La grande offensive de l’ANP s’enlise
La grande offensive de l’ANP s’enlise
Par El-Kadi lhsane, Algeria Interface
Alger, 05/06/00 – Cinq mois après l’annonce d’une grande offensive de l’armée algérienne (ANP) contre les maquis islamistes, la fréquence des attentats n’a pas décru, faisant 15 à 20 morts par semaine. Les groupes armés qui ont refusé la « concorde civile » après la date limite du 13 janvier 2000 ont multiplié les attaques contre les unités de l’armée alors que les résultats des opérations menées par les militaires demeurent discrets.
Le début du printemps a été particulièrement violent, avec une dizaine d’attaques importantes contre des convois ou des positions de l’armée. Ces coups de main ont permis aux groupes islamistes de se renforcer en armes et munitions. Depuis la mi-mai, la violence a débordé les limites territoriales du pays avec la nouvelle attaque avortée d’un poste-frontière tunisien tandis que de nouveaux armements, comme des lance-roquettes sont apparus dans l’assaut d’un poste militaire avancé près de Tizi Ouzou et lors d’une embuscade dans les monts de Z’barbar (à l’est d’Alger). Cela sans compter le retour de l’insécurité de jour sur des axes routiers de premier ordre comme les nationales 1 et 4 qui relient Alger aux hauts plateaux vers le sud et à l’oranie vers l’ouest et qui ont connu des « faux barrages » extrêmement meurtriers, souvent à proximité de postes de surveillance militaires.
Lancée avec le renfort de 6000 officiers et sous officiers du contingent rappelés, la grande opération de l’ANP a été baptisé du nom de Seif Abou El Hadjadj, gouverneur à Bagdad à l’épée impitoyable contre les opposants à la dynastie Omeyyade (VIIIe siècle). Elle s’est attaquée d’emblée à deux massifs montagneux importants pour la guérilla : la chaîne de l’Ouarsenis à l’ouest et celle des Babors à l’est. Mais, mis à part l’occupation rapide des cantonnements désertés par l’armée islamique du salut (AIS) démobilisée, la suite du déploiement des unités de l’ANP a buté sur ses handicaps classiques de sous-équipement, de précarité des communications entre les positions, et de coûts d’entretien de la logistique en profondeur dans les zones à risques.
De même, les opérations ponctuelles sur ces deux fronts symboliques de l’offensive sont des échecs non déclarés. Ainsi durant le mois de janvier dernier, un accrochage avec une colonne de Katibat (compagnie) Al Ahoual, (dissidence du GIA à l’ouest) prés de Remka dans la frange la plus occidentale de l’Ouarsenis a donné le coup d’envoi de grandes manouvres afin de cerner environ 200 terroristes bien armés. Les bulletins de victoire ne sont jamais arrivés et la campagne a été clôturée en silence avec un bilan d’une dizaine de terroristes abattus pour presque autant de militaires tués. Quelques semaines après le départ des forces spéciales de l’armée de cette région, les attentats ont repris, notamment contre des civils.
Dans le jijélois, fief, à l’est du pays, de l’AIS, les » récalcitrants » du GIA, moins nombreux que El Ahouel dans l’Ouarsenis, n’ont pas été délogés des crêtes du Guerroudj, une forêt en altitude. Ils harcèlent toujours un territoire immense, des hauteurs de Ziama Mansouria à Texana, en passant par Selma au-dessus d’El Aouana. Signe de la faible sécurisation des territoires isolés, sur les 48 500 familles recensées officiellement en milieu rural comme familles déplacées, moins de 6000 seulement avaient rejoint leurs foyers au début du moi de mai.
Les revers de l’offensive de l’ANP concernent également des périmètres névralgiques comme celui du plateau forestier de Chaïba qui surplombe le littoral de Tipaza à partir de Bou ismaïl, à moins de 20 kilomètres des résidences de haute sécurité de l’Etat sur le littoral à l’ouest d’Alger. Un groupe islamiste composé d’une quinzaine d’hommes perpétue depuis deux ans, à intervalles réguliers, des attaques contre des civils (gardes forestiers, bergers, voyageurs) ou des militaires (convois,patrouilles, postes avancés).
Une opération, médiatisée à son début, de trois semaines d’encerclement avec bombardement par hélicoptère et tirs d’artillerie vient de s’achever avec l’aveu d’un nouvel échec. Les casemates détruites ont été trouvées vides. Pour faire contre-mesure, l’ANP a annoncé dans la même semaine la destruction totale dans la wilaya de Tlemcen de la base du GIA (Katibat el forkane) du mont Asfour sur la frontière avec le Maroc. Il n’y a pas eu de terroristes accrochés. En 1998 une base similaire à quelques kilomètres plus au sud avait été détruite après un long ratissage.
Si les résultats sont maigres là où l’ANP a engagé des forces, deux autres régions proches d’Alger, et où le dispositif en place n’a pas changé s’installent progressivement dans une guerre de basse intensité : à l’est de la capitale, dans la basse Kabylie, le long d’une ligne Tigzirt (sur la côte) Tizi Ouzou-Boghni, jusqu’aux abords de la plaine de la Mitidja dans la wilaya de Boumerdès ; à l’ouest au sein des massifs montagneux du Zaccar et de la Dahra autour de la ville de Khemis Meliana.
La première région est le territoire de prédilection du groupe salafi pour la prédication et le combat (GSPC), scission du GIA dirigée par Hassan Hattab. Sa nuisance militaire sur le terrain contre les forces de sécurité est extrêmement sérieuse. En outre elle exerce un racket systématique sur les populations de la région. « Ce sont les éléments les plus aguerris du GIA qui se retrouvent dans les rangs du GSPC. Ils sont d’une efficacité redoutable » affirme un ancien officier du contingent affecté à Tadmaït au cour de la « zone Hattab « .
Dans la région du Zaccar et de la Dahra se sont repliés les survivants de la Katiba El Khadra, pilier principal du GIA du centre, chassée fin 1997 des massifs de Blida à la fois par l’armée et par les groupes rivaux. Son chef, Antar Zouabri, n’a plus donné signe de vie depuis de longs mois. Ce groupe, impitoyable, cible en priorité les civils particulièrement à Khemis Miliana (119 km au sud-ouest d’Alger), où il avait établi l’un de ses quartiers généraux avant que l’armée ne prenne possession des
lieux. Aucune opération d’envergure n’a été menée contre cette faction depuis janvier dernier, ni même dans les mois qui ont précédé l’échéance du 13 janvier.
Le sentiment largement partagé de forte décrue de la violence en Algérie a permis de cacher momentanément l’enlisement de l’offensive supposée de l’ANP contre les » groupes terroristes résiduels « . En réalité ce sentiment est entretenu dans une large mesure par le retour progressif du calme dans la capitale après les massacres de l’automne 1997.
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