L’armée algérienne se préparerait à lancer une vaste offensive
L’armée algérienne se préparerait à lancer une vaste offensive
contre les maquis islamistes
Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, 18 janvier 2000
Alors que le pouvoir politique algérien continue à observer le silence
sur les suites qu’il entend donner à la loi sur la « concorde civile »,
venue à échéance le 13 janvier, à en croire certains titres de la presse, une offensive
militaire serait en préparation. « L’armée a encerclé les caches de la
rébellion. L’offensive va commencer cette semaine », écrivait dimanche 16 janvier le quotidien Le Maghreb. Selon le journal, les opérations, concentrées sur une douzaine
de zones, auraient été différées de quelques jours pour « donner plus de temps »
aux groupes islamiques armés qui souhaitaient se rendre aux autorités.
A ce jour, faute de bilan officiel, il est toujours aussi difficile
d’évaluer avec précision l’ampleur des redditions. Bras armé de l’ex-
Front islamique du salut (FIS), l’Armée islamique du salut (AIS) n’existe plus formellement.
L’organisation, qui observait une trêve depuis plus de deux ans, s’est
autodissoute et ses membres ont commencé en fin de semaine dernière à quitter leurs cantonnements dansla région de Jijel (est de l’Algérie) et à remettre leurs armes aux
forces de sécurité, en échange d’un certificat d’amnistie qui doit leur permettre de retourner
vivre dans leurs foyers sans problème. Il faudra près de deux semaines,
selon la presse, avant que la reddition des troupes de l’AIS ne soit achevée.
LE SORT DE MADANI MEZRAG
Des informations contradictoires circulent sur le sort futur du chef de
l’AIS, Madani Mezrag. Son exil et celui de quelques-uns de ses proches
dans un pays du Golfe, donné pour acquis depuis plusieurs semaines, ne semblent plus
d’actualité. Aux dernières nouvelles, le dirigeant islamiste resterait
en Algérie. A en croire les témoignages d’anciens membres de l’AIS, l’annonce du départ pour
l’étranger de Madani Mezrag aurait conduit l’un de ses conseillers à
tirer sur le chef de l’AIS, le blessant légèrement. Selon la presse locale, le partage du « trésor de guerre » de l’organisation expliquerait aussi ce règlement de comptes
expéditif.
Dans l’ouest et le sud de la région d’Alger, les combattants de l’AIS
retournent également à la vie civile. Leur chef régional, Ahmed
Benaïcha, dit Abou Salah (un ancien haut fonctionnaire de l’administration préfectorale), a regagné son domicile, selon la presse. Il a d’ailleurs accordé une interview à
La Voix de l’Oranie, dans laquelle il promet le prochain retour du FIS (rebaptisé) sur la scène
politique. C’est peu dire que cette promesse, faite selon lui par les
autorités, n’est pas du goût des journaux « éradicateurs ». Dans la foulée de l’AIS, la Ligue islamique pour la daawa (la prédication) et le djihad (guerre sainte), d’Ali
Benhadjar, a également annoncé, vendredi, sa dissolution, selon l’agence de presse officielle
APS. Depuis 1997, la centaine de militants de cette organisation
implantée dans les zones montagneuses de la région de Médéa (80 kilomètres environ au sud
d’Alger) observait une trêve armée.
Preuve que toutes les informations concernant les suites de la loi sur la « concorde civile » sont à prendre avec circonspection, l’annonce en fin de semaine dernière
par la radio et la presse écrite de la prochaine reddition de Hassan
Hattab, émir de Daoua wal Djihad, un groupe extrémiste dont les actions
violentes n’ont jamais cessé, s’est révélée sinon fausse, du moins prématurée. Aux dernières
nouvelles, les négociations auraient échoué au motif que le groupe de
Hassan Hattab demandait à bénéficier des mêmes « avantages » que l’AIS (amnistie
totale) alors que les autorités lui offraient de déposer les armes dans
le cadre de la loi sur la « concorde civile », de fait moins généreuse. Mais ces informations
n’ont pas été confirmées. En revanche, il est acquis qu’un imam, qui
avait joué le rôle d’intermédiaire entre le groupe de Hassan Hattab et les forces de
sécurité, Aoudjid Bourguiba, a été assassiné, jeudi, par des islamistes.
Sur ce fond de confusion extrême, la violence continue. Dimanche, la
presse rapportait l’assassinat d’un policier près de Sétif. Les jours
précédents, sept personnes
avaient été assassinées par des groupes armés à travers le pays.