Pourquoi Washington se rapproche d’Alger

Pourquoi Washington se rapproche d’Alger

Simon Malley, Le Nouvel Afrique Asie, septembre 2001

Après l’Italie, la France, le Canada, la Chine, l’Inde, l’Allemagne et la Russie, le président Bouteflika a été reçu à la Maison Blanche à Washington, dans une atmosphère chargée de l’espoir d’une fin prochaine de la tragédie sanglante que vit l’Algérie depuis dix ans. En affirmant que ses entretiens politiques, économiques et militaires avec le président Bush avaient été très positifs et prometteurs, Bouteflika a voulu signifier qu’il ne partait pas de Washington les mains vides, comme cela avait été le cas lors de sa visite à Paris.M En une heure d’entretiens denses, le courant est très bien passé entre le Texan George Walter Bush et le Tlemcénien Abdelaziz Bouteflika. Les deux hommes, qui ne se connaissaient pas, ont multiplié les poignées de main chaleureuses et les larges sourires devant des photographes et des cameramen ravis, mais quelque peu surpris aussi par l’atmosphère détendue, presque amicale qui régnait à cette occasion dans la résidence officielle des présidents américains. L’accueil a été interprété immédiatement par la presse américaine – et algérienne – comme un “franc soutien” apporté par le président des Etats-Unis au chef de l’Etat algérien, en butte depuis plusieurs semaines à un harcèlement incessant de la part de ses opposants contre sa politique de concorde civile et de réconciliation nationale visant à réintégrer les anciens membres des groupes armés islamiques dans la vie nationale.

Pour Washington, cette direction est la bonne. Depuis les débuts de la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, les Etats-Unis ont suivi d’un bon œil sa volonté affirmée de ramener la paix dans son pays. Ils n’ont pas cessé de le dire à travers des gestes et des messages discrets. Sur la table de travail du bureau ovale de la Maison Blanche, où le président Bush a reçu son hôte algérien, deux documents ultraconfidentiels, synthèse de plusieurs dizaines de rapports, attendaient les chefs d’Etat. Le premier, de trois pages, contenait un exposé de l’histoire récente des relations entre les deux pays. Le second, de deux pages, détaillait les positions des Etats-Unis à l’égard de diverses questions internationales d’intérêt commun et les limites des compromis éventuels. Les deux documents avaient été préparés par le Conseil national de sécurité, sous la supervision de sa présidente, Condoleeza Rice.

Le vice-président Dick Cheney, vieux routier de l’Algérie, en sa qualité d’ancien dirigeant de la compagnie pétrolière Halliburton (toujours en relations d’affaires avec la compagnie nationale algérienne d’hydrocarbures Sonatrach), le secrétaire d’Etat Colin Powell – qui aura plus tard un très long entretien en tête à tête avec le chef de l’Etat algérien à Blair House – la résidence des hôtes de marque –, et bien évidemment le patron de la CIA, George Tenet, avaient participé à la réunion. Les connaisseurs ont aussi décelé dans l’élaboration de ces rapports la patte du patron du Pentagone, John Ashcrof, du ministre de l’Energie, Abraham Spencer, et celle du ministre des Négociations commerciales internationales, Robert Zoellick.

L’Algérie est en effet candidate à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle s’impatiente et voudrait que les Etats-Unis lui donnent un coup de main. Avant son départ pour Washington, le président Bouteflika avait donné de fermes instructions pour que le dossier de la candidature algérienne à l’OMC, désormais confié à un de ses plus proches collaborateurs de l’équipe économique, Hamid Temmar, soit traité en priorité. Une réunion extraordinaire du gouvernement lui a été consacrée dans la foulée et Hamid Temmar, qui était d’ailleurs du voyage aux Etats-Unis aux côtés de Chakib Khelil, ministre de l’Energie et des Mines, et du ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a pu en discuter avec ses interlocuteurs américains.

