Congrès du FFS: Discours de clôture de Hocine Ait Ahmed

TROISIEME CONGRES
DU
FRONT DES FORCES SOCIALISTESDISCOURS DE CLOTURE DE HOCINE AIT-AHMED

Dans un Etat de droit, quoi de plus normal et de plus sain que la tenue d’un congrès d’un parti légal et qui de plus n’a jamais dévié d’un iota dans sa ligne non violente. Hélas, nous sommes dans l’Etat de la raison d’Etat. Et comme l’Etat lui-même est privatisé par des hommes et des clans, il ne reste que l’Etat des manipulations et des intérêts. Ce qui explique l’hostilité implacable, que le pouvoir a affiché vis-à-vis de ces troisièmes assises, hostilité qui s’est exprimée d’une manière flagrante dans le refus de nous accorder un local adéquat pour recevoir nos hôtes et nos invités illustres dans des conditions dignes de l’hospitalité et de respect traditionnel de notre pays.

Encore une fois, ça était un bonheur d’être de nouveau parmi vous. Je me sens dans une situation de renaissance et c’est la première fois, que je fais la connaissance des centaines de jeunes qui constituent la future génération dirigeante. Et comme disait un écrivain célèbre :  » Il existe une espèce de connaissance, qui est une véritable co-naissance, naître avec ». Nous venons donc de naître ensemble avec le succès de notre troisième congrès.

Laissez-moi d’abord rendre hommage à votre dévouement, j’allais dire, à votre résistance physique éprouvée par quatre jours de travaux sans relâche avec leurs trois nuits d’insomnie volontaire. Cet hommage s’étend, bien entendu, au président et aux membres du bureau qui en ont vu des vertes et des pas mûres et qui heureusement ont reçu de si nombreux réconforts, dont ceux des Verts, et le soutien enthousiaste de toute la communauté réunie à Tipaza.

Comment oublier les énormes efforts de préparation et d’organisation de ces assises ? De tout cour merci pour tout ce que vous avez donné pour que nos délibérations se déroulent normalement dans des conditions tellement anormales. Bien sûr qu’il y a des insuffisances, les entreprises humaines ne sont jamais parfaites, elles restent perfectibles.

Cher(e)s ami(e)s,

Nous sommes fiers d’avoir pleinement atteint les objectifs de ce congrès dans la transparence, le libre débat et la sérénité. Les délibérations ferventes et passionnées ont montré l’inébranlable volonté des militantes et des militants, des sympathisantes et des sympathisants, des participantes et des participants de faire de ce congrès un renouveau effectif et profond dans la politique et la pratique du parti. Heureusement, qu’en aucune façon les débats n’ont connu des relents de la pensée unique. Les divergences, les amendements aux textes proposés dans les différentes commissions ont été librement débattus avant d’être adoptés ou refusés. Ce congrès n’est donc pas tombé dans les pièges classiques du consensus populiste.

 

 

Je voudrais illustrer l’ouverture démocratique de nos résolutions par trois exemples : un exemple d’ouverture sur la société et deux exemples d’ouverture sur nous-mêmes ; tant il est vrai que ces deux ouvertures sont indissociables l’une de l’autre. La création de grosses commissions de réflexion et d’action au sein du Conseil national et leur ouverture aux compétences de la société civile qui auront le droit de participer à tous les débats de notre instance souveraine constituent une avancée très importante. Nous, nous en réjouissons parce que le devoir du FFS, aujourd’hui et demain, est d’intégrer toutes les élites locales et régionales qui ont émergé, dans la société, des luttes sociales et culturelles.

Pour ce qui est de l’ouverture sur la base militante, je me réfère au fait que la désignation des secrétaires nationaux ne doit pas se faire exclusivement à partir des membres du Conseil national mais pourrait s’étendre également aux militants de base qui satisfont les critères d’intégrité et de compétence.

