Interview de Bouteflika sur RTL
Interview de Bouteflika sur RTL
Mardi 14 septembre
Bonsoir Monsieur le Président.
Président Bouteflika : Bonsoir.
Olivier Mazerolle : Votre priorité est de rétablir la paix en Algérie, après une guerre civile qui a duré sept ans et qui a fait 100.000 morts. Et pour parvenir à cette paix, vous réclamez l’appui du peuple algérien auquel vous avez demandé de se prononcer sur la réconciliation nationale à l’occasion d’un référendum qui aura lieu jeudi prochain. Alors, vous avez été élu président il y a cinq mois. Vous connaissez parfaitement les rouages politiques de votre pays, vous connaissez également très bien le monde. Vous avez participé à la guerre d’indépendance et vous avez été pendant plus de 15 ans, à l’époque du Président BOUMEDIENE, ministre des Affaires étrangères de l’Algérie. Et pourtant, aujourd’hui on s’interroge, on se demande : » avez-vous les moyens, avez-vous les atouts, avez-vous les appuis nécessaires pour réussir ce pari crucial du rétablissement de la paix de l’Algérie ? Alors, Pierre -Luc Séguillon et Patrick JARREAU participent à ce grand jury, retransmis simultanément sur RTL et LCI et Le Monde reproduira, demain, vos déclarations donc de lundi. Alors, Monsieur le Président, vous surprenez depuis cinq mois par votre style. Par exemple, la présidence où nous nous trouvons ici, vous la considérez comme votre bureau. Vous rentrez le soir chez vous dans votre voiture particulière, privée, sans escorte spécifique. Pourtant, un de vos prédécesseurs a été assassiné. Les attentats continuent en Algérie. Vous n’avez pas peur de la mort ?
Président Bouteflika: Non, je crois que j’ai une foi extrêmement naïve, extrêmement innocente et simple qui peut étonner des rationalistes comme vous. Moi, je pense qu’il y a une heure pour naître que nous n’avons pas choisie et il y a une heure pour mourir que nous n’avons pas choisie. Et il est tout à fait clair pour ce qui me concerne, mourir c’est cela, le vrai problème et inéluctablement on doit mourir. Donc, que je meurs d’un arrêt cardiaque ou d’une balle perdue ou d’une balle même dirigée contre moi, vous savez, le résultat est tout à fait le même. Donc, pour ce qui me concerne, je me considère comme étant en service commandé et je ne suis pas là pour un fauteuil.
Olivier Mazerolle: Vous ne tentez pas le diable en agissant comme cela ?
Président Bouteflika : En aucune manière. En aucune manière et je pense que quand on a la conscience tranquille, on a absolument rien à craindre du peuple.
Pierre- Luc SEGUILLON : Alors, en service commandé, Monsieur le Président, vous avez un rythme effréné. Vous tenez des meetings, vous allez à l’étranger. Vous vous adressez à la presse. Vous parlez beaucoup, alors que votre prédécesseur, le président Zeroual ne parlait pas. Est-ce que ça signifie que pour vous, le verbe, la parole est l’un de vos atouts essentiels voire peut être votre arme essentielle, vous qui êtes aussi un homme seul ?
Président Bouteflika : Je suis un homme seul, je suis néanmoins soutenu, je crois, par de très larges marges, de très larges couches populaires, parce que ayant fait une traversée du désert de 20 ans, je me suis imprégné des préoccupations populaires après avoir été moi-même au pouvoir et donc isolé un peu des réalités populaires.
Pierre- Luc Séguillon : Vous avez le sentiment d’être le porteur de ces préoccupations populaires aujourd’hui ?
Président Bouteflika : Je crois que j’ai ce sentiment, comme autrefois, en tant que ministre des affaires étrangères, j’étais porté par l’idée que j’étais le porte-parole du tiers-monde. Donc, je pouvais dire ce que d’autres pensaient tout bas et ne pouvaient pas dire. Maintenant, je suis en train de dire très clairement ce que le peuple algérien pense et d’ailleurs, je n’hésite pas à donner la parole aux gens pour qu’ils puissent s’exprimer et dire exactement ce qu’ils attendent du pouvoir et donc de moi même. S’il vous plaît, si vous pouvez parler, mais je crois que la question qui m’est posée est une question importante. Il est tout à fait clair que vous avez parlé de paroles et de silences. Je me suis tu pendant vingt ans, ça n’est pas parce que je me suis tu pendant vingt ans que je parle beaucoup, mais il est tout à fait clair que j’ai trouvé une situation où l’Algérie était absolument défigurée. La première des question qui m’a été posée, c’est que on a parlé de guerre civile. Il n’y a jamais eu de guerre civile en Algérie. Il n’y a jamais eu de guerre civile en Algérie. Il y a eu des problèmes de sécurité. La guerre civile, c’est Franco. La guerre civile c’est ce qui s’est passé au Liban. Enfin, il y a eu des problèmes de sécurité très graves, c’est sûr qu’il y a eu des problèmes de sécurité…
Patrick Jarreau : Vous avez dit 100.000 morts !
Président Bouteflika: 100.000 morts, je l’ai dit, je le répète, parce que personnellement, je considère que tout Algérien qui meurt, qu’il soit des services sécurité, de l’ANP ou un civil, ou un maquisard ou un terroriste, pour moi c’est un Algérien.
Olivier Mazerolle: Donc, c’est beaucoup.
Président Bouteflika : Sans aucun doute possible, mais enfin la guerre civile me paraît correspondre à une définition qui est tout à fait différente ce que vous voulez lui donner.
Patrick JARREAU : C’est à dire ?
Président BOUTEFLIKA : La guerre civile, c’est les nationalistes franquistes ou les phalangistes franquistes contre les brigades internationales. C’est un tout autre contexte. C’est une autre définition.
Patrick JARREAU : Est-ce qu’il n’y avait pas, est-ce qu’il n’y a pas encore dans votre pays une opposition entre deux conceptions de l’Algérie, deux conceptions de la société, deux conceptions de ce que doit être la vie collective.
Président BOUTEFLIKA : Je ne suis pas contre le fait qu’il y ait une, deux, trois ou plusieurs conceptions. Le problème, c’est qu’il faut passer de la confrontation idéologique à la confrontation politique. Autrement dit, je n’imagine pas que l’Algérie sera un pays laïque, pas plus que je ne considère que l’Algérie sera un pays islamiste. Donc, il est tout à fait clair que les uns comme les autres doivent abandonner le terrain idéologique pour se rencontrer sur le terrain politique qui implique d’abord des programmes.
Olivier MAZEROLLE : Pour en finir avec la violence, vous avez donné six mois aux groupes armés islamistes pour se rendre et suivant le degré de responsabilité dans les attentats, ils pourront bénéficier soit d’une amnistie, soit de peines de prison réduites. Mais si au bout de six mois ils ne se sont pas rendus, que se passe-t-il ?
