lorsque la peine prévue par la loi est la réclusion à perpétuité.
– la réclusion à perpétuité lorsque la peine prévue par la loi est la réclusion à temps de dix (10) à vingt (20) ans.
– la réclusion à temps de dix (10) à vingt (20) ans lorsque la peine prévue par la loi est la réclusion à temps de cinq (05) à dix (10) ans.
– portés au double pour les autres peines.
Art. 9. – Les peines de réclusion prononcées en application des dispositions du présent décret législatif comportent une partie incompressible fixée à :
– vingt (20) ans de réclusion lorsque la peine prononcée est la réclusion à perpétuité.
– la moitié lorsque la peine prononcée est la réclusion à temps. En outre, la confiscation des biens du condamné peut être prononcée.
Art. 10. – En cas de condamnation à une peine criminelle en application des dispositions du présent décret législatif, les peines accessoires prévues à l’article 6 du code pénal doivent être prononcées, pour une durée de 2 ans à 10 ans.
CHAPITRE II. DES JURIDICTIONS COMPÉTENTES
Art. 11. – Il est créé trois (03) juridictions dénommées « Cours spéciales » pour connaître des infractions prévues au chapitre 1er ci-dessus.
Leur siège et leur ressort territorial sont déterminés par voie réglementaire.
Art. 12. – La Cour spéciale est composée de cinq magistrats dont un (01) président et quatre (04) assesseurs. Sont désignés dans les mêmes conditions, à titre de suppléants, un (01) président et trois (03) à dix (10) assesseurs.
Art. 13, – Les fonctions du ministère public auprès de la Cour spéciale sont exercées par un procureur général désigné parmi les magistrats du parquet. Le procureur général est assisté d’un ou de plusieurs adjoints.
Art. 14. – Il est créé auprès de la Cour spéciale une ou plusieurs chambres d’instruction.
Les juges d’instruction sont désignés parmi les magistrats du siège.
Art. 15. – Il est créé auprès de la Cour spéciale une Chambre de contrôle de l’instruction.
La Chambre de contrôle est composée d’un président et de deux assesseurs. Les fonctions du ministère public sont exercées par un magistrat du parquet.
Art. 16. – Il est créé un service de greffe auprès de la Cour spéciale, de la Chambre de contrôle d’instruction et des Chambres d’instruction. Les greffiers sont nommés par arrêté du ministère de la justice.
Art. 17. – Le président et les assesseurs de la Cour spéciale et de la Chambre de contrôle ainsi que le procureur général de la Cour spéciale sont nommés par décret présidentiel non publiable, sur proposition du ministre de la justice. Les autres magistrats sont nommés par arrêté non publiable du ministère de la justice.
Quiconque rend publique l’identité des magistrats attachés à la Cour spéciale ou divulgue des informations quelle que soit leur nature permettant de les identifier est puni d’une peine d’emprisonnement de deux (02) à cinq (05) ans.
CHAPITRE III. DES RÈGLES DE PROCÉDURE
Art. 18. – Les règles du code de procédure pénale relatives à l’enquête préliminaire, à l’exercice de l’action publique, à l’instruction et au jugement sont applicables aux crimes et délits de la compétence de la Cour spéciale, sous réserve des dispositions ci-après,
Section I – De l’enquête préliminaire.
Art. 19. – Dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions prévues au chapitre premier ci-dessus, les officiers de police judiciaire ont compétence sur toute l’étendue du territoire national. Ils opèrent sous le contrôle du procureur général près la Cour spéciale territorialement compétente. Dans tous les cas, le procureur de la République est tenu informé.
Art. 20. – Les officiers de police judiciaire peuvent, après autorisation du procureur général près la Cour spéciale, requérir tout titre, organe ou support d’information à l’effet de publier des avis, signalements ou photographies, concernant des personnes recherchées ou poursuivies.
Art. 21. – Ne sont pas applicables les dispositions des articles 45 et 47 du code de procédure pénale, à l’exception des dispositions relatives à la sauvegarde du secret professionnel prévues à l’article 45, paragraphe 2, alinéa 3 du code de procédure pénale.
Art. 22. – La garde à vue, telle que prévue à l’article 65 du code de procédure pénale, peut être prolongée sans pouvoir excéder douze (12) jours.
Section II – De l’instruction.
Art. 23. – Le juge d’instruction peut procéder ou faire procéder par les officiers de police judiciaire compétents à toutes perquisitions ou saisies, de jour comme de nuit, et en tout lieu sur toute l’étendue du territoire national.
