La procédure d’asile des Algériens atterris à l’aéroport de Francfort
La procédure d’asile des Algériens atterris à l’aéroport de Francfort
Histoire fictive relatant des faits réels
algeria-watch, décembre 1998
Ahmed est un personnage fictif, les événements qui se déroulent à l’aéroport de Francfort, par contre, sont réels.
Moi, Ahmed j’ai du fuir pour d’innombrables raisons. Il fallait que je quitte l’Algérie. La situation devenait dangereuse, non seulement pour moi-même, mais surtout pour mon entourage.
La fuite jusqu’ici a été périlleuse et parsemée de péripéties. Avec l’aide d’amis bien placés j’ai pu quitter le pays. En fait, la destination m’importait peu. L’essentiel était de partir. Je voulais enfin trouver du repos pour sortir de ce piège, enfin récapituler, revivre les événements des dernières semaines, des derniers mois, prendre du recul pour les comprendre, me libérer de cette angoisse obsédante.
Dans l’avion m’acheminant loin de cette mort perfide, je sens peu à peu mes épaules se décontracter, comme si la chape de plomb qui au fil des années me courbait l’échine se volatilisait. Je me sens devenir léger, léger. Quand ai-je pour la dernière fois laissé mes pensées divaguer sans appréhender les prochains instants. Pourtant je sais que je ne suis pas encore arrivé à bon port.
Je vois les lumières de l’aéroport de Francfort se rapprocher, et l’inquiétude me regagne. J’aimerai rester en l’air, ne jamais arriver, rester en l’air, dans ces quelques mètres carrés réconfortants.
Nous atterrissons. Et tout va très vite. Je suis arraché à ma torpeur apaisante et pénètre dans un couloir au bout duquel j’aperçois des policiers en uniforme. Je n’ai pas le temps de réfléchir, déjà ils demandent des papier d’identité que je n’ai pas et m’emmènent. Ce qui se passe ensuite me fait presque regretter ma fuite: complètement nu, je subis une fouille scrupuleuse du corps et des effets puis photos et empreintes des dix doigts. Plus la procédure dure plus j’ai le sentiment d’être traité en grand criminel. Mais le plus grave m’attend: l’interrogatoire. Des heures durant, un agent de la police des frontières me demande pourquoi et comment j’ai quitté mon pays. Mon regard fixe cet uniforme vert qui me rappelle celui de nos militaires et je ne sais quoi répondre. Que fait il de mes déclarations? Quelle est sa fonction? Ce n’est certainement pas la police qui décide de ma demande d’asile mais alors pourquoi toutes ces questions? Je suis éreinté. Les derniers jours ont été éprouvants, jamais plus de deux heures de sommeil, attente et changement de lieu d’attente, rencontre avec de nombreuses personnes, derniers préparatifs, mais occasion ratée de dire adieu à ma femme et mes deux filles. Où sont elles?
J’essaie de me concentrer sur les questions du policier. Un secrétaire note assidûment mes propos traduits je ne sais comment. En fait, je ne sais où commence mon histoire et à quel moment j’ai pensé fuir. Est ce moi qui ai pris la décision ou l’a-t-on prise pour moi? Ma tête bourdonne, les mots jaillissent et je m’écoute, m’étonnant du son de ma voix. Suis je cohérent? Je n’en sais rien.
Je n’ai pas eu le temps de passer ma vie en revue, pourtant j’avais décidé de le faire durant les moments d’attente. L’angoisse est paralysante. Je me demande ce que j’ai bien pu penser pendant tous ces jours. Tout à coup l’interrogatoire s’arrête. Je regarde sur la montre, trois heures ont passé. Le traducteur me lit le protocole. Chaque phrase nécessiterait un commentaire. A quoi bon. Les éléments les plus importants semblent être inclus et en fait je ne sais pas à quoi sert cette procédure. Je ne veux que m’allonger et enfin dormir, dormir sans rêves, sans cauchemars.