Président BOUTEFLIKA : Eh bien, je crois que la loi est à votre disposition. Elle a été adoptée par l’assemblée populaire, l’assemblée nationale populaire. Elle a été adoptée par le conseil de la nation qui est l’équivalent du sénat. Il n’y a pas eu une seule voix contre. Il y a eu quelques abstentions, je crois 15 ou 16 au niveau de la peine et 5 exactement au niveau du sénat. La loi est en marche. Je vous invite à la lire. Il est tout à fait clair que je ne connais pas de pays au monde qui aurait été aussi large au niveau de l’autorité vis-à-vis de gens qui se sont rendus coupables de crimes, soit de destructions, de sabotages de l’économie nationale ou de crimes tout court, à savoir : assassinats, viols ou dépôts d’explosifs. Je ne pense pas qu’il y ait un pays au monde qui ait été aussi large. Le peuple doit se prononcer et c’est pour cela que je veux amener le peuple à se prononcer et je veux que la participation soit conséquente. Je veux que le peuple dise exactement ce qu’il veut et à ce moment là, au nom du peuple, j’utiliserai tous les moyens, je dis bien tous les moyens que me donne l’état, pour réduire complètement.
Pierre-Luc SEGUILLON : Quand vous dites que vous allez demander au peuple d’approuver votre démarche, on aimerait bien comprendre votre démarche. Est-ce que c’est une démarche qui consiste, pour le moment, pour les six mois qui viennent ou pour les quatre mois, puisque deux mois ont déjà été écoulés, à accorder un pardon, à tourner une page ou est-ce que ça va être aussi un moment où va faire la vérité sur les responsabilités de ce que vous appeliez tout à l’heure, » ces problèmes de sécurité » ?
Président BOUTEFLIKA : Les deux ensemble. Ça n’est pas incompatible. Depuis vingt ans, je suis absent de la scène politique. Donc, il est tout à fait clair que les tenants des droits de l’homme, mais, etc., je suis prêt à discuter. Je suis tout à fait à l’aise pour discuter avec Amnesty International, avec les Droits de l’Hommes. Je suis tout à fait… Je n’ai pas été impliqué. Donc, je suis extrêmement attentif. J’ajoute ceci : c’est que j’appartiens moi-même à la famille des disparus. J’ai mon neveu qui a disparu lui aussi. Donc, je suis tout à fait à l’aise pour discuter de ces problèmes. De l’autre côté, je voudrais donner une chance, la meilleure possible, à ceux qui, pour une raison ou une autre, elle peut être idéologique, elle peut être politique, elle peut être de désespoir, elle peut être simplement de rébellion de part tout ce qui a été fait, au nom de l’Algérie, par des gens tout à fait irresponsables. Je tiens à dire tout à fait irresponsables et qui avaient les tenants du pouvoir. Je voudrais leur donner une chance pour réintégrer la société. Au nom de la société, donc de la majorité, une majorité parlante, je frapperai avec toute la force de la loi.
Olivier MAZEROLLE : Pardon, Monsieur le Président, mais quand on a faire à des terroristes, quels sont les moyens que vous pourriez, vous, utiliser que vos prédécesseurs ont tenté d’utiliser sans succès ?
Président BOUTEFLIKA : Vous savez, je pense que mes prédécesseurs ont fait la politique du possible. Moi aussi, je veux faire la politique du possible, avec cette nuance, c’est que pour ce qui me concerne, moi je n’ai pas été partie prenante dans l’évolution des choses depuis vingt ans. Donc, je n’ai pas de préjugés ni favorables, ni défavorables. Je propose des solutions qui puissent réconcilier l’Algérie avec elle-même et qui font que les familles, victimes du terrorisme, sont mon principal appui actuellement, avant même les partis de la coalition nationale.
Patrick JARREAU : Ces familles qui ont été victimes du terrorisme ou qui ont eu dans leurs rangs des victimes du terrorisme, vous reprochent d’avoir une attitude trop conciliante vis-à-vis de ceux qui sont responsables de ces crimes.
Président BOUTEFLIKA : Elles ont raison. Elles ont raison, parce que enfin de compte, il est tout à fait clair qu’il m’est beaucoup plus facile à moi qui ne suis pas concerné, encore que concerné par les disparus, mais qui n’ai pas perdu directement comme une femme son mari ou une femme son fils ou plusieurs membres de la famille, il est tout à fait clair que pour moi il est beaucoup plus facile de proposer quelque chose que les familles ressentent dans leur chair, dans ce qu’elles peuvent avoir de plus sensible. Bon, mais je ne l’ai pas fait sans les avoir consultées, sans les avoir préparées, sans avoir discuté et je tiens à dire que j’ai des documents écrits, j’ai des soutiens et tous les jours, je suis en communication téléphonique avec les uns ou les autres et je me sens appuyé.
Pierre-Luc SEGUILLON : Prenons des exemples très précis, Monsieur le Président. Quand, par exemple, comme vendredi, Monsieur KEBIR, dans un entretien accordé à un quotidien, dit qu’il est responsable du FIS à l’étranger, il est en Allemagne. Il dit qu’il approuve le référendum. Il dit qu’il est prêt au fond à oublier cette appellation du FIS, mais il est soupçonné d’être responsable d’un attentat. Qu’est-ce que vous lui répondez ?
Président BOUTEFLIKA : Moi je lui réponds rien du tout. Mais je vous donnerai mon point de vue, mais je fuirai pas la question. Je vais vous dire, c’est en relation avec la question précédente que je suis mandaté par les familles du terrorisme pour faire ce que je veux. Je dis bien ce que je veux à l’exception d’une ligne rouge que je ne dois pas traverser. Les familles du terrorisme me disent : » tu peux pardonner à quelqu’un qui a pris un pistolet et qui a flingué quelqu’un d’autre. C’est un exécutant. C’est un robot à la limite. Tu ne peux pas pardonner à celui qui a conçu l’idée et qui a donné l’autorisation de tuer « . Bon, grave problème. Grave problème pour moi parce que je prétends être un démocrate et en tant que démocrate, je ne peux pas porter un jugement de valeur sur une opinion qui n’est pas la mienne et je fais la différence entre l’intention, la préméditation et le passage à l’action. Donc, ce sont des problèmes extrêmement compliqués pour moi. Pour l’instant, nous sommes en train de régler le problème de la violence. L’Algérie apaisée, il est tout à fait clair que le FIS a été écarté de la scène politique par une décision de justice à laquelle je suis étranger. Je ne fais pas du » Ponce Pilate « . J’ai été écarté. J’étais marginalisé.
Patrick JARREAU : C’était une violence, vous l’avez critiquée.
Président BOUTEFLIKA : J’ai critiqué l’arrêt du processus électoral comme étant une violence. Mais, qu’est-ce qui se passe en Algérie ? Est-ce qu’on agit ou on réagit ? Quand l’armée nationale populaire a arrêté le processus de consultation. Non, de consultation. La démocratie, c’est un vaste programme, c’est une culture de laquelle nous sépare peut être quelques décennies. Ne soyons pas trop optimistes. Allons, allons.
Patrick JARREAU : Vous pensez que l’Algérie n’est pas mure encore pour la démocratie ?
Président BOUTEFLIKA : Autrefois, on disait que l’Algérie n’était pas mure pour l’indépendance. Nous l’avons eue.
Patrick JARREAU : Vous en avez fait la preuve.