Les deux rapports soumis à George W. Bush par ses conseillers insistaient d’abord sur la place nouvelle qu’occupent désormais les Etats-Unis dans les hydrocarbures algériens en tant que clients – le troisième après l’Italie et la France – et en tant qu’investisseurs, sans doute parmi les tout premiers de la liste ces dernières années. Anadarko, dont le président, Robert Allison Jr, était l’un des invités officiels, avait ouvert la voie dans laquelle se sont rapidement engouffrés plusieurs de ses pairs. Robert Allison Jr, qui agissait en franc-tireur, avait eu la main heureuse : il est aujourd’hui à la tête d’un vaste domaine d’exploration pétrolière au Sahara. Il est intarissable sur les richesses potentielles que recèle le vaste domaine minier algérien encore inexploré. Les hydrocarbures ont d’ailleurs donné un coup de fouet aux relations commerciales algéro-américaines. Les deux pays affichent un volume d’échanges annuels avoisinant les 4 milliards de dollars, dont près de 3 milliards de dollars d’importations américaines, essentiellement des hydrocarbures (pétrole et gaz), et un peu moins de 1 milliard de dollars d’exportations.

Le déficit commercial algérien, important dans le contexte bilatéral, mais insignifiant à l’échelle des échanges globaux des Etats-Unis, n’a nullement découragé les entreprises américaines de venir s’installer en Algérie. Les ambassadeurs américains, depuis Cameron Hume à l’actuelle titulaire du poste, Janet Anderson, n’ont cessé de les encourager dans ce sens. Coca-Cola, IBM, Honeywell, General Electric, Lucent Technology, etc., suivent avec intérêt l’évolution actuelle de l’Algérie vers l’économie de marché. Pragmatiques, elles en attendent une plus grande ouverture du marché algérien et se disent prêtes à des partenariats plus étendus pour peu que l’horizon soit dégagé, que l’hypothèque de la violence politique soit levée et que les réformes en cours deviennent plus “lisibles”. Dans le domaine pétrolier, les compagnies américaines suivent avec attention l’évolution de la Sonatrach vers les mêmes modèles de management que les grands groupes pétroliers internationaux. Les pétroliers algériens parlent le même langage que leurs homologues dans le monde. Cela empêche les malentendus ou les ambiguïtés et facilite les discussions.

L’initiative d’Eizenstat, du nom de l’ancien sous-secrétaire d’Etat au Commerce, s’inscrit dans cette perspective d’élargissement des partenariats commerciaux et industriels entre les entreprises américaines et leurs homologues maghrébines. Elle propose la création d’une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et les trois principaux pays du Maghreb : Maroc, Algérie et Tunisie, à l’instar de celle existant entre Washington, le Mexique et le Canada (l’Alena) et de celles qui se mettent en place en Asie et en Amérique du Sud. Dans cette région de la Méditerranée – qui n’est pas une zone traditionnelle d’activisme commercial américain –, l’initiative d’Ezeinstat a été surtout interprétée comme un contre-feu américain à la création en cours d’une zone de libre-échange entre les pays du sud de la Méditerranée et l’Union européenne. Un tel ensemble, pense-t-on à Washington, aboutirait à limiter, voire peu ou prou à fermer, ces marchés devant les entreprises américaines.

L’exercice américain au Maghreb a pourtant ses limites : en excluant la Libye et la Mauritanie – toutes deux membres de l’Union du Maghreb arabe (UMA) –, la diplomatie américaine risque de se heurter à un refus renouvelé de la part des trois autres pays membres. S’il est vrai que l’UMA n’est pas dans une excellente forme – loin de là –, elle continue néanmoins à bouger. Elle est très utile, notamment lorsqu’il s’agit de renouer discrètement des contacts bilatéraux distendus. Algériens, Marocains et Libyens l’ont souvent utilisée à cette fin. Elle peut être boudée ou gelée, mais aucun de ses membres ne prendra la responsabilité de siffler la fin de partie.

