Interventions de Abdelaziz Bouteflika
Interventions de Abdelaziz Bouteflika
APS, Samedi 10 Juillet 1999
II Texte integral de l’entretien accorde a la radio « africa numero un »
III integral des reponses aux questions des journalistes recus a la residence El-Mithak
I Texte integral de l’entretien accorde a la radio RFI par le president de la republique, M. Abdelaziz Bouteflika
Question : l’actualite algerienne est riche en evenements.
Sur le plan diplomatique, vous allez tres bientot recevoir le 35-eme sommet de l’OUA.
Et au niveau interieur, vous venez d’amnistier plusieurs milliers d’islamistes emprisonnes. Depuis votre election en avril dernier, vous affichez votre ambition de retablir la paix civile. Vous dites qu’il ne doit y avoir ni vainqueur ni vaincu et qu’il faut savoir pardonner. Pourtant la crise qui secoue l’Algerie depuis huit ans a fait au moins 100.000 victimes. Les dechirements sont profonds, les antagonismes aussi. Deja certaines voix s’elevent pour protester contre la liberation de ces activistes. Alors, meme si chacun veut la paix, reconcilier les algeriens est une tache plus que difficile. Comment comptez-vous vous y prendre ?
A. Bouteflika : Vous savez, je ne pense pas … Etre felicite pour faire un miracle.
J’essaye d’intervenir avec un minimum de bon sens pour examiner une tragedie qui va bientot avoir huit ans. Mon sentiment personnel est qu’il faut bien que les choses cessent, et principalement les epreuves. Ce n’est pas parce que nous aurons 200.000 morts ou 300.000 morts et trois millions de victimes du terrorisme que la paix serait meilleure. Il faut donc, a un moment ou un autre, arreter les frais. J’essaye de trouver une petite voie difficile a travers beaucoup d’ecueils.
Le probleme pour moi est simple. La premiere des choses que je ne negocierai avec personne, c’est l’institution republicaine. Ni imama ni khilafa.
C’est l’institution republicaine. Il se trouve que les algeriens sont aux portes de l’Europe et, tres rapidement, ils veulent atteindre precisement le niveau francais.
Parce que vous etes notre modele a cause de la culture, a cause de l’histoire, a cause de la proximite. Marseille, apres tout, n’est qu’a une heure de vol de l’Algerie. Et tout cela fait que ca se fait un peu dans une situation un peu cacophonique. Mais, dans l’ensemble, ca ne se passe pas trop mal, hormis l’aspect tragique des choses. Il m’est arrive de dire que l’arret du processus electoral en 1991 etait un acte de violence. Je confirme. C’etait un acte de violence reactionnelle contre une violence qui avait deja eu lieu auparavant et qui s’appelle Guemar.
C’est un acte de violence qui est venu apres une experience electorale au niveau des communes ou la violence verbale a atteint des sommets jamais, jamais, jamais atteints dans quelque pays que ce soit.
J’en viens au fait : je suis absolument decide a faire la paix, quoi qu’il m’en coute.
Cette paix se fera a partir de la constitution et du respect des lois de la republique.
La constitution de 1996 reconnait des partis. Elle en eloigne d’autres. S’agissant specifiquement d’un parti auquel vous pensez, par une decision de justice en 1992, il a ete mis hors circuit.
Je n’ai pas l’intention de refaire le monde. Je ne le referai pas, quand bien meme je le voudrais.
Une decennie tragique a laisse trop de plaies et de cicatrices dans ce pays pour croire qu’en un tour de main, on peut revenir dix ans en arriere. Par contre, il y a des situations tres concretes. Il y a des gens qui sont dans des maquis, il y a des gens qui sont dans des prisons. Alors la, de par les pouvoirs constitutionnels que j’ai, il semble que je peux faire quelque chose.
Il faut d’autant plus faire quelque chose que les uns me disent qu’ils sont fatigues et n’ont pas commis de crimes de sang, n’ont pas commis de viol et n’ont pas depose d’explosifs.
Et ils veulent rentrer chez eux. Et bien je prends sur moi d’expliquer a l’opinion publique nationale que, en fin de compte, bien fort est celui qui me dirait, il ne s’est jamais trompe dans la vie.
Donc, je les ferai rentrer chez eux. D’autres voudraient se battre contre d’autres organismes un peu plus radicaux. Ca sera examine. Les prisonniers, tous ceux qui n’ont pas de crimes de sang, tous ceux qui n’ont pas de viol sur la conscience, tous ceux qui n’ont pas depose d’explosifs dans les marches ou dans les ecoles ont ete gracies.
Question : Monsieur le president, si on se place sur le strict plan juridique, abassi madani et ali benhadj n’ont pas commis de crimes de sang. Alors pourquoi ils n’ont pas ete parmi les gens qui ont ete liberes au cours des derniers jours ?
A. Bouteflika : Vous parliez tout a l’heure de 100.000 morts, d’un million de victimes du terrorisme… Vous savez, nous sommes dans un pays ou il faudrait, sans aucun doute possible, faire un jour, quand les passions se seront calmees, l’effort de la definition du mot violence.
Il y a la violence a l’etat pur. Il y a une violence de la plume. Il y a une violence du mot. Il y a une violence de la pensee. Qui existe dans l’aile dite democratique, dans l’aile dite laique. Cette aile pense que toute la tragedie algerienne a pour origine MM. Abassi Madani et Ali Benhadj. Je ne suis pas don quichotte. Je ne lutte pas contre les moulins a vents.
Abassi madani est dans des conditions plus que confortables chez lui. Je le regrette pour Ali Benhadj. Il est dans des conditions moins confortables. Mais il est tout a fait clair que, aussitot que j’aurai le sentiment qu’il rejoint la constitution et qu’il entre dans le cadre de la republique, je prendrai mes responsabilites vis-a-vis du peuple algerien.
J’ajoute ceci : c’est qu’il est tout a fait clair que nous entrons dans le 21-eme siecle. Et j’appartiens a ceux qui ne croient pas au messianisme politique.
Je fais de mon mieux, je suis un homme de bonne volonte et j’essaye de ne marginaliser ni les uns ni les autres, de n’exclure ni les uns ni les autres, en sachant que les difficultes sont aussi bien a ma droite qu’a ma gauche qu’en face de moi que derriere moi. Et je ferai face. Je ferai face avec la meilleure volonte du monde sans prejuges et surtout avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de tolerance.
Question : la liberation de A. Madani et de A. Benhadj n’est pas d’actualite pour le moment, qu’en est-il de la levee de l’etat d’urgence que beaucoup de gens reclament ici en Algerie, qu’on attendait ?
A. Bouteflika: C’est un probleme qui concerne les responsabilites du president de la republique.
Le president de la republique est souverain pour prendre les decisions qu’il faut au moment ou il faut.
Question : ce n’est pas le moment actuellement ?
A. Bouteflika: non
Question : reconnaissez-vous Monsieur le president qu’il y ait des pesanteurs au sein de la societe algerienne et que certains voient d’un mauvais oeil les dernieres liberations par exemple, notamment ces familles des victimes ou toute cette frange de la population qui a soutenu pendant des annees cette politique anti-integriste, qui est desorientee.
A. Bouteflika: Moi, j’ai annonce la couleur depuis le debut.
J’ai dit que j’allais faire deposer par le gouvernement un projet de loi aupres du parlement, que, quels que soient les resultats que je pourrais obtenir aupres du parlement, j’irai vers un referendum populaire.
Et le referendum me permettra de savoir si le peuple veut la paix ou s’il veut autre chose.
Je suis son serviteur, je suis a son service.
J’appliquerai exactement ce qu’il voudra. Mais il est tout a fait clair que s’il veut la paix, je la ferai. S’il ne veut pas la paix, alors, a ce moment la, il faudra reexaminer une autre politique avec, peut-etre, d’autres hommes. Pourquoi pas ?
Question : je parlais il y a un instant des reticences d’une partie de la population ou d’une frange d’entre-elle — les familles des victimes et on peut le comprendre, de leur point de vue –, qu’en est-il de l’armee ?
Vous avez rencontre dernierement des officiers superieurs — vous remettiez des grades de generaux notamment — et vous avez declare a ces militaires que vous etiez fiers d’eux, de cette armee pour tout ce qu’elle a fait ces dernieres annees.
Mais est-ce que vous comprenez qu’il y a peut-etre une partie de cette armee — celle qui a ete en premiere ligne pendant toutes ces annees — qui, la aussi, peut-etre reticente face a votre politique de reconciliation. Et que lui dites vous ?
A. Bouteflika: D’abord, il faudrait que je vous dise que j’ai le redoutable privilege d’etre president de la republique, ministre de la defense et chef supreme des forces armees. Donc …je n’etais pas la comme de la creme chantilly sur un dessert.
Les officiers de l’armee ont eu la lourde charge, quand la societe a ete completement destabilisee et les institutions de l’etat mises par terre ou mises a mal tout au moins. Ils ont eu la lourde charge de sauver l’unite du territoire national, l’unite du peuple algerien, l’institution republicaine, ce qu’il restait de credibilite de l’etat. Ils ont ete le moteur, paradoxalement pour une armee, de la democratie.
Il fallait leur rendre hommage. Je tiens a le refaire. Je ne le referai jamais assez.
A travers cette ceremonie, je m’adressais aussi aux officiers qui n’etaient pas la, je m’adressais aussi aux soldats qui, a travers le territoire national, continuent a mourir pour que l’Algerie reste vivante.
Donc, il est tout a fait clair que c’est fort, je dis bien fort de l’appui populaire — parce que le peuple m’a elu et le dira ou inversement au referendum –, fort aussi de l’appui des institutions qui sont restees debout et qui ont su defendre l’institution republicaine, je continuerai a faire ce que je fais, tant que j’ai, a la fois, la legitimite populaire et l’aval des institutions qui ont defendu la republique.
Et l’armee n’est qu’une institution de la republique qui, dans des moments exceptionnels, a eu a exercer des pouvoirs de police.
En temps utile, elle reviendra a son role.
D’ailleurs, nous avons commence a etudier ce qu’un illustre general chez vous appellait l’armee de metier.
Question : Monsieur le president, certaines associations estiment jusqu’a 3.500 le nombre de personnes qui ont disparu en Algerie au cours des six dernieres annees. Leurs familles manifestent d’ailleurs regulierement pour demander des nouvelles.
Qu’est ce que vous comptez faire ?
A. Bouteflika: Ce dossier me tient a coeur d’autant que, moi-meme, je fais partie des familles qui ont un membre disparu. Mon neveu, le fils de mon frere, fait partie des disparus. Donc, je ne peux pas, ne serait-ce que sur le plan subjectif, etre insensible a leur douleur, a leurs preoccupations, a leur anxiete. Nous ne pouvons pas prendre tous les problemes, nous attaquer a tous les problemes.
Nous essayons d’abord de retablir la paix et la securite. Nous passerons aux autres dossiers avec leur douleur, leur tragedie, leur difficultes. Il y a peut-etre des disparus que nous ne reverrons jamais. Et pour ce qui est de mon neveu, je suis sur que je ne le reverrai jamais. Il y en a d’autres que nous retrouverons. Je crois meme avoir pris des contacts avec certains pays qui ont une experience tres poussee dans le domaine de l’identification des disparus. Peut-etre que parmi les morts, a travers les progres de la science et les progres de la genetique, nous pourrons peut-etre, par les formules d’ADN et je ne sais quelles autres choses plus compliquees, determiner les choses. Mais chaque chose en son temps.
On ne peut pas s’attaquer a tous les problemes en meme temps, faute de quoi on s’y perdrait.
Question: Monsieur le president, au moment de votre election, du fait du retrait des autres candidats, votre election a ete contestee par une partie des partis politiques en Algerie, par une partie de la communaute internationale. Qu’est ce que vous repondez, aujourd’hui, aux gens qui disent que le president cherche, a travers le referendum, a acquerir une legitimite qu’il n’a pas eue, en quelque sorte, au travers de la presidentielle ?
A. Bouteflika: Oh, vous savez, vous vous trompez completement si vous pensez que je suis la pour un fauteuil. J’ai fait une traversee du desert de vingt ans et on m’a propose des responsabilites tres importantes, y compris celle de chef de l’etat, et je les ai ecartees.
Donc, je ne suis pas la…je n’exerce pas le pouvoir pour le pouvoir.
J’ajoute ceci : c’est que, meme si je n’aime pas beaucoup cette constitution, je m’y conforme. Cette constitution stipule que lorsque le conseil constitutionnel a accepte le dossier d’un candidat, celui-ci ne peut se retirer qu’en cas de deces ou de force majeur — c’est a dire il devient inapte physiquement –.
Quand je suis alle depose mon bulletin de vote, parce que je considerais que je n’avais pas du tout a violenter la constitution — et toute a l’heure, j’ai dis que l’arret du processus electoral a ete un acte de violence. Ceux qui ont violente la constitution ont commis un acte de violence vis-a-vis de la constitution. C’est-a-dire, c’est exactement ce qu’il veulent reprocher a l’armee en 1991.
Alors, pour ce qui me concerne, j’ai fait mon devoir de citoyen en ajoutant un commentaire qui n’est pas passe inapercu ni dans la presse nationale ni dans la presse internationale : que -si je n’avais pas une majorite tres confortable, je rentrerai chez moi-.
Cette majorite, je l’ai eu. Je le prouve tous les jours. J’aurai voulu que vous soyez au stade du 5 juillet pour voir 100.000 jeunes m’applaudir.
J’aurais voulu que vous soyez hier avec moi a Constantine pour voir les jeunes m’applaudir. Vous savez, je ne suis pas un mal elu. Et, c’est parce que je suis plein d’humilite, que je vous dirai que les six cavaliers qui etaient en face de moi n’auraient pas fait le poids. Je le dis en toute humilite.