On m’emmène à l’étage du dessus où m’accueille le premier visage souriant. La personne se présente comme membre du service social. Il m’explique d’une voix qui se veut réconfortante que je me trouve dans un « transit », une espèce de zone ex-territoriale, un point de non-retour pour moi mais sans autorisation de rentrée. La deuxième étape que je dois franchir est celle de l’interview de l’office des étrangers qui a un service sur place. Cet entretien peut avoir lieu le lendemain ou dans les jours qui suivent et il est décisif pour ma demande d’asile. J’ai l’impression que c’est un interrogatoire qui m’attend et je sens déjà mon cour battre à grands coups. J’essaie de me calmer en me disant que je n’ai rien à cacher et que la persécution que j’ai vécue en Algérie est si évidente que je n’ai rien à craindre du côté des autorités allemandes.
L’assistant social met fin à mes craintes en me conduisant vers les chambres et la salle de séjour. Comment décrire ces endroits lugubres dans lesquels s’entassent des dizaines de personnes, femmes, hommes, enfants de toute nationalité? Les pièces sont repoussantes et l’air y est suffoquant. J’aperçois à une table un groupe de jeunes qui pourraient être des compatriotes. Mon accompagnateur confirme qu’en ce moment sur près de 90 personnes qui se trouvent dans le « transit », une vingtaine sont algériens. Je suis un peu désemparé, ne sachant pas trop si je dois me réjouir de rencontrer des compatriotes ou les craindre. Finalement après m’avoir montré mon lit, l’assistant social prend congé et je me joins à mes compagnons de fortune. Ces derniers m’accueillent d’un sourire fade et résigné, la lassitude et l’abattement se lit sur leurs traits tirés. Ils me racontent le calvaire qu’ils vivent dans ce transit appelé C182, le désespoir et la colère de certains dont la demande d’asile a été refusée depuis des jours, voir des semaines. En fait ils ne savent pas ce qui les attend. Les autorités allemandes n’autorisent pas leur entrée dans le pays et la majeure partie ne disposant pas de papiers d’identité, attendent les laissez-passer du consulat algérien pour être refoulés. Personne ne sait quand seront délivrés ces documents. Nombreux sont ceux qui sont restés ici 100 jours et il y a un réfugié qui a passé 394 jours à cet endroit qui ressemble à s’y méprendre à une grande prison. L’attente, l’ennui, les contrôles, les fenêtres bouchées, la ronde quotidienne d’une heure sur une pelouse proche d’une piste d’atterrissage, entourée de barbelés et de murs en béton.
Plus les jeunes me racontent leurs déboires plus je me sens perdu, à la merci de procédures que je ne saisis pas. Ils me racontent que leur demande d’asile a été rejetée pour manque de crédibilité pour ne pas dire qu’en fait ils sont traités de menteurs. Ils en sont choqués et révoltés. Un moment le ton monte, la colère gronde, mais l’apathie reprend le dessus et ils décident de me donner des conseils. Que peuvent ils me recommander? Chacun a sa propre histoire.
Lorsque je parle à un compatriote, il ne faut pas beaucoup de mots pour exprimer le calvaire qui nous entoure, la souffrance, la terreur. Mais un étranger à notre situation? Quoi lui dire? Des milliers de mots, des bribes de phrases jaillissent dans ma tête, je tente de les former en phrases compréhensibles que je dirai au fonctionnaire au moment de l’interview. Je n’entendais plus les propos de mes compatriotes, j’étais prisonnier de mes propres mots, je me levai pour aller me coucher.
J’ai certainement dormi cette première nuit. Je ne m’en souviens pas, mais après mon réveil je ne me sentais pas reposé. Nous dormons à 6 dans une toute petite chambre. Au petit matin des cris m’ont réveillés. Il n’y a pas suffisamment de douches et il faut faire la queue. Mais nous avons tout notre temps… J’apprends qu’il fut une période où dans les dix petites pièces s’amassaient près de 200 personnes. Je ne peux m’imaginer que tous ces gens avec leurs habitudes et leurs tourments puissent tolérer cet enfermement. En ce moment il y a près de dix enfants qui doivent tant bien que mal s’occuper et supporter ces adultes proches de la folie.
J’apprends que le jour même a lieu mon interview. Je suis très nerveux, je ne me sens pas préparé, et l’atmosphère environnante ne me permet pas de me concentrer. Je sais quoi dire, ou non? Mes compatriotes m’entourent et me donnent des conseils. Ils ont passé cette épreuve et parlent en connaissance de cause. Je les entends mais je ne me souviens d’aucune des phrases qu’ils m’ont dites. Je n’ai que des visages devant moi, des expressions. On m’appelle.
