Des policiers algériens exécutent la « sale » besogne des refoulements d’Allemagne
algeria-watch e.V.
A l’adresse des:
Médias,
Organisations de soutien aux réfugiés,
Organisations de défense des droits humains
Berlin, 25 Mai 1999
Refoulements d’Algériens du territoire allemand
effectués par la police algérienne
A partir du 1 Juin 1999, les réfugiés algériens assignés au refoulement vers l’Algérie seront pris en charge sur les aéroports allemands par le personnel de sécurité algérien qui les accompagnera vers l’Algérie. C’est ce qui ressort d’un courrier du ministère de l’intérieur du Bund adressé aux ministres de l’intérieur et sénateurs des Länder du 31 Mars 1999 et du compte rendu de la « deuxième rencontre d’experts les 17 et 18 Février 1999 au sujet de l’application pratique du protocole relatif à l’identification et la reprise en charge » des ressortissants algériens sans autorisation de séjour.
Durant les rencontres d’experts (27/28 Avril 1998 et 17/18 Février 1999) ont été débattues les modalités d’application du protocole relatif à l’identification et la reprise en charge des réfugiés algériens se trouvant sur le territoire allemand sans autorisation de séjour, accord signé entre les gouvernements algérien et allemand le 14 Février 1997. En voici le résumé des points les plus importants:
- Les points relevés dans le protocole seront appliqués à partir du 1 Juin 1999.
- La direction de la protection des frontières assure l’opération de refoulement en s’occupant de la réservation de places chez « les compagnies aériennes respectives ou par l’intermédiaire d’une agence de voyage mandatée », en informant la DGSN (Direction Générale de la Sûreté Nationale) des refoulements prévus et en prenant en charge les frais de ces refoulements.
- La DGSN met à la disposition un « personnel de sécurité spécialisé » qui accueillera les ressortissants algériens à l’entrée de l’avion sur le sol allemand. Le nombre de réfugiés à transporter ne doit pas dépasser 30 personnes par vol et dans une première phase comportera 5 personnes, chacune d’entre elles étant accompagnée par deux agents de sécurité.
- Les documents servant à l’identification de la personne seront remis soit à un membre de la compagnie aérienne mandaté, soit au personnel de sécurité algérien. La DGSN est informée à Alger des refoulements par l’envoi direct d’une information.
- En Septembre 1999 est prévue une rencontre d’experts en présence de représentants des Länder avec pour objet d’une part « l’augmentation du nombre de personnes assignées au refoulement, d’autre part une reprise du débat au sujet des possibilités de mise en place de vols charters ».
Les accords relatifs à la mise en pratique des refoulements ont été précédés de dispositions établies dans le protocole de février 1997 concernant l’identification des personnes à refouler. Les formalités de vérification de la nationalité algérienne sont énormément facilitées par ces dispositions. Si la personne concernée ne dispose pas d’une pièce d’identité, les autorités allemandes déposent une demande au niveau du consulat algérien pour délivrance d’un laissez-passer. Celui-ci peut dorénavant être établi à partir d’une carte militaire, de la demande d’autorisation de séjour en Allemagne, de la demande de visa au niveau d’une représentation allemande à l’étranger, d’un permis de conduire algérien, d’un acte de naissance, de déclarations faites vis à vis d’une autorité administrative ou judiciaire allemande (nous nous demandons si les déclarations faites au moment de la demande d’asile sont transmises au consulat algérien pour faire attester la nationalité algérienne?) etc., une photocopie de l’un de ces documents étant tout aussi valable. Si la nationalité algérienne ne peut être certifiée par la présentation d’un de ces documents, une audition auprès d’un agent du consulat algérien est effectuée une fois la personne réfugiée arrêtée et en détention au fin de refoulement.
Cet accord signé sous le gouvernement de droite de la CDU/FDP est déjà appliqué pour ce qui est de l’identification des demandeurs d’asile. Par contre jusqu’à présent, les policiers algériens n’avaient pas encore pris en charge l’exécution du refoulement. Les modalités concernant cette partie du protocole ont été ratifiées sous le gouvernement de gauche de la SPD/les Verts.
Connaissant la pratique des autorités allemandes du refus systématique des demandes d’asile (à peine 1,7% des demandeurs d’asile algériens obtiennent une réponse positive) il est à craindre qu’un nombre important de personnes destinées à être refoulées soient des membres de l’opposition, des déserteurs de l’armée et de la police ou des jeunes hommes ayant fui le service militaire qui, une fois déportés vers l’Algérie, sont menacés d’être torturés ou tués. En outre les services de renseignements algériens procèdent à l’observation des réfugiés en Allemagne et les suspectent d’activité subversive lorsqu’ils vont régulièrement à la mosquée ou vivent à proximité d’un groupe actif de réfugiés.