Question : Monsieur le president, nous allons parler maintenant des relations entre la France et l’Algerie.
Des relations souvent compliquees, souvent passionnelles. Il semble, cela dit, qu’on assiste a un rechauffement. On sait qu’au moment de votre election, le ministere francais des affaires etrangeres s’est declare preoccupe. Et puis, depuis, il y a un rechauffement entre Paris et Alger.
Le president Chirac s’est dit meme pret , le moment venu, a se rendre a Alger.
Avez-vous des informations la dessus, etes-vous pret a le recevoir et, vous-meme, etes-vous pret a vous rendre en France ?
A. Bouteflika: D’abord, je voudrais repeter quelque chose que j’ai dit a Crans Montana et qu’on ne semble pas prendre au serieux.
Si le president de la republique ou le premier ministre francais venaient en Algerie, je serai a leurs cotes et je donnerai conge aux services de securite.
Le peuple algerien saura nous proteger.
Retenez le pari, retenez le pari.
Je donnerai conge aux services de securite et je serai a leurs cotes.
C’est le peuple algerien qui nous protegera.
La deuxieme chose, je crois que, en fin de compte, les conditions dans lesquelles l’Algerie a accede a l’independance ont laisse un gout amer aussi bien chez les uns que chez les autres. Nous avons gere cela tant bien que mal avec le maximum de sagesse, et a Paris et a Alger.
Mais de temps en temps, il y a comme des piques de fievre ou des piques de tension — comme ca, on ne sait pas pourquoi –.
Ces dernieres annees, la situation dans mon pays a fait que ses principaux partenaires ont joue sur une table de billard. Ils etaient seuls a jouer. Ils ont oublie, en fin de compte, qu’ils pouvaient avoir a faire a un partenaire, libre, serein et ombrageux sur son independance.
Ils ont pris de mauvaises habitudes.
Je suis venu simplement rappeler les regles des relations internationales. Fort du fait que la France a des atouts que d’autres pays n’ont pas — c’est la culture, c’est l’histoire commune, c’est la geographie –.
Mais la France ne peut pas partir du principe, trop simpliste de mon point de vue, que les algeriens ne sont que des fondes de pouvoir, charges de defendre ses interets en son absence lorsqu’elle est defaillante.
Voyons, voyons, voyons. Ca ne peut pas se passer comme cela. M. Chevenement est venu.
Nous avons eu une conversation tres, tres franche. Et je voudrais le remercier d’avoir eu la bonte de m’ecouter, peut-etre meme — j’ai la faiblesse de croire — la bonte de me comprendre.
Le president de la republique francaise m’a donne les signes forts dans lesquels je crois — le premier ministre aussi –… J’ai l’impression que l’on attend le passage du sommet de l’OUA pour essayer de prendre des initiatives d’un cote comme de l’autre.
Vous savez, je ne suis pas un professionnel de la polemique ou de la diatribe. Et ca me peine d’autant de le faire lorsqu’il s’agit de partenaire pour lesquel j’ai un faible certain. Mais, quand il s’agit de defendre legitimement les interets fondamentaux de mon pays, je ne peux reagir que comme un etre profondement blesse. Je voudrais vous charger simplement de dire que je fais tres, tres bien la difference entre la semantique et les actes concrets.
Question: Monsieur le president, Alger accueille dans quelques jours le sommet de l’OUA. Vous avez, vous-meme, initie un certain nombre de rapprochements avec l’un de vos voisins qui est le Maroc.
Pensez-vous que le Maroc doit reintegrer l’OUA, sachant qu’il fait de l’exclusion de la RASD un prealable ?
A. Bouteflika: Moi, je pense que tous les etats africains doivent faire partie de l’OUA.
Qui plus est dans ce cas precis. Le maroc est absent parce qu’il a decide de s’absenter. Le Maroc est un membre fondateur. Le roi du Maroc est un membre fondateur. C’est l’un des peres fondateurs de l’OUA. Donc, il ne s’agit pas du tout de « membreship ».
Le Maroc est membre de l’OUA.
Maintenant, il se trouve que l’evolution du probleme sahraoui a fait que la RASD est membre de l’OUA.
Le Maroc ne semble pas l’accepter. Revenons aux problemes, si vous voulez, entre l’Algerie et le Maroc.
Ils ont deux volets. Il y a le volet sahraoui. Apres huit ans de lutte pour l’independance nationale, l’Algerie a rejoint le concert des nations par la voie de l’autodetermination.
Qui plus est, nous avons defendu le principe d’autodetermination pour Belize, pour Brunei, pour Timor, pour le Sahara Occidental qui etait etudie en dossier aux Nations-Unies.
Je ne peux pas imaginer que l’Algerie puisse defendre un principe la-bas au sud de l’Indonesie et fermer les yeux a ses frontieres.
Nous defendons un principe, nous le defenderons jusqu’au bout. Par chance … Les deux protagonistes acceptent les resolutions des nations unies et ont signe des accords a Houston. Nous demandons, pour ce dossier la, strictement l’application immediate et rapide — et plus rapide elle sera faite, mieux elle arrangera tout le monde — du referendum d’autodetermination sur le Sahara Occidental.
Donc voila un probleme qui se pose entre sahraouis et marocains.
Volet des relations bilaterales. Vous savez, apres ces malheureux evenements, ce malheureux attentat de Marrakech, les autorites marocaines, a tort ou a raison — je crois que M. Pasqua avait prouve que c’etait a tort — avaient suspecte l’Algerie d’avoir ete derriere ces evenements.
Bon, depuis, les marocains nous ont donne acte du fait qu’ils s’etaient trompes dans leur appreciation et dans leur information. Ils ont instaure un visa. En reponse, nous avons ferme la frontiere. Je dois vous dire que ni les visas ni la fermeture des frontieres ne reglent le flux migratoire entre les deux pays qui ont une frontiere immense et incontrolable.
Je crois que la politique — c’est une lapalissade mais elle doit etre soulignee tout de meme — n’est faite que par des hommes. A partir du moment ou la confiance revient entre les hommes, ils peuvent faire une bonne politique. Tant qu’il y a mefiance entre eux, ils ne peuvent faire qu’une mauvaise politique. Nous essayons de redonner vie a la confiance entre les dirigeants des deux pays.
Question : Est-ce que vous allez rencontrer le Roi Hassan II bientot ?
A. Bouteflika: Non, je ne crois pas qu’il assistera a l’OUA.
Question : il n y a pas de rencontre de prevu avec vous ?A. Bouteflika: Tres probablement que nous ferons… Nous sommes entrain de preparer a l’automne (une reunion) de l’union du maghreb arabe qui devient un imperatif et une necessite pour tout le monde.
Il y a un sommet arabe qui se prepare au Caire. J’espere qu’il se fera. En tous cas, l’Algerie le soutient.
J’ajoute ceci : c’est que, pour ce qui me concerne, je ne suis pas tres formaliste. Le roi du Maroc est plus ancien que moi sur le plan de la responsabilite. Et, sur le plan de l’age, il est mon aine. Il est tout a fait clair que, des que les conditions psychologiques, politiques et morales seront reunies, je saurais honorer le droit d’ainesse.
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Presidence/Medias : Texte integral de l’entretien accorde a la radio « africa numero un » par le president de la republique, M. Abdelaziz Bouteflika
Alger – Le president de la republique, M. Abdelaziz Bouteflika, a accorde, jeudi 8 juillet, un entretien a la radio africaine « africa numero 1 », dont voici le texte integral:
Question: M. Le president de la republique, 21 ans apres, Alger accueille a nouveau, l’organisation de l’unite africaine, quel sens profond doit-on donner a cet evenement?
Reponse: Je pense que vous etes en train de vous tromper de date. Le dernier sommet de l’Oua qui s’est tenu a Alger, c’etait en 1968 exactement. Il etait tout a fait normal, d’ailleurs, que l’Algerie laissa a d’autres pays africains l’honneur de recevoir l’organisation de l’unite africaine a tour de role, puisque cela se fait de cette maniere.
Je pense d’abord que c’est un anniversaire et pas n’importe quel anniversaire, c’est le 35eme anniversaire de la creation de l’Oua. Je pense que lorsque l’organisation de l’unite africaine a ete creee, l’Afrique avait comme priorite, a aborder le probleme de la decolonisation, de la lutte contre l’apartheid et la discrimination raciale et la decolonisation au sens propre du terme et au sens egalement, economique et social.
Il y avait de nombreux pays africains qui etaient sous dependance coloniale, vous en souvenez. Il y avait l’Afrique australe qui etait entierement dominee par l’apartheid. Mais il y avait aussi des independances qui etaient venues dans ce qu’on appelle la loi-cadre et qu’il fallait que l’organisation puisse donner un elan, un souffle nouveau de nature a accelerer le processus d’emancipation du continent.
Dans les annees 1970, l’Oua s’est occupee de la solution de tres, tres nombreux problemes, principalement, d’ailleurs depuis sa creation. Des problemes de frontieres, tres meutriers, des problemes de secession pour ne penser qu’au Biafra et Shaba et des difficultes intervenues ca et la, dans le continent et dans toutes les parties du continent et aucune region n’a ete epargnee.
A ce titre, je dois rendre un vibrant hommage a tous les dirigeants africains et aux peres fondateurs qui ont su se hisser au niveau de leurs responsabilites historiques pour regler les problemes africains dans le cadre de la famille africaine, laissant de cote les aspects quelquefois, dangereux de l’internationalisation des problemes et des conflits.
Ce sommet serait le dernier sommet du 20eme du siecle et a ce titre, il marque une etape extremement importante. Nous allons entrer dans une civilisation qui est sans aucun doute possible, tout a fait inedite, tout a fait unique dans l’histoire de l’humanite.
C’est la civilisation de l’informatique, de la robotique, de la conquete de l’espace, de toute sorte de technologies, dans lesquelles malheureusement, et je ne peux que vous dire, que l’Afrique est tres en retard. Qui plus est, l’Afrique est passee par des moments extremement difficiles, instabilite par ci, guerres par la, genocides ailleurs et catastrophes naturelles, calamites naturelles, telles que la secheresse et la desertification, problemes endemiques de sante tels que le sida et d’autres malheurs.
Je crois qu’il faut faire l’etat des lieux. Il faut tres rapidement se pencher sur ce qui a ete realise et ce qui a ete realise est considerable, voir ce qui restait a faire, et il reste beaucoup a faire. Tout d’abord, il faut regler les conflits qui persistent encore, en tout cas, essayer de les approcher: la situation dans les grands lacs, en angola, en erythree et ethiopie. On a toute sorte de problemes.
Question: Pour la resolution de ces problemes, quelle va etre la methode Bouteflika?
Reponse: il n’y a pas de methode Bouteflika. C’est la methode de l’Oua. L’Algerie est membre de l’Oua au meme titre que les autres pays. Il se trouve que mon pays a l’immense honneur, l’insigne honneur de recevoir le sommet de l’Oua au plus haut niveau et si j’appartiens a la generation qui a fait les premiers pas avec l’Oua a sa creation, je suis loin, tant s’en faut, d’etre le doyen des chefs d’etat. Il y en a qui sont la depuis tres longtemps, qui sont beaucoup plus experimentes, qui n’ont jamais cesse d’exercer le pouvoir et qui, par voie de consequence, connaissent les dossiers mieux que moi.
C’est un forum extremement democratique et familial dans lequel, selon l’excellente tradition africaine, le droit d’ainesse joue un role considerable et nous avons nos sages. Et, la methode Algerienne, c’est de s’inserer dans la sagesse africaine.
L’Algerie est profondement ancree dans le continent. Elle a joue un role historique dans l’emancipation du continent et c’est naturellement qu’elle doit apporter sa contribution avec les autres.
Question: quand vous parlez de contribution, vous faites allusion par exemple a une force africaine de maintien de la paix?
Reponse: Si telle est la volonte des chefs d’etat, et il ne m’appartient pas a moi seul de decider de telle ou telle chose. Je ne peux pas prejuger des decisions qui seront prises, mais il est tout a fait clair que toutes les initiatives qui serviront le renforcement de l’Oua, seront absolument soutenues de facon morale, politique et materielle par l’Algerie.
Question: M. Le president, en matiere de democratie, les elections se deroulent dans la polemique a travers le continent, est-ce que, a votre avis, l’Oua peut aider a enraciner le processus democratique en Afrique?
Reponse: Je crois qu’il y a meme des theses qui sont judicieuses, qui sont avancees. Je pense en particulier au maalimo, le sage, le president Nyerere a meme une opinion personnelle qui n’est pas loin du bon sens qui consiste a ne pas reconnaitre les pouvoirs de fait qui s’installeraient par la force. C’est une approche extremement civilisee, en tout cas tres democratique, je ne peux pas prejuger de ce que feront mes pairs.
Ce qui est absolument certain, c’est que il serait dommage que, au moment ou le monde entier s’achemine vers la democratisation des systemes en place, il est dommage que le continent africain, lui, donne le mauvais exemple en revenant a des moeurs revolues.
Question: la crise economique persiste malgre le programme d’ajustement structurel, les allegements de la dette, l’Oua se doit de promouvoir le developpement harmonise notamment, avec l’integration. Comment voyez-vous le developpement economique du continent?
Reponse: Vous savez, il y a des situations ou il y a une complementarite evidente entre les pays africains il y a, par contre, des situations tout a fait concurrentielles. Pour ce qui est des situations ou la complementarite est evidente, je crois qu’il y a des sequelles anciennes, d’aucuns diraient coloniales, ou souvent les pays africains travaillent les uns avec les autres au travers de la puissance ancienne, la puissance coloniale. Je voudrais travailler avec le nigeria, je passerais par le canal de Londres ou les nigerians passeraient par paris. C’est souvent sous forme d’operations triangulaires.
