Etat durgence: La précarité perdure
Etat durgence
La précarité perdure
Slimane Hafsi, L’Actualité, 10 décembre 2002
La notion des droits de lHomme sest forgée surtout dans la lutte quont menée et que continuent de mener les individus de par le monde contre les oppressions des Etats et des oligarchies au pouvoir.
Intimement liés à la défense de lintégrité physique et morale de la personne humaine et ce, en toutes circonstances, les droits de lHomme sont donc toujours défendus par la société civile entité autonome par rapport à la sphère militaire et à la sphère politique contre les Etats. Elle vient ainsi « casser » le caractère sacré dont on a voulu enrober la notion de « peuple » au nom de qui sont souvent décrétées les pires des ignominies.
En Algérie, on a commencé à incriminer la situation des droits de lHomme dès lors que les autorités ont été amenées dans le cadre de la lutte antiterroriste à développer un effort sécuritaire sans précédent. Accusées par les ONG internationales des droits humains davoir commis nombre dactes illégaux comme les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, les massacres collectifs de population civile tout au long des dix années de conflit, les autorités nont eu de cesse de se défendre contre ces accusations en mettant en place une structure officielle chargée de promouvoir les droits de lhomme. Cest lépoque de Rezak Bara avec lONDH. Pour autant cest sous son règne que se produiront les « dépassements », fameux euphémisme qui signifie violation de la dignité humaine. Autorisées par létat durgence, des cours spéciales pour juger les terroristes furent instituées, mais leur action a été dénoncée par les défenseurs des droits de lHomme qui avaient considéré que de telles juridictions étaient inféodées au régime policier. Pour les autorités et pour certains partis politiques, il nétait pas judicieux de mettre sur un pied dégalité la violence légitime de lEtat et la violence terroriste.
Ainsi, le système qui se mettait en place navait pas empêché que se commettent de véritables hécatombes de prisonniers comme cela sest produit dans les pénitenciers de Serkadji et de Berrouaghia où des centaines de détenus ont trouvé la mort dans des circonstances non encore élucidées. Cest aussi à la suite des massacres de Bentalha et de Relizane sous Liamine Zeroual quune commission dinformation de la Troïka européenne présidée par Souares a séjourné en Algérie. Lavènement de Abdelaziz Bouteflika a paru, un moment, avec la campagne de charme déployée en direction de lopinion internationale, convaincre du changement de régime jusquà ce que néclate en 2000 le Printemps noir en Kabylie. Cest alors que la violence étatique fera une nouvelle fois parler delle lorsque des dizaines de jeunes tombent sous les balles assassines des gendarmes.
Demblée, seffrite limage dun pouvoir ouvert à la démocratisation que sest efforcé de renvoyer vers lextérieur le nouveau chef de lEtat. Malgré les conclusions de la commission denquête dirigée par le Pr Issad sur ces événements sanglants, le jugement des commanditaires comme exigé par le mouvement citoyen na pas eu lieu. La crise est loin aujourdhui dêtre résorbée et cest un autre représentant de lEtat, à travers la personne de Ksentini, président dune commission officielle des droits de lHomme, qui appelle au dialogue entre les délégués des Aârchs et la présidence de la République. Le Pouvoir qui sest rendu coupable dune violence sans lien avec le terrorisme semble cependant avoir bénéficié des retombées du 11 septembre.
Depuis lattentat anti-américain, les soupçons qui pesaient sur Alger, se sont peu à peu estompés pour laisser place à une bienveillante coopération entre les deux pays. LAmérique de Bush, au nom de la guerre contre El Qaïda semble cette fois-ci adopter une nouvelle conception des droits de lHomme en faisant peu de cas de ses propres lois ainsi que des conventions internationales.