Bouteflika obtient une légitimité politique indispensable
vendredi 17 septembre 1999, 18h19
FOCUS/Bouteflika obtient une légitimité politique indispensable*
Par Abdelmalek Touati
ALGER, 17 septembre – Plus que le « oui » massif à la paix, la forte participation des Algériens au référendum de jeudi sur la « concorde civile » donne au président Abdelaziz Bouteflika une légitimité politique qui lui sera indispensable pour tenter de mener à bien les réformes promises.
Le ministre de l’Intérieur, Abdelmalek Sellal, a annoncé vendredi que 85,06% des 17.5 millions d’électeurs inscrits avaient pris part au vote, où le « oui » l’a emporté par près de 99%.
En avril, seuls 60% des électeurs s’étaient déplacés pour le scrutin présidentiel remporté par Bouteflika mais dévalorisé par le retrait des six autres candidats et les accusations de fraude généralisée.
« Ce référendum va donner au président tous les pouvoirs dont il a besoin pour prendre les mesures qui consolideront son approche d’un règlement de la crise », assure Abdelaziz Belkhadem, ancien président de l’assemblée nationale et proche du chef de l’Etat.
* Le Front des forces socialistes (FFS), qui est jusqu’ici le seul mouvement politique d’opposition à avoir mis en doute les résultats du référendum, assure au contraire que c’est l’armée qui continue de diriger le pays.
* »Bouteflika ne peut rien changer tant qu’il n’y a pas un transfert de pouvoir de l’armée vers les civils », a déclaré Ahmed Djeddai, secrétaire général du FFS, dans un entretien à Reuters.
* »L’armée continue de contrôler la scène politique en Algérie », a-t-il ajouté, avant d’affirmer : « Les résultats étaient connus d’avance. Ils ont été fabriqués dans les laboratoires des services de sécurité (…). Nous estimons le taux de participation à environ 45% ».
Abdelaziz Bouteflika devait prononcer dans la soirée un discours à la nation et, dans son entourage, on indique qu’il y dévoilera la composition de son nouveau gouvernement.
Prudence du FIS
Le Front islamique du Salut (FIS, dissous) a accueilli avec prudence les résultats du référendum et insiste sur la nécessité d’attendre la réaction de l’armée, dont la puissance a limité les marges de manoeuvre de Bouteflika.
« Est-ce que le pouvoir militaire soutiendra l’option choisie par la majorité, de sorte que toutes les potentialités soient mises au service de l’arrêt des effusions de sang et de la cicatrisation des plaies d’une manière digne et non discriminatoire », s’interroge Abdelkhader Hachani, un des dirigeants du FIS.
Pour ses sympathisants, la victoire au référendum de jeudi est bien un premier pas sur la voie des réformes promises par Abdelaziz Bouteflika pour en finir avec le cycle de violences qui a fait 100.000 morts depuis 1992 et pour soigner les maux économiques et sociaux dont souffre l’Algérie.
Le référendum a avalisé sa politique de paix, marquée par la libération de milliers d’islamistes en juin dernier et sa promesse d’amnistie partielle.
Corruption et chômage
Le chef de l’Etat s’est par ailleurs engagé à réformer « de fond en comble » l’économie, à éradiquer la corruption et à créer des emplois dans un pays où le chômage atteint les 30%.
Mais il a pris la défense de l’armée, accusée par des organisations de protection des droits de l’Homme d’être mêlée à des exécutions extrajudiciaires et des disparitions d’opposants politiques.
Bouteflika a réservé en revanche ses diatribes les plus violentes aux errements de ses prédécesseurs. « La drogue, le marché noir, la collusion de la police des frontières, la corruption, les enfants qui mendient dans les rues et l’immoralité sont partout présents », a-t-il fustigé mercredi soir à Alger lors de son dernier discours de campagne.
Le mois dernier, il a limogé près de la moitié des préfets et mis sur pied une commission chargée de réformer la justice.
Ces mesures, expliquait-il alors, constituaient un premier pas et, ajoutait-il, seraient suivies d’autres décisions si la population lui accordait sa confiance.
C’est désormais chose faite. /HPA/YP
.