Je crois que nous n’avons pas trouve de mecanismes corrects pour vraiment promouvoir la cooperation sud-sud dont nous avons beaucoup parle, dont nous revons beaucoup et apparemment, nous ne sommes pas arrives a creer les mecanismes efficients de nature a rendre plus credible notre profession de foi.
Ce ne sont pas des problemes insolubles. Je crois que l’Afrique a un reservoir de cadres extremement competents et qui peuvent a n’importe quel moment relever le defi de la misse en place de ces mecanismes. Il reste maintenant la volonte politique. Je crois qu’il y a une maturation suffisante au sein du continent pour que cette volonte politique puisse se manifester cette fois-ci, car en fin de compte, qu’est-ce que nous sommes, face a la mondialisation, a la globalisation qui sont absolument incontournables, que nous le voulions ou non?
Donc, il est tout a fait clair que ce sont des regles de jeu qui viennent d’ailleurs et auxquelles nous devons nous adapter, mais il est tout a fait clair que nous souhaiterions etre associes a la definition de ces regles de jeu.
Nous souhaiterions en tout cas, si nous n’etions pas associes comme nous le souhaiterions, nous voudrions tout de meme faire en sorte qu’un certain nombre de choses qui sont a portee de main en ce qui concerne les solutions pour les africains que ces choses puissent etre reglees par les africains, et je crois que c’est possible.
Question: autre croisade M. Le president, et c’est la, peut-etre la plus grande innovation du sommet d’Alger, c’est la dimension environnementale qui est un concept assez vague. Qu’est-ce que nous devons faire nous, en tant qu’africains en matiere d’environnement?
Reponse: je crois que nous avons l’un des plus beaux continents au monde, u.thant ne faisait pas de la poesie autrefois et U.Thant etait un homme politique qui avait toute la sagesse africaine et qui avait la dimension d’un visionnaire.
Il disait que notre continent etait le continent de l’avenir. De l’avenir bien sur, a condition que les enfants de l’Afrique et ceux qui ont le destin des pays africains puissent avoir une vision d’avenir correcte, s’y inscrire, s’y maintenir avec continuite.
L’environnement, je ne vous cacherai rien, je ne suis pas desobligeant a l’egard du continent africain en vous disant que c’est devenu le depotoir de tout ce que les pays industrialises ne veulent pas avoir chez eux, et a tres bon marche dans des conditions qui ne sont pas toujours tres flatteuses pour l’homme africain et pour la dignite africaine.
Je crois qu’il est tout a fait clair qu’en plus des erreurs que nous faisons nous-memes dans l’urbanisation, dans la destruction de l’environnement, le developpement des autres est polluant. Il est polluant peut-etre, chez-eux, il l’est davantage chez nous. Et quelques fois, il s’est fait dans des conditions pas tres flatteuses pour nous.
Donc, le moment est venu, quand meme, d’aborder le probleme. Nous n’avons pas que des qualites, nous avons aussi des defauts, nous avons des insuffisances. Et je pense que le debut de la sagesse, c’est de commencer a se regarder en face devant un miroir. Et dire ce que je vais faire pour ameliorer la situation et il est possible aussi d’ameliorer la situation. Mais ce qui est absolument certain, c’est que le temps est venu, il est bien venu pour commencer quelque chose et avec un peu de continuite, un peu plus de perseverance, d’honnetete intellectuelle et morale vis-a-vis de nos peuples, nous arriverons a regler beaucoup de problemes.
Question: M. Le president, nous sommes a Alger et l’Algerie est le point de mire de l’actualite continentale, je souhaite, avec votre permission, parler de problemes interieurs et la, je ne donne pas de date. Bientot, il y aura 100 jours depuis votre investiture. Quel regard global jetez-vous sur cette premiere periode?
Reponse: Je vois personnellement toujours en face de moi, je ne regarde jamais derriere moi. Vous me dites cent jours. Je trouve que c’est beaucoup. J’etais persuade que ca ne faisait que quelques jours dans cette maison. Le temps passe tres vite. Je ne sais pas quel regard introspectif je pourrais jeter. Ce qui est absolument certain, c’est que j’ai la faiblesse de croire a ce qu’on me dit et je crois volontiers qu’en quelques semaines, en cent jours, j’aurais transforme un petit peu l’atmosphere et a l’interieur et a l’exterieur du pays.
J’aurais transforme, en rendant aux Algeriens un peu d’espoir, pour ce qui concerne le devenir en les assurant que tout est permis. Je crois avoir contribue, avec d’autres, a ramener un peu plus de paix dans les coeurs et dans les esprits. Je crois avoir rendu aux Algeriens le sourire, leur gaite et la joie de vivre.
La jeunesse Algerienne qui ne revait que de visas et de voyages lointains, se remet a avoir confiance en elle-meme et en son pays. Les problemes de securite se sont tres sensiblement ameliores. Les investisseurs apparaissent a coups de milliards de dollars et des contrats sont deja signes et d’autres sont en voie de negociation.
Il y a plus qu’un fremissement, il y a un bouleversement de donnees. Nous entrons dans l’economie de marche et sortons de l’economie de bazar progressivement. Ceci ne s’est pas fait au detriment de la democratie, du pluralisme, de la liberte d’expression et de la necessaire, de l’inevitable, de l’ineluctable et de l’imparable reconciliation nationale que j’appelle par un euphemisme plus gentil, violent pour les uns ou pour les autres, concorde civile. Vous savez dans la situation que nous vivons, personne n’a completement tort et personne n’a completement raison.
Les Algeriens sont, peu ou prou, responsables de la situation que nous vivons. Les Algeriens, tous les Algeriens, semblent avoir suivi un chemin ou leur histoire a ete ecrite en points de suspension et en pointilles.
Il s’agit de les reconcilier avec eux-memes, de leur faire assumer leur situation, leur histoire, les figures qui ont jalonne la vie nationale aussi bien avant qu’apres l’independance, de faire en sorte qu’ils puissent s’accepter les uns les autres, au-dela des differences ideologiques et politiques, qu’enfin de compte la verite, si tant est qu’elle existe, ne saurait etre l’apanage, ni le monopole de qui que ce soit, pas plus que le patriotisme. Que personne, ni le president, ni quelqu’un d’autre n’est assis dans le fauteuil de l’infaillibilite et il n’ y a pas d’homme providentiel
Par contre, le peuple a la possibilite de faire des miracles. Il est en train de faire un miracle, rapidement, il a commence a donner des signes d’une vivacite extraordinaire dans le sens de la concorde civile. Il a donne des signes de vitalite et de competence tres grands, dans le sens de la conclusion de contrats extremement bienvenus en Algerie pour la redynamisation de la vie economique et sociale.
Je crois que l’Algerien, qui a un certain temps a rase les murs, est en train de retrouver sa fierte, j’allais dire son arrogance revolutionnaire et je ne voudrais pas qu’il aille jusque-la. Je voudrais simplement qu’il puisse se sentir homme comme les autres, pas plus important ni moins important que les autres. Je pense que entre freres africains, vous me comprenez tres bien, et je vous comprends tres bien. Nous sommes passes par des periodes ou nous nous sommes demandes si nous etions mieux que les autres ou moins bien que d’autres.
Le peuple Algerien est un peu, passe par cette periode ces dernieres annees. La tragedie a ete immense, grande, dechirante, douloureuse, pathetique. Nous sommes en train d’en sortir. Et l’Algerie progressivement, est en train de reprendre avec humilite, avec tranquilite mais avec determination sa place dans le concert des nations. A commencer par le continent africain qui nous fait l’honneur de venir a notre secours pour nous donner la possibilite de nous reinstaller sur la scene internationale.
Question: M. Le president, le public d »‘africa numero un », ce sont les jeunes. Quel est le message que le president Bouteflika adresse a la jeunesse, a l’occasion de ce sommet de l’Oua?
Reponse: Je reprendrai une parole celebre d’un hero Algerien, l’un de ceux que j’admire le plus. Il disait a bigeard, lui s’appelle larbi ben m’hidi, nous sommes le passe et vous etes l’avenir. Je dis a cette jeunesse africaine: nous sommes le passe, je le dis dans un contexte tout a fait different.
La jeunesse africaine doit savoir que les aines n’ ont pas demerite. Ils ont fait exactement, ce qu’ils avaient a faire. Peut-etre, avec des faiblesses, peut-etre avec des insuffisances, mais toujours avec beaucoup de sincerite, quelquefois des maladresses, mais avec beaucoup d’engagement, et l’actif est beaucoup plus important que le passif.
Le continent est a reprendre en main, par cette jeunesse extraordinaire qui existe, et en Algerie et ailleurs dans tous les autres pays africains. Et, je voudrais lui dire que elle, cette jeunesse, son avenir n’est pas derriere elle.
Je le repete, ca parait une lapalissade, quelquefois, elle a ete tellement decue, ausssi bien d’ailleurs par les gouvernants que par le comportement des puissances etrangeres, qu’elle s’est posee des questions de type identitaire, des questions d’appartenance culturelle, toutes sortes de questions qui, tout naturellement, peuvent troubler l’etre humain.
Et cette jeunesse n’a pas eu, j’allais dire, les memes chances que nous.
Nous, nous avions un maitre redoutable, mechant, mais qui nous a appris beaucoup de choses: le colonialisme.
Ceux qui ont ete a l’ecole du colonialisme, avaient un maitre redoutable qui leur a appris beaucoup de choses a travers une situation qui n’etait pas du tout enviable pour les eleves. Je crois que cette jeunesse africaine a grandi un petit peu, plus ou moins, sous le paternalisme des dirigeants, des grands chefs, des grands zaims et des grands leaders etc…
C’est une part de notre histoire que nous devons assumer. Disons qu’elle a eu peut-etre des enseigants de qualite differente de ceux qui nous ont appris quelque chose dans la vie. Mais leur chance, c’est de ne pas avoir les complexes dont nous pouvons nous departir. Nous, nous avons quelque part un compte a regler avec les puissances coloniales. Quelque part, c’est inevitable, nous avons un compte a regler, je ne sais pas pourquoi, mais ca laisse des sequelles.
Cette jeunesse n’a pas cet handicap. Cette jeunesse doit appartenir a la jeunesse du monde, elle doit etre partie prenante, doit etre ce que doit etre le monde de demain. Elle ne doit se sentir ni plus forte que les autres, ni handicapee par rapport aux autres. Et il me suffit de dire, je crois, que c’est un africain malien qui dirige le programme spatial americain. Je pense que la jeunesse africaine a beaucoup, beaucoup de choses a offrir a l’humanite.
Je tiens a, si vous voulez, trouver en ce message une raison supplementaire de fermer les yeux un jour, definitivement, en me disant, que la jeunesse terminera ce que nous avons commence a construire avec beaucoup de madresse et beaucoup de sincerite.
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Presidence/media: integral des reponses du president de la republique aux questions des journalistes recus, vendredi, a la residence El-Mithak
Alger – Le president de la republique, M. Abdelaziz Bouteflika, a recu, vendredi soir, 9 juillet 1999, a la residence El-Mithaq des responsables de la presse etrangere presents a Alger pour couvrir les travaux du 35-eme sommet de l’organisation de l’unite africaine (Oua).
Au cours de cette reception, a laquelle ont assiste des personnalites et des directeurs de la presse nationale, le president de la republique a repondu aux questions des journalistes relatives a des sujets d’ordre national et international.
Voici l’integral de la declaration introductive du president de la republique et de ses reponses aux questions des journalistes:
Madame, Messieurs, j’ai l’honneur et le plaisir de vous souhaiter la bienvenue dans votre pays, l’Algerie. Je dis bien votre pays parce que chacun, a une periode differente de son existence, a eu a l’aimer d’une maniere ou d’une autre. En tout cas, en toute circonstance vous avez su temoigner votre solidarite et votre affection au peuple algerien que j’ai l’honneur de representer aujourd’hui.
Je voudrais donc au nom du gouvernement et du peuple algeriens vous dire que nous sommes heureux de vous recevoir en tant qu’invites d’honneur, et de l’Algerie et du 35-eme sommet de l’organisation de l’unite africaine.
Je ne suis pas venu pour faire un discours devant vous, je suppose qu’il y a un certain nombre de preoccupations qui doivent se poser au niveau de l’opinion publique internationale et au niveau de la presse que vous representez. Par voie de consequence, je crois que je n’ai plus de choix que de me plier au supplice que vous aller m’infliger mais que je le fais avec d’autant plus de plaisir et de satisfaction que la plupart d’entre-vous sont des amis tres anciens et en ces heures de clemence et de tolerance et de reconciliation nationale, je pense que votre supplice ne sera pas aussi redoutable que la tache que j’ai a accomplir. Je vous remercie messieurs.
Je sais que parmi vous il y a des gens qui ne sont pas des francophones et par voie de consequence nous avons recours a la traduction simultanee, donc bien que ce soit une entorse quelque part a la loi algerienne qui aurait inflige au president algerien de s’exprimer en langue arabe, je vais une fois de plus prendre une liberte que d’aucuns pourraient qualifier d’arbitraire vis-a-vis de la langue nationale mais enfin je crois que dans toute chose il y a la notion de relativite et cet arbitraire est certainement un peu moins grave que d’autres arbitraires qui sont commis ici ou ailleurs. Je suis a votre disposition messieurs dames.
Question (Brahim Nafa, Al Ahram): M. Le president, concernant la loi relative a la concorde civile, pourquoi etes-vous determine a la soumettre au referendum general malgre son adoption au parlement par une majorite ecrasante et quelle est votre vision pour retablir la concorde et etteindre le feu de la fitna ?