Je suis assis à un bureau, en face de moi le représentant de l’office fédéral pour la reconnaissance des réfugiés étrangers. Un véritable fonctionnaire, correct, poli, inexpressif. Il me demande mon identité et si je me porte bien. Je ne peux lui dire que je ne me sens pas bien du tout, que j’ai la nausée, qu’en moi un vide de plus en plus encombrant prend possession de tous mes organes. Je ne sens plus les membres de mon corps. Je réponds à ses questions d’une façon mécanique. Il devrait observer que mon visage s’est vidé de sang, il devrait entendre que mes oreilles bourdonnent et que mon cour secoue la poitrine. Il me lit les recommandations, me demande si j’ai compris le but d’une telle interview. Je réponds par l’affirmative et il poursuit son questionnement en demandant s’il peut inclure le protocole fait par la police la veille. Si je lui dis dans quel état j’étais hier, il croira que je mens, que je veux raconter autre chose.
Mais je ne veux pas dire autre chose. Il veut savoir comment je suis arrivé à Francfort. N’ai-je pas répondu à cette question hier? tout est noté et j’ai confirmé après la traduction qu’il s’agissait bien de mes propos. Il veut savoir qui m’a aidé, si j’ai payé, combien de temps a pris la route, je jette un coup d’oeil sur sa montre, déjà une demie heure de passée. Il veut de plus en plus de détails concernant ma fuite; mais quand va-t-il enfin arriver à l’essentiel. Il me demande quelle formation j’ai faite et quel métier j’ai exercé. Il écoute la traduction de ma réponse et feuillette le protocole de la police. Il relève une contradiction entre mes propos de la veille et ceux d’aujourd’hui. Je suis sidéré. Quelle importance d’avoir travaillé six ou sept ans pour telle entreprise? Il s’acharne sur ce point. Me fait revoir tout mon cursus, insiste sur la date d’embauche dont je me souviens pas. Il ne me laisse pas le temps de réfléchir. Son teint couleur de marbre a viré au rouge. Il a l’air fâché bien que son ton reste correct. Je ne sais quels mots il emploie. Je ne le comprends pas. Je fixe le traducteur qui au début de l’interview m’avait adressé quelques mots réconfortants, comme pour implorer sa compassion mais celui-ci évite mon regard. J’ai l’impression de me trouver dans un mauvais film.
Soudain, changement de sujet et enfin la question est posé: pourquoi ai-je quitté l’Algérie. Je l’attendais cette question, elle me torturait l’esprit et maintenant qu’il l’a posée, je ne sais quoi lui dire. Il y en avait des raisons pour fuir. Les énumérer, expliquer et décortiquer prendrait des heures, voire des journées. Néanmoins il faut bien que je lui fasse comprendre la situation, les circonstances et le danger qui me guettait. Je commence donc à raconter. Je lui parle des derniers événements parce que remonter plus loin dans le passé durerait une éternité. Je lui relate la peur, les harcèlements, les menaces, les disparitions autour de moi, les amis tués, emprisonnés; l’étau qui se resserre de plus en plus jusqu’à ce que des membres de ma famille soient touchés à cause de moi.
Il m’interrompt et me demande dans quelle région d’Algérie je vis. Je continue et il m’interrompt une deuxième fois pour savoir si j’étais membre d’un parti politique. Je réponds par la négative. Il me demande quand pour la première fois un ami a disparu, à quelle date j’ai décidé d’abandonner mon travail, pourquoi je n’ai pas fui à ce moment là et pour quelles raisons je n’avais pas changé de lieu de résidence. Je suis abasourdi. Comment me souvenir de la date de la première disparition lorsqu’autour de moi ce sont des dizaines d’amis, de collègues, de voisins qui disparaissent. Comment lui expliquer qu’on s’adapte à une telle menace sournoise, qu’on y résiste, par habitude, par crédulité et peut être par confiance en la vie. Mais plus le temps passe, plus les bouffées d’air s’amoindrissent, et chaque jour de survie correspond à un miracle. Ce sont d’autres qui poussent au départ.
