Alors que le bilan des victimes du cataclysme s’alourdit

Alors que le bilan des victimes
du cataclysme s’alourdit

La lutte contre l’infortune

Le Quotidien d’Oran, 25 mai 2003

Le bilan du séisme qui a frappé, dans la soirée de mercredi dernier, le centre du pays, s’est alourdi hier samedi, portant à 1.800 le nombre de morts et à 7.658 celui des blessés.

A Boumerdès, la wilaya la plus touchée, le nombre des morts est de 1.136 morts et celui des blessés 2.661. Pour Alger, le bilan est de 638 morts et 4.323 blessés. L’on dénombre également 11 morts et 707 blessés dans les autres régions frappées par le séisme.

Selon une estimation provisoire, un membre de la cellule de crise installée par le gouvernement a situé entre 8.000 et 10.000 le nombre des personnes sinistrées. Les personnes disparues, dont le nombre n’a pas encore été établi, se compteraient à plusieurs centaines. Selon un élément de la Protection civile, le bilan définitif pourrait atteindre 2.500 à 3.000 morts, «en raison des corps qui sont encore sous les ruines».

Encore sous le choc, les habitants d’Alger et de Boumerdès ont vécu la journée d’hier sous le bruit des sirènes et des ballets incessants des ambulances évacuant des survivants ou des morts dégagés des décombres des quartiers sinistrés. Une atmosphère de deuil a régné sur toute la ville. Le cimetière d’El-Alia offrait le spectacle insoutenable de familles entières, en larmes, enterrant leurs proches disparus.

Habituellement envahis dès les premières heures de la journée, de nombreuses quartiers commerçants de la capitale n’ont accueilli que peu de monde. La fermeture, non prévue, de certaines artères à Belouizdad a causé d’importants bouchons. Dans les quartiers populaires, la plupart des magasins sont restés fermés, à l’exception des épiceries pour permettre aux gens de se ravitailler. Le centre-ville de la capitale a commencé néanmoins, en début d’après-midi, à enregistrer une faible reprise de l’activité commerçante.

Les vendeurs à la sauvette ayant l’habitude de «harceler» les passants n’ont pas encore fait leur réapparition.

Les pizzerias et les cafés ont également rouvert leurs portes. Ces établissements, pleins à craquer en cette période de l’année, ont accueilli cependant une très faible clientèle. La plupart du temps, les gens, les jeunes surtout, ont préféré rester dans leurs quartiers respectifs. Mais quel que soit le lieu où l’on se trouve, le séisme de mercredi reste le principal sujet de discussion des Algérois, qui redoutent de nouvelles répliquent du séisme.

Bien que n’ayant pas classe jusqu’à mardi matin, les collégiens ne se sont pas trop aventurés dans les rues. Plusieurs d’entre eux ont indiqué avoir reçu pour consigne de «rester à la portée du regard des parents». Dans les quartiers du centre-ville (Belouizdad, Hussein Dey, Hassiba Ben Bouali, Ghermoul, Bab El-Oued et la Casbah), les habitants, accompagnés d’experts du CTC, ont passé la journée à évaluer les dégâts causés par le séisme. De nombreuses bâtisses menacent de s’effondrer à tout moment. A Bab El-Oued, l’effondrement d’un balcon a causé la mort d’une personne, vendredi.

Au niveau des localités les plus touchées par le tremblement de terre, principalement à Rouiba, Reghaïa et Dergana, les équipes de secours, aidées par la population, ont poursuivi avec acharnement les travaux de recherches, avec l’espoir de sauver d’autres vies humaines. Bien que les chances de retrouver des survivants s’amenuisent au fur et à mesure que le temps passe, l’espoir est néanmoins resté vivace avec l’arrivée sur les lieux du drame, dès jeudi, d’équipes étrangères spécialisées dans les recherches, pour épauler leurs collègues algériens. Equipées d’appareils d’écoute et de détection, elles se sont attelées, pour la troisième journée consécutive, à passer au peigne fin les décombres des édifices pulvérisés par le tremblement de terre.

Outre les recherches, l’attention, déclare un responsable de la Protection civile, se porte dorénavant sur la prévention des épidémies qui pourraient se déclarer. L’ANP, qui a à sa disposition des moyens lourds, a pris en charge l’essentiel des travaux de déblaiement.

A signaler également que l’organisation mise en place pour prendre en charge les sinistrés commence à gagner en efficacité. Les sinistrés, qui ont passé les nuits de mercredi, jeudi et vendredi dehors, ont reçu des tentes. Le chef du gouvernement a assuré, par ailleurs, qu’ils seront tous relogés dans les prochaines semaines. Le gouvernement a déjà dégagé 3.000 logements pour les reloger.

Les habitants qui étaient dans la capacité de regagner leur poste de travail affichaient une mine défaite et triste. Beaucoup d’entre eux mettront encore du temps pour oublier le week-end cauchemardesque qu’ils ont passés. La raison est qu’ils ne retrouveront plus certains de leurs collègues. Des informations font état des décès de nombreux travailleurs et cadres d’institutions et d’entreprises économiques originaires de la périphérie d’Alger et de Boumerdès.

Promue au rang de «ville des scientifiques» durant les années soixante-dix, Boumerdès, devenue aujourd’hui cité dortoir, est connue, rappelle-t-on, pour héberger une partie de l’intelligentsia algérienne qui fait tourner des institutions et des entreprises importantes. Autant de faits qui laissent penser que l’infortune a décidé de faire payer un lourd tribut à l’Algérie.

Zine Cherfaoui