M. Abdelaziz Bouteflika: voila une question interessante et qui semble etre posee aussi bien a l’interieur qu’a l’exterieur du pays. Eh bien, je voudrai etre d’une tres grande franchise avec vous et vous dire que j’ai herite d’une situation institutionnelle. J’ai ete elu dans le cadre d’une constitution que je n’aime pas beaucoup, mais j’ai pris l’engagement de la respecter.
J’ai trouve des institutions qui etaient la et quelles que soient leurs qualites et leurs insuffisances, je suis oblige de faire avec.
Neanmoins, je ne suis pas insensible aux critiques qui ont ete faites par certains partis politiques, en particulier ceux qui ont essaye de dire qu’il y a eu fraude electorale.en ce qui concerne la deuxieme chambre et pour eviter toutes interpretations tendancieuses de la part des uns et des autres, je permettrai au parlement de jouer son role pleinement et quels que soient les resultats et quelle que soit la majorite que je pourrai obtenir, j’ai decide d’avoir recours au peuple.
Je veux ceci. C’est que pour les questions simples, uniques, a la portee de tout le monde, c’est-a-dire de ceux qui ont eu la chance d’aller a l’ecole et de ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller a l’ecole. J’aurais souvent recours au referendum pour mieux asseoir la souverainete populaire au detriment de la legitimite revolutionnaire qui etait de mise jusqu’a maintenant ou jusqu’a un passe recent.
Il est tout a fait clair dans mon esprit que je ne remets pas du tout en cause la legitimite du parlement, je veux simplement donner plus de poids a la decision ou du moins a la politique que j’entrevois d’entreprendre et qui est a son commencement, et savoir si je suis en train de traduire la volonte populaire ou si par contre ce qui peut arriver a n’importe quel etre humain et je ne suis pas infaillible- je suis a contre-courant de l’opinion publique nationale et de la volonte populaire.
Il y avait je crois une deuxieme partie dans votre question?
Question (Brahim Nafa, journal Al Ahram): quelle est votre vision pour retablir la concorde et eteindre le feu de la fitna?
M. Abdelaziz Bouteflika: je crois que depuis quelques semaines l’on constate, l’on touche, l’on palpe tous les jours une amelioration de la situation securitaire et ceci tient au fait qu’il y avait un cessez-le-feu provisoire et qui date depuis 1997 et qui n’avait aucune assise juridique ni politique. J’ai tenu a la donner, j’ai pris la responsabilite sur moi de donner cette assise juridique et cette assise politique.
Que l’on ne se trompe pas sur la signification que je donne au mot politique. Politique signifie simplement que l’autorite politique de ce pays prend sur elle la responsabilite de donner la couverture juridique a ce qui etait un modus vivendi entre des groupes qui avaient volontairement, spontanement, de leur propre chef, decide de se mettre entierement a la disposition de l’etat pour combattre les groupes, le GIA en l’occurence, qui de leur point de vue portaient atteinte au prestige de l’Algerie et deformaient tres sensiblement sur le plan national et international le veritable message pour ne pas dire simplement le visage de l’islam.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit premierement d’une categorie de gens qui ne se sont rendus coupables d’aucun crime de sang, d’aucun viol et d’aucune participation a une action par explosifs dans les lieux publics frequentes par des civils.
Je voudrais souligner d’ores et deja que l’armee nationale populaire n’a pas tenu a insister sur le fait que quelque fois les objectifs militaires ont fait l’objet d’attaques par explosifs. Donc, il s’agit uniquement des choses civiles. L’armee nationale populaire assume completement ce qui est, j’allais dire, de l’ordre de la violence entre gens armes, d’un cote comme de l’autre.
Donc cette premiere categorie je crois que dans tous les pays du monde au bout d’un certain temps les combattants finissent bien par se fatiguer et vouloir rentrer chez eux et du meme coup je leur faciliterai la tache par tous les moyens possibles sachant que le peuple algerien est genereux, sachant aussi qu’il a eu d’autres epreuves dans son existence et sachant aussi qu’il faut bien a un moment ou a un autre que quelqu’un prenne la decision de mettre fin a ce jeu de massacre.
Je suis de ceux qui pensent que ce n’est pas parce que nous aurons 200.000 morts a la place de 100.000 morts et deux millions de victimes du terrorisme a la place d’un million de victimes du terrorisme que la paix serait meilleure. Donc, plutot nous arriverons a arreter l’enchainement de la violence mieux cela vaudrait pour notre pays.
Une deuxieme categorie c’est une categorie de gens qui veulent se mettre a la disposition de l’armee nationale populaire ou plus generalement a la disposition de l’etat pour combattre les armes a la main les groupes islamiques armes. C’est etudie avec une grande ouverture d’esprit au cas par cas.
Une troisieme categorie de personnes, c’est des prisonniers qui se comptent par milliers je dois le dire et qui ont ete les allies indirects du terrorisme pour avoir finance, pour avoir accueilli, pour avoir heberge et pour avoir servi de guides, mais qui, en aucune maniere, n’ont ete associes a une action de violence directement.
Jusqu’a maintenant j’ai signe un decret de grace qui a deja touche de facon directe et palpable -depuis les 48h00, j’ai eu l’occasion de voir l’un d’entre-vous hier, c’est l’un de mes amis, je lui avait donne un chiffre mais mes chiffres sont plus actuels maintenant- quelques 2.400 personnes.
D’autres dossiers sont en instance d’etre etudies parce que des recours ont ete faits par, soit le procureur, soit par les interesses eux-memes aupres de la cour supreme. Donc, la cour supreme n’a pas statue. Je ne peux pas faire jouer mon pouvoir regalien pour gracier ou ne pas gracier. Ceci dit nous sommes en train d’etudier les procedures les plus souples pour voir avec les interesses ou la defense, les personnes qui retireraient et principalement les personnes qui auraient depose ce recours avant la parution de la loi et qui retireraient donc l’appel aupres de la cour supreme, pourraient beneficier de cette mesure de grace.
Je crois de facon generale que ma demarche serait la suivante: c’est que quand la loi est favorable au citoyen meme au citoyen qui s’est egare a un moment ou a un autre je lui appliquerai le principe de la retroactivite. Donc, un certain nombre de dossiers sont en cours d’etre etudies. Je dois avouer que ce n’est pas un travail d’ordinateur. C’est un travail vraiment piece par piece mais j’ai l’impression qu’il y a presque autant de gens a liberer que de gens qui ont deja ete liberes.
Si vous avez un autre aspect de la question auquel je n’ai pas repondu, je suis toujours pret a repondre.
Question (M. Khane): M. Le president, il y a quelques annees, un certain nombre de partis politiques algeriens s’etaient -si je me souviens bien- reunis a Rome et avaient emis un certain nombre de propositions pour, selon eux, mettre fin a la violence. Comment aviez-vous reagi a l’epoque, d’abord a ces propositions, et aujourd’hui qu’est-ce que vous en pensez ?
M. A. Bouteflika: je m’excuserai aupres de vous de la longueur de l’explication que je vais donner mais je n’ai pas l’intention de vous cacher quelles etaient mes positions a l’epoque et quelles sont mes positions maintenant.
A l’epoque j’etais membre de la direction du Fln, membre du comite central, et trois jours avant Rome et donc Sant’Egidio, j’etais avec le president Bitat et Mohamed Cherif Messaadia dans le bureau du secretaire general du parti, du comite central du Fln, qui etait en l’occurrence M. Abdelhamid Mehri. A trois jours de Sant’Egidio nous etions chez lui, il ne nous a pas touche un mot de Sant’Egidio, ni de Rome, ni du projet. Il est alle a Rome et nous avons tous pris connaissance du document de Sant’Egidio.
Le president sortant, le president Liamine Zeroual avait convoque un certain nombre de personnalites pour consultations sur ce probleme et avait demande mon avis.
J’ai repondu exactement ceci -ce qui ne correspondait pas a ma conviction profonde, ca correspondait a la necessite pour moi de defendre la ligne du parti auquel j’appartenais, bien que n’ayant pas ete consulte- j’ai dis si nous avons un malade qui est en train d’agoniser et si nous sortons en ville, que toutes les pharmacies sont fermees, il y a une seule pharmacie qui est ouverte et il se trouve par hasard qu’elle est tenue par un israelien, dois-je ou non acheter le medicament. Je ne sais pas ce que vous feriez a ma place, mais moi j’acheterais le medicament.
Donc, pour ce qui etait des speculations faites autour de je ne sais quelle manipulation etrangere derriere Sant’Egidio, moi…l’Algerie etait tres gravement troublee et meme si c’etait une manipulation etrangere, dans la mesure ou il y avait des propositions qui pouvaient etre positives de mon point de vue, en tout cas du point de vue de mon parti, j’etais pret a les defendre, a les examiner. Il m’a dit ‘mais la premiere partie nous l’avons deja proposee dans les entretiens avec les partis et les partis ne l’avaient pas acceptee’.
J’ai dit, quand vous l’avez proposee et que les partis l’ont refusee, c’est les partis qui avaient fait montre d’absence de maturite. Ceci n’enleve pas le droit de murir et de venir a vous en disant vous aviez raison au moment ou vous aviez expose ces problemes.
Donc, par voie de consequence je ne vois pas pourquoi vous n’accepteriez pas ce que vous avez deja propose autrefois. Moi, je considere que c’est une marque de maturite de la part des partis et il faut l’accepter. Il m’a dit, ‘la deuxieme partie, c’est la capitualtion de l’etat’.
J’ai dit qu’est-ce que vous appelez capitualtion de l’etat. Il m’a dit, ‘la liberation inconditionnelle des chouyoukhs, la liberation inconditionnelle des prisonniers’. J’ai dit mais enfin ce n’est pas un texte coranique, c’est un document de travail, il suffit d’ajouter quelques modifications de style en disant les chouyoukhs seront liberes aussitot que…, Les prisonniers seront liberes aussitot que…, Et le dialogue continue.
Apparemment je n’etais pas assez convaincant et voila donc quelle etait ma position a l’epoque. Maintenant qu’est-ce que j’en pense. Je pense tout simplement que l’eradication est un fonds de commerce et la reconciliation nationale est un fonds de commerce. Et j’ai engage un processus qui fait que les uns comme les autres se verront absolument devant la necessite de dire s’ils sont pour ceci ou pour cela. Je crois que le vote qu’il y a eu hier a l’assemblee populaire nationale est un vote tout a fait eloquent.
Il y avait 288 pour et le president de l’assemblee populaire nationale s’est paye la coquetterie de ne pas tenir compte d’une soixantaine de procurations qui avaient ete donnees a leurs collegues. Il avait estime que le probleme etait suffisamment serieux pour que chacun fut dans la salle pour prendre une decision responsable. Il y a eu zero voix contre, il y a eu seize abstentions entre le FFS et le parti des travailleurs et le Rcd avait tenu a marquer sa difference par le fait d’etre completement absent de la salle et il n’est pas sorti de la salle, il s’est absente de la seance.
Donc, voila pour ce qui est du premier round. Le deuxieme round est a venir au niveau de la chambre. Les regles du jeu au niveau de la chambre sont un peu plus compliques, il faut une majorite beaucoup plus consequente qui est de deux tiers au moins pour pouvoir faire adopter le texte mais j’ai fait ma declaration en ce qui concerne le referendum populaire avant meme que le texte ne fut propose a l’apn et a la chambre de la nation et par voie de consequence quels que soient les resultats je continue a penser que c’est salutaire pour tout le monde que nous allions consulter le peuple pour savoir ce qu’il veut exactement et que nous cessions de donner le monopole de porte-parole a un certain nombre de personnes qui se croient a tort ou a raison autorisees a parler au nom du peuple en etant tranquilement dans la capitale.
J’ai anime une cinquantaine de meetings populaires au cours de ma campagne electorale, j’ai eu l’impresion que le peuple algerien c’est Alger mais c’est aussi le reste du pays et le reste du pays me parait avoir des preoccupations tout a fait differentes de la capitale. J’ajoute ceci c’est que c’est tres beau d’avoir des opinions quand on est dans des conditions relativement comfortables et tout a fait sereines sur le plan de la securite. Je pense qu’il est bon de tater le pouls des va nu pieds et des gens qui habitent les campagnes et les montagnes et qui sont de par les transformations economiques et sociales imposees par le fonds monetaire intenational et les developpements economiques et sociaux intervenus dans mon pays dans des conditions pour le moins que je puisse dire peu enviables.
Question (Mahfoud Al Ansari): M. Le president vous avez un dossier avec des questions difficiles. Vous avez en effet realise une percee dans le domaine de la reconciliation nationale. Le deuxieme dossier concerne les relations algero-marocaines passant par la question sahraouie. L’algerie a sa position qui s’appuie sur la legalite internationale et le Maroc a la sienne qui s’appuie sur ce qu’il appelle le territoire national. La solution est difficile. L’algerie et le maroc ont souffert d’une usure qui peut etre differente dans la forme mais extreme dans le fond. Y-a-il une solution geniale ?
M. A. Bouteflika: je ne pense pas que quelqu’un de nous puisse faire un miracle et je ne crois pas beaucoup a l’inspiration et aux solutions geniales puisque vous avez utilise cette expression, je voudrais etre un peu plus pragmatique. Il y a des contacts directs par le truchement du ministre de l’interieur marocain par exemple qui etait en visite chez nous depuis quelques jours.
Nous discutons franchement et pour ce qui nous concerne je dis toujours ce que je pense et je fais toujours ce que je dis. J’ai propose au roi du Maroc de separer la question du Sahara des questions bilaterales. Pour ce qui est de la question du Sahara, la position de mon pays demeure inchangee. Nous demandons l’application du principe du referendum d’auto-determination. Nous ne changerons pas, nous n’avons pas l’intention de changer.