Deuxième volet exposé au président américain par ses sherpas : la situation intérieure algérienne. Pour les conseillers de George W. Bush, l’“instabilité” algérienne est toute relative. Elle n’a rien d’alarmant. Malgré les coups de boutoir répétés des groupes armés depuis dix ans, l’Etat tient debout. La société aussi. Les émeutes de Kabylie ont été traitées en quelques mots. Vues de Washington, elles ressemblent à une poussée de fièvre sans grande conséquence pour les équilibres politiques du régime. En outre, sur la base des conclusions des enquêtes des ambassades américaines sur le terrain, les experts de la Maison Blanche sont persuadés que ces événements ont été sciemment dramatisés par les médias et les officines français et exacerbés par les affrontements entre clans politiques antagonistes, qui cherchent à “occuper le terrain politique kabyle” à l’approche de nouvelles échéances politiques. Certains y voient même une “excroissance” des crises des banlieues françaises, où vivent des milliers de jeunes “beurs” en conflit perpétuel avec les forces de l’ordre, dont les images parviennent par paraboles de l’autre côté de la Méditerranée. Ou les inévitables retombées des manifestations antimondialisation – dont Gênes, après Seattle, a été récemment le théâtre. L’hypothèse est d’autant plus sérieuse, selon eux, que, selon les autorités algériennes, les mêmes sensibilités politiques trotskistes et affiliées – sont à l’œuvre ici et là.

Last but not least, les experts américains s’interrogent sur les véritables commanditaires de ces manifestations à répétition qui, comme l’a laissé entendre le président Bouteflika, se recruteraient essentiellement dans les rangs de la “mafia des conteneurs”, les magnats de l’“import-import” – Français et Algériens – ayant un pied sur chaque rive de la Méditerranée. S’agit-il notamment de retarder des réformes qui aboutiraient à les évincer du marché algérien ? Au total, l’affaire leur paraît être plus une “machination politique” téléguidée de Paris et ses relais sur place qu’un mouvement de contestation populaire sérieux, doté d’un encadrement solide et identifié, aux revendications claires. Ils conseillent aux diplomates américains en charge du suivi de ne pas s’en laisser conter et de s’en écarter pour l’instant en attendant d’y voir plus clair. Dans l’ensemble d’ailleurs, les décideurs américains – contrairement à leurs homologues français toujours prompts à donner des leçons à leurs partenaires proches ou lointains et à proposer des solutions – évitent tout ce qui pourrait apparaître comme une intrusion dans les affaires intérieures algériennes, que ce soit au nom du prétendu “droit d’ingérence” ou pour la “défense des droits de l’homme”. D’une part, ils sont persuadés que la situation algérienne est bien plus complexe qu’il n’y paraît et que les Algériens ont les moyens de résoudre eux-mêmes leurs propres problèmes, à travers des commissions d’enquête nationales indépendantes, comme celle sur la Kabylie, dont le chef de l’Etat a confié la présidence à Mohammed Issad, ou des commissions parlementaires. Ils redoutent d’autre part les réactions algériennes toujours vives lorsqu’il s’agit d’atteinte à la souveraineté nationale. Aux déclarations publiques – parfois embarrassantes – ils préfèrent les voies discrètes de la diplomatie.

Avant l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika à Washington, les responsables américains avaient d’ailleurs été chapitrés sur les événements de Kabylie par l’ambassadeur d’Algérie aux Etats-Unis, Driss El-Jazairy, qui a préparé un document didactique de quelques pages à l’usage des décideurs et des leaders d’opinion américains. Thème central : les enjeux cachés d’une “manipulation”, dont les premières victimes sont les jeunes manifestants kabyles utilisés comme des pions dans une lutte qui les dépasse. Conclusion de l’ambassadeur : “Les Américains qui n’ont pas les mêmes motivations [que les Français, portés par un sentiment de culpabilité encore vivace à l’égard de l’Algérie depuis la guerre d’indépendance, revenue à la surface à l’occasion des récentes dénonciations de la torture], sont à même de faire une évaluation plus sereine de la situation.” Le message a été reçu cinq sur cinq. La poignée de manifestants qui s’égosillaient en face de la Maison Blanche ont été ignorés.

Les conseillers américains usent de la même prudence lorsqu’il s’agit d’analyser les informations de sources diverses – souvent invérifiables – sur d’éventuels conflits entre la présidence et l’armée. L’idée d’un président “otage des militaires”, très en vogue en France, ne leur a jamais effleuré l’esprit. Ils préfèrent s’en tenir à leur propre constat : depuis deux ans l’Algérie a un “chef”, le président Abdelaziz Bouteflika, dont l’élection a été confortée par un “oui” massif au référendum sur sa politique de réconciliation nationale. Seul maître d’œuvre de la politique nationale dans tous les domaines, il exerce ses attributions constitutionnelles dans toute leur plénitude. L’armée, qui se veut républicaine, n’échappe pas à son autorité. Il en est le commandant suprême en tant que président de la République, et le responsable au quotidien en tant que ministre de la Défense, fonction qu’il cumule avec celle de chef de l’Etat.

