Le procès de l’attentat Saint-Michel à l’heure des plaidoieries

Le procès de l’attentat Saint-Michel à l’heure des plaidoieries

Libération, 28 octobre 2002

PARIS (Reuters) – L’avocat des victimes des attentats islamistes de 1995 a tenté dans sa plaidoirie de balayer les doutes sur l’implication directe de Boualem Bensaïd dans l’attentat de la station RER Saint-Michel, qui a fait huit morts le 25 juillet 1995.

« Je dis, je soutiens, nous plaidons que Boualem Bensaïd était l’un des poseurs de bombe de Saint-Michel. Il n’était peut-être pas tout seul mais il était venu pour cela », a dit à la cour d’assises spéciale Me Georges Holleaux, qui représente 212 parties civiles.

Il a réclamé les peines « les plus sévères » contre Bensaïd et son co-accusé, Smaïn Aït Ali Belkacem, jugé pour un autre attentat, celui de la station RER Musée d’Orsay le 17 octobre 1995 (26 blessés).

Les deux hommes, âgés de 34 ans, encourent la réclusion à perpétuité assortie éventuellement d’une peine de sûreté pouvant aller jusqu’à 22 ans.

Me Holleaux, qui plaidait deux jours avant le verdict de la cour d’assises, prévu mercredi, a tenté de renverser l’effet produit par deux témoignages à décharge de Boualem Bensaïd, délivrés au cours de ce procès qui s’est ouvert le 1er octobre.

Nasserdine Slimani, ex-militant islamiste, est en effet revenu sur les déclarations où il affirmait que Boualem Bensaïd s’était vanté auprès de lui d’avoir commis l’attentat.
D’autre part, un gendarme, Frédéric Pannetrat, a déclaré avoir vu trois hommes à l’allure suspecte déposer un colis dans la rame de RER mais il n’a pas reconnu l’accusé.

« Bensaïd, c’est le combattant, l’homme d’action, l’homme de terrain », a dit Me Holleaux qui a rappelé que l’accusé était l’auteur des repérages de l’attentat consignés de sa main dans un carnet et qu’il avait été envoyé par le Groupe islamique armé algérien (GIA) en France pour mener de telles attaques.

LE DOUTE SUR LE SCENARIO DE SAINT-MICHEL
« Comment voulez-vous qu’il ait l’ascendant sur le groupe s’il ne monte pas au feu lui-même ? », a demandé Me Holleaux.

Il a par ailleurs estimé que des considérations techniques sur l’engin explosif amenaient à penser que les hommes remarqués par le gendarme Pannetrat n’étaient pas les poseurs de bombe.

Outre Ali Touchent, organisateur présumé des attentats mort en 1997, plusieurs membres du groupe qu’il dirigeait étaient présents à Paris le jour de l’attentat, comme les Lyonnais Khaled Kelkal et Abdelkader Maameri et un membre de la cellule de Lille, Ali Benfatoum.

« C’est parce que tout le monde devait être là pour participer à l’acte fondateur avec celui qui est venu pour ça », a estimé Me Holleaux.

L’éventuelle condamnation de Boualem Bensaïd dans ce dossier est le principal enjeu du délibéré des sept magistrats de la cour d’assises spéciale.

En effet, Boualem Bensaïd, qui purge une peine de trente ans de réclusion pour une tentative d’attentat contre le TGV Lyon-Paris en août 1995, semble de toute façon promis à une nouvelle condamnation pour l’attentat du métro Maison-Blanche le 6 octobre 1995 (18 blessés), ses empreintes digitales ayant été retrouvées sur les débris de l’engin explosif.

Son co-accusé Smaïn Aït Ali Belkacem paraît aussi confondu pour l’attentat du RER à la station Musée d’Orsay. L’expertise de son coupon de « carte orange » d’abonnement RATP a montré qu’il avait quitté le RER à la station Javel quelques minutes avant que la bombe n’explose dans la rame.

L’avocat général Gino Necchi, qui doit présenter son réquisitoire mardi, a annoncé qu’il demanderait à la cour de se prononcer dans son délibéré sur une éventuelle requalification de l’accusation contre Boualem Bensaïd en « complicité » d’attentat dans le dossier de Saint-Michel.

Les avocats de Boualem Bensaïd, Mes Guillaume Barbe et Benoît Dietsch, entendent plaider mercredi un acquittement au bénéfice du doute dans cette affaire du RER Saint-Michel.

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PROCES DES AUTEURS PRESUMES DES ATTENTATS DE PARIS EN 95

Le verdict attendu demain

Le Quotidien d’Oran, 29 octobre 2002

Demain, est attendu le verdict dans le procès de Boualem Bensaïd et Smaïn Aït Ali Belkacem, deux Algériens accusés d’être les auteurs des attentats du métro parisien en 1995 : actes terroristes qui avaient coûté la vie à 8 personnes et 200 autres blessés. Ouvert, le mardi 1er octobre dernier, à la Cour d’assises de Paris, ce procès prend fin sans toutefois dissiper toutes les zones d’ombre concernant notamment l’attentat le plus meurtrier, celui de la station de Saint-Michel commis le 25 juillet de la même année.

