Le Monde s’autocensure

Le Monde s’autocensure… en Algérie

(comme pendant la guerre de libération !)

K. Y., Libre Algérie, 56 , 23 octobre-5 novembre 2000

Distribué régulièrement depuis le mois d’août 2000, le quotidien français Le Monde a publié dans son édition de lundi, datée du mardi 10 octobre, un article consacré à la sortie du livre de Nesroulah Yous intitulé Qui a tué à Bentalha ?, accompagné de quelques extraits tirés du même livre. L’article en question n’a pas été signé.

Cette édition du Monde a bizarrement déserté les kiosques d’Alger. Les lecteurs assidus de ce journal ont conclu que c’est là le premier acte de censure contre Le Monde. Le distributeur du journal en Algérie New Media Press, qui est aussi en charge de la diffusion du Figaro, atteste que la non-livraison de l’édition du mardi est due à une grève de la NMPP (Nouvelles messageries de presse de Paris), l’organisme distributeur de la presse française. Ce qui est totalement faux. Aucun article ni dépêche de presse n’ont fait état d’une grève du distributeur parisien. De plus, si cet organisme était réellement en grève, pourquoi aurait-il, dans ce cas, envoyé Le Figaro et pas Le Monde (?) puisque Le Figaro était disponible ce jour-là à Alger ?

Le médiateur du Monde, chargé de répondre, entre autres, aux interrogations des lecteurs, est resté muet. Il n’a pas répondu à nos demandes d’éclaircissements à propos de la disparition en Algérie de l’édition du mardi 10 octobre.

En fait, c’est la direction du Monde qui a décidé de ne pas envoyer cette édition en Algérie. Soucieuse, sans doute, de préserver ses intérêts commerciaux en Algérie, elle ne voulait pas créer d’incidents avec les autorités algériennes. Il faut signaler que l’édition française de ce numéro a foncièrement déplu à plusieurs membres du pouvoir. Le standard de la direction du quotidien a été assailli d’appels de protestation. Le directeur, M. Colombani, a été le réceptacle de plusieurs protestations algériennes à caractère officiel. Les protestataires auraient aimé que le journal de l’establishment français fasse l’embargo sur ce livre dérangeant.

La non-distribution de ce numéro «spécial» en Algérie peut alors s’expliquer.

Une question reste, toutefois, posée : cet acte d’autocensure est-il une initiative de la seule direction du Monde ou bien la décision a-t-elle été prise en concertation avec les autorités algériennes ?

 

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