Pour les Américains – qui refusent de se laisser entraîner sur les chemins glissants des supputations sur une question aussi sensible aux Algériens –, toute autre approche serait malvenue. Elle porterait atteinte à des équilibres politiques forcément fragiles dans un pays qui sort peu à peu d’une guerre fratricide qui aurait pu l’emporter vers l’abîme. Cette prudence est d’autant plus compréhensible que, pour les Etats-Unis, l’Algérie est un partenaire stratégique de premier plan au Maghreb. Ses crises retentissent sur l’ensemble de l’Afrique du Nord. D’où les efforts faits par Washington pour éteindre l’incendie allumé par l’incurie des régimes successifs depuis 1992 et l’accueil très favorable accordé à la politique de réconciliation nationale mise en œuvre depuis 1999 par Abdelaziz Bouteflika.

Aux yeux de Washington, il importe en effet de mettre fin au plus vite à l’insécurité et à la violence politique intérieure afin que, dans la paix civile retrouvée, les Algériens se tournent vers le redressement économique de leur pays et que l’Algérie retrouve sa place de locomotive de l’Afrique et du bassin méditerranéen. Comme il faut mettre fin au conflit du Sahara occidental – source de tensions dans toute la région maghrébine. En proposant un accord-cadre de large autonomie pour les Sahraouis, sans abandonner le projet de référendum sur le statut final du territoire dans les cinq ans, l’envoyé spécial des Nations unies, l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker, tente de sortir de l’impasse des interminables discussions sur qui est Sahraoui pour voter au référendum et qui ne l’est pas. Rejetée par le Polisario, la proposition de James Baker a été acceptée par le Maroc. Elle n’entrera pas en vigueur sans l’accord préalable des deux. Tout le monde attend la suite. Et l’on sait qu’il faut de la patience pour faire bouger quelque chose dans cette affaire qui dure maintenant depuis plus d’un quart de siècle.

L’élément inédit de cette visite d’Etat algérienne est que pour la première fois depuis son indépendance l’Algérie se tourne vers les Etats-Unis pour équiper ses forces armées. On s’y attendait un peu depuis la chute du mur de Berlin et la fin du monde bipolaire issu de la Seconde Guerre mondiale. La guerre froide n’est plus qu’un mauvais souvenir. Alors que l’armée algérienne continuera sans doute encore longtemps à s’approvisionner en Russie – son matériel était à cent pour cent d’origine soviétique jusqu’à ces dernières années –, on s’attendait qu’elle se tourne plutôt vers la France pour diversifier ses équipements militaires. Paris, qui travaille sur le dossier depuis des années, était en tout cas convaincu que les Algériens étaient sur le point de passer commande à ses industries d’armement. Chasseurs, bombardiers, chars, hélicoptères de différents types, vedettes, la panoplie proposée est large. Depuis la visite d’Abdelaziz Bouteflika à Washington, les certitudes de Paris se sont transformées en craintes de se voir finalement coiffer sur le poteau par les industriels américains. Cette percée militaire américaine sur un marché situé à quelques encablures de Toulon ne peut laisser Paris indifférent.

Autre volet de la rivalité franco-américaine en Afrique et au Maghreb, la relance de la coopération financière et commerciale algéro-américaine, qui s’est traduite par la signature d’un accord-cadre prévoyant de doubler le volume des échanges entre les deux pays, à 8 milliards de dollars, dans les prochaines années. Là aussi, la France, qui a bien plus profité que les Etats-Unis des retombées commerciales de la flambée des prix du brut depuis deux ans, ne peut rester longtemps indifférente à l’offensive américaine. Le chef de l’Etat algérien, à la satisfaction de ses interlocuteurs, a encore enfoncé un peu plus le clou en répétant à Washington que son pays ne concéderait aucun “privilège” particulier à qui que ce soit. Un langage très apprécié dans la capitale fédérale où l’on ne se fait pas prier pour pourfendre les prés carrés français en Afrique et au Maghreb. Les Américains sont d’ailleurs prêts à mettre sur la table quelque 4 milliards de dollars pour soutenir le projet Eizenstat au Maghreb, entrant directement en concurrence avec la zone de libre-échange euro-méditerranéenne. Avec en toile de fond un meilleur accès aux réserves de gaz naturel algérien, les plus importantes du monde.