Président BOUTEFLIKA : Nous ne sommes pas, mais quarante après, nous avons encore des problèmes d’indépendance nationale. Ça fait partie de la vie, la démocratie. Vous vous faites la démocratie depuis 1789. Nous ne considérons pas la France comme un modèle mondial de démocratie, pas plus d’ailleurs que la Grande-Bretagne. Donc, il est tout à fait clair que c’est une culture, c’est une culture. Nous ne sommes pas des mauvais élèves ! Mais je reviens au FIS. La constitution de 1996 a écarté le FIS en tant que parti. Que M. ALBAKEBIR ait le bon sens d’en prendre acte maintenant, je crois que politiquement, c’est aller dans le sens d’une plus grande maturité politique et il est en train d’aller vers une maturité politique vers laquelle la société civile l’a précédé, parce qu’il y a au mois d’avril, la société civile et les représentants des partis démocratiques n’étaient pas prêts à discuter même avec les partis politiques qui sont représentés à l’Assemblée nationale et au sénat.
Pierre-Luc SEGUILLON : Si je peux poursuivre à propos du FIS, simplement à propos de ses deux fondateurs historiques, je pense à Monsieur ABASSIMADANI et à Monsieur BELHADJ, est-ce que vous avez quelque chose à leur dire à quelques jours du référendum. Je rappelle que le premier est en détention provisoire et le second en prison. Le premier en résidence surveillée et le second est en prison.
Président BOUTEFLIKA : J’ai beaucoup de respect pour M. ABASSI MADANI parce que je partage avec lui le compagnonnage d’armes et la fraternité de combat. Il a été ALN comme moi, il a été FLN, comme moi. Qu’il soit ailleurs politiquement maintenant et que moi, je me trouve ailleurs, ne me fait pas oublier qu’à un certain moment crucial de l’histoire de mon pays, nous étions du même côté. Je connais moins M. A. BELHADJE. Je le respecte néanmoins beaucoup. C’est un homme de conviction, même si je ne partage pas ses convictions, c’est un homme de conviction. Il est tout à fait clair que ABASSI MADANI soutient complètement et sans réserve la concorde civile. Je crois qu’il y a encore quelques nuances, j’allais dire quelques points d’interrogations au niveau de M. A. BELHADJE. J’ajoute ceci : c’est qu’en fait, il y a un problème de fond qu’il veut transformer en problème de formes. Le problème de fond, c’est qu’il veut être l’interlocuteur direct. En tant que citoyen algérien, je serai très honoré de l’avoir comme interlocuteur direct. En tant que président de la république algérienne démocratique populaire, je ne peux pas l’accepter comme interlocuteur direct.
Olivier MAZEROLLE : Alors, Monsieur le Président. Maintenant, on se pose tout de même la question. On a vu à une certaine époque l’Algérie qui semblait manquer de liberté démocratique et beaucoup d’Algériens ont adhéré au FIS pour cette raison, parce qu’on pouvait aller parler dans les mosquées. Et puis, aujourd’hui, vous vous présentez. On se demande, quels sont vos points d’appui ? Vous avez d’un côté les blocages des institutions algériennes, des militaires qui parfois ne veulent pas trop que les choses s’apaisent avec les islamistes, vous avez des islamistes qui sont extrémistes. Quels sont vos points d’appui ? Comment pouvez-vous agir ? Comment pouvez-vous vous confronter à ces deux questions en même temps ?
Président BOUTEFLIKA : Je voudrais corriger votre opinion sur les militaires. En arrivant dans cette maison, j’ai trouvé que les militaires avaient sur les bras, depuis 1997, le dossier de l’AIS qui avait décrété un cessez-le-feu unilatéral et les militaires n’avaient pas de protection juridique, pas plus que de protection politique. Je l’ai assumée. Je ne peux pas incriminer une institution de la république qui est chargée de défendre l’unité nationale, territoire et peuple, je ne peux pas l’incriminer d’être éradicatrice. C’est le pouvoir politique qui ne lui avait pas donné les moyens d’aller vers la réconciliation.
Olivier MAZEROLLE : C’est à dire ?
Président BOUTEFLIKA : Pendant deux ans, ils ont navigué à découvert. C’est tout à fait clair. Moi, je n’ai rien apporté. Je suis simplement venu prendre acte du fait que l’AIS avait décrété un cessez-le-feu unilatéral pour mieux démasquer ceux qui ont défiguré le prestige et l’image de marque de l’Algérie et du même coup porter gravement atteinte à l’Islam et à sa tolérance.
Olivier MAZEROLLE : Mais vous connaissez la politique algérienne, évidemment les institutions.
Président BOUTEFLIKA : Je ne suis pas d’accord avec vous. Je suis le chef de tous les Algériens et d’abord, je suis le chef suprême des armées.
Olivier MAZEROLLE : Ils vous obéiront ?
Président BOUTEFLIKA : Absolument. Sinon, vous croyez que je suis là comme une garniture sur un dessert ou quoi ?
Pierre-Luc SEGUILLON : C’est ce que certains disent précisément
Président BOUTEFLIKA : Je voudrais les rassurer que je ne suis pas là pour ça.
Pierre-Luc SEGUILLON : Certains disent que vous êtes au fond, malgré tout votre personnalité, malgré votre passé, vous aussi que vous n’y échapperez pas, un instrument entre les mains des militaires, comme vos prédécesseurs. Alors simplement ma question, vous avez été militaire, vous avez été commandant, qu’est-ce que vous avez de différent par rapport à vos prédécesseurs qui vous permet, précisément, de ne pas être l’otage de l’armée ?
Président BOUTEFLIKA : Moi, je suis un homme du peuple et je m’appuierai sur le peuple, par dessus les partis et par dessus tout ce qui est de nature à aller à l’encontre des aspirations populaires profondes. Et il est tout à fait clair, que ce que j’ai apporté de nouveau, c’est que quand j’ai un problème, un problème très grave qui concerne la nation toute entière, je m’adresse au peuple algérien tout entier et je suis l’humble serviteur du peuple algérien, à l’exclusion de toute autre force, fut-elle organisée.
Patrick JARREAU : Mais justement, Monsieur le Président, est-ce que vous pouvez nous expliquer, qu’est-ce que le référendum que vous avez décidé d’organiser jeudi, qu’est-ce que ce référendum va changer ? Parce qu’au fond, si on regarde sur la forme, vous soumettez au peuple une loi qui est déjà votée, déjà en application. Donc, il s’agit d’autre chose ?
Président BOUTEFLIKA : Il s’agit d’autre chose. Il s’agit d’abord que je sois en règle vis-à-vis de ma conscience. J’appartiens à une foi où tuer un homme, c’est comme tuer l’humanité toute entière. Ça n’est pas simple ! ça n’est pas simple. Je ne suis pas là pour flinguer des gens. Je ne suis pas là pour flinguer des gens. Par contre, je suis là pour défendre les institutions de la république. Je suis là pour défendre l’état. Je suis là pour défendre LA REPUBLIQUE ALGERIENNE. Je tiens à savoir ce que le peuple en pense. Si le peuple venait à me soutenir par une large majorité, à ce moment là, je sais une chose, c’est ce qu’on appelait l’AIS et qui donc avait pris les armes pour des raisons idéologiques et politiques…
Patrick JARREAU : L’Armée islamique du salut.