Ce ne sont pas moins de 7000 réfugiés qui, par la signature de ce protocole, sont menacés de refoulements massifs. Depuis fort longtemps, les organisations de défense de droits humains et de soutien aux réfugiés relèvent le danger de persécution qu’encourent les réfugiés algériens expulsés. Ils recommandent un arrêt des refoulements vers l’Algérie. Il est connu qu’à leur arrivée en Algérie, un grand nombre de réfugiés sont torturés puis disparaissent ou sont emprisonnés arbitrairement.
Les algériens considérés par les autorités allemandes communément comme « rénitents » seront livrés directement aux policiers algériens, réputés pour leur courtoisie et correction. Ainsi les policiers allemands confient la sale besogne à leurs collègues algériens sur le territoire allemand. Les réfugiés conduits dans l’avion avant les autres passagers sont traités de manière à briser toute leur résistance contre le refoulement. A leur arrivée en Algérie, ils sont directement transférés au dépôt de police où ils passent à l’interrogatoire. Souvent, c’est la Sécurité Militaire qui se charge du reste.
De nombreuses organisations dénoncent depuis des années la responsabilité du régime algérien dans les violations massives de droits humains: Durant ces sept ans que perdure cette guerre plus de 100 000 personnes ont été tués et plus de 4 000 « disparus » ont été enregistrés. Dans les commissariats, la torture est systématique, des milliers de personnes sont exécutées sommairement, la justice et les médias sont mis au pas et jusqu’à ce jour aucune enquête sur les responsabilités des grands massacres de 1997/1998 n’a été engagée. D’ailleurs les élections présidentielles du 15 Avril 1999 ont montré une fois de plus que la junte militaire ne tolère pas de processus démocratique puisque malgré le retrait de six des sept candidats, elle a fait élire dans une mascarade son candidat favori – Abdelaziz Bouteflika. Après son élection, rien n’a changé en Algérie: les marches de protestation de l’opposition ont été interdites, les massacres continuent, environ 100 officiers dissidents ont été arrêtés etc..
Néanmoins le gouvernement allemand soutient le régime algérien: Tandis que les relations économiques s’intensifient (en décembre 1998 par exemple a eu lieu le 5ème forum économique germano-algérien qui a regroupé près d’une centaine de représentants allemands et une trentaine de délégués des plus grandes firmes algériennes) et que le ministère de l’intérieur allemand rédige des rapports bienveillants à l’égard du pouvoir algérien (voir l’analyse critique de ces rapports en allemand dans: algeria-watch, Infomappe 7, janvier 1999), le ministère de l’intérieur allemand décide de refouler les réfugiés algériens en grand nombre.
Tant que le soutien de la Communauté Européenne – notamment l’Allemagne – à la junte militaire algérienne est assuré, celle-ci n’engagera aucune réforme politique et économique susceptible d’entraver son hégémonie.
algeria-watch s’adresse au gouvernement allemand avec les recommandations suivantes:
- l’annulation du protocole signé entre les gouvernements allemand et algérien au sujet de l’identification et la reprise en charge des réfugiés algériens;
- arrêt des refoulements vers l’Algérie;
- la rédaction par le ministère de l’extérieur allemand de rapports réalistes et impartiaux;
- s’adresser au gouvernement algérien afin d’engager des enquêtes indépendantes au sujet des massacres de civils;
- utiliser des pressions économiques et politiques afin que le gouvernement algérien s’engage à respecter les droits humains;
- soutenir l’opposition algérienne dans ses efforts d’engager un véritable processus démocratique (voir le manifeste des Libertés pour la Démocratie rédigé par les six candidats le 14 Mai 1999).
Nous appelons à toutes les organisations, personnalités et institutions de soutenir la demande d’annulation de l’accord conclu entre les gouvernements allemand et algérien en signant l’appel ci-joint jusqu’au 27 Mai 1999. Prière d’en informer algeria-watch. L’appel signé sera adressé au ministre de l’intérieur et aux médias avant le 1 juin.
Pour toute lettre de protestation, s’adresser au ministère de l’intérieur allemand à l’adresse de M. Otto Schily.
Bundesministerium des Inneren
z.Hd. Otto Schily
Graurheindorfer Straße 198
53117 Bonn
Telefon (0228) 681-0
Telefax (0228) 681-4665
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