Il me rétorque que la veille j’avais indiqué une autre date de disparition de l’ami. Que vais-je lui répondre? C’est un détail. Je n’ai pas fini de relater les faits. La torture, les massacres, l’attentat. Cela ne semble pas l’intéresser. Il me demande quelle est la distance entre mon domicile et mon lieu de travail. Je ne comprends pas la question mais lui réponds. Il me demande quel événement a déclenché mon départ de l’Algérie. Je lui dit que finalement ma famille m’y avait poussé. Il veut savoir si je suis marié et si j’ai des enfants. Sa dernière question concerne mon retour en Algérie et ce qui m’y attendrait. De nouveau je suis pris de court. Comment peut il me poser une telle question? Finalement il termine sa séance en me demandant si j’ai exposé ce qui est décisif pour ma demande d’asile. Dans ma tête tout tourne, je ne sais plus ce que j’ai dit et ce que je pourrai ajouter. Soulagé que la séance s’achève, je m’entends dire: « oui, j’ai tout dit ». A peine prononcés, je regrette ces quatre mots qui se graveront dans mon cerveau comme pressentiment de ma condamnation.
Mes compatriotes m’attendent et m’interrogent comme si je venais de passer un examen de classe. C’est donc cela l’interview ou l’interrogatoire qui scelle le destin d’une personne en danger de mort?
La réponse de l’office ne se fait pas attendre. Le lendemain je reçois un refus. Et pas n’importe lequel car il faut savoir qu’il existe le refus simple et le refus catégorique. Le premier vous autorise à entrer dans le territoire allemand et à poursuivre votre procédure d’asile, le second équivaut à un billet de retour, gratuit. Quoi faire? Il y a bien la possibilité de faire un recours et de voir un avocat sur place mais les compatriotes me disent que dans aucun des cas, il y a eu révision de la décision de l’office par le tribunal administratif.
Le fonctionnaire de l’office constate des contradictions entre mes déclarations faites devant la police et celles devant l’office et insiste sur le fait que je donne des dates différentes pour un même événement. Il prétend que je suis apolitique ayant moi-même indiqué que je n’étais membre dans aucun parti politique. Lorsque je me souviens des questions superficielles et arbitraires, je commence à comprendre le but recherché. Il conclue que la menace de mort qui pesait sur moi ne se distinguerait en rien de celle que subit la majorité des autres algériens, qu’il n’y avait pas de persécution particulière justifiant ma fuite et qu’en fait je l’avais avoué moi-même puisque j’avais dit que ma famille m’avait poussé à quitter le pays. Quelles raisons pouvaient me pousser à quitter le pays sinon économiques, étant sans emploi.
Je suis sidéré et choqué du profond mépris dont je fais l’objet. Je ne suis qu’un problème bureaucratique… Mes compatriotes tentent bien de me remonter le moral, somme toute ils sont passés par là et ont survécu, mais je suis désespéré et me retire.
La situation dans C182 se détériore jour après jour. Quotidiennement nous apprenons que le recours de l’un d’entre nous a échoué. Le refoulement vers le pays d’origine est imminent dès que le laissez-passer arrive. La dimension de ces quelques pages remises par le tribunal est telle que certains perdent la raison et explosent, se mutilent, font des tentatives de suicide. Trois de nos compatriotes sont dans la clinique psychiatrique. Depuis fin septembre il y a eu quatre tentatives d’évasion dont trois d’Algériens. Quelques uns ont réussi, d’autres ont été arrêtés soit dans l’enceinte même de l’aéroport, soit près d’une proche autoroute. Ils ne craignent rien de plus que le refoulement, les uns ayant déserté l’armée, les autres étant des rescapés de massacres, d’autres sont des sympathisants de Partis d’opposition. Tous sont en danger pour en avoir trop vu et suspects pour ce qu’ils ont pu raconter à l’extérieur.