Par ailleurs, les observateurs superficiels nous font griefs de ne pas reconduire le principe de l’élection du Secrétaire fédéral par l’ensemble des militants de la fédération. Hélas, l’expérience nous a démontré que des secrétaires de fédérations ne font pas toujours face à leurs responsabilités, souvent même ils délaissent leurs propres sections, d’où le manque de communication et de suivi dans leurs rapports avec la base. Etre obligé d’attendre une année, délai statutaire, pour que se tienne le congrès fédéral et changer démocratiquement de responsable, c’est se condamner à un rôle de simple appareil coupé de la base militante et de la population. Il ne faut pas confondre démocratisme d’appareil et démocratie dynamique. C’est cette dernière conception de la démocratie qui a inspiré la procédure nouvelle d’élections du Secrétaire fédéral. Ce sont les secrétaires de section et les représentants des mouvements associatifs et de collectifs de jeunes, de femmes, d’étudiants, qui doivent élire le Secrétaire fédéral avec la possibilité de le rappeler à l’ordre voire d’opérer son remplacement, par la voie du vote évidemment.

L’importance décisive de ce congrès ne saurait être réduite à la réorganisation des structures et des statuts. Elle est dans le saut qualitatif concrétisé dans la définition de l’alternative démocratique, mot d’ordre de notre congrès, et dans l’esquisse des grandes lignes de l’alternance démocratique. Cette stratégie nous met face à deux défis, liés l’un à l’autre, au plan intérieur et au niveau international.

Le défi intérieur peut se résumer par deux expressions, qui échappent à la langue de bois, donc non répétitives : concentration et incontrôlabilité du pouvoir réel qui expliquent l’absence de l’Etat de droit, du droit tout court.

Plus que jamais donc s’impose la reconstruction de la MAISON ALGERIE sur des fondations solides, par le retour à la légitimité populaire. Une constitution élaborée par une Assemblée constituante librement élue sous contrôle international constitue la garantie des garanties du droit des Algériennes et des Algériens à participer pleinement à la reconstruction des institutions démocratiques, et à la promotion officielle et effective des pluralismes politiques, culturels et linguistiques..

Nous pouvons reprendre à notre compte deux expressions de Tony Blair à l’occasion de son succès électoral : la première « redistribuer le pouvoir » dans notre cas, je dirais restituer le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes pour choisir leurs options et les hommes et les femmes chargés de les mettre en ouvre. Renforcer les pouvoirs et les moyens financiers des institutions municipales et wilayales dans le cadre d’une démocratie décentralisatrice. Consacrer l’équilibre et la séparation des pouvoirs : nous voulons un gouvernement qui gouverne dans l’autonomie que lui confère ses attributs, nous voulons un parlement qui légifère en toute transparence et qui assure le contrôle de l’exécutif ; et ce, sans tomber dans les excès d’un régime d’assemblée. Nous exigeons l’indépendance de la justice et de la magistrature par rapport au pouvoir politique. Quant au quatrième pouvoir, il appartient à l’ensemble de la presse écrite et audiovisuelle de proposer en toute conscience et responsabilité le code déontologique et les structures qui en garantissent l’indépendance et les libres développements. Tous les media lourds du domaine public (Télés, Radio.) doivent être, bien entendu, libérés du monopole de l’Etat.

L’autre expression blairienne étant l’obligation de « rendre des comptes« , dans tous les domaines, ce qui signifie qu’aucune institution ne doit échapper au contrôle légal. Notre devise « ni Etat théocratique ni Etat militaro-policier », l’égale dignité de la femme et de l’homme, l’équité sociale et l’égalité des chances doivent être consacrées par la nouvelle loi fondamentale qui s’imposera à tous les gouvernants et à tous les gouvernés.

Au plan international, notre pays comme l’ensemble de la communauté inter-nationale sera confronté au défi de la mondialisation. Gardons-nous bien d’y voir les extrêmes : un bourourou, c’est-à-dire le monstre du Loch Ness ou Âça Moussa, la baguette magique. Ca peut être l’un ou l’autre, l’un et l’autre.

Comment ne pas applaudir à la mondialisation de la paix, de la démocratie et de la justice sociale ? L’Universalisation de l’espace public politique ainsi que de la protection des droits de l’Homme devant s’inscrire dans la logique de la défaite des régimes fascistes et totalitaires. La fin de la 2ème guerre mondiale et la chute du mur de Berlin ayant sonné le glas de l’ordre international pan étatique exclusivement réservé à la souveraineté des Etats. Les pactes internationaux des droits de l’Homme, les déclarations et les conventions multiples qui les ont complétés devaient bel et bien ouvrir la vie et les relations internationales à la souveraineté des peuples et des individus.