Président BOUTEFLIKA : Voilà ! Il n’y a qu’une seule armée ici, c’est l’armée nationale populaire. Le sigle est terminé. Je vous le laisse. Il n’y a plus d’AIS. Il y a une seule armée dans de pays et l’AIS est à la disposition de l’ANP. C’est tout à fait clair, c’est tout à fait clair. Il ne faut pas qu’il y ait une confusion dans les sigles. La république a une armée qui s’appelle l’Armée Nationale Populaire. Mais, le sigle était là. Bon le sigle était idéologique et politique. Ces gens, avant que je leur demande, on unilatéralement d’eux-mêmes, déposé les armes en disant : » ça n’est pas possible que d’autres s’accaparent notre lutte pour défigure l’Algérie, porter si grandement atteinte à son prestige en même temps défigurer la tolérance du message islamiste.
Patrick JARREAU : Mais ça c’était déjà acquis. Alors, le référendum va changer quoi ?
Président BOUTEFLIKA : C’était déjà acquis en théorie parce qu’il n’y avait pas de couverture politique et juridique que je viens de donner.
Olivier MAZEROLLE : Alors, pour poser la question autrement, qu’est-ce que vous faites au lendemain du référendum, si vous le gagnez bien entendu ,
Président BOUTEFLIKA : Et bien, à ce moment là, ou les Algériens, les uns comme les autres, même ceux qui sont au maquis et principalement ceux qui sont au maquis, rejoignent la société et j’ai trouvé des solutions qui vont peut être plus loin que ce que j’ai dit dans la loi.
Olivier MAZEROLLE : Ah ! Vous pouvez nous en dire plus ?
Président BOUTEFLIKA : Quand vous passez devant la justice… Quand un citoyen algérien passe devant la justice, la justice condamne. Ça fait partie des pouvoirs discrétionnaires d’un président.
Olivier MAZEROLLE : d’amnistier…
Président BOUTEFLIKA : Le cas échéant. Le cas échéant.
Pierre-Luc SEGUILLON : ça veut dire que vous allez prendre dossier par dossier ?
Président BOUTEFLIKA : Absolument ! Absolument ! S’il y a des dossiers de grands criminels, là c’est un problème contre lequel je n’y peux rien. Mais, si de toute façon, il n’y aura pas de condamnation à mort, il n’y a pas de perpet. C’est déjà un très grand pas.
Patrick JARREAU : Monsieur le Président, ça sera donc une grâce. Vous userez donc de votre droit de grâce. Ce ne sera pas une loi d’amnistie qui passera devant le parlement ?
Président BOUTEFLIKA : Plutôt la grâce que l’amnistie. Plutôt la grâce que l’amnistie.
Olivier MAZEROLLE : Mais est-ce que vous allez former un nouveau gouvernement ? Est-ce que vous allez faire appel à des partis politiques qui jusqu’à présent sont toujours restés dans l’opposition ?
Président BOUTEFLIKA : Non ; mon gouvernement s’appuiera sur les partis de la coalition plus d’autres partis que je considère comme étant extrêmement importants pour la modernité de l’Algérie.
Olivier MAZEROLLE : Par exemple ?
Président BOUTEFLIKA : Je ne sais pas.
Olivier MAZEROLLE : Au LCD de Monsieur SAID SAADI ?
Président BOUTEFLIKA : AU LCD par exemple. Je peux penser à l’ANR. Je ne sais pas. Il y a des partis qui n’étaient pas dans la coalition mais qui sont porteurs de modernité et la seule chose sur laquelle nous étions en désaccord jusqu’à un passé certain, c’est cette façon d’accepter l’autre. C’est à dire la mouvance islamique. Moi, je dis qu’elle existe. Moi, je dis qu’elle existe et qu’elle a le droit de s’exprimer sous réserve qu’elle ne s’exprime pas par la violence. Mais qu’elle a le droit de s’exprimer, à l’instar des autres partis politiques, avec les mêmes droits et les mêmes droits devoirs.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous avez dit que vous vouliez un gouvernement très politique. Vous l’avez dit ?
Président BOUTEFLIKA : Oui.
Pierre-Luc SEGUILLON : ça veut dire que vous souhaitez des ministres qui ont l’onction de l’élection. Autrement dit, est-ce que ça signifie que vous ne pouvez imaginer un gouvernement qui soit très politique qu’après des élections législatives ?
Président BOUTEFLIKA : Non. Nous sommes dans une phase encore particulière. La normalisation de la vie politique en Algérie se fera une fois que la paix et la sécurité seront définitivement revenues et installées dans les cours et dans les esprits. Pour l’instant, nous sommes obligés de faire avec les institutions qui sont là, bonnes ou mauvaises. Mais je ne peux pas détruire les institutions et aller comme cela dans un désert. C’est un peu du » donquichottisme « . Vous ne me demandez tout de même pas cela ? Non, ne me demandez pas d’être Don Quichotte. Servantes a fait 5 ans de taule ici et en tant que captif. Je connais un peu ce problème. Non, non, je ne suis pas un Don Quichotte. Je suis quelqu’un d’extrêmement lucide, de très réaliste. Je m’appuierai sur les partis de la coalition et j’élargirai la participation à tous les partis qui sont pour la concorde civile et l’instauration de la paix. Ceux qui sont contre la paix, je leur enlèverai le fonds de commerce, parce que si les porte-parole du FIS disent qu’il n’y a plus de FIS et que d’autres partis veulent faire exister le FIS bien malgré lui, alors moi je pense qu’il y a anguille sous roche et qu’il y a autre chose que l’on cache et qu’on ne veut pas me dire.
Patrick JARREAU : Monsieur le Président, vous avez dit : » avant la démocratie, il faut la paix « . Alors, il n’y a plus de FIS, mais il y a toujours un ou des GIA et les violences n’ont pas cessé en Algérie. Il semblerait même que depuis quelques temps, elles reprennent.
Président BOUTEFLIKA : La démocratie est en marche dans le cadre de ce que peut faire l’Algérie. La démocratie de la paix c’est une phase qualitative nouvelle. Mais pour l’instant, ne me dites pas qu’il n’y a pas pluralisme et qu’il n’y a pas liberté d’expression.
Patrick JARREAU : ça n’est pas ma question. Ma question portait sur les violences et sur leur reprise d’intensité, sur le fait que l’ANP et l’AIS…
Président BOUTEFLIKA : A partir du référendum, je vous dirai que c’est tout à fait clair. Qu’il n’y a pas un moyen qui soit à la disposition de l’état qui ne sera utilisé pour éradiquer la violence.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur le président, nous allons marquer une pause pour les informations de 19 heures. Et puis ensuite, on parle de l’évolution de la société algérienne, de la place des femmes et puis comment fournir des emplois aux jeunes et puis des relations avec la France.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur le Président, nous reprenons donc avec une question de Patrick JARREAU qui a trait encore au terrorisme.
Patrick JARREAU : Oui, Monsieur le Président, vous avez évoqué à deux reprises, depuis le début cette émission, le problème des disparitions, c’est-à-dire de ce qui apparaît aux yeux d’un certain nombre d’acteurs de la société algérienne comme des crimes commis sans explication et peut-être imputables à des services de sécurité. Est-ce que vous êtes prêt à faire, sur ce plan là, la clarté et comment ?