Pour les Américains en effet, la sécurité énergétique de l’Europe dépend en partie de la stabilité de l’Algérie – cinquième producteur mondial de gaz – et Alger, en raison de la place stratégique qu’elle occupe dans le bassin méditerranéen, pourrait rejoindre la Turquie, l’Egypte et le Maroc comme “Etat pivot” sur les cartes de l’état-major américain et devenir un point d’appui indispensable à d’éventuels déploiements militaires dans la région. Les choses sont ainsi en train de bouger plus rapidement qu’on ne le croit. D’où la satisfaction affichée par le président Bouteflika à la fin de ses entretiens politiques qualifiés de “très positifs” et de “très prometteurs”. Un jugement – comme l’ont relevé les observateurs de la Maison Blanche – qui contraste avec la phrase terrible qui avait conclu sa visite officielle quelques mois plus tôt à Paris : “Je pars les mains vides.” Devant les chefs d’entreprise américains qui l’ont reçu à dîner au Saint-Regis Hôtel à Washington, le chef de l’Etat algérien ne s’est pas privé de rappeler les atouts que présente une Algérie en voie de redressement. Il a réaffirmé sa volonté de “poursuivre le processus de réformes économiques et politiques pour assurer le passage du pays à une économie de marché dynamique et créatrice d’emplois et de richesses et établir définitivement un Etat de droit”. “Quoi qu’il m’en coûte, je dis bien quoi qu’il m’en coûte, a-t-il poursuivi, je ferai la paix et rétablirai la sécurité en Algérie. Il me revient de faire passer le pays d’une économie dirigée à une économie de marché, mais aussi d’un régime de parti unique à une démocratie véritable et à un Etat de droit. La chose n’est pas aisée, parce que l’Etat de droit, la démocratie, le pluralisme, l’alternance, le respect des libertés et des droits de l’homme, c’est toute une culture que nous ne possédons pas.” Cette profession de foi est faite avec pour témoins des dirigeants de Coca-Cola, d’Anadarko ou de BP, tous intéressés par les évolutions économiques en cours. Le marathon diplomatique engagé depuis deux ans par le président Bouteflika n’en est pas terminé pour autant. Il garde son bâton de pèlerin à portée de main. Il n’hésitera pas à sauter dans le premier avion pour confirmer que l’Algérie est bien de retour sur la scène internationale.

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Coopération militaire

La coopération militaire entre Alger et Washington a commencé au milieu des années quatre-vingt par l’acquisition d’une quinzaine d’avions de transport Hercules par l’armée algérienne. D’autres achats ont sans doute été faits au début des années quatre-vingt-dix, tandis que les premiers contingents d’officiers formés dans les académies militaires américaines étaient de retour dans leur pays. Les échanges se sont accélérés à partir de 1998, après la visite à Alger – une première dans les annales militaires algéro-américaines – du vice-amiral Joseph Lopez, commandant adjoint de l’Otan pour le Sud de l’Europe. Elle a été suivie par la visite du chef de l’état-major algérien, le général Mohammed Lamari, au quartier général de l’Otan à Stuttgart en Allemagne, puis à Washington. Entre-temps, plusieurs exercices combinés ont eu lieu entre les deux armées en Méditerranée sur deux thèmes essentiels : sécurité en Méditerranée et/ou des opérations humanitaires pour se porter au secours de ressortissants civils en danger à l’occasion d’un conflit dans la région. Selon le président Bouteflika, les équipements militaires que son pays envisage d’acquérir “sont des équipements spécifiques, pour nous permettre simplement d’assurer la paix, la stabilité et la sécurité de l’Algérie”. Tout un chacun a compris qu’Alger a déjà franchi le pas et qu’elle est résolue à trouver auprès des Américains l’armement qu’il faut à son armée en voie de professionnalisation rapide.