Il se trouve par bonheur que le Maroc comme les sahraouis souscrivent aux resolutions des nations-unies pertinentes sur la question du Sahara occidentale et que par ailleurs grace aux bons offices de l’eminente personnalite de M. James Baker en tant que representant du secretaire general des nations unis des accords ont ete signes par les deux parties, c’est-a-dire aussi bien par le royaume du Maroc que par les responsables de la republique sahraouie.
Nous ne demandons rien d’autre que l’application au plus vite de cette resolution. Plus vite cette consultation sera faite et plus vite je crois que le Maghreb sera soulage d’un probleme qui effectivement a entrave sa demarche. Pour ce qui est des relations bilaterales, elles etaient bon an mal an.
Je crois que les algeriens sont de grands voyageurs et nous sommes dans une situation plus d’economie de bazar que d’economie de marche et il y a une contrebande tres intense avec les pays voisins et principalement d’ailleurs avec le Maroc. Apres l’attentat de Marrakech, les marocains ont cru un instant, soupconner les algeriens d’etre derriere cet attentat.
Heureusement pour nous, M. Charles Pasqua a apporte un temoignage de moralite qui a ecarte toute presomption sur les algeriens, et par reaction l’autorite algerienne de l’epoque a ferme la frontiere.
Quelle est la situation actuelle ? Je suis un frontalier. J’appartiens a la frontiere algero -marocaine et je la connais et au moment ou nous en parlons, je connais au moins quatre points par lesquels les algeriens comme les marocains passent jour et nuit sous reserve d’un peu de bakchich d’un cote et de l’autre. Et je dois dire que les marocains ne peuvent rien contre cette situation, pas plus que nous. En d’autres termes, je crois que les marocains ne vont pas demenager, pas plus que l’Algerie n’a l’intention de demenager.
Un jour ou l’autre, il faut bien que nous nous asseyions a la table pour trouver des solutions a nos problemes bilateraux. Ceci est en train de se faire. D’ailleurs, nous sommes en train de preparer un sommet maghrebin. Nous sommes en train de travailler un peu avec le president Moubarak pour l’aider a preparer eventuellement un sommet arabe.
Dans tous les cas de figure, sommet ou pas, je ne vois pas personnellement d’inconvenient a ce que des arrangements soient faits pour qu’il y ait, puisqu’il a propose, une rencontre entre sa majeste le roi du Maroc et moi-meme.
Le sommet de l’Oua se presente devant des defis qui me paraissent depasser les capacites du continent africain.
Nous allons entrer dans une ere d’hegemonie technologique pour laquelle le continent n’est pas du tout prepare, c’est les satellites, c’est les vaisseaux spaciaux, c’est l’internet, c’est le GSM.
Tout ceci, l’Afrique n’est pas tout a fait prete pour affronter les defis qui se posent a l’humanite dans les dix prochaines annees. est-ce que cela nous empeche de discuter entre nous et de savoir comment inserer un continent que U’Thant qualifiait autrefois de continent de l’avenir.
Je ne crois pas que ce soit interdit et si on nous a tout enleve, je crois qu’on ne nous a pas enleve le droit de rever. nous allons essayer de nous atteler a la solution des problemes les plus urgents qui se posent apres un bilan et une autocritique.
Nous allons essayer de nous attaquer aux problemes qui se posent, et ils sont nombreux. il y a beaucoup de points chauds et nous allons essayer de nous projeter dans ce qu’il est convenu d’appeler desormais, la mondialisation et la globalisation de l’economie.
Ce ne sera pas chose facile, mais il est temps, il est encore temps de mon point de vue, que l’Afrique commence a sortir de la facon tout a fait traditionnelle de gerer les problemes des peuples et des etats pour enfin lancer des programmes scolaires et de formation etc… qui puissent preparer les generations futures a vivre leur temps qui n’est plus le notre.
M. Jean Pierre El Kabach (Europe 1): Quand on revient en Algerie, on est frappe par cet « ete tourbillon » avec de tres nombreuses decisions importantes qui sont prises ou qui sont en cours et de votre part, on a bien le sentiment que ce n’est pas une demarche improvisee. quel calendrier vous avez fixe, par exemple pour le referendum, pour la formation du prochain gouvernement, pour vos deplacements a l’etranger si vous en avez, pour d’eventuelles elections legislatives. et puis une derniere question pour l’Algerie, c’est sans doute son redressement economique, l’emploi pour la jeunesse etc.. quels sont les principes qui vont inspirer l’economie algerienne, est-ce que vous etes attache ou pas a une sorte d’inspiration liberale de l’economie, ou c’est l’etat qui lui, encore va continuer a s’occuper de l’economie algerienne ?
M. A. Bouteflika : pour ce qui est de la premiere partie de votre question, M. Jean-Pierre Elkabach, je souhaiterais vous dire qu’aussitot que le senat aura dit son mot sur la loi, j’engagerai la procedure reglementaire et legale pour la preparation du referendum. cela implique qu’il y ait au moins 45 jours avant que nous puissions convoquer le corps electoral. mais c’est une chose qui sera lancee tres rapidement.
Pour ce qui des autres questions que vous aurez posees et j’ai la maladresse de ne pas noter au fur et a mesure, et je m’excuse a l’avance si je ne suis pas exhaustif, et je vous repondrai a vos preoccupations si vous voulez rafraichir ma memoire, je voudrais vous dire qu’a Crans Montana, j’ai dit exactement, ou est ce que je voulais aller pour ce qui est de la societe algerienne. je vais vers l’economie de marche, je crois qu’en Europe on parle de liberalisme social et je n’ai pas une idee extremement precise, mais en tout etat de cause, dans mon pays, ceci doit etre une preoccupation majeure du gouvernement dans tous les cas de figure.
Le peuple algerien a vecu dans les annees 60, dans les annnees 70, en particulier sous un regime ou l’etat etait litteralement providentiel. ceci correspond a l’age d’or de l’Algerie et une periode faste pour le peuple algerien, et je dois dire helas, que l’Algerie de 1970 n’est plus l’Algerie d’aujourd’hui et l’Algerie d’aujourd’hui n’est plus celle des annees 1970, et le monde aussi a change. et je dois dire aussi que l’etat providentiel est mort et quand bien meme il voudrait ressusciter, il ne devrait pas ressusciter sous les formes qui etaient les siennes dans les annees 70.
Pourquoi? tout simplement parce que pour un hectare de terre, un paysan algerien vous donnerait six quintaux de cereales, un paysan tunisien ou un paysan marocain vous donnerait 60 quintaux. que je pense que l’etat providentiel est une manne celeste extremement sympathique pour les peuples. elle n’est pas une ecole ou l’on apprend les vertus du labeur et on apprend que la veritable richesse des peuples c’est leur capacite a travailler.
Pour ce qui est donc de l’economie de marche, il est tout a fait clair qu’il n’y a pas d’economie de bazar mais ce serait plus quelque chose et je ne vais pas copier. je ne vais pas copier parce que nous n’avons pas reussi le socialisme, parce que avons voulu trop copier. ce n’est pas parce que nous voulons copier la democratie qui est une culture, mais l’economie de marche qui implique aussi, a la fois une culture, une facon de faire, un savoir faire et une structure qui n’existe pas encore dans ce pays. je vais y aller plutot, avec une demarche plus europeenne qu’ americaine et quand je dis plus europeenne qu’americaine, je pense a des experiences un peu differentes de celles de madame Thatcher et de Reagan.
Et c’est tout a fait clair dans mon esprit, mais c’est tout a fait clair que la privatisation n’est pas une religion pour moi. la privatisation, s’il y a des societes d’etat qui tiennent le cap, qui sont technologiquement performantes…
Je crois que le talon d’Achille des algeriens, c’est qu’ils sont des mauvais gestionnaires.
Alors, j’ouvrirais la porte au partenariat managerial et j’essaierais de revitaliser ces societes dans la mesure ou elles sont encore viables, encore que il est tout a fait clair dans mon esprit, qu’il ne s’agit pas pour le panache ou pour le plaisir de maintenir dans une chambre de reanimation quelque chose qui agonise.
Ceci est tres clair dans mon esprit, mais je ne vais pas achever quelqu’un qui a trente-neuf degres de fievre ou 40 de fievre en partant du principe c’est termine il n’y a plus rien a faire. ca c’est une chose qui est tout a fait clair dans mon esprit.
J’insiste, excusez-moi sur ces details, parce que nous avons les deux ecoles dans notre pays. nous avons l’ecole du liberalisme de madame Thatcher et nous avons une ecole un peu plus prudente, j’appartiens, disons, a l’ecole un peu plus prudente.
Mais, je serai pragmatique, les veritables problemes pour nous, c’est que nous sommes alles tres tard au fonds monetaire international, nous sommes alles dans les plus mauvaises conditions possibles pour l’Algerie. certes des progres ont ete faits dans le reajustement structurel, mais il est tout a fait clair que je ne suis pas capable de vous dire si nous allons ou non une autre fois au Fmi.
Si nous y allions une fois de plus, ce serait une epreuve particulierement douloureuse et difficilement supportable pour le peuple algerien. si nous pouvions l’eviter, nous ferions absolument tout pour l’eviter, cette epreuve. peut etre que Crans Montana n’etait pas un forum suffisant pour faire connaitre que sur le plan de l’investissement nous sommes un pays extremement seduisant et attractif. il y a de l’energie a bon marche, la main-d’oeuvre est bon marche, il n’y a pas beaucoup de pays ou la main-d’.uvre coute 100 dollars par mois. il faut etre tres clair, mais il faut dire aussi que il faut croire qu’il y a une revolution qui se fait progressivement dans les structures mentales.
Le chomage a atteint un tel taux -30 pc de la main-d’.uvre active- qu’il est tout a fait clair que les gens, je pense, sont prets a travailler. il y a l’immense domaine de l’agriculture, nous avons les hauts plateaux qui sont la et qui peuvent tres bien servir a l’agriculture. ca n’est pas des perspectives californiennes, mais il y a des potentialites reelles dans le grand sud pour l’agriculture aussi, et l’eau est disponible.
Voila un domaine auquel nous allons restituer ses lettres de noblesse. il y a le domaine de l’industrie. je passe mon temps a dire que je reste ouvert vis-a-vis des uns et des autres. la France a l’habitude de travailler avec nous mais j’ai l’impression que depuis un certain nombre d’annees -et pour etre precis depuis vingt ans exactement- j’ai l’impression que le pouvoir en France a trouve devant lui une table de billard il a joue tout seul en Algerie. et cette situation a fini par creer une espece de quiproquo et d’equivoque politique qui nous a mis nous, a cultiver a tort ou a raison le syndrome de la souverainete limitee. nous nous expliquons de facon tres directe avec les responsables francais de haut niveau et je crois qu’il a y a un debut de dialogue politique pour une fois serein et responsable.
Je ne sais pas. j’ai la faiblesse de croire que la France avait une position tout a fait privilegiee, qu’elle n’a pas su conserver parce qu’elle a voulu litteralement rattraper durant les memes dernieres annees ce que nous nous avions conquis en vingt annees de gaullisme et de regime pompidolien en partie et en partie avec Giscard d’Estaing. je dis en partie jusqu’a l’affaire des jaguars.
A partir de l’affaire des jaguar rien ne marchait entre la France et nous. mon frere, mon ami dans le cadre socialiste. moi je n’aime beaucoup cela. je considere que les amis sont des amis mais au niveau des chefs d’etat chacun doit rester a sa place. avoir bien a l’esprit presents les interets superieurs de son pays et ne pas dissoudre comme sucre dans l’eau les interets de l’etat a travers les attitudes qui sont aussi triviales que steriles. donc, c’est tout a fait clair dans mon esprit, que c’est l’Algerie avant tout.
La France a une position tres importante dans notre c.ur, dans notre, j’allais dire subconscient. vous ferez un referendum ici, incontestablement la France serait numero un par rapport a toutes les autres nations du monde. la France aurait la position numero un et si la France ne sait pas profiter de cette situation, c’est son probleme. Elle est bien placee pour savoir le fond de ses interets et je ne suis pas son fonde de pouvoir. et je ne suis pas charge de defendre ses interets a sa place. encore moins de considerer que l’Algerie est une chasse gradee de la France et que je suis la, pour proteger la chasse gardee au profit de la France.
Pour ce qui est des Etats-Unis d’Amerique qui sont devenus un partenaire important et qui peuvent devenir un partenaire plus important encore- sous reserve qu’on ne confonde pas accord avec l’Algerie dans le domaine de l’industrialisation par exemple avec le Coca Cola, le Pepsi Cola, Mac Donald, Pizza Hut et le fast food- je n’ai rien contre cette culture. je n’ai absolument rien contre cette culture mais ce n’est pas la l’essentiel. Nous voulons un partenaire qui travaille avec nous dans l’agriculture nous voulons un partenaire qui travaille avec nous pour la modernisation de nos infrastructures. nous voulons un partenaire qui travaille avec nous dans les domaines multiples du medicament jusqu’a l’electronique de l’industrie.
Je crois que nous avons des cartes que d’autres pays n’ont pas. les americains devraient comprendre que nous savons que leur presence dans le domaine de l’energie est une presence economique et commerciale, elle est aussi strategique par rapport a l’Europe qui dans les trois decennies a venir recevra quelque chose comme trente pour cent de son energie a partir du gaz algerien, donc ce n’est pas n’importe quelle carte.
Les americains controlent les sources d’energie dans le continent africain et les sources d’eau. l’Algerie est une source d’energie un peu privilegiee par rapport a d’autres sources d’energie parce que precisement aux portes de l’europe et parceque l’Europe est entrain de se faire avec ou sans les americains.