Plus de la moitié du XIXème siècle marquée par les reniements et les blocages des dominations coloniales ainsi que par la guerre froide nourrie par les deux pôles sauvages du capitalisme et du stalinisme n’a pas permis à un ordre démocratique mondial de se construire ; il est grand temps que la mondialisation prenne le rythme du 3ème millénaire. Il est grand temps de tourner la page du double standard qui a permis la guerre d’extermination ignominieuse en Tchétchénie, qui reste aveugle devant tant de conflits et de guerres civiles à huis clos comme celle qui se déroule dans notre pays.

Oui, à la mondialisation de l’espace pénal international. La création du Tribunal pénal international ainsi que des tribunaux chargés de poursuivre les responsables des crimes contre l’humanité constituent des progrès significatifs dans la mise en place de la dissuasion et de la prévention des violations massives des droits de l’Homme.

Oui, à l’ordre démocratique international qui réduise le gouffre existant entre les pays nantis du Nord et les centaines de millions des pays du Sud, fauchés par la famine la sous-alimentation, la sous-éducation, qui à leur tour constituent et reconstituent les causes des massacres et des meurtres.

C’est en fonction de ces utopies que doit se mettre en chantier dans les plus brefs délais le processus de réformes des institutions de l’ONU et des différentes structures internationales.

Quant aux revers de la mondialisation, ils se résument en un mot : l’intégrisme de l’ultra-libéralisme économique. Et notre pays le reçoit de plein fouet. Mais d’abord, précisons bien, que le FFS est pour l’économie de marché. Et de même qu’il a été contre l’administration sauvage de l’économie, il est aujourd’hui contre le libéralisme sauvage. Nous sommes pour une économie sociale de marché ; une économie régulée, et même dans ce cas, nous devons promouvoir le principe des contrats sociaux entre Etat et syndicats entre monde ouvrier et entreprises. En un mot, nous refusons la société de marché, la commercialisation de notre société. Pour nous la santé n’est pas une marchandise, la culture, l’école et le travail ne sont pas des marchandises. L’environnement l’est encore moins puisqu’il n’est pas inépuisable. Il en résulte que l’Etat algérien ne saurait échapper à ses responsabilités dans tous ses domaines, il doit être l’arbitre et le promoteur des catégories économiques sociales, culturelles et environnementales des droits de la personne humaine.

Il faut préciser l’évidence : les aspects négatifs de la mondialisation n’ont pas eu besoin de visas pour déployer leurs effets au sein de notre population. Ils se moquent de la souveraineté de l’Etat et menacent la dignité et le destin d’une population qui est déjà soumise à la tourmente meurtrière et déjà rongée par l’étouffante laideur du règne de l’argent, du mensonge et de l’opportunisme.

Aucun pays isolément ne peut éviter ou limiter les dégâts de ce phénomène redoutable et incontournable. La construction rapide d’un grand Maghreb démocratique est l’unique chance pour nos peuples de sauvegarder leurs identités et leurs intérêts et pour les Etats d’instaurer les garde-fous nécessaires à la protection de leur souveraineté.

Les Etats européens ont compris cet impératif de rassemblement ; ils ont su maîtriser leurs rancours dominer leurs conceptions épidermiques de la souveraineté nationale pour créer et continuer à ouvrir la communauté et l’unité européenne. La garantie d’un développement soutenu du grand Maghreb démocratique se fera dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen consacré par la Conférence de Barcelone.

Telles sont, cher(e)s ami(e)s, les valeurs fondamentales réaffirmées par notre 3ème Congrès ainsi que les grandes lignes politiques destinées à mobiliser les forces saines en vue d’arriver à une solution politique de l’immense crise qui dévore nos enfants. Un tout dernier mot, les valeurs sociales-démocrates ne sont en aucune manière en contradiction avec les principes de notre identité ; le socialisme dont nous nous réclamons n’étant ni un dogme ni un système.

L’Internationale socialiste à laquelle nous appartenons est aujourd’hui avec ses 150 partis issus de sociétés de confessions, de langues et de races différentes, la plus importante organisation non gouvernementale du monde. Son influence dans le monde ne cesse de s’élargir et de se renforcer ; je n’en veux pour preuve que la multiplication des partis socialistes qui arrivent au pouvoir ou qui adhèrent de plus en plus à une internationale dont l’avenir mondial dépend de la fidélité à sa base morale et de son horizon éthique.

Vive l’Algérie

Vive l’alternative démocratique

Vive le FFS

Hocine Aït-Ahmed