arrestation arbitraire d’un défenseur des droits de l’Homme

 

Communiqué

M. Smaïn Mohamed, responsable de la section de la Ligue algérienne de
Défense des Doits de l’Homme (LADDH), pour la région Ouest a été arrêté le
vendredi 23 février 2001 à son retour de Paris, où il s’était rendu pour une
réunion de travail à l’invitation de notre association. Après une garde à
vue au commissariat central d’Oran qui a duré jusqu’à ce dimanche 25
février, il a été présenté au juge d’instruction du tribunal de Relizane et
libéré après que ses documents (passeport, carte d’identité, permis de
conduire) lui aient été retirés. Le Procureur a fait appel de cette mesure
de libération provisoire. Nous ne connaissons pas pour l’instant les charges
retenues contre M. Smaïn.

Lors de son départ pour Paris, le mardi 20 février, M. Smain avait été
interpellé durant une heure et demie à l’aéroport d’Oran. Des documents en
sa possession ( lettres de familles de disparus, coupures de presse) avait
été photocopiés par la police et ce en violation des lois algériennes.
Relâché quelques minutes avant le départ, M. Smain avait pu finalement
prendre le vol pour Paris.

Les semaines précédant son voyage en France, le responsable de la LADDH
avait publiquement dénoncé le déplacement de charniers dans la région de
Relizane. Craignant la disparition des preuves attestant des violations
graves de droits de l’Homme, commises des années durant par des milices
privées, de nombreuses familles de disparus de la région l’avaient en effet
informé que les services de gendarmerie et d’anciens membres de ces milices
privées procédaient à l’exhumation d’ossements dans plusieurs sites. M.
Smaïn avait publiquement relayé ces craintes et demandé à la justice
algérienne de procéder aux enquêtes nécessaires.

Cette nouvelle arrestation fait suite à toute une série d’interpellations,
de filatures, de pressions, de tentatives d’intimidation, de poursuites
devant la justice, de confiscation de caméra et de documents d’un défenseur
acharné de la vérité.

Le Collectif des Familles de Disparu(e)s en Algérie exprime sa vive
inquiétude devant les atteintes répétées aux Droits et à la liberté de M.
Smain.

Il dénonce fermement cette arrestation arbitraire et demande aux autorités
concernées de mettre fin à toutes les poursuites engagées contre lui et de
faire cesser à son encontre touts formes de menaces, pressions,
intimidations et de se conformer à la déclaration relative à la protection
des défenseurs de l’Homme.

Paris le 25 février 2001

P/ le Collectif
Nassera Dutour

 

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

COMMUNIQUE DE PRESSE

Genève, Paris, le 24 février 2001

ALGERIE :
arrestation arbitraire d’un défenseur des droits de l’Homme

L’Observatoire a été informé que M. Mohamed Smain, responsable de la section de Relizane de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) a été arrêté par la police des frontières, vendredi 23 février 2001 dans la soirée, à son arrivée à l’aéroport d’Oran. M. Smain revenait d’un voyage à Paris, à l’occasion duquel il a rencontré divers responsables d’organisations internationales de défense des droits de l’Homme, parmi lesquelles la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), dont la LADDH est membre. Pendant son séjour en France, M. Smain a appris qu’un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui.

M. Smain a été conduit au poste de commissariat de Es Senia, à Oran où il a été interrogé, puis conduit à la sûreté. Il devrait être transféré cet après midi à Relizane.

Cette arrestation vient s’ajouter à toute une série d’actes de harcèlement dont est l’objet M. Smain depuis plusieurs mois. Ses activités à Oran et Relizane en faveur des familles de disparus et son action pour que la vérité soit faite sur les violations perpétrées en Algérie sont reconnues au niveau international et national et lui valent d’être la cible des autorités. Il a, en outre, aidé les ONG internationales lors de leur mission d’enquête en Algérie en mai et juin 2000.

Après avoir accordé une interview à la presse sur la découverte et l’exhumation de charniers par les services de gendarmerie et la milice de Fergane, le 3 février, des poursuites ont été ouvertes contre lui par la gendarmerie pour diffamation. Le 8 février, M. Smain a été interpellé et a été interrogé par le Commandant du groupement assisté du chef de brigade de la Recherche.

Lors de son départ pour la France, le 20 février, M. Mohamed Smain, a été interpellé à l’aéroport d’Oran. Les services de sécurité et les responsables de la douane lui ont pris son passeport et des documents et les ont photocopiés.

M. Smain a été gardé à vue pendant 1 heure 30 dans les locaux de la douane. Il a finalement été relâché 10 minutes avant son vol et ses documents lui ont été restitués. A aucun moment, il ne lui a été notifié qu’il était l’objet d’un mandat d’arrêt.

En mai 2000, il avait déjà été interrogé toute une journée par la gendarmerie alors qu’il revenait d’une mission au cours de laquelle il avait pris des photos d’un charnier découvert quelques jours auparavant au lieu dit Oued-el Djemaa. Son matériel de photo (camescope et film) lui a été confisqué. Dans le cadre de ce dossier, le chef des milices a porté plainte contre M. Smain.

L’Observatoire dénonce fermement cette arrestation arbitraire, qui constitue une nouvelle mesure d’intimidation à l’égard de M. Smain, et vise à restreindre son action de protection des droits de l’Homme dans la Wilaya de Relizane. Compte tenu des circonstances, il est à craindre que M. Smain, interrogé pendant sa détention sur l’ensemble des affaires citées ci-dessus, soit écroué pour atteinte à la sûreté de l’Etat.

L’Observatoire saisit immédiatement la Représentante spéciale des Nations Unies chargée de la protection des défenseurs des droits de l’Homme et le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.

L’Observatoire demande aux autorités algériennes de :

– procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Smain, détenu arbitrairement au seul motif de son activité en faveur du respect et de la promotion des droits de l’Homme

– mettre un terme à toute forme de violence et de représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et de leurs proches.

– se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 « sur le droit et la responsabilité des individus groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales universellement reconnus  » et plus particulièrement à son article Ier qui dispose que  » chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales  » .

– se conformer plus généralement aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme.

Contacts :
FIDH : Tel 33 (0) 1 43 55 25 18, Fax : 33 (0) 1 43 55 18 80, E.mail : [email protected]
OMCT : Tel + 41 22 809 49 39, Fax + 41 22 809 49 29, E.mail : [email protected]

 

 

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