Dès son coup d’envoi, le procès de ces deux Algériens – reconnaissant leur appartenance aux GIA – a connu un premier incident, lorsque le président de la Cour a refusé la constitution de la Fédération internationale des associations des victimes du terrorisme, basée à Alger, en tant que partie civile. Quant aux accusés, ils ont tout bonnement nié leur responsabilité dans les forfaits qui leur sont reprochés. « Il y a trop de contradictions dans toutes vos lectures », lancera Boualem Bensaïd.

Soulignons que les pièces de ce procès sont consignées dans 78 tomes.
« J’ai la preuve que je n’étais pas à Paris », avance pour sa part son coaccusé Smaïn Aït Ali Belkacem.

Au quatorzième jour du procès, Nassredine Slimani, détenu à Lyon pour des affaires de terrorisme, reviendra sur des accusations accablant Boualem Bensaïd. Devant la Cour, il affirmera : « devant la police, je n’ai fait que signer. Je n’ai jamais fait de déclaration ». Le revirement de ce témoin sera suivi par la rétractation de l’armurier, Philippe Froment, qui avouera être incapable d’identifier Boualem Bensaïd comme étant l’acquéreur de la poudre ayant servi à la confection des bombes.

Un jour auparavant, le gendarme, Frédéric Pannetrat, se contentera de dire, devant la Cour, qu’il avait aperçu trois personnes, aux allures suspectes, sortir de la rame du métro, quelques instants avant l’explosion de la bombe mais qui n’ont aucune ressemblance avec les accusés dans ce procès.

Au fait, comme preuve, on avance un ticket de métro retrouvé dans la poche d’un des accusés et l’empreinte digitale d’un des deux accusés relevée sur les restes des explosives.

Les débats sur l’attentat de Saint-Michel ont duré plus de la moitié du temps consacré à ce procès. Les deux autres attentats (métro Maison-Blanche, le 6 octobre 1995 et métro musée d’Orsay le 17 octobre) qui n’avaient causé que des blessés n’ont pas suscité énormément de discussions.

Tout en niant les faits, les deux accusés ont essayé de justifier ces attentats : l’un d’eux en revenant sur l’interruption du processus électoral en Algérie en 1991 et l’autre en évoquant les atrocités commises à l’endroit des immigrés, lors de la manifestation du 17 octobre 1961.
Il est à signaler que l’avocat général, Gino Necchi, a annoncé, vendredi dernier, qu’il compte réclamer à la Cour la requalification de l’accusation pesant contre Boualem Bensaïd en « complicité » d’attentat.

Demain, sera le tour de la défense des deux accusés de présenter sa plaidoirie. Après, les sept magistrats professionnels composant la Cour prononceront leur verdict.

Ziad Salah

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Boualem Bensaïd est « l’homme du passage à l’action violente » de 1995, affirme l’avocat des parties civiles

Le Monde, 29 octobre 2002

Me Georges Holleaux a tenté de dissiper les doutes qui planent encore, malgré l’enquête et le procès, sur la participation de l’accusé à l’attentat de Saint-Michel.
Le glissement est encore implicite, mais il a sous-tendu, lundi 28 octobre, toute la plaidoirie de Me Georges Holleaux, avocat des 212 parties civiles dans le procès des deux responsables présumés des attentats de 1995. Boualem Bensaïd, a affirmé l’avocat, est « un des poseurs de bombe de Saint-Michel ». « Un des » et non plus « le » : la nuance est considérable, qui le ferait passer d’auteur principal – qualification retenue pour son renvoi devant la cour d’assises – à complice de cet attentat. En annonçant, vendredi 25 octobre, que la question de la complicité de Boualem Bensaïd dans l’attentat de Saint-Michel serait ajoutée à celles sur lesquelles la cour aurait à se prononcer, le président, Jean-Pierre Getti, avait ouvert la voie. Il a surtout grandement facilité la tâche de Me Holleaux, après quatre semaines d’audience durant lesquelles l’accusation a souvent été malmenée.

Car c’est bien sur l’attentat de Saint-Michel que se cristallise tout l’enjeu de ce procès. Il est le plus meurtrier – 8 morts et 200 blessés -, mais il est aussi celui sur lequel l’enquête a révélé quelques ennuyeuses béances, scrupuleusement exploitées par la défense. Pour les deux autres attentats, en revanche, le doute n’est plus guère permis : les empreintes digitales de Boualem Bensaïd ont été retrouvées sur l’engin explosif déposé dans une poubelle près de la station de métro Maison-Blanche, et lui-même a maintes fois revendiqué cet acte, perpétré le jour des obsèques de Khaled Kelkal, tué lors de son interpellation par la police près d’un lieu-dit du même nom, dans la banlieue lyonnaise ; quant à la responsabilité de Smaïn Aït Ali Belkacem dans l’attentat perpétré contre le RER C à Musée-d’Orsay, elle est engagée par l’expertise de la bande magnétique du coupon de sa carte orange, qui prouve qu’il a voyagé sur cette ligne et quitté la rame deux minutes avant son explosion.