Voila quelque chose qui m’amene a penser que les relations avec les americains pourraient prendre de l’importance meme si avec l’Italie et l’Espagne elles sont deja importantes. et j’ajoute ceci. c’est que ces relations en particulier avec l’Espagne pourraient prendre un developpement plus spectaculaire encore qu’il ne l’est jusqu’a maintenant. il y a des possibilites de doubler les quantites de gaz qui passent par l’Espagne actuellement. des etudes sont faites bon il y a des perspectives extremement prometteuses.
Ce qui m’amene a revenir un petit peu a notre irritation en ce qui concerne la position de la France non seulement la France a fait de l’affaire de l’airbus une affaire colossale, monumentale et pourtant nous avions connu autrefois Antebbe nous avions connu Kampala. je ne sais pas. l’Algerie a ete l’un des premiers pays a recevoir un avion detourne en 1968 l’avion d’El-Al detourne par les palestiniens sur Alger.
Je crois que les francais sont alles un peu loin parce qu’ils ont depasse le cadre strictement bilateral pour toucher les pays de shengen et les convaincre de boycotter les aeroports algeriens. et ils ont fait des demarches pour convaincre de boycotter les ports algeriens. aussi et je dois dire sur le plan psychologique je vous demande votre indulgence pour accepter mon argument suivant: c’est qu’il y a quarante ans nous etions francais nous avons refuse la nationalite francaise et les armes a la main. et je crois que notre indepensdance ne nous a pas ete donnee. je ne dis pas qu’elle a ete donnee a d’autres peuples. chacun a lutte a sa maniere mais il est tout fait clair que comme tout un chacun en tout cas pour le peuple francais comme le peuple algerien nous avons paye le prix fort.
Je trouve absolument aberrant que les algeriens doivent ecrire a Nantes pour avoir un visa. je trouve plus aberrant encore que des ambassades etrangeres autres que francaises qui ont pignon sur rue ici envoient les citoyens algeriens a Tunis pour obtenir un visa.
Je crois que c’est l’occasion de dire que nous n’aurions pas eu d’affaire Lockerbie si tant qu’il y a une morale qui ne soit pas a deux poids deux mesures. Parce que l’affaire Lockerbie n’aurait de justifications de notre point de vue que dans la mesure ou on aurait eu une attitude au moins de condamnation morale de l’union sovietique quand elle a abattu un avion sud coreen si on avait eu une attitude au moins politique vis a vis d’Israel qui a abattu un avion libyen ou se trouvait Salah Boussair qui etait a cette epoque ministre des affaires etrangeres comme moi si l’opinion internationale ou les instances internationales avaient condamne les Etats-Unis d’Amerique pour avoir canarde un avion iranien. mais l’Algerie n’a pas d’affaire Lockerbie. alors qu’est ce que ce concept de souverainete limitee et de blocus…
J’ajoute ceci c’est que on nous dit que air France va revenir parce que les lignes aeriennes avec l’Algerie sont des lignes qui ne sont en aucune maniere ne sauraient etre dificitaires sauf pour air Algerie. je voudrais le souligner au passage. mais par contre le syndicat des pilotes et les stewards cree quelques difficultes et j’ai dit a M. Chevenement pour lequel j’ai un immense respect et une grande admiration en tant qu’homme de principe et j’aime beaucoup les hommes politiques qui ne se departissent pas completement de la morale. Chevenement en sortant d’une reunion des ministres de l’interieur de la Mediterranee occidentale avait donne des explications qui etaient celles de son gouvernement a savoir que le syndicat des pilotes et des stewards….et qu’elle ne fut pas ma surprise de voir que le ministre de l’Espagne comme le ministre de l’interieur de l’Italie avaient tout simplement repondu au meme journaliste algerien ‘eh bien nous avons la meme reponse que M. Chevenement’.
J’etais humilie et j’etais blesse en temps qu’algerien pour l’Algerie. humilie et blesse aussi, aussi bien pour l’Espagne que pour l’Italie parce que je ne savais pas que l’Espagne et l’Italie reconnaissaient quelque tutelle que ce soit de paris sur Alger.
J’en ai pris bonne note et je fais parvenir a l’un et a l’autre que l’Algerie ne saurait avoir de relation normale avec les capitales qui passeraient et qui feraient passer leur relation avec Alger par quelque tutelle que ce soit fut-elle parisienne.
Donc si vous voulez, nous sommes dans une situation ou tout est possible dans le meilleur comme dans le pire. pour ce qui est du meilleur, mettez-le au credit de l’Algerie. si le pire devait arriver, je dois vous dire tres officiellement et tres solennellement que ce ne serait plus que du fait des autorites francaises.
L’Algerie, son peuple, son gouvernement sont tout a fait disposes a tourner une page et a ecrire une page de relations tres privilegiees -qui etaient d’ailleurs tres privilegiees autrefois du temps du general de Gaulle et de Pompidou- de par sa position au c.ur du Maghreb, de par sa position dans le monde arabe et sa position et son interet pour l’Afrique et les problemes africains, de par sa position dans le flanc sud de la Mediterranee, et de pays arabe. et il n’ y a pas de securite europeenne sans que nous soyons surs que ce flanc sud de la mediterranee soit pro-europeen.
c’est tout a fait clair. donc, il est tout a fait clair que les uns comme les autres nous avons interet a nous pencher sur le dossier. il est convenu qu’apres le sommet de l’Oua, les contacts politiques reprendraient entre Alger et paris a un autre niveau, de meme d’ailleurs qu’entre les americains et Alger.
En fait, ce que je voulais dire – et c’est l’un de nos amis qui a pose cette question- je ne me suis pas lance dans un programme qui m’aurait demande tout de suite des fonds pour l’affronter. il y a une crise de chomage enorme et il y a une crise de logement presque insurmontable.
Mon programme a consiste a dire: un, je ramenerai la paix, je suis en train de la faire. deux, le corollaire de cette situation serait qu’il y aura reactivation de la vie economique et par voie de consequence des retombees sociales.
Au moment ou je vous ai dit, le premier groupe d’investisseurs venu d’un pays du golfe a deja signe pour deux milliards 100 millions de dollars de contrats depuis Crans Montana.
Trois, j’ai promis de restituer tout simplement la fierte d’etre algerien a l’algerien qui semble l’avoir perdue et nous avons une jeunesse qui de plus en plus ne reve que de visa et de pays lointains.
Mais je crois qu’un declic est en train de se faire. je ne pense pas etre en train de faire de l’auto-glorification, de faire un plaidoyer…il y a des signes qui ne trompent pas au niveau de la jeunesse et j’ai promis aussi de redonner, sinon une place, au moins un strapontin dans le concert des nations a mon pays, mondialisation ou pas. je le ferai. je le ferai. je le ferai
Question: Abderahmane El Rached, journal « Echark El Awsat »: revenons au theme de la concorde civile qui, j’estime, est presentement principale. votre situation est, sans doute, une situation particuliere et dans laquelle vous n’etiez pas partie prenante dernierement du fait que vous etiez en dehors de l’Algerie. maitenant que vous etes le president et, en meme temps, le mediateur. ne pensez-vous pas qu’il est possible, lorsque la solution s’averera benefique, de prendre langue directement avec les parties difficiles, celles en prison non par par l’entremise de vos representants ou vos intermediaires, mais directement avec vous.
Etes vous dispose a vous asseoir autour de la meme table avec Abassi Madani ou Ali Benhadj. autre question. est ce que vous avez fixe un echeancier, deux mois, trois mois ou une annee, a votre grande mission? lors du dernier forum de Crans Montana (Suisse) vous aviez avance le chiffre de 100.000 victimes, alors qu’auparavant les services de securite parlaient de 30.000 victimes. pouvez-vous nous eclairer a ce propos?
M. A. Bouteflika: merci, je vais commencer par la fin. je dois dire, honnetement, que je ne connais pas de sources ici en Algerie qui puissent me dire avec une grande precision, une precision mathematique, si il y a 30.000 ou 100.000 ou 80.000 ou 50.000 victimes. j’ai pris personnellement sur moi de dire 100.000 victimes, et en parlant de 100. 000 victimes, je tiens compte des victimes, je tiens compte de chaque goutte de sang algerien. c’est a dire de toutes les victimes de la tragedie nationale, d’un cote comme de l’autre. je ne crois pas etre excessif en pensant que je ne suis pas loin de la realite bien que je ne sois pas de nature a exagerer les situations qui par elles-memes sont dramatiques et, dans ce cas precis, tragediques.
Probablement que le chiffre de 30.000 dont vous aviez parle est plus proche de la realite si nous partions du principe que les autres algeriens ne le sont pas tout a fait et j’aurais honte devant vous de ne pas respecter la vie humaine fut-elle contre moi, contre mes principes fut-elle pour defendre des interets qui ne sont pas les miens ou une ideologie qui n’est pas la mienne.
J’appartiens a une foi et a une religion qui considerent que tuer une personne c’est assassiner l’humanite toute entiere. j’y crois et j’y crois et je tiens personnellement a la vie de tous les algeriens, d’un cote comme de l’autre.
Pour ce qui est de l’autre probleme que vous aviez pose. Abassi Madani est chez lui. il est chez lui a la charge de l’etat. il ne manque absolument de rien sur le plan materiel. sa famille est avec lui. ses amis le voient regulierement et sans aucune contrainte et s’il demandait a me voir en tant que simple citoyen, je le recevrais.
Ceci dit, en aucune maniere je le recevrai en tant que dirigeant de quelque formation politique que ce soit. ce n’est pas de mon fait. en 1992 la justice a tranche en decidant que le fis etait dissous et en 1996 une nouvelle constitution a ete adoptee par le peuple algerien qui fait que le fis n’existe plus.
Donc, c’est tout a fait clair quelque algerien qui se presenterait a moi pour demander une audience, je le recevrai. je ne recevrai pas d’algerien qui se presenterait a moi en tant que porte-parole d’un parti dissous. c’est tout a fait clair. pourquoi moi je n’irais pas chez lui pour etre encore plus clair? pour ce qui est de Ali Benhadj, et il est dans des conditions moins enviables. j’ai sensiblement ameliore sa situation particulierement en permettant une plus grande fluidite de relations entre lui et sa famille. j’essaye d’humaniser. je crois que quelque part c’est un homme de foi et de conviction. je ne partage pas ses opinions mais je peux admettre que quelqu’un d’autre ne partage pas les miennes. et je ne sais pas, je crois que c’etait M. de Voltaire qui disait: « monsieur, je ne suis d’accord avec vous ni sur l’essentiel, ni sur l’accessoire. par contre, je me battrai jusqu’a mon dernier souffle pour que votre voix soit entendu ».
Pour ce qui me concerne, je suis un petit peu victime, c’est dans le precepte de la culture francaise, qui fait que quelque fois nous sommes un peu meilleur que nous pouvons l’etre ou un peu moins bon que nous aurions pu l’etre, mais enfin le resultat est la. je ne sais pas par quoi vous aviez commence mais j’ai cru comprendre que vous vouliez savoir en combien de temps je peux regler les problemes. cette question m’a ete posee. j’ai, avec une grande latitude, comme d’habitude, repondu que je n’etais pas Mme Soleil et que, en aucune maniere, je ne pourrais faire de previsions. ce qui est absolument sur est que je travaillerai a la realisation de ce projet jour et nuit. ca demandera le temps et la patience necessaires. je suis incapable de vous dire en combien de temps ca se fera. mais, les observateurs aussi bien a l’interieur qu’a l’exterieur vous diront que l’Algerie d’aujourd’hui est tres, tres, tres differente de l’Algerie d’il y a trois mois. c’est tout ce que je peux vous dire pour l’instant, a l’interieur et a l’exterieur et au niveau des investissements.
Question: Bachir Benyahmed de « Jeune Afrique ». meme s’il n’est pas usuel pour un journaliste ou un homme de presse de dire ses preferences en public, je voudrais profiter de ce micro et en tete-a-tete pour vous dire publiquement combien je me rejouis de vous voir president de la republique algerienne. pour l’Algerie d’abord dont vous aviez parle et dont, en effet, on voit qu’elle beneficie deja du fait que vous soyez son president, pour les relations inter-maghrebines dont vous avez parle egalement et qui ont besoin, elles aussi, de votre intervention avec les indications que vous aviez donne tout a l’heure, pour la solution des problemes africains dont vous allez debattre dans 48 heures avec vos pairs qui ont aussi besoin d’une intervention et d’esprit nouveau et enfin pour je pense les relations entre les deux parties de la Mediterranee qui, elles aussi, vous en avez dit un mot tout a l’heure voudraient l’intervention d’esprit neuf. ceci dit, c’est pour introduire ma question. il y a plus de vingt ans vous etiez ministre des affaires etrangeres de ce pays et je me souviens qu’a l’epoque deja vous aviez une vision globale des relations mondiales. c’est a dire que c’est comme si vous aviez un echiquier devant vous, que vous le regardiez, que vous saviez quelles etaient les pieces qui avaient ete modifiees ou touchees. je voudrais vous demander, 20 ans ou 21 ans apres, comment vous analysez la situation mondiale. qu’est-ce qui a change, quelles sont les differences et quelles sont les ressemblances par rapport a ce qui existait il y a presque un quart de siecle?
M. A. Bouteflika: je voudrais tout d’abord dire mon emotion de retrouver mon ami Si Bachir Benyahmed et la gratitude qui est la mienne, ma gratitude de fond du c.ur pour les propos reconfortants qu’il a tenus publiquement a mon egard et a mon intention et son soutien. je le connais en tant que maghrebin, en tant qu’africain. je le considere comme une caution morale et il me pose un probleme difficile et je suis un lecteur assidu de « Jeune Afrique » meme si « Jeune Afrique » ne rentre pas dans ce pays et, par voie de consequence, je lis regulierement le ce que je crois de m. Bachir Benyahmed et souvent je crois ce qu’il croit.