Président BOUTEFLIKA : D’abord, je vous met à l’aise, mon neveu, le fils de mon frère fait parti des disparus, donc j’appartiens aux familles de disparus, c’est un problème que je ressens au même titre que les familles de disparus. Ceci dit, dans la tragédie nationale, il y a une situation qui est d’une telle confusion qu’en fin de compte je vous laisse à vous la responsabilité de dire que les services ont fait disparaître des gens, c’est votre responsabilité. Je ne suis pas sûr qu’il n’y ait pas eu des règlements de comptes, je ne suis pas sûr que des gens n’ont pas été tout simplement, je ne sais pas, Dieu me plaise, mis dans de l’acide sulfurique par des terroristes, je ne peux pas me prononcer sur un tel problème. J’ai, par exemple, un problème qui est extrêmement grave pour moi au Moyen-Orient, je bénéficie à la fois de la confiance de l’Irak et de l’Iran, de l’Irak et du Koweït. Les koweïtiens me demandent d’intervenir, de faire valoir mon amitié avec l’Irak pour retrouver 605 disparus. Les Irakiens me disent qu’ils n’ont pas de disparus. Je ne sais pas quoi dire, je sais qu’il y a eu une guerre terrible, fratricide entre le Koweït et l’Irak et c’est triste, c’est triste, c’est triste, je suis désolé de le dire mais dans une guerre, dans une situation confuse, dans une tragédie nationale, il y a une part que j’appelle les pertes et profits. Je suis incapable pour ce qui me concerne de répondre, au poste où je suis, à cette question, par contre, il est tout à fait clair, il est éminemment politique, il est éminemment moral, il est de mon devoir de faire la clarté, la lumière des choses pour autant que je puisse avoir quelques informations. Avec les moyens de l’état et si d’autres pays veulent m’aider, je suis prêt. Non, ne prenez pas, ne sautez pas sur l’occasion, il n’y aura pas d’ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie, jamais.
Olivier MAZEROLLE : Mais comment les autres pays peuvent-ils vous aider ?
Président BOUTEFLIKA : Ils peuvent peut-être me dire que à tel endroit vous avez, s’il y a des coopérations entre services, il y a des coopérations entre services, ils peuvent me dire vous semblez faire confiance à tel machin, c’est pas tout à fait, c’est pas aussi clair que vous le pensez, il y a des coopérations entre services, y compris entre les services algériens et les services français. Donc de ce côté là c’est ? ? ?, mais le problème de l’ingérence, ne sautez pas dessus, il n’y aura pas d’ingérence en Algérie, tant que je suis là.
Patrick JARREAU : Mais est-ce qu’il peut y avoir une commission d’enquête en Algérie, est-ce que vous pouvez ?
Président BOUTEFLIKA : Monsieur, la commission d’enquête, elle ne peut être que nationale.
Patrick JARREAU : Nationale, j’entends bien, est-ce qu’on peut imaginer de mettre en place une telle commission ?
Président BOUTEFLIKA : Je n’ai rien contre. Mais les problèmes algéro-algériens seront réglés par les algériens et uniquement les algériens.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous n’avez rien contre, Monsieur le Président, ou est-ce que vous dites aujourd’hui moi je donne mandat à la justice algérienne de faire la lumière sur ces disparitions et sur les responsabilités dans un certain nombre de crimes, et que seront punis ceux qui les ont perpétrés quel qu’ils soient, même si c’est les services de sécurité ?
Président BOUTEFLIKA : J’ajoute que non seulement je donne acte à cela, à ce que vous dites, je souscrit à 100 % avec quelque chose en plus. Est-ce que vraiment la justice en Algérie joue son rôle, je vous ajoute.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et vous déplorez qu’elle ne le joue pas ?
Président BOUTEFLIKA : Je le déplore oui, je le déplore.
Olivier MAZEROLLE : C’est-à-dire, que fait-elle ? Qui ne lui fait pas jouer son rôle ?
Président BOUTEFLIKA : En fait, constitutionnellement, la justice est indépendante, ce qui n’est même pas le cas de la France, après beaucoup de, c’est-à-dire que disons pour simplifier que le juge n’obéit qu’à la loi. J’ai déjà eu l’occasion de le dire c’est le moment de le redire et de le marteler, le juge en Algérie, pas tous, mais enfin beaucoup de juges obéissent à toutes sortes de points, de zones d’influence sauf à la loi.
Olivier MAZEROLLE : Alors puisqu’on parle de la société algérienne, Monsieur le Président, on aurait d’autres questions à vous poser sur ce thème, tout d’abord le rôle des femmes. On les a beaucoup entendu, en tout cas certaines d’entre elles, dans la lutte contre le terrorisme, prendre la parole, réclamer une évolution de cette société. Est-ce que vous considérez que le statut de la femme en Algérie est à revoir ?
Président BOUTEFLIKA : Moi je ne peux pas me mettre à la place du législatif. Ce qui est absolument certain c’est que pour ce qui me concerne, à partir des responsabilités qui sont les miennes je pousserai la promotion de la femme et l’émancipation de la femme du mieux que je peux, dans le cadre de mes attributions, il y a un exécutif, il y a un législatif, et il y a un pouvoir judiciaire.
Olivier MAZEROLLE : Vous pouvez influencer l’exécutif quand même ?
Président BOUTEFLIKA : L’exécutif oui bien sur.
Olivier MAZEROLLE : Alors qu’est-ce que vous pouvez faire, quelles sont vos idées là dessus ?
Président BOUTEFLIKA : Oh, j’ai commencé par nommer une femme » Walli « , c’est-à-dire préfet, ce qui est une première depuis l’indépendance de l’Algérie, il me déplaît de vous dire que il y avait d’autres femmes qui pouvaient être promue au même poste et qui sont au ministère de l’intérieur, qui ont la compétence pour et on m’a dissuadé en me disant » tu vas gérer des caractères extrêmement difficiles. Donc,
Patrick JARREAU : Et vous vous êtes laissé dissuader ?
Président BOUTEFLIKA : J’ai juste et tout juste le temps de gérer les affaires de l’état alors quand j’aurai le temps de gérer des caractères, je m’y attellerai.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais indépendamment des caractères, est-ce que par exemple vous souhaitez une abrogation du code de la famille aujourd’hui ?
Président BOUTEFLIKA : Non, je suis en train de manipuler une société explosive. Je suis obligé de faire une espèce de distinguo entre ce que moi je souhaite et ce que je peux faire. Et entre ce que je souhaite et ce que je peux faire
Patrick JARREAU : Il y a une grande distance ?
Président BOUTEFLIKA : Il y a une distance, grande, petite, je ne sais pas mais ce qui est absolument certain c’est que la société évolue et ce qui est absolument certain c’est que la société va de l’avant, elle n’avance pas à reculons, ça c’est tout à fait clair.
Pierre-Luc SEGUILLON : Votre souhait personnel, par tempérament, c’est une société où il y aurait beaucoup de liberté…
Président BOUTEFLIKA : Moderne, moderne……
Pierre-Luc SEGUILLON : Et pour les femmes notamment.
Président BOUTEFLIKA :Moderne .
Patrick JARREAU : Et vous avez dit, tout à l’heure, Monsieur le Président, que la société algérienne ne pourrait jamais être laïque, pourquoi dites vous cela ?