Je sais pertinemment bien que le tribunal ne me sera pas favorable et c’est donc sans trop d’espoir que je vais voir un avocat. Une jeune femme dynamique et engagée tente de m’égayer, et surtout est elle la première qui me prend au sérieux et me pose des questions que le fonctionnaire ne m’a pas posées. Je m’étonne d’une telle procédure de l’office puisque le refus semble systématique. Elle me montre un article de journal paru fin septembre dans lequel un fonctionnaire de l’office voulant rester anonyme se plaint du fait que le but essentiel de leur administration serait de refuser le plus grand nombre possible de demandes d’asile: Celle-ci exigerait des décisions rapides sans prendre en considération la qualité. Les supérieurs vérifieraient les décisions positives et il est même arrivé dans le cas d’une réponse positive du fonctionnaire qu’ils imposent une deuxième interview. Dans les réunions de travail ce n’est que la jurisprudence désavantageuse pour les réfugiés qui serait traitée et il est évident que les fonctionnaires ne peuvent approfondir leurs connaissances au sujet d’un pays lorsqu’ils ont à la charge plus d’une vingtaine d’interview par semaine, par dessus avec des personnes d’origine très différentes. En fait personne dans l’administration ne souhaite un travail sérieux. L’essentiel serait d’adopter une position restrictive basée sur la présupposition que chaque réfugié est un menteur.
A quoi bon entreprendre quelque chose? pourquoi lutter? Je n’ai quand même pas résisté toutes ces années pour me faire extradé directement dans les bras de mes tortionnaires et bourreaux? L’avocate me parle gentiment, me demande de lui relater tout ce que j’ai vécu, de prendre tout mon temps parce qu’il nous reste quelques jours pour formuler le recours et d’avoir confiance, même si les chances sont minimes de réussir. Je parle, parle et je ne sens pas les mots jaillir. Des souvenirs que j’avais enfouis au plus profond de moi parce qu’ils faisaient trop mal resurgissent: l’assassinat de mon frère, la prison, la torture, le sang, le désespoir. L’avocate me laisse parler comme si elle savait que je me soulageais, elle prend quelques notes mais ne m’interrompt pas. Lorsque je me tais, ne sachant par quel bout reprendre le fil de l’histoire, elle lance une petite question anodine. Entre temps la nuit est tombée, je ne sais combien d’heures nous sommes attablés dans cette petite pièce aux murs gris et tristes. Enfin, elle intervient et propose de continuer le lendemain. Elle veut trouver des documents et des preuves confirmant ce que je dis. Nous nous quittons et pour un court moment, j’oublie où je me trouve.
Cela fait près d’une semaine que je suis dans C182. Il y a trois jours, un jeune homme a essayé de se suicider en avalant une grande quantité de tranquillisants. Aujourd’hui de nouveaux algériens sont arrivés. Nous sommes de plus en plus nombreux parce qu’aucun de nous n’obtient une décision favorable. Nous avons formulé le recours et l’avocate a même pu se procurer des preuves écrites certifiant mes dires. Dans le transit, la révolte gronde, certains parlent de faire une grève de la faim. Il y en a qui attendent depuis trois mois, mais en fait, qu’attendent ils? Il y a quelques jours deux membres de la police, omniprésente, nous ont provoqué. Ils ont rempli les toilettes de gaz lacrymogène alors qu’une personne s’y trouvait et ont ri. Nous avons vivement protesté et la direction a promis de sanctionner les deux agents.
Hier, la direction nous ont fait le coup de nous présenter au consul algérien, ici, dans C182. Il s’agit de l’identification des réfugiés pour délivrer les laissez-passers aux autorités allemandes. Il nous pose des questions au sujet de notre demande d’asile et nous intimide. L’entretien achevé, il nous menace avec les mots suivants: « nous nous reverrons en Algérie le plus tôt possible ». Une fois de plus, nous avons formulé une lettre de protestation parce que des personnes ont été présentées au consul, qui n’avaient pas encore reçu de refus de leur demande d’asile.
Les jours passent et je ne sais toujours pas ce qui m’attend. Je me bats contre mes souvenirs, mon angoisse, mes cauchemars. Entre temps, le refus a été confirmé par le tribunal, l’avocate tente son possible avec un recours constitutionnel mais plus aucune démarche juridique ne peut faire éviter un refoulement, une fois le laissez-passer délivré.
Je me joins aux autres et parle de grève de la faim.