Il peut également prendre les autres mesures prévues par la législation en vigueur, ordonner soit d’office, soit sur réquisition du ministère public, soit sur demande de l’officier de police judiciaire, toutes mesures conservatoires.
Art. 24. – Hors les cas de commission d’office, la constitution d’avocat est soumise à l’approbation formelle de l’inculpé.
Art. 25. – Les actes de procédure prévus au paragraphe 8 de l’article 68 et au paragraphe 2 de l’article 108 du code de procédure pénale sont facultatifs.
Art. 26. – L’instruction doit être clôturée dans un délai de trois (03) mois à compter de la date de saisine du juge d’instruction.
Art. 27. – La Chambre de contrôle de l’instruction doit rendre son arrêt de renvoi dans le délai d’un mois à compter de la saisine.
Art. 28. – Les arrêts de la Chambre de contrôle de 1 instruction ne sont pas susceptibles de pourvoi.
Art. 29. – Le jugement des affaires renvoyées devant la Cour spéciale doit intervenir dans le délai d’un mois suivant l’arrêt de renvoi de la Chambre de contrôle de l’instruction.
Section III – Du jugement.
Art. 30. – Les exceptions tirées de la régularité de la saisine de la Cour et des nullités de procédure doivent, à peine de forclusion, être présentées dans un mémoire unique avant tout débat au fond. Tous les incidents contentieux sont joints au fond. La Cour spéciale a plénitude de juridiction.
Art. 31. – Le président de la Cour spéciale est investi du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 286 du code de procédure pénale.
Art. 32. – Les audiences de la Cour spéciale sont publiques.
Toutefois, la Cour peut décider d’office ou sur réquisition du ministère public que tout ou partie des débats a lieu à huis clos. Les dispositifs des arrêts sur le fond sont, dans tous les cas, prononcés en audience publique.
Art. 33. – Les dispositions des arrêts 307 et 309 du code de procédure pénale ne sont pas applicables. La feuille de questions est signée par le président.
Art. 34. – Les arrêts rendus par la Cour spéciale par défaut sont susceptibles d’opposition conformément aux articles 409 et suivants du code de procédure pénale.
Art. 35. – Les arrêts rendus par la Cour spéciale sont susceptibles de pourvoi en cassation.
La Cour suprême statue dans les 2 mois à compter de sa saisine.
En cas de cassation, l’affaire est renvoyée devant la Cour spéciale autrement composée ou devant une autre Cour spéciale.
Art. 36. – La constitution de partie civile est recevable devant la Cour spéciale.
Art. 37. – Les excuses prévues au code pénal sont applicables aux infractions visées par le présent décret législatif.
Art. 38. – La Cour spéciale est compétente pour le jugement des mineurs âgés de seize (16) ans révolus, auteurs des infractions prévues au chapitre premier ci-dessus.
Ils bénéficient des dispositions prévues à l’article 50 du code pénal.
Art. 39. – Lorsqu’une juridiction d’instruction ou de jugement autre que la Cour spéciale est saisie de l’une des infractions ci-dessus visées, elle en est dessaisie de plein droit sur demande du ministère public près la Cour spéciale.
CHAPITRE IV. DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Art. 40. – Dans le délai de deux mois à compter de la promulgation du présent décret législatif, ne sera pas poursuivi celui qui a fait partie d’une des organisations visées au chapitre 1er ci-dessus et qui n’avait pas commis d’infractions ayant entraîné mort d’homme ou infirmité permanente, aura avisé les autorités qu’il quitte cette organisation et arrête toute activité. Dans les cas où les personnes visées à l’alinéa 1er se sont rendues coupables d’infractions ayant entraîné mort d’homme ou infirmité permanente, la peine encourue sera :
– la réclusion à temps de quinze (15) à vingt (20) ans, lorsque la peine prévue par la loi est la peine de mort.
– la réclusion à temps de dix (10) à quinze (15) ans,
lorsque la peine encourue est la réclusion perpétuelle. Dans tous les autres cas, la peine est réduite de moitié.
Art. 41. – Dans le même délai visé ci-dessus, ne sera pas poursuivie la personne qui aura détenu des armes, explosifs ou d’autres moyens matériels et les aura remis spontanément aux autorités.
Art. 42. – Les procédures relatives aux infractions prévues au chapitre 1er ci-dessus, en instruction ou en état de jugement auprès des juridictions de l’ordre judiciaire sont, de plein droit, transférées à la Cour spéciale territorialement compétente sur réquisition du procureur général près ladite Cour spéciale.
Art. 43. – Le présent décret législatif sera publié au Journal officiel de la République algérienne Démocratique et Populaire.
Fait à Alger le 30 septembre 1992.
Ali KAFI.