Président BOUTEFLIKA : Pour une raison très simple, c’est que la laïcité en France a une histoire. Elle a une histoire que nous connaissons, nous venons tous de l’école française, ça n’est pas le même phénomène en Algérie. Le phénomène en Algérie c’est que l’islam a été l’un des facteurs de l’émancipation du peuple algérien.
Patrick JARREAU : Oui mais pas le seul, le FLN a été ? ? ?
Président BOUTEFLIKA : L’Islam a été l’un des facteurs principaux de l’émancipation de l’Algérie contre le colonialisme français. Alors je ne détruis pas ce qui est un ciment très fort du peuple algérien, non la laïcité n’est pas un fantasme algérien pas plus, pas plus qu’une société islamique, non.
Patrick JARREAU : Alors qu’est-ce que c’est qu’une société qui n’est ni islamique, ni musulmane donc, ni tout à fait laïque ?
Président BOUTEFLIKA : Elle est musulmane, les théories qui ont un peu perturbé la société c’est l’islamisme politique. Mais la société algérienne a toujours été une société musulmane.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais ca veut dire que la loi coranique prévaut ?
Président BOUTEFLIKA : La loi coranique prévaut quand nous pouvons l’appliquer. Mais enfin vous savez, est-ce que la loi coranique est appliquée dans quelque pays du monde que ce soit, même si ces pays se considèrent comme étant islamique.
Olivier MAZEROLLE : Comme en Arabie Saoudite ?
Président BOUTEFLIKA : Je ne veux pas porter de jugement de valeurs sur tel ou tel pays, j’ai été ministre des affaires étrangères, donc je ne peux pas comme cela ;
Olivier MAZEROLLE : Revenons en Algérie, je voudrais vous parler d’un autre problème qui je crois est important pour vous, c’est celui des jeunes, ils sont très nombreux en Algérie, les moins de 20 ans, 25 ans, et ils ont énormément ..
Président BOUTEFLIKA : Je crois que les jeunes ont toujours été très nombreux en Algérie depuis l’indépendance.
Olivier MAZEROLLE : Et ils ont beaucoup de mal à trouver du travail. Alors comment allez vous leur permettre d’envisager un avenir meilleur, plus solide ?
Président BOUTEFLIKA : Je n’ai pas de recette magique.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais vous avez peut-être un projet ?
Président BOUTEFLIKA : Non, j’ai un projet mais je n’ai pas de recette magique. Il est tout à fait clair que passons de la société socialiste et de l’économie dirigée à l’économie de marché sous l’autorité du FMI c’est pas une sinécure ni une épreuve non traumatisante pour un peuple et un état, quel qu’il soit. Je crois même pouvoir dire que lorsque le FMI est venu au Maroc ça c’est traduit par des émeutes, en Tunisie par des émeutes, en Egypte par des émeutes et au Soudan par des émeutes. Si ça ne s’est pas traduit par des émeutes en Algérie, les émeutes du pain, c’est simplement parce qu’il y avait un problème sécuritaire. Donc ce problème est extrêmement difficile, il est extrêmement difficile en ceci que , ma thérapie est simple, vous n’aurez aucun sou de l’épargne nationale ou internationale s’il n’y a pas la paix et la sécurité. A partir du moment où il y a la paix et la sécurité, vous aurez plus d’argent étranger que d’argent national parce que les nationaux qui surtout ont des biens mal acquis et auxquels j’accorde une amnistie, je veux l’accorder publiquement devant l’opinion internationale toute entière, une amnistie complète et totale, l’essentiel c’est qu’il puisse réinvestir leur argent ici me permettra de créer du travail ? ? ? ?
Olivier MAZEROLLE : Pardon Monsieur le Président mais est-ce que vous imaginez la réaction de ceux qui vous entendent là, qui se disent bon ben il y en a qui s’en sont mis plein les poches, on va les amnistier, moi ma famille elle est restée pauvre et je suis amené à redémarrer de zéro.
Président BOUTEFLIKA : Je ne suis pas un moraliste, je suis un homme pragmatique. J’ai des problèmes à régler, je les règle avec les moyens dont je dispose. Si ces moyens voulaient toutefois venir parce que je ne suis pas sur qu’ils viendraient mais j’essaye d’être clair, j’essaye d’être clair en disant que je suis capable de prendre mes responsabilités vis-à-vis du peuple algérien en disant ça ne fait rien, vous vous êtes bien rempli les poches, revenez, investissez, gagnez de l’argent mais gagnez le cette fois-ci légalement, légalement. Bon. Une fois la paix revenu, vous savez la potentialité de l’Algérie autorise des engagements par milliards de dollars, par milliards d’euros si vous souhaitez. A ce moment là, je pense qu’il y aura un peu plus de problèmes et qu’il y aura un peu plus de mesures sociales qui pourraient être accompagnées de travail mais il est tout à fait clair que je voudrais vous dire, avec la plus grande franchise, une chose, moi j’appartiens à la période socialiste de l’Algérie, l’état providentiel est mort, nous ne sommes plus capables, l’état tel qu’il est au moment où je vous parle n’est plus capable de donner du travail à tout le monde, n’est plus capable de loger tous ceux qui ne sont pas loger, il n’est plus capable de donner une place à l’école à tous les enfants de l’Algérie, il n’est plus capable de soigner tous les algériens. L’état providentiel est mort et je tiens à le répéter au peuple algérien, par contre il y a une richesse qui n’est pas morte c’est que nous avons un champ de l’agriculture qui est tout aussi immense, tout aussi enviable que celui du Maroc et celui de la Tunisie.
Olivier MAZEROLLE : Pardon Monsieur le Président mais on va, je suis obligé de m’adresser à mes deux camarades, mais il faut que nous parlions maintenant des rapports de l’Algérie avec la France parce que le temps passe, alors Patrick JARREAU, une question sur ce problème.
Patrick JARREAU : Alors d’abord, est-ce que vous avez avancé dans vos relations avec l’exécutif français, il était question d’une visite de votre part, prochainement en France, vous aviez par ailleurs lancé une invitation à Jacques CHIRAC a venir en Algérie, où en est-on ?
Président BOUTEFLIKA : Est-ce que vous parlez de visite ou vous parlez de solutions des problèmes ou vous parlez de relation entre l’Algérie et la France ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Qu’est-ce que serait une visite qui ne serait pas une visite pour rien ?
Président BOUTEFLIKA : Les relations entre l’Algérie et la France, quand elles sont bonnes, elles sont bonnes, quand elles sont mauvaises, elles sont mauvaises, mais dans tous les cas de figure elles existent, elles ne peuvent pas ne pas exister.
Olivier MAZEROLLE : Et comment sont elles en ce moment ?
Président BOUTEFLIKA : Actuellement elles sont en voie de bonification.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous avez pardonner au gouvernement français les propos qu’il a tenu au moment de votre élection ?
Président BOUTEFLIKA : C’est pas important quand il s’agit de moi. Je suis soupçonneux quand il s’agit de l’Algérie et de la souveraineté nationale, mais quand il s’agit de ma personne qu’est-ce que je peux compter, dans l’histoire, entre deux grands peuples qui ont une histoire commune. C’est pas important du tout.
Olivier MAZEROLLE : Passerez-vous par Paris à la fin de la semaine ?
Président BOUTEFLIKA :Non, je ne passerai pas par Paris.
