Chimères ou alchimie ?

Chimères ou alchimie ?

Hani Rabah, Jeune Indépendant, 10 janvier 2001

C’est sans doute un scénario inimaginable qui est en train de se réaliser sous nos yeux de profanes. Le retour de la vieille garde et son implication directe dans l’exercice du pouvoir semblent dérouter l’opinion publique, incapable de décrypter le processus politique en marche sous l’impulsion de Bouteflika.
Un come-back différemment interprété, mais qui révèle les luttes sournoises dans le sérail et ses nombreuses conséquences. Bouteflika est convaincu d’avoir trouvé la parade idéale pour dénouer la crise au sommet, une solution qui devrait lui permettre de contourner les obstacles et d’appliquer enfin son programme.
Selon ces analyses, le locataire d’El Mouradia cherche avant tout à écarter du pouvoir, ou à diminuer de leur influence, tous les protagonistes de la décennie rouge, celle qui a commencé avec le HCE. Autrement dit, les islamistes du courant radical et les janviéristes. Son appréciation de la crise qui mine l’Etat le met dans une position inédite, celle d’être au-dessus de la mêlée, d’incarner une institution suprapartisane, arbitrale, et une force centrifuge. L’évitement politique tant recherché est de revenir au point zéro, à la case départ qui a enclenché tout le processus de cette crise au sommet. Les mêmes analyses insistent donc sur ce retour fracassant des hommes qui portent pratiquement la même casquette que le Président, celle d’avoir été absents quand la crise avait éclaté et perduré. C’est-à-dire au-dessus de la fameuse mêlée, voire non responsables des « dérives »actuelles.
Le principe politique s’inspire de la chimie classique, théorie de la neutralisation généralisée de tous les éléments de la composition de la formule « explosive ». Le résultat immédiat est le statu quo, le gel des effets négatifs et la possibilité pour l’alchimiste en chef de se redéployer enfin hors des laboratoires. Si la formule de la concorde civile a permis de neutraliser une partie des islamistes radicaux, la formule de l’âge biologique est choisie afin de mettre entre parenthèses les autres forces qui ont émergé ces dix dernières années. Un dos à dos qui ne repose sur aucun alibi doctrinal, sauf celui de se justifier et de durer.

 

 

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