Tres honnetement, votre question m’embarrasse parce que le monde d’il y a vingt ans avait des points de repere qui permettaient un interstice toujours evident pour les pays du tiers-monde qui pouvaient initier un evenement, recuperer l’evenement ou devier l’evenement en sa faveur. exemple: j’etais a paris dans un hotel et je regardais la television. a cette epoque la star internationale de la diplomatie mondiale c’etait monsieur Henry Kissinger. devant lui, monsieur Michel Jobert avait choisi un style pour se faire connaitre tres rapidement par ce qu’il a ete un homme d’etat-major qui a beaucoup plus travaille dans l’ombre et qui, donc, avait besoin tres rapidement de se faire un nom et puis c’etait aussi les necessites de la politique francaise qui l’amenaient a faire cela.
Michel Jobert portait toujours la contradiction dans les conferences internationales a Kissinger. comme la presse ne pouvait pas manquer Henry Kissinger et ne pouvait pas ne pas en parler, on parlait automatiquement de Jobert et c’etait une technique qui n’etait pas tout a fait inutile et sterile pour un observateur du tiers-monde. donc, en regardant cette emission de television, je voyais que Kissinger demandait a Washington pour les problemes energetiques et que Jobert repliquait en disant « ce serait plutot du ressort des nations unies ». le lendemain, je lance une invitation ou une demande de reunion extraordinaire d’une conference des nations unies pour les matieres premieres y compris l’energie. et c’est comme cela que nous sommes alles vers le nouvel ordre economique international prepare, lance. la politique ne se fait plus de cette maniere et je dois dire tres honnetement que depuis la guerre du golfe je voyage beaucoup dans les pays arabes et de l’atlantique au golfe.
j’ai l’impression que les choses ont change, nous ne sommes pas au 19 eme siecle. ce n’est pas la politique de la canonniere, mais il y a une chape coloniale nouvelle qui s’est installee sur le monde arabe en particulier. j’aurais ete tente de dire sur le tiers-monde de facon generale a cause de ces problemes-la.
enfin, restons dans le domaine arabe et dans le domaine africain qui nous concerne et qui nous interpelle dans 48 heures et je voulais dire que la marge de man.uvre est tres, tres, tres petite, que par ailleurs, nous suivons avec beaucoup d’admiration ce qui se fait en Europe pour militer en faveur d’un monde multipolaire.
en tout cas, ce qui est absolument certain c’est que, meme si nous sommes en desaccord sur un certain nombre de points, la France et nous militons pour un monde multipolaire. je dois dire honnetement que, dans la phase qui est la sienne aujourd’hui, la priorite des priorites pour l’Algerie c’est de se reconcilier avec elle meme, de reconcilier les algeriens entre eux, de les amener a ne plus se poser de questions sur leur identite nationale, de les reconcilier avec leur histoire recente et ancienne et de la leur faire assumer. en quelque sorte, ca releverait presque du domaine de la therapie psychologique, la politique releverait presque du domaine de la therapie psychologique.
Disons, pour etre moins brutal, une pedagogie necessaire est a faire. on commence a la faire et on commence a casser un certain nombre de tabous. m. Bachir Benyahmed qui connait bien l’histoire de l’Algerie, sait qu’il est tres audacieux de baptiser un aeroport du nom de Messali Hadj. comme on ne peut pas ne pas remarquer, au moment ou des dirigeants de la revolution et pas des moindres ecrivent des choses sur Krim Belkacem ou Abane Ramdane, que l’on baptise des aeroports aux noms de Krim Belkacem ou Abane Ramdane et meme de M’hamed Khider. vous aurez remarque qu’en allant a Constantine, j’ai parle de l’apport de la communaute juive de Constantine a la preservation de notre patrimoine culturel aussi bien dans le domaine vestimentaire que dans le domaine culinaire que dans le domaine de la musique.
j’ai parle de Jugurtha et de Massinissa que beaucoup d’algeriens connaissent sans savoir qui ils sont ni ou ils etaient. donc, j’essaye de reconcilier l’Algerie avec elle meme. j’essaye de recreer, renouer les liens entre les pays du Maghreb arabe et je crois que nous avons loupe un petit peu les experiences precedentes parce que d’abord nous avions dirige differents pays qui portaient en eux meme, j’allais dire des germes d’antagonismes toujours latents. aujourd’hui, en dehors de cette affaire du Sahara, que le roi du Maroc et moi meme voulons bien mettre de cote par rapport aux dossiers maghrebins, je crois que nous sommes un peu plus murs pour aborder les problemes de l’edification du Maghreb avec un peu moins de c.ur et moins de sentiments et plus de raison et de rationalite.
c’est ce que nous allons essayer de faire et cet imperatif est d’autant plus imperieux que nous sommes obliges de nous presenter bientot devant une Europe qui, elle, est organisee et je crois qu’il y va de l’interet de tout le monde.
D’ailleurs le concept de Maghreb arabe semble s’elargir. nous avons meme une ecole qui veut aller jusqu’a l’Egypte. l’Egypte est deja membre observateur de l’Uma. donc, elle milite pour que l’Egypte devienne membre a part entiere. il ne m’appartient pas de decider, c’est l’affaire des autres membres aussi. en tout cas, ce qui est absolument certain, c’est que l’on est en train de creer deux grands ensembles.
L’Afrique est dans une situation ou j’ai eu a remarquer quelque chose de particulierement edifiant. certains pays africains ont atteint un certain seuil de denuement et de pauvrete qu’en fin de compte ils arrivent a adopter des positions absolument remarquables, absolument admirables sur le plan international parce qu’ils n’ont plus rien a perdre.
A Ouagadougou, l’Oua a decide de braver l’embargo du conseil de securite contre la Libye. Les pays les plus pauvres ont brave l’embargo. il me deplait, il me peine que des pays comme l’Algerie, comme la Tunisie, comme le Soudan, comme l’Egypte n’aient pas suivi l’exemple. et je dois dire tout simplement c’est parce que probablement nous sommes un peu plus aises et parce que nous tenons un peu plus a notre confort par rapport a ceux qui n’ont plus rien a perdre.
Donc, le continent africain a des potentialites de contestation qui ne sont pas du tout negligeables, qui ne sont pas du tout negligeables. je crois que cette affaire de l’Irak commence a prendre des proportions tellement tragiques qui si elle n’etait pas traitee a temps je ne pense pas que la stabilite de beaucoup de pays arabes puisse etre assuree pendant tres longtemps. au demeurant, je crois savoir que le president Moubarak travaille tres serieusement pour un sommet arabe. nous l’appuyons dans ses efforts. nous voudrions de ce sommet arabe -s’il y a sommet arabe- qu’il ne marginalise personne et qu’il n’exclue personne.
je pense qu’actuellement il est tout a fait clair qu’au niveau des chancelleries on nous donna toujours illusion d’etre partenaire a part entiere. mais le retard qui est le notre dans le domaine de la technologie et des sciences tout a fait nouvelles que nous sommes tres loin de maitriser m’amene a penser qu’aucun optimisme beat ne saurait etre autorise maintenant pour ce qui est du role du tiers monde.
ceci dit, l’histoire de l’humanite ne s’arrete pas a une generation. bien des empires ont existe autrefois dont nous parlons avec nostalgie ou un peu moins de nostalgie et je ne vous apprendrais rien en vous disant que les choses evoluent, elles n’evoluent pas necessairement vers un monde unipolaire.
Question: il y a 25 ans, vous etiez representant de l’ordre international, president de l’assemblee generale de l’Onu. vous aviez pu tenir une session speciale pour un ordre economique mondial equitable. maintenant, apres 25 ans, ne pensez-vous pas que l’ordre mondial represente par l’Onu est devenu caduc. et, est ce qu’apres la mondialisation et apres que l’Otan ait pris des responsabilites surpassant celles de l’Onu et sans le couvert de cette derniere, ne pensez-vous pas que l’Onu a perdu le role pour lequel elle a ete creee? et est ce que les organisations regionales ou continentales de l’Oua sont a meme de jouer le role de l’Onu?
M. A. Bouteflika: je pense pouvoir dire que jamais le general de Gaulle n’aurait eu autant raison qu’aujourd’hui s’il etait la pour dire que les nations unies c’est le machin. l’assemblee generale des nations-unies est un forum democratique qui permet aux uns et aux autres de dire leurs preoccupations. c’est tout de meme pas un centre de decisions tant s’en faut. le conseil de securite tel qu’il est a besoin d’etre revu et corrige et des puissances sont en voie d’emerger qui de mon point de vue trouveront tot ou tard leur place au sein du conseil de securite.
Je pense en particulier au japon, je pense a l’Allemagne mais je pense aussi a une representation africaine, a une representation latino-americaine. a travers qui? je ne sais pas. Je suis incapable de le dire. mais, il est tout a fait clair que l’Afrique sera representee au sein du conseil de securite en tant que membre permanent au sein du conseil de securite. de la meme maniere que l’Amerique latine sera representee au sein du conseil de securite en tant que membre du conseil de securite. mais c’est deja faire un peu de la politique fiction, de faire des previsions lointaines. pour ce qui est du monde tel qu’il est, il se presente comme un gros village avec un chef du village, avec un chef de village qui mene la danse et qui ordonne. je suis presque peine.
Je suis peine de vous dire en tant que specimen du tiers-monde, je suis venu avec beaucoup d’admiration.. l’entetement du president Chirac a faire ses experiences nuclaires -bien que je n’aspire pas a voir l’Algerie etre une puissance nucleaire et bien que je condamne les experiences nucleaires- je voyais dans cette attitude une attitude de principe et de refus de se faire dicter des decisions nationales par quelque puissance etrangere que ce soit fut-elle la premiere puissance du monde.
Je dois dire que de la meme maniere nous avons suivi avec beaucoup d’interet l’attitude de la France quand il y a eu les accords americains qui permettent aux americains de sanctionner les compagnies etrangeres. nous avons beaucoup aime la position de la france de dire: « non, non vous ne pouvez legiferer pour nous ». je dois meme dire que j’ai beaucoup apprecie le geste de total vis-a-avis de l’Iran, bien que je n’aie pas beaucoup d’affinites avec le regime iranien et que les relations diplomatiques soient rompues entre mon pays et l’Iran.
Mais, j’ai beaucoup aime la position de la France et j’ai beaucoup aime encore que en tant qu’algerien et je vous disais il y a quarante seulement, nous avions la nationalite francaise, je connais un peu la psychologie francaise.
J’ai beaucoup aime la position du president Chirac dans les souks de Jerusalem. il faisait un investissement tout a fait rentable pour les interets de la France, je le voyais, j’etais dans des pays du golfe, il achetait des actions vraiment pour la France d’une facon extraordinaire et a tres bon marche. je dois dire que parmi mes amis du golfe qui etaient la, j’etais probablement le seul sceptique, pour ne pas dire le seul a ne pas etre dupe de la position, mais enfin, il y avait quelque panache a le faire.
Donc, il me semble tres tres honnetement, que le monde tel qu’il est, est gouverne par les Etats Unis et par la position tres remarquable et remarquee de la France. En ce qui concerne le Kosovo, personne ne me ferait croire qu’il n’y a pas quand meme un minimum pour ne pas dire un maximum d’accord avec Washington.
Il ne faut pas se leurrer, il y a une position de la France. j’ai eu beaucoup de peine a croire qu’elle est typiquement et essentiellement et exclusivement francaise. et cette situation elle l’est evidemment… si les pays aussi importants que la France – et je ne parlerai pas de la Grande Bretagne qui fait du suivisme remarquable- si des positions de pays comme la France comme la Russie, je ne me voulais pas trivial, je voulais seulement constater que la Grande Bretagne ne faisait que du suivisme. c’est tout.
Si meme la chine reste tres occupee par ses problemes interieurs et de reconstruction nationale -et quelque part elle n’a pas tort- nous sommes obliges de prendre acte que le monde est un grand village qui est dirige par un chef de village et un seul. les autres sont des appeles. alors vous me parlez des nations-unies et du conseil de securite. et le conseil de securite est gouverne par qui nous savons. c’est une lecture simpliste. mais, avant d’etre le chef de l’etat algerien je suis un citoyen du tiers monde qui ressent exactement ce que ressent l’homme de la rue et qui a des lectures tres simples. et je prefere lire simplement que de me compliquer la tete par des considerations que je souhaiterais correspondre a ce que j’aurais voulu qu’elles soient et qui font que tout de meme les choses ne sont que ce quelles sont.
M. Jean Francois Kahn (directeur general de l’hebdomadaire Marianne): si le processus de reconciliation dont vous parlez prend forme, qu’est ce que vous etes pret a dire et qu’est ce que vous diriez eventuellemnt et a quel moment aux groupes d’auto-defense? qu’est ce que vous pensez des premiers pas, de l’arrivee au pouvoir du gouvernement Barak en Israel. est ce que vous etes confiant pour la relance du processus de paix. est ce que l’Algerie pourrait jouer un role pour essayer d’ameliorer les rapports les plus difficiles. je pense par exemple a Israel et l’Irak ou a d’autres pays de ce genre.
M. A. Bouteflika: pour ce qui est de la premiere question, je voudrais vous dire que les groupes d’auto-defense sont sous la responsabilte pleine et entiere de l’armee nationale populaire et que des que la situation securitaire sera reglee ce probleme sera regle conformement a la loi. et n’ayez crainte. nous avons -du moins ceux qui ont initie le projet- ont eu a coeur d’etudier toutes ses consequences eventuelles. je ne sais pas si je suis assez clair, mais il est tout a fait clair que dans ce pays il n’y a que l’armee nationale populaire et qui n’a pas de milices populaires.