Olivier MAZEROLLE : C’est prématuré ?
Président BOUTEFLIKA : Non, je pense que les relations entre Paris et Alger ont une telle singularité que si je devais aller à Paris, je vais à Paris à partir de la capitale algérienne, à partir d’Alger. Paris ne peut pas être un transit ni à l’aller, ni au retour.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors si Paris n’est pas un transit, si c’est une visite qui peut être préparée, organisée, quelle devrait en être selon vous, le menu, les grands dossiers ? Sur quoi attendez vous la France aujourd’hui ?
Président BOUTEFLIKA :Moi je ne sais pas, j’ai peut-être une ambition démesurée pour les relations entre l’Algérie et la France et je ne vois pas de domaine dans lequel la coopération n’est pas possible, je pense même que la coopération est impérieuse entre les deux pays d’autant que même sur le plan politique il y a une approche des relations internationales qui est similaire entre Paris et Alger.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que par exemple vous souhaiteriez que la France, si vous le demandez, intervienne ou joue de son influence pour un rééchelonnement de la dette de l’Algérie dans les instances économiques internationales ?
Président BOUTEFLIKA : Je suis très intéressé par cela bien entendu, je suis très intéressé par le fait que déjà nous avons une dette importante vis-à-vis de la France, il y a une partie publique et il y a une partie privée. Généralement ? ? on trouve plus facilement des solutions pour la partie publique que pour la partie privée, il y a l’aide de la France avec les autres créanciers de l’Algérie, en tout cas il est tout à fait clair que si la France décidait d’aider l’Algérie elle en a les moyens. Maintenant, je tiens à faire dire à la France, son peuple, son gouvernement, ses dirigeants, mes amis et les autres, que l’Algérie est tout à fait disposée à aller aussi loin que le peuple français et ses dirigeants le souhaitent.
Patrick JARREAU : Juste sur la dette, est-ce que vous allez demander le rééchelonnement de la dette algérienne ?
Président BOUTEFLIKA : Si on, les conditions sont bonnes je le ferai, si il y a une atmosphère tendue, je préfère détendre l’atmosphère.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur le Président considérez-vous que les deux pays ont franchi un pas dans la manière de se regarder l’un et l’autre, par exemple, en France on a mis beaucoup de temps à aborder les dossiers de la guerre d’Algérie avec sérénité, en Algérie, pendant de nombreuses années, ceux qui voulaient affirmer leur pouvoir s’en prenaient à la France parce que c’était une manière de montrer l’indépendance et leur caractère d’indépendance. Est-ce que vous considérez que maintenant les deux pays ont franchi une étape dans cette évolution ?
Président BOUTEFLIKA : Ecoutez, moi j’ai une autre approche. Je pense que depuis 62, à la mort du Président BOUMEDIENNE, parce que d’un côté comme de l’autre, il y a eu une France forte, soucieuse de ces intérêts avec l’Algérie mais qui avait un vis-à-vis qui était fort et qui était soucieux de l’indépendance de l’Algérie. Malgré des crises. Il y a eu une crise en 63 sur le problème des bases, il y a eu une crise en 66 sur la dette publique, il y a eu une crise en 71 sur la nationalisation des hydrocarbures, et il se trouve que j’étais au premier plan de la crise, c’est moi qui menait la délégation algérienne.
Olivier MAZEROLLE : Il y a eu des conflits terribles à l’époque.
Président BOUTEFLIKA : Mais si vous voulez, je reviens à la formule magique du Général de GAULLE, quand je l’ai vu pour la première fois, en tant que jeune ministre de l’Algérie indépendante, il avait dit » vous et moi , c’est-à-dire vous les algériens et moi la France, Général de GAULLE, nous nous estimons bien parce que d’un côté comme de l’autre, nous nous sommes bien battus « . A partir de là, psychologiquement, vous êtes préparés à aller autant, et d’ailleurs je dois dire que quand le Général de GAULLE disait l’Algérie porte 3 du tiers monde, c’était pas Monsieur JOURDIN qui faisait de la ? ? ? sans le savoir, il savait exactement qu’il avait en l’Algérie un partenaire de choix et de qualité, nous avons fait de l’excellent travail en Afrique, dans le monde arabe, en Asie et partout dans le monde. La politique tiers-mondiste du Général de GAULLE était fait avec une très grande coordination avec l’Algérie. Le président POMPIDOU aussi. Jusqu’à l’affaire des jaguars les choses sont allés au mieux avec le président GISCARD. A partir de là, les problèmes ont commencé à battre de l’aile, je vais terminer, à partir du départ du président BOUMEDIENNE j’ai le regret de vous dire que, pas la France seulement, d’autres pays, ont trouvé une table de billard devant eux et ils ont joué tout seul. 20 ans après, ce qui les surprend, c’est que l’Algérie renaisse de ses cendres, qu’elle revienne, qu’elle dise enfin, écoutez j’existe ou je n’existe pas. Ca fait 20 ans qu’ils n’ont pas entendu ce son de cloche. Ca les surprend. Maintenant je commence à sentir qu’ils se disent en fin de compte, après tout, ça n’est pas tout à fait, c’est sensé, ce type là veut que son pays existe, et bien il demande pas l’impossible. Bien. Si on a compris cela, tout redevient possible et je veux voir très grand, je veux avoir beaucoup d’ambition pour redevenir l’Algérie…
Olivier MAZEROLLE : Mais vous croyez que de part et d’autre il peut ne plus y avoir d’arrières pensées ? Une autre génération … ?
Président BOUTEFLIKA : Dans les relations internationales, il y a toujours des arrières pensées mais en fin de compte elles ne résistent jamais à l’épreuve du temps.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce qu’à côté des bonnes pensées que vous avez à l’endroit de la France, je parle en matière économique, vous avez les mêmes à l’égard des Etats-Unis ? Vous avez reçu récemment la visite du sous-secrétaire d’état américain, est-ce que vous avez tenu à peu près le même discours, je parle sur le plan économique ?
Président BOUTEFLIKA : Je tiens absolument le même discours, je vais vous dire pourquoi. Mes problèmes économiques et sociaux sont tels que bien que l’Algérie ne soit ni à vendre, ni à acheter, l’Algérie, UN : tiens à sa souveraineté nationale et à son indépendance nationale qui passent par la diversification des partenaires ; DEUX : nous ferons la meilleure alliance possible avec ceux qui nous offrent le plus de chances possibles.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur le Président, simplement, un pronostic, c’est, à votre avis, c’est vous qui d’abord viendrait à Paris, en visite officielle, ou bien c’est le président CHIRAC qui viendra d’abord à Alger en visite officielle.
Président BOUTEFLIKA : Il n’y a pas de préalable, mais ce qui est absolument certain c’est que je sais que le président CHIRAC quand il voudra venir à Alger, il viendra de Paris sur Alger, le premier ministre aussi d’ailleurs et si moi je devais faire une visite à Paris, j’irai d’Alger, je n’irai pas du Caire.
Patrick JARREAU : Monsieur le Président, est-ce vous avez un message particulier nouveau pour les, je dirais, les différentes catégories de français qui sont originaires d’Algérie, ceux qui sont issus de l’émigration, ceux qui sont de familles qui ont quitté l’Algérie en 1962, parmi eux les juifs algériens qui étaient en Algérie depuis des siècles, est-ce vous avez aujourd’hui quelque chose de nouveau à leur dire sur la façon dont l’Algérie les considère ?
