La crise dissipée ?
La crise dissipée ?
Kamel Amarni, Le Soir d’Algérie, 4 janvier 2001
Cest au moment où lon sy attendait le moins que Bouteflika a rompu, à partir de Khartoum, son long silence sur la situation en Algérie. Cest à loccasion dune conférence de presse conjointe avec son homologue soudanais que le président de la République parlera des récents actes terroristes, les dénoncera et promettra à leurs auteurs les pires représailles.
Une véritable révolution dans le discours présidentiel en somme. La concorde civile a-t-elle vécu ? En tout cas, les portes du pardon que Bouteflika ne cessait de répéter quelles demeureraient ouvertes pour les égarés, les fils de lAlgérie, viennent dêtre définitivement fermées mardi dernier. Celui qui trouvait des circonstances atténuantes aux terroristes, allant jusquà qualifier lémir du GSPC de héro, surprend son auditoire à Khartoum avec un nouveau vocabulaire quon ne lui connaissait pas. Ces traîtres, et je ne trouve pas de qualificatif plus fort, tranche, en effet, Bouteflika en évoquant les terroristes. Reprenant davec sa verve et le ton tranchant quon lui connaissait il y a quelques mois, le chef de lÉtat, décochant au passage des flèches assassines à légard des ONG internationales, explicitera davantage sa (nouvelle ?) position : ( )Je rends ici un vibrant hommage au combat des forces de lANP, des services de sécurité, tous corps confondus, ainsi quà tous les citoyens qui ont pris les armes contre le terrorisme. Les réponses du Président sont dautant plus surprenantes que la question à laquelle il répondait portait sur les rumeurs quant à une proche libération de Ali Benhadj. Une question que le conférencier néluda pas pour autant. Il lui réserva au contraire une réponse autant politique quinattendue : On peut à la rigueur pardonner à ceux qui ont pris les armes, mais il nest pas question dabsoudre ceux qui ont promulgué des fetwas autorisant le terrorisme dans un pays musulman, sous le prétexte quils sont plus musulmans que les autres. Il ne sarrête pas là : Ce parti (le FIS, NDLR) a pris les armes et lorsquon prend les armes, lon sengage de fait dans une révolution. Et la révolution, cest connu, ou tu la gagnes et tu es un héro ou tu la perds et tu es un traître. En prononçant de la sorte la clôture du dossier FIS, Bouteflika aura tout bonnement réservé une fin de non-recevoir à lultimatum de lAIS. Pour rappel, cette organisation terroriste tréviste de lex-FIS fixait au pouvoir la fin décembre dernier comme date limite pour quil entame, dès le début de lannée en cours, lapplication effective des accords, entre autres, la réhabilitation de lex-FIS et la libération de Ali Benhadj. Concernant la question des prisonniers, ajoute Bouteflika, je dirai que ceux-ci ont été emprisonnés au début des années quatre-vingt-dix. Je nétais pas au pouvoir et je dirai que, dans tous les cas de figure, la justice a tranché cette question. En dautres termes, le chef intégriste purgera intégralement sa peine prononcée le 12 juillet 1992 par la justice algérienne. Une justice ainsi que la Constitution dailleurs que je me dois de respecter en tant que Président de la République. Tout à la fois le choix de lendroit et le timing de la sortie présidentielle ne sont pas, quoi quil en soit, innocents. Le régime de Khartoum reste, avec celui des mollahs de Téhéran, le plus fidèle appui de lex-FIS et de ses subdivisions subversives. Les déclarations du chef de lÉtat, qui a entrepris une reprise diplomatique et politique avec ces deux pays, sapparentent dès lors à un oui mais à leur égard. Cependant que le gros du message demeure, à nen pas dou-ter, celui dune cohérence retrouvée dans le processus de la prise de décision politique en Algérie. Tout dans la sortie de Bouteflika plaide en faveur dune espèce de climat de détente au sommet de lÉtat. De toutes les manières, lon est loin des interventions médiatiques du type de celles où Bouteflika confessait à Jean Daniel les tentatives de certains responsables militaires dinvestir la politique et quil a dissuadés soit par la négociation soit par la fermeté. La crise au sommet semble bel et bien consommée. Pour un moment du moins. Le ton nouveau du Président comme prix ?