Quand les problemes de securite seront regles, il n’y aura pas de milices populaires. si je n’ai pas ete assez clair, je pourrais disserter. pour ce qui est du deuxieme point que vous aviez pose, a Crans Montana un ancien ministre de la justice qui etait travailliste d’obedience m’avait pose une question similaire. et je l’ai invite a demander a Israel d’evacuer le Golan. il m’a pose cette question le jour ou le sud du Liban etait bombarde. je lui avais demande aussi de quitter le sud du Liban. je lui avais dit aussi que c’etait tout a fait clair dans mon esprit que le moment etait venu de donner aux palestiniens la possibilite de creer leur etat. et j’ai employe le mot ghetto et bantoustan pour les palestiniens et j’ai ajoute et je le pense, et je vais le demontrer, et j’ai ajoute que si les israeliens etaient dans la meme situation que les palestiniens aujourd’hui, j’aurais ete a leur cote pour defendre leurs droits.
Je vais demontrer que je ne suis pas en train de faire des affirmations gratuites. en 1972, j’etais en visite officielle a Paris. madame Josette Alia pour le compte du nouvel observateur me posait la question suivante: « quel est votre position vis-a-vis du dialogue isrealo-arabe ? » j’ai dit si a l’instar des accords d’Evian, les palestiniens et les israeliens se mettaient autour d’une table pour discuter du devenir de leurs peuples, nous soutiendrions l’initiative. la presse syrienne de l’epoque est tombee sur moi de facon farouchement hostile en me disant que decidement, les trahisons venaient toujours du Maghreb apres Bourguiba a Ariha, voila Bouteflika qui aujourd’hui lui aussi capitule.
En 1974, quand je presidais la 29eme session des nations unies je crois avoir joue un role personnel important dans l’invitation du president Arafat aux nations-unies. je crois meme avoir bouscule un petit peu les moeurs et les reglements interieurs de l’organisation des nations-unies, en tout cas de l’assemblee generale en lui donnant un statut protocolaire de chef d’etat.
Pourquoi cela? j’avais deja la conviction qu’on ne pouvait plus jeter personne a la mer. j’avais deja la conviction que le probleme israelien ou israelo-palestinien ne pouvait etre regle que par un compromis. que le dindon de la farce du compromis ne pouvait etre que les palestiniens. c’est a eux qu’il fallait demander le plus de concesssions. pour pouvoir leur demander des concessions, il fallait necessairement leur restituer leur dignite, necessairement leur restituer leur honneur, necessairement les presenter comme etant des heros et qu’ils n’etaient pas des exclus de la communaute internationale. que la communaute internationale n’etait pas insensible a leurs problemes.
Le monde occidental avait juge arafat comme un terroriste. et moi parce que je presidais l’assemblee generale des nations-unies, par voie de consequence, dans une logique implacable, le chef des terroristes. les choses ont evolue depuis. je suis heureux de constater que Yasser Arafat est prix Nobel de la paix et plus ou moins qu’il ait un statut de chef d’etat. et je suis heureux qu’en tout cas les negociations entre insraeliens et palestiniens aient debouche sur plusieurs prix Nobel de la paix.
Mon interlocuteur israelien de Crans Montana a fait un peu une allusion au premier ministre israelien. lequel premier ministre israelien ne s’etait pas encore prononce, je n’ai pas encore l’impression qu’il s’est prononce en ce qui concerne la paix et qu’il voudrait faire. en tout cas, il n’ y a pas cinquante mille paix, il n’y a qu’une seule. Celle-la passe par la reconnaisance de l’etat palestinien, elle passe par l’evacuation du Golan. elle passe par l’evacuation du sud Liban. dans ce cas et dans ce cas seulement, nous pourrions parler de paix durable et nous pourrions parler d’insertion d’Israel dans la region. en dehors de cela, je vous assure que nous irions de palliatifs en palliatifs et le plus fort aujourd’hui, n’est pas necessairement, le plus fort de demain. je regrette qu’Israel ait perdu un homme de l’envergure de Rabin que je n’ai pas eu l’honneur de connaitre, mais tous ses interlocuteurs arabes m’ont dit que c’etait un negociateur difficile, tenace, coriace et quand il disait oui, c’etait definitivement oui. j’aime la rigueur jacobine chez les gens de parole. est-ce que Israel est aujourd’hui, porteuse a travers Barak d’un autre Rabin? c’est le temps qui nous le dira. Pour l’instant, je suis incapable de vous repondre.
Je ne sais pas, je crois que vous avez eu la bonte de m’ecouter tres longuement sur un certain nombre de problemes qui constituent a la fois et vos preoccupations et les miennes. je vous remercie d’avoir eu la bonte de m’ecouter et de me supporter. mais avant de vous inviter a changer de cadre et aller vers une plus grande convivialite, je souhaiterais, avec votre permission, donner la parole a M. Redha Malek qui voudrait expliciter sa position sur la concorde civile. je pense que ca pourrait vous interesser.
M. Redha Malek: merci M. le president de la republique. je ne voulais pas intervenir apres tout ce que vous avez annonce devant cette assemblee. je vous remercie d’abord de m’avoir fait l’honneur d’assister a cette rencontre, rencontre-debat avec d’eminents representants de la presse internationale ou je compte d’ailleurs pas mal de figures amicales qui sont ici et que je salue.
Je voulais dire M. le president de la republique que pour nous en tant que mouvement democratique qu’est l’Anr (alliance nationale republicaine) -il faut le dire- nous avons toujours ete soucieux de l’autorite de l’etat. l’autorite de l’etat non pas contre le peuple ou contre la democratie. mais l’autorite de l’etat en tant qu’etat. les pouvoirs peuvent changer. mais la perennite de l’etat est fondamentale. et nous avons toujours ete, meme a l’epoque contre Sant’Egidio – pour dire honnetement et franchement- pourquoi? Parce que nous y avons flaire une reconnaissance de belligerance. or pour nous l’etat algerien c’est l’etat algerien et il doit gerer cette affaire du terrorisme de la facon la plus claire, c’est-a-dire dans le cadre des lois de la republique et c’est pour cela, M. le president de la republique, que je peux vous dire que nous sommes tres heureux de cette loi concernant – ce que vous avez appele d’ailleurs – la concorde civile.
Nous sommes tres heureux parce que cette loi s’inscrit, sans ambiguite aucune, dans une perspective claire. dans une logique d’etat. c’est l’etat qui edicte les procedures et les conditions du reglement de cette affaire du terrorisme. ca, c’est tres important. j’ai etudie tres attentivement cette loi. je la trouve extremement utile, acceptable et nous souhaitons qu’elle puisse etre appliquee loyalement et rigoureusement.
Aujourd’hui, nous vivons un moment historique en algerie – sans le dire avec grande eloquence- je n’ai pas l’habitude de trop parler comme-ca, mais je dois dire que c’est un moment historique dans la mesure ou l’Algerie est en train d’emerger d’une crise qu’aucun pays, peut etre, n’a pu vivre comme le peuple algerien. le peuple algerien s’est montre absolument indomptable, resistant et c’est grace a ce peuple, grace aux forces de securite qui en sont l’emanation, que l’etat algerien s’affirme, est reste debout, et continue de s’affirmer.
C’est pour nous extremement important. ce que je voudrais vous dire c’est que cette emergence, pour qu’elle soit pleinement reussie, c’est qu’elle puisse s’identifier a une renaissance nationale dont M. le president de la republique ne cesse de clamer la necessite. et aussi dans le cadre de la rehabilitation de l’etat algerien, une rehabilitation fondamentale de l’etat algerien. et en s’attaquant a la priorite des priorites, comme vous l’avez dit M. le president de la republique, c’est-a-dire le probleme securitaire, parce sans securite, on ne peut rien faire. on ne peut ni relancer l’economie, ni relancer la culture, ni faire avancer le pays vers le progres. donc, ce que nous souhaitons, c’est que cette loi puisse etre appliquee. elle est claire. on donne six mois a ceux qui continuent encore a terroriser leurs concitoyens pour se presenter aux autorites. et la, il y aura certainement – c’est normal- des remises de peines par rapport aux delits et aux condamnations qu’ils devraient, normalement et regulierement encourir.
Donc, nous souhaitons que cette loi – et ca je le dis non seulement pour nos amis ici presents mais aussi je le dis avec une conviction profonde – c’est que nous partageons cette ligne qui est celle de la renaissance de la nation et de la rehabilitation de l’etat. a partir de la, tout est possible. et je pense que tous les patriotes algeriens, les democrates et les republicains doivent se retrouver dans cette ligne de la concorde civile que nous appuyons.
Merci. le president de la republique.
M. A. Bouteflika: merci beaucoup. merci M. Redha Malek. M. Redha Malek est president de l’Anr et par voie de consequence il avait le droit d’expliquer la position de son parti.
Je ne sais pas si vous avez encore des questions a poser?
Vous etes arrive en retard, M. Jean Marie de la Gorce. vous venez d’arriver n’est-ce pas?. nous n’avons pas eu le bonheur de vous avoir avec nous depuis toute a l’heure.
M. Jean Marie de la Gorce: c’est tout a fait involontaire et dependait des horaires de l’avion M. le president.
M. A. Bouteflika: militez, militez a paris avec nous pour que nous puissions avoir des horaires plus reguliers et plus d’avions.
M. Jean Marie de la Gorce: voila, ca serait le mieux. etant venu en retard, je n’ai pas ose poser de questions qui auraient pu l’etre avant moi. l’intervention de M. Redha Malek en tout cas nous fournit l’occasion puisque c’est un evenement politique. M. le president est-ce que vous envisagez apres la conference, la reconstruction de la majorite presidentielle qui soutenait le gouvernement precedent et le president precedent? est-ce que vous envisagez une autre constellation politique que celle que nous avons connu avant votre election?
M. A. Bouteflika: au fait je continue a penser que je suis un candidat libre. et il se trouve qu’il y a une coalition de quatre partis au sein du parlement qui me soutient, qui soutient ma demarche, qui soutient mon programme. ce n’est pas moi qui suis alle vers leurs programmes. ce sont eux qui sont venus a mon programme.
Tout a l’heure, M. Redha Malek parlait de la rehabilitation de l’etat. il m’est douloureux, il m’est penible de dire que la devaluation de la notion d’etat s’est faite durant les vingt dernieres annees de telle sorte qu’elle ne saurait etre comparable a la devaluation du dinar algerien.
et j’ajoute ceci, c’est qu’il est tout a fait clair dans mon esprit que si Marx et Lenine, s’ils venaient a nous voir aujourd’hui, ils nous paieraient des royalties pour avoir trouve la formule du deperissement de l’etat alors que eux ne l’avaient pas trouve. je dois dire que nous ne pourrions meme pas l’expliquer parce que vraiment nous sommes M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir.
La rehabilitation de l’etat est l’un des devoirs les plus imperieux et par voie de consequence il sera demande aux partis de la coalition de presenter au gouvernement des gens d’abord qui sachent mettre l’interet national au dessus des considerations partisanes, voir privees. parce que le passage de l’economie dirigee a l’economie de marche fait qu’un grand commis de l’etat ou un grand serviteur de l’etat peut s’installer dans la notion de vase communiquant ou il est grand responsable de l’etat et grand responsable je ne sais ou. et nous sommes dans une equation immorale ou l’argent mene au pouvoir et ou le pouvoir mene a l’argent.
Ca ne va pas etre facile. non pas parce qu’il n’y a pas de cadres algeriens. il y en a beaucoup. il y a une telle interpenetration des interets et une telle crise morale -je dois l’avouer- au niveau national que ca va etre vraiment quelque chose de tres difficile. mais la situation que l’Algerie vit implique qu’il y ait un gouvernement politique. ce qui ne signifie pas que nous allons nous couper des preoccupations et des imperatifs du monde. il y aura beaucoup d’experts, de gens qui ont un savoir-faire.
Mais je voudrais d’ores et deja dire qu’en Algerie on a confondu professeur d’universite avec ministre. on a beaucoup confondu durant ces vingt dernieres annees professeur d’universite avec ministre.
nous avons perdu beaucoup de professeurs d’universite et gagne de tres mauvais ministres. voila le resultat auquel nous sommes arrives.
Donc quelque part il faudrait trouver -et il y en a- des cadres qui aient suffisamment de formation theorique pour affronter les defis qui interpellent l’Algerie et suffisamment de savoir-faire parce que ayant exerce des responsabilites a un niveau ou a autre pour pouvoir faire face aux realites qui n’ont absolument rien a voir avec les connaissances livresques. donc pour repondre a votre question, la coalition des partis sera presente au gouvernement mais je dois dire tres honnetement aussi que je serai tres tres intransigeant en ce qui concerne le choix des hommes, c’est-a-dire qu’on ne me dit pas x ou rien du tout. la aussi je reviendrai au peuple s’il le fallait.
Pourquoi je dis cela? parce que la notion de clientelisme, de nepotisme, de favoritisme et de corruption sont devenues les regles et pas l’exception dans ce pays. et je ne suis pas en train de faire le proces de qui que ce soit. j’ai beaucoup de douleur a deshabiller en quelque sorte mon pays devant vous et a vous dire qu’il va tres mal. mais je le dis avec d’autant plus de force que j’ai la conviction profonde qu’il est en voie de retablissement et qu’il se retablira.
M. Jean Paul Marie de la Gorce, vous avez encore une question?
Bien, Mmes et Mm. il ne me reste plus qu’a vous remercier d’avoir repondu d’abord a notre invitation et d’avoir eu la bonte de nous ecouter, de stimuler notre reflexion par des questions qui sont toutes aussi pertinentes l’une que l’autre et qui nous ameneront a reflechir davantage aux problemes qui nous attendent ou allonger les preoccupations qui sont les notres actuellement.
je vous remercie beaucoup ».