Président BOUTEFLIKA : Ecoutez, je crois que la tragédie de la guerre d’Algérie a été digérée après une génération, il faudrait quand même sortir des relations passionnelles pour aller vers des relations privilégiées. Les relations passionnelles faisaient que, pour peu qu’il y ait un bon événement, on faisait un hymne à la gloire de l’événement, pour peu qu’il y ait, que le cheval trébucha un petit peu pour que automatiquement on se mettait à frapper au mur des lamentations. Les choses partent de l’idée que nous ne devons pas oublier le passé, nous devons percevoir l’avenir, le présent avec beaucoup d’objectivité et de sérénité et avoir beaucoup d’ouvertures et d’optimisme pour l’avenir. C’est en tout cas ma démarche. Pour ce qui est de la communauté algérienne et non algérienne victime de ce que vous avez finalement convenu en 1999 a appelé la guerre d’Algérie à l’Assemblée nationale, il y a, je voudrais tout de suite vous étonner, les juifs algériens n’étaient des » décrets Crémieux ? » ? , sont plus algériens que moi ils ont quatre mille ans d’histoire dans ce pays, c’est pas des pieds noirs,
Patrick JARREAU : Des » décrets Crémieux » qui leur avaient donné la nationalité française ?
Président BOUTEFLIKA : C’est pas des pieds noirs, les juifs algériens ne sont pas des pieds noirs. Si ils avaient souche ici depuis quatre mille ans, mais les » décrets Crémieux » les ont dépravé, les ont amené vers une situation qui est tout à fait anormale
Patrick JARREAU : En les distinguant des musulmans, en leur donnant la nationalité française que les musulmans n’avaient pas, la citoyenneté que les musulmans n’avaient pas.
Président BOUTEFLIKA : Mais il est tout à fait clair que jusqu’à maintenant, moi quand je vois tel ou tel autre ami d’origine algérienne et qui est juif, nous nous rencontrons comme des frères.
Olivier MAZEROLLE : Mais qu’attendez vous de ces rencontres ?
Président BOUTEFLIKA : D’abord je pense que l’Algérie a besoin de tous ces enfants pour panser ses blessures et se refaire une place, et dans la région et dans le monde. Et il est tout à fait clair que je tends une main fraternelle à ceux qui peuvent nous aider ici ou ailleurs, de l’autre côté de la Méditerranée et je prends acte et prenez acte de ce que j’ai déclaré en ce qui concerne la communauté juive, sous réserves, sous réserves que ça serve de pont et que ce ne soit pas un facteur de double jeu et de duplicité.
Patrick JARREAU : C’est-à-dire ?
Président BOUTEFLIKA : C’est-à-dire je leur demande, en tant qu’algérien de m’aider à convaincre une société française dans laquelle ils sont intégrés, très clairement et je ne demande pas de la trahison, non, je demande simplement à ce que, par exemple, quand l’image de l’Algérie est défigurée, défigurée en veux-tu en voilà, dans les médias françaises, enfin qu’il y ait des gens comme Roger Hanin qui disent, non ça ne se passe pas comme cela, ça se passe pas comme ça, des gens comme Macias qui disent après tout vous gênez mon pays, je suis français c’est vrai mais ma terre natale c’est l’Algérie.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur le Président, il nous reste 3 minutes, Patrick JARREAU vous parlait également d’une autre catégorie de français, ce sont ceux qui étaient arabes – algériens, qui sont devenus français, qu’est-ce que vous avez à leur dire ?
Président BOUTEFLIKA : Ca c’est prématuré, je n’ai rien à leur dire pour l’instant sinon que le problème des harkis est un problème qui reste très sensible en Algérie. Le problème des harkis est un problème qui est aussi sensible, plus sensible en Algérie que les problèmes des collabos en France.
Olivier MAZEROLLE : Alors il y a les harkis, puis il y a aussi tout simplement les beurs, qui sont français ?
Président BOUTEFLIKA : Non les beurs sont des algériens, ils sont les bienvenus, ils sont des français, ils sont les bienvenus en France, les beurs constituent un potentiel de trait d’union extraordinaire entre l’Algérie et la France. C’est pour cela qu’en fin de compte nous n’arrivons pas à assimiler cette notion de banalisation des rapports entre Paris et Alger parce que en dehors des beurs, je dis bien en dehors des beurs, nous avons deux millions d’algériens qui sont algériens en Algérie et français en France, qui votent ici et qui votent là-bas.
Patrick JARREAU : Et les pieds noirs, Monsieur le Président ?
Président BOUTEFLIKA : Les pieds noirs, écoutez, s’il s’agit de l’OAS, je ne pense pas que nous allons rouvrir le dossier de l’OAS, j’ajoute ceci c’est que ils ont eu le courage de régler leur problème avec nous déjà en 62, donc c’est tout à fait clair que moi je ne fais pas, un peu comme les français qui arrêtent ce camarade de Mauritanie en disant qu’il a été tortionnaire chez lui.
Olivier MAZEROLLE : Et les autres ?
Président BOUTEFLIKA : Si les autres veulent venir, ils sont les bienvenus, notez.
Pierre-Luc SEGUILLON : Monsieur le Président, on arrive à la fin de l’émission, on a beaucoup parlé des relations de la France avec l’Algérie, mais on oublie pas que vous avez été aussi le ministre d’une Algérie qui a défendu le non-alignement et qui a joué un rôle international très important. Est-ce que aujourd’hui votre ambition est de restaurer ce rôle international en Algérie et notamment comment est-ce que vous voyez vos relations avec le Maroc, votre voisin ?
Président BOUTEFLIKA : Le monde a changé, nous ne sommes plus dans les années 70, pas plus que la situation internationale n’est dans celle des années 70. Par contre je suis conscient du fait que l’Algérie est incontournable dans la construction du Maghreb arabe, l’Algérie est incontournable dans toute politique méditerranéenne, je ne conçois pas de sécurité européenne sans une sécurité au niveau de la berge ou du rivage sud de la Méditerranée, c’est-à-dire le Maghreb arabe, c’est-à-dire même toute la partie sud qui va jusqu’au Moyen Orient, ce sont des pays arabes avec lesquels il faut faire et je pense que les pays maghrébins ont une place tout à fait privilégié, ils sont au premier rang vis-à-vis de l’Europe. Je pense que l’Algérie fait partie des quatre points cardinaux absolument incontournables du monde arabe, je pense que l’Algérie n’a de concurrent en Afrique que l’Afrique du Sud avec cette différence qualitative extrêmement importante c’est que nous nous sommes aux portes de l’Europe et l’Afrique du Sud est très loin. Je crois, je crois qu’avec un peu d’imagination en politique extérieure ça donne quelques cartes.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur le Président, nous vous remercions, nous avons passé une heure avec vous. Combien de OUI jeudi prochain, vous espérez ?
Président BOUTEFLIKA : Vraiment, je suis incapable de le dire, j’espère qu’il y en aura beaucoup.
Olivier MAZEROLLE : Merci Monsieur le Président, bonne soirée à tous.
Président BOUTEFLIKA :Merci infiniment.
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