Toute l’habileté de la plaidoirie de Me Holleaux a été de s’appuyer sur ces deux blocs de certitude pour dissiper les ombres de Saint-Michel. De convoquer aussi les autres attentats déjà jugés, comme la tentative manquée contre le TGV Paris-Lyon, fin août 1995, qui vaut déjà à Boualem Bensaïd une condamnation à trente ans d’emprisonnement.

FAUX PASSEPORT
Tordant la chronologie pour les besoins de sa démonstration, l’avocat a peu à peu reconstruit toute la campagne des attentats de 1995, depuis l’arrivée de Boualem Bensaïd en France, fin juin début juillet, à son arrestation, le 1er novembre. « M. Bensaïd, c’est l’homme du passage à l’action violente », a affirmé Me Holleaux en rapprochant deux dates, celle du 21 juin, où, après un long périple et de minutieux préparatifs, l’accusé se voit enfin remettre à Istanbul le faux passeport qui va lui permettre d’entrer sur le territoire français, et celle du 22 juin, quand l’organe des Groupes islamiques armés (GIA), Al Ansar, annonce des actes meurtriers en France.

L’avocat des parties civiles s’efforce aussi de balayer la thèse entretenue par la défense selon laquelle le vrai responsable des GIA en France était le mystérieux Ali Touchent, alias « Tarek », et non pas Boualem Bensaïd : « Il y a bien un binôme. La séparation des tâches est simple : pour la comptabilité, c’est Tarek. Mais les repérages, les chronométrages, les grilles de codage des numéros de téléphone sont tous de la main de Boualem Bensaïd. » C’est encore lui, plaide Me Holleaux, qui va initier Smaïn Aït Ali Belkacem à la fabrication des engins explosifs et l’inciter à commettre l’attentat de Musée-d’Orsay, dont il a réalisé les repérages.

« L’attentat de Saint-Michel, c’est le pacte fondateur, a poursuivi Me Holleaux. Ce jour-là, ils viennent tous : les Lyonnais (autour de Khaled Kelkal, dont l’enquête policière a montré que son téléphone portable avait été utilisé à Paris le 24 juillet), les Lillois (emmenés par Smaïn Aït Ali Belkacem). Ils sont là pour voir l’homme d’action, Boualem Bensaïd. Il doit s’imposer aux autres, il ne peut qu’aller au feu lui-même. » Cette démonstration a le mérite de l’efficacité : Boualem Bensaïd « ne peut pas ne pas avoir participé » à l’attentat de Saint-Michel. Mais, à deux jours du verdict, elle signe aussi un aveu : sept ans d’enquête et quatre semaines de procès n’ont pas apporté la preuve qu’il y a participé.

Pascale Robert-Diard

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Attentats de 1995 : perpétuité requise

Le Monde, 29 octobre 2002

La réclusion criminelle à perpétuité a été requise, mardi 29 novembre, devant la cour d’assises spéciale de Paris, à l’encontre des deux Algériens Boualem Bensaïd et Smain Aït Ali Belkacem pour leurs responsabilités présumées dans trois attentats qui ont eu lieu à Paris en 1995.

L’avocat général, M. Gino Necchi, a réclamé une peine de sûreté de 22 ans pour les deux hommes, au cours d’un réquisitoire de trois heures sur leur responsabilité dans ces attentats attribués au Groupe islamique armé (GIA) algérien. « La lutte contre le terrorisme est la volonté des institutions de la République », a affirmé le représentant du parquet, sans avoir réellement apporté la preuve de la culpabilité de Bensaïd dans l’attentat de la station de métro Saint-Michel, à Paris, le 25 juillet 1995.

Les avocats des parties civiles se sont succédé lundi à la barre de la cour d’assises de Paris pour des plaidoiries largement axées sur la culpabilité, évidente selon eux, de Boualem Bensaïd et Smain Aït Ali Belkacem dans les attentats. Le rôle de M. Bensaïd à Saint-Michel apparaît difficile à prouver, et certaines parties civiles ont entamé le travail de l’avocat général Gino Necchi en s’en remettant à « la vérité du verdict ».

Bensaïd est jugé depuis le 1er octobre comme auteur principal présumé des attentats de Saint-Michel (8 morts et 150 blessés, le 25 juillet) et de Maison-Blanche (18 blessés, le 6 octobre), et comme complice de celui de la station Musée-d’Orsay (30 blessés, le 17 octobre). Belkacem répond de son côté de la seule mise en place de l’engin explosif à Musée-d’Orsay. Le verdict est attendu mercredi dans la soirée, après les plaidoiries de la défense.
Avec AFP